Le Réveillon des bonnes
Une mini-série réalisée par Michel Hassan, écrite par Jean-Luc Seigle et Viviane Zingg;
Avec : Nadine Alari, Annelise Hesme, Christine Citti, Chloé Stefani, Judith Magre, Sophie de la Rochefoucauld, Guillaume Cramoisan, Michel Fau...
Date de diffusion sur France 3 dès le 29 novembre 2007
Sortie en coffret dvd chez LCJ : 15 février 2008
Sortie en coffret dvd chez Koba Films : 2 décembre 2020
Décembre 1918, quatre femmes employées de maison travaillent dans un
immeuble bourgeois d'une grande ville française. À la veille de Noël, le
premier depuis la fin de la Première Guerre Mondiale, ces quatre bonnes
vont se trouver au cœur des intrigues qui agitent les familles pour
lesquelles elles travaillent sans relâche et avec dévotion.
***
Depuis la fin de la série Downton Abbey, nombreux sont les lecteurs et téléspectateurs qui cherchent à retrouver l'ambiance du célèbre costume drama dans d'autres fictions écrites ou filmées... et nombreux sont les auteurs et réalisateurs qui s'essayent à l'exercice. De Grand Hôtel à Indian Summer côté petit écran, ou de Loin de Berkeley Hall à Summerset Abbey côté librairie, Julian Fellowes, souvent imité, reste inégalé. Et pourtant, nous avons retrouvé de ce côté-ci de la Manche une petite pépite télévisuelle pré-Downton qui pourrait bien être l'alter ego hexagonal de la cultissime série anglaise. Sans les mêmes moyens ni la même ambition, Le Réveillon des Bonnes, mini-série remontant (déjà !) à 2007, pourrait bien constituer son ersatz français...
Diffusée aux veilles des fêtes de Noël 2007, cette fiction télévisée en huit épisodes de cinquante minutes nous plonge dans le quotidien d'un immeuble bourgeois aux lendemains de l'Armistice de 1918. Dans ce grand hôtel où logent quatre familles aussi aisées que différentes vivent également leurs bonnes attitrées. Marcelline, la doyenne, a toujours travaillé pour la famille Dubreuil, dont la belle-fille désormais veuve de guerre essaye tant bien que mal de faire vivre le foyer par ses maigres travaux de couturière. Olympia, elle, tente de dissimuler sa grossesse : enceinte de son maître porté disparu au front, elle a accepté le terrible marché proposé par sa maîtresse, à savoir lui céder l'enfant à la naissance. Marie, également veuve de guerre, se démarque par sa poigne et ses idées émancipatrices : c'est à se demander qui d'elle où de son patron, éminent général, dirige la maisonnée. Quant à Jeanne, tout juste sortie de l'adolescence, elle est au service de l'extravagante Madame Despreaux, ancienne demi-mondaine aussi flamboyante et dévergondée que son seul fils est fervent croyant. A la veille de ce Noël 1918, les secrets, intrigues et péripéties domestiques vont s'enchaîner et s'entremêler d'un étage à l'autre.
Audacieuse et réconfortante, cette mini-série mérite très largement, plus de quinze ans après sa diffusion, d'être redécouverte. Si le générique d'ouverture (inesthétique et musicalement insupportable, loin du propos subtile du scénario) et le montage lui font parfois défaut, il n'est pas si difficile de passer outre pour le plaisir de rencontrer puis de retrouver au fil de ces quelques épisodes maîtres et domestiques aux lendemains de la Première Guerre mondiale. Différents par leurs classes mais égaux face au deuil d'avoir perdu leurs pères, époux ou fils, employés et employeurs voient la limite entre les deux mondes devenir de plus en plus poreuse.
Si c'est le milieu bourgeois – et non celui de la noblesse, comme c'est le cas dans Downton Abbey – qui est raconté ici, on y retrouve un propos similaire à la série de Julian Fellowes : l'évolution des classes sociales dans un XXème siècle en marche et, derrière les apparences, tout ce qui fait à la fois les contrastes et les nuances des relations entre maîtres et gens de maison. Ce sujet, questionné tout à la fois par les différents drames et événements vécus des deux côtés de la barrière sociale ou de l'une à l'autre des bonnes, vient tout en même temps interroger la place des femmes dans les foyers pendant que les hommes étaient au front. Sans être à proprement parler féministe, cette série brosse avec élégance et délicatesse le rôle nécessaire des petites gens, de ces bonnes qui furent parfois plus mères que les mères des enfants dont elles avaient la charge, mais aussi plus humaines que les grands hommes qu'elles servaient dans les salons et les réceptions.
L'émotion et la crédibilité des personnages sont rendues possibles grâce à un casting efficace, en tête duquel on (re)découvre Nadine Alari dans l'un de ses derniers rôles. Célèbre comédienne et doubleuse française, elle donne corps au personnage de Marcelline avec talent, la rendant très rapidement extrêmement attachante pour le téléspectateur. Douce et bienveillante mais néanmoins complexe, elle parvient à incarner toute la force qu'il fallait à ces femmes de petite condition pour traverser la vie. Annelise Hesme, qu'on voit trop peu souvent à l'écran, prête son visage de Joconde à Olympia : sa profondeur donne de l'épaisseur à ce personnage pourtant très silencieux et réservé, tout en pudeur. Jeanne est interprétée par Chloé Stéfani, dont le visage de lutin et le jeu plein de retenue confèrent à son rôle l'innocence requise. Enfin, Christine Citti, si elle s'illustre dans une prestation peut-être moins subtile que ses collègue, apporte la dose d'humour qui permet d'équilibrer l'ensemble et qui rend néanmoins son personnage de bonne revêche et revancharde on ne peut plus sympathique.
Les interprètes des maîtres et des maîtresses marquent moins le téléspectateur : Sophie de la Rochefoucault est assez plate en épouse bafouée qui veut s'approprier par vengeance le fils né des amours de son mari avec sa servante, de même que Marie Denarnaud et Dounia Coesens sont très rapidement oubliables dans les rôles des filles du général, sœurs archétypales que tout oppose. En revanche, on retient la prestation glaciale, quasi impériale de Claire Vernet en Dorothy Dubreuil, pur produit de la perfide Albion, prête à tout pour prendre ses petits-enfants à sa belle-fille (mais dont la personnalité réservera quelques belles surprises) et, surtout, de l'inégalable Judith Magre ! Chevelure de feu, jeu pétillant et charisme explosif : l'actrice haut-marnaise est ab-so-lu-ment par-faite dans le rôle de Madame Despreaux, et dans toutes les nuances du personnage. A ses côtés, le fantasque Michel Fau fait quelques apparitions remarquées (aussi décalées qu'émouvantes) dans les costumes à froufrous de Plume, cocotte des Folies Montparnasse qui réserve là aussi quelques révélations inattendues...
Bien évidemment, la série a ses petits défauts : des incohérences entre l'âge de certains acteurs et celui des personnages, par exemple, ou encore le recours à un Deus Ex Machina quelque peu tiré par les cheveux sur la fin, mais reconnaissons qu'il y a là, dans le fond et dans la forme, de quoi passer un bon moment devant son écran. Les décors et la reconstitution historique sont de qualité, les intrigues et sous-intrigues nous portent jusqu'au terme du 8ème épisode sans qu'on s'ennuie une seconde et une réelle, belle, et profonde délicatesse se dégage de l'ensemble. On termine cette série avec l'envie de la revoir à nouveau, le dernier épisode nous laissant dans le deuil de ses personnages.
En bref : Sorte de Downton Abbey à la française avant l'heure, Le Réveillon des bonnes est une mini-série inventive et délicate sur la relation maîtres - domestiques dans la France de l'entre-deux guerres. Portée par des comédiennes extrêmement attachantes, cette fiction télévisuelle rend un hommage particulièrement fort à ces femmes qui faisaient tourner les maisons et maisonnées d'antan et qui, bien souvent, en étaient le cœur.
Merci pour la découverte !!
RépondreSupprimerOh ! Je ne connaissais pas du tout mais je suis bien tentée ! Merci pour la découverte.
RépondreSupprimer