Jane Eyre
(Jane Eyre)
de Cary Fukunaga (2011),
d'après le roman de Charlotte Brontë.
Avec: Mia Wasikowska, Michael Fassbender, Jamie Bell, Imogen Poots, Judie Dench, Sally Hawkins...
Jane Eyre est engagée comme gouvernante de la petite Adèle chez le riche
Edward Rochester. Cet homme ombrageux ne tarde pas à être sensible aux
charmes de la jeune fille. C'est le début d'une folle passion...
Voilà une adaptation qu'il me tardait de voir et de chroniquer, tant cette histoire fait partie de mes favorites. J'ai déjà eu l'occasion de témoigner de l'impact qu'a pu avoir le roman de Charlotte Brontë sur moi dans un article rédigé l'an dernier, aussi ne m'étalerai-je pas davantage sur la force avec laquelle ce classique persiste à me hanter et m'habiter, pour une raison que je ne m'explique toujours pas. Après avoir vu de nombreuses versions inspirées de l’œuvre originale, j'avais hâte de me faire un avis sur cette dernière adaptation en date! Après avoir vainement attendu que mon petit cinéma de campagne daigne la diffuser, il m'aura fallu patienter la sortie du dvd puis le temps de me poser devant mon lecteur et mon écran de télévision pour enfin la découvrir.
Lorsqu'une nouvelle adaptation d'un classique maintes fois transposé à l'écran sort de nouveau, on a tendance a soupiré "Rooh, encore", et se demander ce qu'elle pourra bien apporter de plus. Pour ma part, j'ai eu un sentiment de jamais vu dès les premières minutes du film, et ce bien que connaissant l'histoire par cœur. En effet, le scénario du film de Fukunaga prend le parti de démarrer l'histoire en son milieu, lorsque Jane quitte la demeure de Rochester dans la précipitation en fuyant à travers la lande opaque et humide de brume. Recueillie par la pasteur St John et ses soeurs auxquels elle donne une fausse identité, elle se remémore son parcours depuis l'enfance et le tout nous est alors montré en flash back.
Au-delà de cette petite modification chronologique, on pourrait s'imaginer que le reste du film ne propose rien de fantastiquement nouveau. Et pourtant, je dois avouer que cette version de Cary Fukunaga est peut-être celle qui m'a le plus ému de toutes...
Parlons tout d'abord des acteurs. Le choix de l'interprète principale n'est pas étranger à l'avis positif que j'ai de ce film : Mia Wasikowska est la première actrice dont l'âge est aussi proche du personnage du roman. En effet, on oublie trop souvent que Jane sort tout juste du pensionnat, et a donc entre 17 et 19 ans ; d'ailleurs, l'actrice initialement envisagée pour le rôle n'était autre que la très jeune Elen Page. Mais si Mia Wasikowska a finalement remporté la partie, c'est que le réalisateur était persuadé qu'elle parviendrait à faire passer un maximum de sentiments sans pour autant parler ni mettre son physique en avant, sa physionomie correspondant par ailleurs tout à fait à la retenue du personnage. Et fort est de constater que Mia excelle en Jane : j'ai été conquis par sa prestation tout en sobriété et par le large panel d'expressions qu'elle peut transmettre par un simple regard ou geste (Ah, la scène où elle dénoue son corset de mariage...). A l'image de ce qu'avait dit Burton lorsqu'il l'avait choisie pour Alice in wonderland, "c'est une jeune personne mais avec une vieille âme". Malgré sa taille fine et gracile, sa silouhette fragile et juvénile, Mia Wasikowska impose une personnalité forte et une intelligence décidée, le tout doublé d'une finesse d'esprit et d'une réflexion qui évoquent la sagesse des Anciens. Du Jane Eyre telle que l'imagina Charlotte Brontë tout craché.
Concernant le choix de Michael Fassbender pour incarner Rocherster, j'ai tout d'abord été assez surpris, ne lui retrouvant pas la carrure physique imposante du personnage, décrit à l'origine comme une force de la nature doublée d'une physionomie massive et peu séduisante. Le réalisateur est le premier à reconnaître que Fassbender n'est pas l'interprète le plus proche de l'apparence d'Edward Rochester, mais que sa personnalité collait parfaitement. Ainsi, mes premières craintes se sont vite vues apaisées car il est certain que Michael Fassbender s'en tire à merveille. Il compense ainsi l'absence de ressemblance physique avec le Rochester de papier par un jeu incisif et froid plein de sarcasme qui fait merveille dans les joutes verbales avec Mia Wasikowska.
Pour ce qui est des rôles plus secondaires mais non moins important, chapeau bas à Judy Dench dans la robe de Mrs Fairfax. Nous avons là une évidence, à croire que le personnage était fait pour elle dès sa création : la voir déambuler dans les couloirs de Thornfield emmitouflée dans ses crinolines, chapeautée de sa coiffe de dentelle et guidant Jane d'une lampe à huile tombe comme sous le sens. La grande dame du cinéma so british campe donc avec la perfection et la minutie qui convient la volontaire et charismatique gouvernante de la maisonnée. En revanche, j'ai plus de réserve concernant Jamie Bell en St John : je ne trouve pas son jeu assez nuancé et il passe trop vite du dévouement total envers Jane à la colère démesurée. Je l'ai trouvé plutôt irascible dans ce rôle, en fait...
Mais parlons un peu de la mise en scène dans son ensemble. J'ai trouvé cette adaptation d'une très grande sobriété, comparée aux précédentes. Ce n'est pas là un reproche, bien au contraire : à l'image de Mia Wasikowska elle-même qui fait passer un maximum de sentiments en un minimum de paroles, tout le film dans son entier bombarde le spectateur d'émotions en un minimum d'effets. Peu de fioritures dans les décors, par exemple : la lande ne nous est pas montrée sous une forme retravaillée de branches et de plantes tortueuses comme il sied si bien à l'esthétique gothique habituelle, et le manoir de Thornfield n'est pas enchevêtré d'une décoration alambiquée. Tout est capturé sous sa forme brute et simple : la nature est opaque et sauvage, le château froid et imposant. C'est tout.
La même simplicité se retrouve dans les couleurs et si l'ensemble peut parfois paraître terne, c'est que le directeur de la photographie et le réalisateur se sont mis d'accord pour ne pas avoir recours aux lumières artificielles mais uniquement aux sources lumineuses naturelles telles qu'on les voit à l'écran. Ainsi, une scène éclairée à la bougie n'était réellement éclairée QU'à la chandelle, et non à l'aide de projecteurs supplémentaires dissimulés derrière le cameraman. Cela confère aux scène une atmosphère pesante et réaliste, ainsi qu'une profondeur saisissante.
Cette ambiance naturelle se retrouve dans de brèves scènes purement contemplatives, qui viennent entrecouper le fil du récit pour offrir comme une sorte de "pause" au spectateur. Pas de parole, seulement Jane se promenant sur un chemin, le vent secouant les fleurs d'un cerisier, une main caressant la mousse d'un rocher. Le tout est filmé avec finesse, subtilité et de légers tremblement comme si l'instant était saisi, fugace, caméra à l'épaule.
L'ensemble est d'une grande pureté et la sobriété que j'évoquais plus haut est telle qu'on ne se sent qu'encore plus proche des personnages. Livrés à nos regard dans cet écrin simple et froid, ils nous apparaissent plus vrais et leurs sentiments sont plus palpables, plus accessibles. L'identification est plus facile, elle nous saute à la gorge et l'on est saisi par leur émoi aussi intensément que si l'on vivait leur histoire. C'est là la grande qualité de cette adaptation : parvenir à nous toucher ainsi au cœur, nous piquer au plus profond de nous-mêmes et rendre l'aventure de Jane et Rochester plus vraie, sincère et actuelle que jamais.
En résumé: une adaptation épurée et profonde, dont la simplicité donne toute leur résonance et leur beauté aux personnages et à leurs émotions. L'ensemble est juste, vrai, et limpide comme jamais, sans rien perdre du charme classique de l’œuvre originale. Une réussite.
En bref, c'est trop d'la balle, comme je le disais au lycée! =P
Voilà une adaptation qu'il me tardait de voir et de chroniquer, tant cette histoire fait partie de mes favorites. J'ai déjà eu l'occasion de témoigner de l'impact qu'a pu avoir le roman de Charlotte Brontë sur moi dans un article rédigé l'an dernier, aussi ne m'étalerai-je pas davantage sur la force avec laquelle ce classique persiste à me hanter et m'habiter, pour une raison que je ne m'explique toujours pas. Après avoir vu de nombreuses versions inspirées de l’œuvre originale, j'avais hâte de me faire un avis sur cette dernière adaptation en date! Après avoir vainement attendu que mon petit cinéma de campagne daigne la diffuser, il m'aura fallu patienter la sortie du dvd puis le temps de me poser devant mon lecteur et mon écran de télévision pour enfin la découvrir.
Trailer du film.
Lorsqu'une nouvelle adaptation d'un classique maintes fois transposé à l'écran sort de nouveau, on a tendance a soupiré "Rooh, encore", et se demander ce qu'elle pourra bien apporter de plus. Pour ma part, j'ai eu un sentiment de jamais vu dès les premières minutes du film, et ce bien que connaissant l'histoire par cœur. En effet, le scénario du film de Fukunaga prend le parti de démarrer l'histoire en son milieu, lorsque Jane quitte la demeure de Rochester dans la précipitation en fuyant à travers la lande opaque et humide de brume. Recueillie par la pasteur St John et ses soeurs auxquels elle donne une fausse identité, elle se remémore son parcours depuis l'enfance et le tout nous est alors montré en flash back.
Au-delà de cette petite modification chronologique, on pourrait s'imaginer que le reste du film ne propose rien de fantastiquement nouveau. Et pourtant, je dois avouer que cette version de Cary Fukunaga est peut-être celle qui m'a le plus ému de toutes...
La scène du corset : un passage court et rapide mais d'une intensité troublante...
Concernant le choix de Michael Fassbender pour incarner Rocherster, j'ai tout d'abord été assez surpris, ne lui retrouvant pas la carrure physique imposante du personnage, décrit à l'origine comme une force de la nature doublée d'une physionomie massive et peu séduisante. Le réalisateur est le premier à reconnaître que Fassbender n'est pas l'interprète le plus proche de l'apparence d'Edward Rochester, mais que sa personnalité collait parfaitement. Ainsi, mes premières craintes se sont vite vues apaisées car il est certain que Michael Fassbender s'en tire à merveille. Il compense ainsi l'absence de ressemblance physique avec le Rochester de papier par un jeu incisif et froid plein de sarcasme qui fait merveille dans les joutes verbales avec Mia Wasikowska.
Pour ce qui est des rôles plus secondaires mais non moins important, chapeau bas à Judy Dench dans la robe de Mrs Fairfax. Nous avons là une évidence, à croire que le personnage était fait pour elle dès sa création : la voir déambuler dans les couloirs de Thornfield emmitouflée dans ses crinolines, chapeautée de sa coiffe de dentelle et guidant Jane d'une lampe à huile tombe comme sous le sens. La grande dame du cinéma so british campe donc avec la perfection et la minutie qui convient la volontaire et charismatique gouvernante de la maisonnée. En revanche, j'ai plus de réserve concernant Jamie Bell en St John : je ne trouve pas son jeu assez nuancé et il passe trop vite du dévouement total envers Jane à la colère démesurée. Je l'ai trouvé plutôt irascible dans ce rôle, en fait...
Mais parlons un peu de la mise en scène dans son ensemble. J'ai trouvé cette adaptation d'une très grande sobriété, comparée aux précédentes. Ce n'est pas là un reproche, bien au contraire : à l'image de Mia Wasikowska elle-même qui fait passer un maximum de sentiments en un minimum de paroles, tout le film dans son entier bombarde le spectateur d'émotions en un minimum d'effets. Peu de fioritures dans les décors, par exemple : la lande ne nous est pas montrée sous une forme retravaillée de branches et de plantes tortueuses comme il sied si bien à l'esthétique gothique habituelle, et le manoir de Thornfield n'est pas enchevêtré d'une décoration alambiquée. Tout est capturé sous sa forme brute et simple : la nature est opaque et sauvage, le château froid et imposant. C'est tout.
La même simplicité se retrouve dans les couleurs et si l'ensemble peut parfois paraître terne, c'est que le directeur de la photographie et le réalisateur se sont mis d'accord pour ne pas avoir recours aux lumières artificielles mais uniquement aux sources lumineuses naturelles telles qu'on les voit à l'écran. Ainsi, une scène éclairée à la bougie n'était réellement éclairée QU'à la chandelle, et non à l'aide de projecteurs supplémentaires dissimulés derrière le cameraman. Cela confère aux scène une atmosphère pesante et réaliste, ainsi qu'une profondeur saisissante.
Cette ambiance naturelle se retrouve dans de brèves scènes purement contemplatives, qui viennent entrecouper le fil du récit pour offrir comme une sorte de "pause" au spectateur. Pas de parole, seulement Jane se promenant sur un chemin, le vent secouant les fleurs d'un cerisier, une main caressant la mousse d'un rocher. Le tout est filmé avec finesse, subtilité et de légers tremblement comme si l'instant était saisi, fugace, caméra à l'épaule.
L'ensemble est d'une grande pureté et la sobriété que j'évoquais plus haut est telle qu'on ne se sent qu'encore plus proche des personnages. Livrés à nos regard dans cet écrin simple et froid, ils nous apparaissent plus vrais et leurs sentiments sont plus palpables, plus accessibles. L'identification est plus facile, elle nous saute à la gorge et l'on est saisi par leur émoi aussi intensément que si l'on vivait leur histoire. C'est là la grande qualité de cette adaptation : parvenir à nous toucher ainsi au cœur, nous piquer au plus profond de nous-mêmes et rendre l'aventure de Jane et Rochester plus vraie, sincère et actuelle que jamais.
En résumé: une adaptation épurée et profonde, dont la simplicité donne toute leur résonance et leur beauté aux personnages et à leurs émotions. L'ensemble est juste, vrai, et limpide comme jamais, sans rien perdre du charme classique de l’œuvre originale. Une réussite.
En bref, c'est trop d'la balle, comme je le disais au lycée! =P
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire