dimanche 30 octobre 2022

Lizzie Borden took an ax - un téléfilm de Nick Gomez.

 

Lizzie Borden took an ax

Un téléfilm de Nick Gomez pour Lifetime, d'après des faits réels.
 
Avec : Christina Ricci, Clea Duval, Billy Campbell, Stephen McHattie...
 
Première diffusion originale : le 25 janvier 2014 sur Lifetime
Première diffusion française : le 08 juin 2015 sur TF1 
 
    En août 1892 à Fall River dans le Massachusetts, Lizzie Borden, une enseignante de l'École du dimanche, retrouve le cadavre de son père, brutalement assassiné à la hache. Quand les autorités arrivent, un second corps est retrouvé, celui de la belle-mère de Lizzie. Plus l'enquête avance, plus les preuves semblent pointer Lizzie du doigt. Malgré l'aide de son avocat, qui pense qu'une femme ne pourrait jamais commettre quelque chose d'aussi violent, Lizzie est jugée. L'affaire commence de plus en plus à faire du bruit et Lizzie devient alors l'une des figures les plus célèbres du pays. 

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    Nous vous avions promis, au menu de ce Challenge Halloween consacré aux familles de l'étrange, d'aborder quelques familles véridiques. Autrement dit : des familles où la notion de monstre est à prendre tout particulièrement au sérieux. Parmi celles-là, le cas Borden est d'autant plus intéressant qu'il a donné lieu à une foule de livres (dont Les sœurs de Fall River, chroniqué il y a quelques années) et de films inspirés de ce qui est encore considéré aujourd'hui comme l'un des faits divers les plus sanglants des États-Unis...

Trailer du téléfilm avant sa diffusion aux Etats-Unis.

    Août 1892 : au cœur d'un Massachusetts écrasé par la canicule estivale, on retrouve massacrés à la hache les cadavres d'Andrew Borden et de son épouse Abby. Seules personnes sur les lieux : Lizzie, la fille cadette, et Bridget, la bonne à tout faire de la maison. Malgré la certitude de Lizzie qu'un étranger a réussi à pénétrer dans la demeure familiale pour assassiner ses parents, ses témoignages contradictoires conduisent la police locale à l'inculper. Commence alors l'un des procès les plus retentissants de l'époque : Lizzie est-elle la fragile jeune femme que tout le monde pense connaître ou, au contraire, une dangereuse criminelle qui cache son véritable visage ?
 

    Entrée dans le folklore américain au point d'avoir donné naissance à une comptine horrifique extrêmement connue outre-Atlantique, l'affaire Lizzie Borden, officiellement toujours restée irrésolue, méritait bien une adaptation à l'écran. Loin d'être la première transposition du fait divers, Lizzie Borden took an ax succède à plusieurs nanars et à deux réalisations notoires (même si peu connues dans l'Hexagone) : The older sister, un épisode d'Alfred Hitchock présente, et The Legend of Lizzie Borden, téléfilm tourné en 1975. Anecdote amusante en ce qui ce qui concerne cette version des années 70 : le rôle titre était alors interprété par Elizabeth Montgomery, inoubliable Samantha de Ma sorcière bien-aimée mais également lointaine descendante de la réelle Lizzie Borden.
 

    Pour ce téléfilm diffusé sur la chaine américaine Lifetime en 2014, c'est l'excellente Christina Ricci qui joue le personnage de la mystérieuse Lizzie Borden. L'inoubliable interprète de Mercredi Addams, mais aussi visage iconique du cinéma d'inspiration gothique (Casper, Sleepy Hollow...), est probablement le point fort de Lizzie Borden took an ax. Avec un rôle qui aurait pu être créé sur mesures pour elle s'il n'avait été réel, la comédienne au visage faussement poupin confirme son talent pour les fictions dérangeantes aux accents horrifiques. Car si le film choisit (comme l'opinion publique et la plupart des experts en criminologie interrogés sur l'affaire depuis lors) de privilégier une solution à cette cold case centenaire, l'interprétation de C.Ricci joue d'un bout à l'autre du long-métrage de cette ambiguïté propre à son personnage : trop douce pour être coupable, ou au contraire meurtrière sanguinaire derrière le masque de la gentille fille à son papa ?
 

    Pour intensifier le questionnement et perdre le téléspectateur entre les différentes pistes éventuelles, la mise en scène, volontairement nerveuse et pesante (à laquelle s'ajoute une bande originale punk-rock d'un anachronisme totalement assumé mais intéressant), alterne les longs interrogatoires du procès avec de courts mais intenses flash-back, autant de clichés comme pris sur le vif qui illustreraient les mobiles ou reconstitutions possibles du double meurtre. Victime, témoin, séductrice, coupable... ? Les différentes étiquettes pour qualifier l'accusée s'enchaînent, mais peut-être pas suffisamment pour maintenir la tension jusqu'au bout. Certaines images suggèrent en effet peut-être trop rapidement la révélation finale ou viendront confirmer les doutes de ceux qui connaissent déjà bien le fait divers.
 

    Il faut dire que le scénario, s'il est dans les grandes lignes très fidèle aux éléments connus du dossier, se permet quelques libertés qui resserrent l’étau des suspicions sur Lizzie. On sait par exemple que Bridget, la bonne, avait en vérité fini de nettoyer les vitres extérieures et avait rejoint sa chambre au moment des crimes ; elle était donc elle aussi dans la maison au moment des meurtres. De même, le matin du funeste jour, l'oncle des sœurs Borden (frère de la défunte épouse d'Andrew Borden) était venu rendre visite à la famille ; il a en cela lui aussi été suspecté par les forces de l'ordre. Ces deux principaux éléments sont balayés du scénario pour qu'un réel focus se fasse sur le personnage de Lizzie, mettant rapidement en exergue les incohérences de ses témoignages successifs et le sexisme dont elle profite néanmoins à l'issue du procès.

 
    Peut-être plus encore que le procès en lui-même, ce sont les quelques scènes du quotidien des Borden avant les meurtres qui sont les plus intéressantes. Sans prétendre donner un mobile réel, elles laissent imaginer les nombreuses tensions qui couvaient dans la désormais célèbre maison de second street. Un père avare, d'apparence froide et distante – voire effrayante – et une belle-mère tout sauf chaleureuse. Emma, la fille aînée douce et renfermée, comme résignée à son triste sort de vieille fille. Et Lizzie, qui souhaite plus que tout renverser la balance des pouvoirs. Peut-être le film aurait-il gagné à accentuer par-là la lecture psychanalytique de la sphère familiale : si la mise en scène parvient à restituer l'atmosphère malaisante des relations, c'est sans aller jusqu'à suggérer les terribles suppositions qui font aujourd'hui autorité quant à cette sinistre affaire. L'homosexualité supposée de Lizzie refusée par Andrew Borden, par exemple, n'est évoquée que par des silences et des questions restées sans réponses au cours d'un dialogue tendu entre père et fille, en même temps que le personnage de Nance O'Neil, célèbre actrice américaine avec laquelle l'accusée aurait eu une relation intime (mais bien des années après l'affaire) est ajoutée dès le début du film à l'entourage de la jeune femme. Là encore cependant, seuls les connaisseurs sauront interpréter les quelques perches tendues par les scénaristes.
 

    Le casting porte cela dit merveilleusement cette ambiance pesante d'un bout à l'autre. Nous parlions plus haut de Christina Ricci, mais Clea Duval, qui interprète sa sœur aînée, la discrète et silencieuse Emma, fait un travail convaincant. Stephen McHattie, en quasi-sosie du réel Andrew Borden parvient quant à lui à glacer le téléspectateur malgré le peu de scènes qu'il a à l'écran. On évoquait tout à l'heure la réalisation volontairement nerveuse et (sans mauvais jeu de mot) très hachée qui permet une mise en tension assez réussie. Si on peut regretter que le tournage n'ait pas eu lieu dans la réelle maison des Borden, la reconstitution intérieure est assez fidèle pour faire frissonner les aficionados de true crime, et le traitement de l'image, austère à dessein, ajoute à la pesanteur des événements.
 

    Si Lizzie Borden took an ax n'a récolté que des notes très moyennes sur les sites de critiques américains, le téléfilm a en revanche enregistré des taux d'audience jamais vus par la chaine Lifetime lors de sa diffusion, invitant à commander une mini-série qui ferait suite aux événements du procès. Lizzie Borden Chronicles, composée de 8 épisodes, propose une lecture beaucoup plus fictionnelle de la vie des sœurs Borden mais parvient à rester palpitante d'un bout à l'autre.
 

En bref : Inspiré d'un fait divers particulièrement connu aux États-Unis, Lizzie Borden took an ax présente de nombreux intérêts malgré ses quelques défauts. Si la lecture proposée par le film aurait gagné à multiplier les fausses pistes et à accentuer la lecture psychanalytique de cette sombre affaire, la prestation de Christina Ricci, taillée pour le rôle, et l'atmosphère malaisante de la mise en scène justifient à elles seules le visionnage.
 
 
    

2 commentaires:

  1. Oh cela reste quand meme effrayant....mais je vais hesiter....

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    1. Le téléfilm vaut le coup d’œil. Il y a également un film, plus récent, avec une autre vision de l'affaire mise en avant. J'en parlerai dans les prochains jours ;-)

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