Ce conte traditionnel aux multiples versions n’en finit pas de nous
fasciner et, par ses motifs simples et bruts, de nous toucher quel que
soit notre âge, notre culture... Charlotte Moundlic réécrit et
raccourcit légèrement le conte tout en gardant sa structure ; elle met
en avant avec subtilité la perversité d’une femme, la belle-mère
n’acceptant pas le changement, son rôle parental, la transmission.
Centré sur l’égoïsme d’une Reine obsédée par son apparence et dénuée de
toute humanité, le texte nous permet aussi d’entendre ce que ressent
Blanche-Neige, l’enfant maltraitée.
Charlotte Moundlic choisit une fin questionneuse que le lecteur, la lectrice interprétera à sa convenance : si Blanche-Neige est rayonnante de vie, est-ce une illusion souhaitée par les nains ou bien la magie (la bienveillance de l’amour) permet-elle de sauver la jeune fille ?
Le peintre François Roca s’empare avec jubilation des scènes emblématiques du conte et peint (peinture à l’huile) la nature et les personnages d’une manière solennelle laissant percevoir les beautés ou les noirceurs intérieures ; et restitue merveilleusement l’atmosphère atemporelle du conte.
Charlotte Moundlic choisit une fin questionneuse que le lecteur, la lectrice interprétera à sa convenance : si Blanche-Neige est rayonnante de vie, est-ce une illusion souhaitée par les nains ou bien la magie (la bienveillance de l’amour) permet-elle de sauver la jeune fille ?
Le peintre François Roca s’empare avec jubilation des scènes emblématiques du conte et peint (peinture à l’huile) la nature et les personnages d’une manière solennelle laissant percevoir les beautés ou les noirceurs intérieures ; et restitue merveilleusement l’atmosphère atemporelle du conte.
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Nous terminons notre sélection d'albums sur Blanche-Neige avec ce titre paru chez Albin Michel Jeunesse en 2019. Loin d'être une énième version illustrée du texte de Grimm, cet ouvrage propose une réécriture de la plume de Charlotte Moundlic, autrice de littérature enfantine, mise en image par le talentueux, connu et reconnu François Roca.
Contrairement à l'album de Gaël Aymon et Peggy Nille qui recoupait différentes versions russes au texte de Grimm, ce livre-ci conserve bien la trame de la version allemande et ne comporte de prime abord que peu d'éléments nouveaux. Les libertés prises par Charlotte Moundlic sont plus subtiles et vont relever de la mise en mots, de la narration, et de l'interprétation qu'elle propose (ou parfois suggère seulement) de certains éléments du conte. Le remariage du roi y est par exemple une nécessité politique, les retrouvailles de la princesse avec sa belle-mère tiennent ici à l’obligation de la présenter à la cour lorsque vient son adolescence, etc. Des détails, pourrait-on dire, mais qui apportent en fait beaucoup en ce qu'ils vont donner de densité, de relief, à l'intrigue initiale.
Parmi les autres réinterprétations non négligeables, on évoquera le rôle que donne (ou ne donne pas, justement) l'autrice au miroir, qui n'a ici rien de magique. Ce sont avant tout les rumeurs colportées dans le royaume qui amènent la reine à jalouser Blanche-Neige, son objet fétiche incarnant mieux que jamais son narcissisme dévorant. Une reine qui, une fois n'est pas coutume, rappelle dans ce texte-là aussi Lady MacBeth. Figure anti-maternelle avide de pouvoir, calculatrice, un peu sorcière et psychologiquement instable, la Méchante Reine de Charlotte Moundlic cède plus d'une fois aux pulsions de violence, notamment quand elle étrangle le chasseur de ses mains après avoir compris sa trahison.
Le propos, plus sombre, n'est pour autant pas exempt de morale ou de matière à la réflexion. Blanche-Neige est ici une enfant vulnérable soumise à la rudesse du monde des adultes, contrainte de s'émanciper pour trouver son chemin. Accueillie chez les nains, elle partage ses connaissances avec eux, le personnage devenant une figure éclairée et non plus seulement la fillette-femme-au-foyer du conte de Grimm. Charlotte Moundlic pose sur le personnage un regard nouveau, quasi philosophique, bien plus complexe que le souvenir qu'on en avait. Jusque dans le final, ouvert et sujet aux interrogations du lecteur, cet album surprend par sa double-lecture et sa maturité.
Côté illustrations, François Roca nous avait déjà subjugué avec sa mise en image de Dracula pour L'Ecole des Loisirs il y a quelques années. L'artiste, dont le talent a traversé des décennies de littérature jeunesse sans prendre une seule ride, met toute la magie de son coup de crayon et de son pinceau au service du célèbre conte. Dans un style très figuratif que sublime la peinture à l'huile, il met en scène une Blanche-Neige aux faux airs de Bettie Page dans des décors médiévaux que ne renieraient pas les peintres préraphaélites. Son art pourrait sembler extrêmement classique, mais s'il l'est, c'est dans le sens noble du terme. Car la profondeur de ses décors et le clair-obscur de ses compositions continuent de nous hypnotiser comme personne...
En bref : Une relecture à la fois subtile et extrêmement intelligente du conte des frères Grimm. Ce Blanche-Neige raconté par Charlotte Moundlic se veut davantage un récit d'apprentissage qui donne à réfléchir qu'un conte pour endormir les enfants ; il témoigne ainsi de la portée inaltérable et intemporelle de nos textes fondateurs. Les illustrations incroyables de François Roca, indétrônable, parachèvent le tout, la profondeur de la forme faisant écho à celle du fond. Un album d'une beauté rare et complexe.
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