mardi 10 juillet 2012

Night School (#1) - C.J. Daugherty

Night School, Atom, 2012 - Éditions Robert Laffont, 2012.


 Qui croire quand tout le monde vous ment ?

Tout l’univers d’Allie Sheridan menace de s’effondrer. Elle déteste son lycée. Son grand frère a fugué. Et elle vient de se faire arrêter par la police pour vandalisme. Une fois de plus. C’en est trop pour ses parents qui décident de l’envoyer loin de Londres et de ses mauvaises fréquentations, dans un internat perdu dans la campagne et au règlement quasi militaire. Avec son architecture gothique et son personnel en livrée, l’école privée Cimmeria semble tout droit sortie d’une autre époque. On y travaille dur. Ni les ordinateurs ni les téléphones portables n’y sont autorisés. L’établissement est fréquenté par un curieux mélange de surdoués, de rebelles et de fils de millionnaires. Mais, contre toute attente, Allie s’y plaît. Elle se fait des amis et rencontre Carter, un garçon solitaire et ténébreux, aussi fascinant que difficile à apprivoiser…
Peu après son arrivée, cependant, des événements étranges commencent à se produire : Allie est attaquée dans le parc, des élèves inscrits à la très secrète et très fermée « Night School », dont les activités demeurent un mystère pour qui n’en fait pas partie, rentrent blessés de leurs activités. Pire, le soir du bal, une camarade est assassinée de façon horrible… Allie prend alors conscience qu’il se joue à Cimmeria des choses beaucoup plus obscures que ce qu’on veut bien lui révéler. Ses camarades, ses professeurs, et peut-être même ses parents, lui cachent d’inavouables secrets. Cernée par les mensonges et le danger, Allie devra rapidement choisir à qui se fier.


Poussez les portes de Cimmeria, complots et passions vous tendent les bras...


  J'ai entendu parler pour la première fois de ce roman lorsque Mya (du blog Mya's books - décidément, elle m'en aura fait découvrir, des bouquins =D ) a annoncé sa sortie à venir il y a de cela quelques mois. La couverture, quoi que finalement assez simple, avait quand même "de la gueule", ou du moins une certaine allure : un slogan accrocheur qui titille le potentiel lecteur, tandis que le contraste entre la police de caractère classique (voire "romantique") du titre et le style plutôt rock de la jeune fille aux cheveux écarlates retient l'attention. Du coup, je m'étais attardé sur le résumé pour en savoir plus et avais découvert une trame comme je les aime, à savoir une intrigue mystérieuse se déroulant dans un pensionnat!
Après ma lecture du premier opus de Hantée (qui se déroule justement dans un internat), souhaitant découvrir la nouvelle collection "R" des éditions Robert Laffont, mais surtout me délecter encore un peu d'une atmosphère "private boarding school" , j'oubliai toute bonne résolution financière et fonçai chez mon libraire pour m'offrir ce roman...

  C'est avec une anti-héroïne profondément rebelle que nous faisons connaissance dès les premières pages : depuis que son frère aîné a mystérieusement disparu, Alyson "Allie" Sheridan s'enfonce chaque jour un peu plus dans la délinquance. Entre fugues, actes délictueux et vandalisme au lycée, la jeune fille se fait continuellement remarquer par son comportement extrême, au point de se faire arrêter par les autorités! Ses parents, à bout de force, lui font quitter Londres et intégrer Cimmeria, un pensionnat privé qu'ils lui présentent comme un établissement pour "adolescents difficiles".
Perdue en pleine campagne anglaise, l'institution en question est une sublime bâtisse de briques rouges entièrement coupée du monde, un manoir gothique entouré de gigantesques dépendances. En effet, Cimmeria semble éloignée de toute forme de civilisation et la direction va jusqu'à interdire l'usage des portables et ordinateurs.
Régie par un règlement particulièrement stricte, l'école impose à ses étudiants un rythme draconien qui laisse craindre à Allie une bien triste scolarité. Et pourtant, contre toute attente, elle s'habitue peu à peu au fonctionnement certes classique mais au final pas si désagréable de l'établissement. Cependant, alors qu'elle commence à se faire à sa nouvelle vie, Cimmeria se dévoile sous un nouveau jour, bien loin de la parfaite pension anglaise. Alyson apprend tout d'abord l'existence de la "Night School", sorte de groupe d'étude privé interne à l'école, mais dont les membres et les agissements sont classés secrets. Puis se succèdent de sombres événements : d'étranges bruits se font entendre aux abords des bâtiments, les accidents sanglants se suivent, tout le monde (élèves et professeurs) semble avoir quelque chose à cacher, puis, comble de la situation, une élève meurt dans d'horribles circonstances!
A la fois intriguée et effrayée par la tournure des événements, Allie découvre vite qu'elle est bien plus concernée qu'elle l'imagine  par ce qui se trame à Cimmeria, de même que sa vie est intimement liée à l'école, que ce soit son Histoire passée ou... ses horreurs à venir...


 
Trailer officiel pour la sortie du livre.
(images intéressantes mais j'aurais préféré une autre musique ^^)

  Alors, qu'en dire? Tout d'abord, les points positifs : J'ai beaucoup apprécié le personnage d'Allie ; plus fouillée que la Rory de Hantée, Allie présente une personnalité fragile et complexe qui a titillé l'éducateur spécialisé en formation que je suis. En effet, la jeune fille a un comportement que l'on appelle "ordalique", c'est à dire qu'elle repousse sans cesse les limites de ses actes pour exprimer son malêtre et donner une sens à une existence qui n'a pour elle plus aucune saveur. Je tombe rarement sur ce genre de personnage dans les fictions que je lis et cela a suffit à donner, à mes yeux, une épaisseur à celle-ci, d'autant plus que l'auteure retranscrit ces symptômes et manifestations ordalique avec un réalisme tout à fait crédible (j'avais parfois l'impression de lire un de mes sujets d'épreuve éducative ou même une vraie situation d'accompagnement socio-éducatif =P).
  Je me suis également régalé de l'atmosphère et des ressorts plus "romanesques" de l'intrigue. L'ambiance de Cimmeria est très bien restituée et l'on imagine avec aisance ses briques rouges ainsi que son architecture gothique étouffante. Chapeau à C.J. Daugherty qui nous gratifie de superbes descriptions des intérieurs de l'école, nous permettant de visualiser sans peine son lourd mobilier ancien, ses tapisseries moyenâgeuses (dont certaines rappellent fortement La Dame à la Licorne) et... ses nombreux passages secrets! Ce décor massif une fois installé, l'auteure instaure peu à peu, avec une maîtrise surprenante du suspens pour un premier roman, la tension qui gagne peu à peu l'école et ses occupants.

"Au pied d'une colline boisée (...) se dressait un manoir gothique de briques rouge sombre (...). Son toit anguleux était une succession de saillies pointues, de pics et de tourelles, surmontées de sortes de dagues en fer forgé qui poignardaient le ciel."
(Chapitre 3).

  Les incidents -de plus en plus en plus sombres, pour notre plus grand plaisir!- se succèdent à un rythme tout d'abord lent (laissant penser à de banals accidents ou de simples coïncidences) puis de plus en plus saccadé, en même temps que les révélations aux nombreux questionnements qui naissent à chaque chapitre sont délivrées au goutte à goutte, et toujours partiellement! Cette habile distillation permet à C.J. Daugherty de tenir son lecteur en haleine sans pour autant le lasser, de le satisfaire sans trop lui en dire, pour que l'aura de mystère toujours persistante lui donne envie d'aller plus loin. Longtemps, elle laisse planer le doute quant au genre du livre (Fantastique ou thriller?), ce qui a d'ailleurs suffit à réveiller mes comportements de lecteur compulsif (me relever en pleine nuit pour poursuivre une lecture? Moiiii? Jamais de la vie, voyons... ^^).
  En parallèle de cette atmosphère globale, j'ai adoré les passages un peu plus clichés, mais qui font toujours leur petit effet (codes typiques de la série B du style: "les personnages se séparent au beau milieu d'une forêt effrayante alors qu'ils savent très bien que c'est LA dernière chose à faire pour rester en vie") et dont on ne se lasse pas! Mais heureusement, l'auteure sait également faire preuve d'une certaine finesse dans son écriture, et j'ai beaucoup apprécié le parallèle qu'elle nous amène à faire entre ce qui se trame à Cimmeria et les thèmes étudiés en littérature (notamment les codes baroques : le caractère inévitable du destin, l'absence de libre-arbitre et l'idée que nous ne serions que des pantins entre les mains d'une puissance supérieure).

"En vérité très exacte
Et non point par métaphore,
Nous sommes des marionnettes
Dont le Ciel est le montreur :
Sur le théâtre du Temps
Nous faisons trois petits tours,
Puis tombons tour à tour
Dans la boîte du Néant"
Omar Khayyâm, cité au chapitre 20. 


Si l'édition française reprend la couverture originale britannique, les éditions américaine, néerlandaise, et allemande se sont permises quelques réalisations originales!

  Du côté des points négatifs, j'avoue avoir été très déçu par les personnages et intrigues secondaires : Si Allie est réussie (ainsi qu'Isabelle, la très classe directrice de l'école), on ne peut pas en dire autant de ses camarades, que j'ai trouvé d'une affligeante banalité. Tout dans leurs faits et gestes m'est apparu prévisible et stéréotypé ; heureusement que ce manque de relief est compensé par les points positifs évoqués précédemment, sans quoi j'aurais certainement pu décrocher rapidement, tant cela joue sur la maturité du livre et sa crédibilité. Idem pour l'intrigue sentimentale et le classique triangle amoureux, qui m'a maintes fois fait lever les yeux aux ciels tellement cela pouvait frôler le ridicule par moment...

 La couverture serbe, bien imaginée même si l'aspect très "Lizbeth Salender" d'Allie avec son physique avant/après peut surprendre!

 Couvertures des éditions estoniennes, turque et israélienne.

  Au final, malgré quelques loupés dans les éléments secondaires de son intrigue, C.J. Daugherty s'en sort plutôt bien avec ce premier roman. Grâce à une excellente maîtrise du suspens et des atmosphères, elle parvient à accrocher le lecteur et à s'assurer de sa fidélité pour le tome suivant. Je le conseille à toute personne qui aime les intrigues mystérieuses ayant pour cadre de l'action un pensionnat : ceux qui ont adoré enfants Les disparu de St Agil ou, adolescent, la mini-série L'Internat, diffusée sur M6 il y a de cela trois ans. Night School m'a en effet beaucoup rappelé cette saga très divertissante!

2 commentaires:

  1. Quel plaisir de découvrir ton billet sur ce livre. Tu me donnes envie de le relire ! Je comprends tes réserves même si j'ai totalement fondu pour les personnages et le triangle amoureux. J'ai adoré les déplacements sur les toits et ce lieu tellement énigmatique et envoûtant. Vivement la suite !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je te dois de me l'avoir fait découvrir! Vraiment, un grand merci à toi, j'ai passé d'excellents moments avec ce bouquins! =D et je te recommande vraiment la mini-série "L'internat" si tu ne la jamais vue, c'est vraiment la même atmosphère! ;)

      Supprimer