A l'occasion de sa nouvelle création, l'UEE du DITEP Henri Viet vous invite à un voyage fantastique. Avec la participation des 6ème2 du collège Camille Flammarion et grâce à l'accompagnement de Fabien Clavel, auteur jeunesse de fantasy et de livres-jeux, ils ont concocté pour vous une aventure interactive : dans ce livre, c'est vous qui êtes le héros.
Incarnez le rôle de Camille, qui part à la recherche de sa grand-mère disparue dans un univers où les contes de fées sont réels... mais aussi les ogres, le Grand Méchant Loup et les dragons ! Saurez-vous affronter les dangers qui se dresseront sur votre chemin ?
Traversez le miroir pour le découvrir !
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On parle ici très rarement de notre travail, celui qu'on mène dans notre autre vie (vous savez, celle qu'on appelle active). Mais on a déjà très clairement exprimé qu'on officiait dans le médico-social (plus précisément dans le champ du handicap) et qu'on portait tous les ans un projet culturel particulièrement conséquent auprès des adolescents de la structure. Parce que ce projet-ci entre en résonance avec nos chroniques thématiques du moment et, surtout, parce qu'on aime rien de plus que mettre en avant le talent fou de ces jeunes, on tenait aujourd'hui à ouvrir une petite brèche dans nos habitudes, juste le temps de vous parler un peu d'eux. Alors, certes, il y aura un peu de sigles et de termes techniques le temps de vous poser le décor, mais on vous promet qu'une fois familiarisés avec notre univers, vous n'aurez qu'une envie : les lire et découvrir, vous aussi, de quoi ils sont capables.
Les noms d'oiseaux dans l'intitulé de l'article ont dû vous faire écarquiller les yeux ; prenez une grande inspiration, on vous explique tout. Un DITEP (Dispositif Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique) est un établissement médico-social dont la vocation est d'accueillir les enfants, adolescents et jeunes adultes présentant des difficultés psychologiques. Si leurs compétences cognitives et intellectuelles sont préservées, elles sont parasitées par une réelle souffrance psychique qui les empêche d'avoir un plein accès aux relations sociales et aux apprentissages, un processus handicapant qui nécessite donc l'accompagnement pluriel prodigué par ce dispositif. Accompagnés par des professionnels éducatifs, thérapeutiques et pédagogiques, certains de ces enfants ont parfois besoin d'une scolarité en interne, en Unité d'Enseignement (UE) ; l'UEE (Unité d'Enseignement Externalisée) dépend de la structure médico-sociale, mais est délocalisée dans les murs d'un établissement scolaire ordinaire. Dans le cas présent, c'est une UEE de sept collégiens, lesquels bénéficient d'une inclusion la plus complète possible.
Depuis maintenant plus de dix ans, nous portons avec quelques collègues (certainement aussi fous que nous) des projets de médiation culturelle à destination de ces élèves, projets qui s'étendent à chaque fois sur une année complète et qui donnent lieu à une restitution finale. Celle-là s'articule dans la plupart des cas autour d'un livre (un vrai) écrit de leur main et autoédité. Depuis notre toute première action, nous avons eu la chance de bénéficier des interventions d'autrices et d'auteurs prestigieux, de Faustina Fiore à Fabien Clavel en passant par Eric Boisset. Si ces projets semblent s'intégrer à l'enseignement artistique et culturel propre à l'enseignement scolaire classique, notre approche est ici plus large et vise des objectifs différents. Ces projets sont certes scolaires, mais tout autant éducatifs et thérapeutiques. La création artistique, culturelle ou littéraire n'est ici pas une fin, elle est un moyen qui vise à leur redonner confiance en leurs capacités, rééduquer des compétences, mettre aux travail des représentations, leur redonner une place et une légitimité. Depuis 2018, la pertinence de ces actions permet désormais de bénéficier d'un financement par l'ARS (Agence Régional de Santé) et par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), double articulation qui traduit bien les enjeux à l'oeuvre : l'art et la littérature peuvent être des médiations soignantes ou, tout du moins, qui prennent soin. Inutile de vous rappeler qu'on est fervent adepte de la bibliothérapie...
Après avoir travaillé le récit épistolaire, la poésie, l'album illustré et le roman de fantasy, nous avons proposé de leur faire découvrir, en 2022, le livre-jeu – et plus précisément le "livre dont vous êtes le héros", qui connait depuis quelque temps un vrai regain d'intérêt. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Sur la forme, tout d'abord, après que les élèves aient appris à maîtriser les codes de l'écriture de fiction et la structuration d'un roman, quel meilleur prolongement que d'appréhender sa version déstructurée ? Mais surtout, sur le fond et sur les motivations à l'origine de l'idée, il s'agissait de travailler à travers la rédaction d'une intrigue à choix multiples les mécanismes de la planification et de l'alternative, souvent mis à mal chez ce public à besoins spécifiques. Pour augmenter le projet d'une dynamique d' "inclusion inversée", nous avons proposé à une classe de sixième ordinaire et à son équipe pédagogique de nous rejoindre dans l'aventure et, en guise de guide, nous avons bénéficié des interventions et des précieux conseils de l'excellent Fabien Clavel himself (oui, oui, le seul et l'unique).
L'univers de référence était tout trouvé et, là encore, n'avait rien d'un choix hasardeux : les contes traditionnels, pour l'empreinte qu'ils ont laissé dans l'imaginaire collectif, ce qu'ils véhiculent de symboles et, évidemment, pour leur seconde lecture psychanalytique, constituaient un terrain de jeu fascinant. Avant toute chose, il a donc fallu lire, relire et surtout (re)découvrir les textes de Perrault, Grimm et Andersen, ainsi que quelques autres versions plus anciennes et autres contes orientaux afin de construire un univers de référence, une "banque de données", tout en l'analysant et en partageant ce que ces textes pouvaient leur renvoyer, provoquer en eux. Puis, avec l'aide de Fabien et ses supports méthodologiques, construire une mindmap qui se substitue au plan classique d'une intrigue linéaire afin d'avoir une vision claire de cette histoire à tiroirs, du début à son dénouement en passant pas ses (nombreux) milieux.
Le synopsis s'est rapidement échafaudé : Camille, un protagoniste adolescent (ou adolescente ?) fait face à la récente disparition de sa grand-mère. Lorsqu'un miroir magique dissimulé dans le grenier de cette dernière l'emporte dans une réalité alternative où les contes, bien que réels, ne se sont pas tous très bien terminés, Camille doit apprendre à survivre dans cette étrange contrée et découvrir ce qui est arrivé à sa grand-mère. Ce pays lui apprendra bien plus de chose à son sujet que quiconque aurait pu l'imaginer et lui révélera un secret de famille enfoui depuis longtemps...
A l'histoire de Camille sont venus se greffer, à la façon d'un patchwork tiré de la "banque de données" évoquée plus haut, les personnages, décors et objets magiques inspirés des contes classiques redécouverts en classe. Regard adolescent oblige, les élèves se sont amusés avec les références, ont glissé une bonne dose d'humour et ont joué avec les anachronismes. On croise ainsi une fée chargée de fournir les carrosses royaux grâce au champs de citrouilles mis à sa disposition, de vilaines demi-sœurs qui se battent pour des paires de chaussure comme à l'ouverture des soldes, ou encore d'une Reine des Neiges qui, au grand soulagement de Camille, ne se met pas à chanter ! Une fois n'est pas coutume, le conte de Blanche-Neige s'est naturellement invité en force, comme si sa place dans les fondations de leur scénario coulait de source.
Outre l'exercice ardu de la construction et l'exigence de la rédaction, les multiples chemins et périples possibles empruntés par le personnage ont contraint les élèves à rester vigilant quant à la cohérence de l'ensemble, d'autant que le tout devait fonctionner avec trois fins alternatives. Autre challenge ? Choisir un protagoniste au prénom épicène afin de permettre au lecteur ou à la lectrice de s'y reconnaître sans la barrière du genre, et devoir pour cela bannir toutes les marques de masculin et de féminin se rapportant au personnage principal. Le résultat était réussi, au-delà de nos espérances, jusque dans les objectifs initiaux du projet. Et comme on aime à faire les choses bien, on a poussé le vice jusqu'à leur faire reproduire l'univers du livre sous forme d'une carte grâce à un site prévu pour la création de jeux de rôle, et, évidemment, à concevoir une image destinée à la couverture du livre. Pour cela, nous les avons fait travailler sur une création en 3D, un paper art inspiré des œuvres d'artistes comme Jodi Harvey Brown ou Emma Taylor.
Deux ans plus tard, nous avons continué l'aventure créative avec la conception d'un jeu de société et, actuellement, d'un album photo de famille fictive dans un univers de freaks à la Burton, mais Il était plusieurs fois reste à ce jour une grande fierté pour les élèves (et, par extension, pour nous autres accompagnants et porteurs du projets aussi, mais surtout parce qu'on est très fiers d'eux). Nous vous invitons à découvrir cette petite pépite qui a tout du vrai bouquin, disponible à la commande en ligne ICI.
En bref : Quand des élèves en situation de handicap psychique s'associent à une classe de collégiens ordinaires et à un auteur jeunesse de première classe pour se lancer dans l'aventure de l'écriture, le résultat vaut largement le détour. Livre dont vous êtes le héros inspiré par l'univers des contes classiques, Il était plusieurs fois fourmillent de clins d’œil, s'amuse de la culture littéraire et témoigne des compétences d'écrivain insoupçonnés de ces apprentis romanciers. Si vous ne nous croyez pas assez objectif pour en juger, allez vérifiez par vous-même : vous nous donnerez raison.
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