samedi 4 août 2018

Le Diable s'habille en Voltaire (Voltaire mène l'enquête #3) - Frédéric Lenormand

Editions J.C.Lattès, 2013 - Le livre de poche (2014) - Editions du masque (2014).

  Voltaire a enfin trouvé un adversaire à sa mesure : le diable en personne ! Belzébuth sème des cadavres à travers Paris, au point que l’Église, soucieuse d’éviter tout scandale, fait appel au célèbre philosophe pour mener une enquête discrète en cachette de la police. Dans un Paris des Lumières encore très empreint de croyances irrationnelles, où vampires, démons et morts-vivants semblent se promener à leur gré, qui d’autre envoyer sur leurs traces qu’un philosophe connu pour ne croire à rien ? En échange, le cardinal de Fleury, qui gouverne la France, autorisera la publication des Lettres philosophiques, ce brûlot sulfureux. Il ne reste plus à Voltaire qu’à montrer ce que peut la philosophie contre la superstition. Et aussi à découvrir qui sème des morceaux de corps humains jusque dans le bain de l’écrivain, à percer le secret d’un mystérieux jupon convoité par un assassin, sans oublier de faire jouer sa nouvelle tragédie à la Comédie-Française, afin de révolutionner un art théâtral poussiéreux !
  À la fois roman policier historique et conte voltairien,
Le diable s’habille en Voltaire est écrit dans un style jubilatoire aussi ciselé que l’était le langage des Lumières.

***

  Après deux premiers tomes savoureux, voilà le troisième opus de la série des Voltaire mène l'enquête, dans laquelle Frédéric Lenormand, auteur plusieurs fois primé, réinvente l'Histoire du philosophe en faisant de lui un enquêteur amateur dans le Paris du Siècle des Lumières.

  Nous sommes en plein hiver 1734 lorsque Voltaire, frigorifié dans ses appartements de la rue de Longpont, se fait porter un bain (oui, à l'époque, il faut héler un "porteur de bain" dans la rue, lequel vous loue le temps qu'il faut baignoire, eau chaude, et savonnette). Mais quelle n'est pas son horreur de découvrir, pendant ses ablutions, un doigt de pied remonter à la surface! A l'évidence, le bain aura servi une première fois et peut-être même fut-il fatale à sa cliente. Vite, sortons de là, d'autant que l'emploi du temps du philosophe est chargé : le Père Pollet, confesseur du Cardinal, a besoin de ses lumières pour enquêter sur un meurtre qu'il pense commis par Satan en personne. En effet, on a retrouvé sur les lieux du crime des traces de sabots monstrueuses qui ne peuvent être que celles du Malins! Face aux peu d'indices fiables, Voltaire embarque sa divine amie de Marquise Emilie à la recherche des événements occultes de Paris et ne tardent pas à faire mouche. En effet, la capitale est secouée par d'étranges apparitions depuis quelques temps : outre le Diable en personne, en parle d'une jupière revenue d'entre les morts et qu'on aurait aperçue près de Notre Dame... la piste est probablement la bonne car dès qu'Emilie et Voltaire la suive, ils se trouvent très vite poursuivis par Satan, de chair et de cornes... et dans tout ça, il se pourrait même qu'ils retrouvent à qui appartenait l'orteil retrouvé dans le bain du poète!

 Voltaire et Emilie du Châtelet, deux hauts esprits du Siècle des Lumières.


"La mort, c'est le fait de n'être plus vivant. Il n'y a pas de moyen terme qui permettait d'aller se promener sur le paris de Notre-Dame des dimanches après-midi."

  Pour la troisième fois consécutives, F.Lenormand nous régale littéralement en revisitant avec humour le Siècle des Lumières et le personnage de Voltaire, excellentes excuses pour se prêter à toutes les fantaisies de style et de verbe dignes de cette grande époque. Les dialogues s'enchainent à la vitesse d'un jeu de paume qu'on aurait généreusement dynamité, et les situations pleines de drôlerie et d'absurdité restituent toute l'insolence du célèbre et pour le moins caractériel philosophe.

"- D'habitude, fit observer Emilie, mes soupirants me conduisent au bal, non dans des trous malpropres.
- N'accablez pas la personne qui fait le soleil de votre vie, dit Voltaire.
- Oui, mais... il y a des éclipses."


"- Regardez ce que j'ai ramené! déclara-t-il en poussant devant lui le rescapé. Emilie accorda un bref regard au jeune visiteur et se pencha à nouveau sur ses travaux.
- Un enfant! précisa Voltaire.
- Oui, je connais, j'en ai trois à la maison, vous savez."



  Bien que l'Histoire (avec un grand H) soit ici subtilement contrefaite pour les besoins de l'histoire (avec un petit h), les décors et personnages croisés dans l'intrigue, en grande majorité véridiques, témoignent des grandes connaissances de l'auteur sur le Paris des Lumières. On croisera ainsi la vraie comtesse de Coigny qui, passionnée de chirurgie, s'amusait à disséquer des cadavres dans son salon, et on se rendra à la première de la pièce Adélaïde du Guesclin que Voltaire monta bel et bien à la Comédie Française en janvier 1734 pour un succès... tout relatif. On ira jouer au tric-trac avec une Emilie addict aux jeux d'argent (véridique également) dans le tripot clandestin de l'hôtel de Transylvanie, et on apprendra les dessous du commerce du vêtement d'occasion au XVIIIème siècle. De plus, l'enquête évoluant dans les milieux occultes, on redécouvrira à quel point les superstitions et l'obscurantisme occupaient encore une grande place en ce début de siècle pourtant dit "éclairé".

Ancienne Comédie Française, à l'époque place des Fossés Saint Germain.

"Cette histoire de diablerie le contrariait infiniment.
- Voyez-vous, l'Eglise n'aime pas trop qu'on parle de Lucifer.
- Comme je vous comprends, répondit Voltaire.
Sans doute craignait-elle qu'on s'aperçût qu'il n'existait pas."

 Hôtel de Transylvanie, à Paris.

En bref: Entre faits historiques et délires philosophiques, ce troisième opus de Voltaire mène l'enquête est comme toujours un tourbillon de mystères et de fous rires dans le monde des perruques et des robes à paniers, apparitions diaboliques et légendes fantomatiques en prime!


Et pour aller plus loin... 


- Découvrez toute la série de Voltaire mène l'enquête : le tome 1 ICI, le tome 2 ICI, et les autres à venir...

- Apprenez-en plus sur la divine Emilie du Châtelet, marquise maîtresse de Voltaire et première femme de sciences française grâce à Emilie du Châtelet, philosophe des Lumières, de Pascale Debert, ICI.



2 commentaires:

  1. Tu fais souvent des découvertes étonnantes ! :-) je note!

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    1. Cette série de romans est absolument extraordinaire! Une avalanche de mots d'esprits et de réparties philosophiques savoureuses, le tout recoupé à des situations vaudevillesques dans un paris des Lumières polarise!
      J'ai eu la chance de mettre en image la couverture d'un tome de cette série :D

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