dimanche 25 avril 2021

Coiffeur pour dames (Agatha Raisin enquête #8) - M.C.Beaton.

Agatha Raisin and the wizard of Evesham
, St Martin's Press, 1999 - Éditions Albin Michel (trad. de M.Boraso), 2017.

    Pour toutes ses clientes, Mr John est un magicien  : un coiffeur aux doigts d'or qu'elles adorent  ! Mais, peu après avoir confirmé ses talents auprès d'Agatha Raisin qui voit poindre ses premiers cheveux blancs, Mr John meurt dans son salon, victime d'un empoisonnement, sous les yeux de la détective. Voici Agatha embringuée dans une drôle d'enquête. Qui en effet pouvait en vouloir à Mr John, adulé par ses nombreuses clientes qui lui confiaient leurs plus troubles secrets  ?

    Avec plus de 300 000 exemplaires vendus, Agatha Raisin, l'héritière très spirituelle de Miss Marple version rock, a imposé sa personnalité loufoque et irrésistible. Vous reprendrez bien un peu de Worcestershire sauce dans votre thé ?

***

    Avez-vous déjà remarqué à quel point notre coiffeur se substitue parfois à un psychiatre? Sous l'habileté de ses coups de ciseaux ou la chaleur du sèche-cheveux, on se trouve bien malgré nous à lui confier nos secrets les plus intimes, sans même s'inquiéter de ce qu'il pourrait en faire. C'est exactement ce constat - pourtant on ne peut plus banal - qui a suggéré à M.C.Beaton l'écriture de ce tome d'Agatha Raisin enquête !
 

    Le point de départ? Agatha voit ses premiers cheveux blancs arriver - ô catastrophe! Mrs Bloxby, l'épouse du vicaire et amie bienveillante de la pseudo-détective quinquagénaire, lui recommande les services de Mr John, coiffeur hyper talentueux tenant salon dans la petite ville historique d'Evesham. Alors qu'Agatha découvre son coup de ciseau magique, elle constate à quel point les autres clientes se confient à lui, sans craindre que leurs secrets, malheurs et autres anecdotes honteuses ne soient seulement entendues par leurs voisines de casque chauffant. Et pour cause, Mr John cultive le don de les mettre à l'aise tout en les rendant belle. Beau, jeune, encourageant et attentionné? C'en est trop pour Agatha qui, après avoir surpris une dispute houleuse dans la cour du salon, se demande s'il ne s'y passerait pas des choses un peu louche. Lorsque son jeune coiffeur l'invite à sortir, elle y voit l'occasion d'allier l'utile à l'agréable : passer une soirée en galante compagnie et... éventuellement vérifier si Mr John ne serait pas un odieux maitre chanteur. Sa théorie : le coiffeur ferait du chantage à ses clientes sous peine de dévoiler leurs plus intimes secrets. Mais l'enquête d'Agatha ne va pas très loin : Mr John meurt brutalement entre deux coupes de cheveux, au milieu de son salon! A moins, au contraire, que cette mort ne soit pas naturelle et qu'elle soit la vengeance d'une de ses victimes...

 
"— Et cette histoire d'amour, ou en est-elle?
— Tombée à l'eau, je ne comprends pas ce qui a cloché.
— Vous l'avez présentée à la famille et tout ça? demanda Agatha avec un feint détachement.
— Oui, mais ça a cassé quand même.
    Pauvre Bill. Les parents Wong auraient fait fuir n'importe quelle fille."
 
    Ce tome présente l'amusante idée de faire commencer l'enquête avant le meurtre : si Agatha n'est pas toujours fine psychologue, sa carrière dans les relations publiques lui a forgé une perspicacité qui peut, à l'occasion, se manifester. Plus que de la perspicacité cependant, c'est l'instinct que son coiffeur cache quelque chose de louche qui l'incite à se lancer dans des investigations déraisonnables, en donnant évidemment de sa personne. Aussi ne refuse-t-elle pas les sorties que ce potentiel maitre chanteur lui propose, ni même les compliments de ce dernier. Elle s'apprête même à conclure à son innocence et à sa sympathie lorsque sa mort suspecte réveille finalement ses premiers doutes !
 
La véritable ville d'Evesham, qui sert de décor à ce roman.
 
    Confirmant ainsi les propres dires de James Lacey, selon qui Agatha n'est pas une bonne détective mais une fouineuse qui finit par découvrir la vérité à force de commettre des bourdes, l'apprentie-enquêtrice se dévoile ici plus humaine que jamais, alternant entre son désir un peu obsédant (et très infondé) de vérité et celui d'être aimée et considérée par ses pairs. Outre son caractère de cochon et ses gaffes désormais célèbres, c'est surtout pour ça qu'on aime Agatha : anti-héroïne par excellence, elle nous déculpabilise en nous rappelant nos petits défauts ou notre propre caractère dans nos mauvais jours. Au-delà de l'intrigue - attention au jeu de mots - joyeusement capillotractée (mais chez M.C.Beaton, c'est une marque de fabrique), on adore retrouver encore une fois ce personnage qui ressemble à n'importe qui plutôt qu'un héros sans peur et sans reproche.
 
"Elle alluma rageusement une autre cigarette. En Angleterre, certains médecins refusaient de soigner les fumeurs. Pourquoi? Avec toutes les taxes sur le tabac que payaient ces derniers, on aurait dû leur donner gratuitement accès à un traitement de premier ordre. Pourquoi les fumeurs et pas les alcoolos? Pourquoi pas les gros? Putain d’État Providence."
 
Agatha dans l'épisode de la série adapté du roman.

En bref : Un nouveau tome qui nous emporte le temps de quelques pages dans l'ambiance british et drôle d'Agatha Raisin, son mauvais caractère et ses défauts la rendant décidément toujours plus humaine aux yeux du lecteur.
 
 

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