dimanche 22 novembre 2020

Maîtresse de tous les maux - Serena Valentino.

Mistress of all evil : a tale of the dark fairy
, Disney Press, 2017 - Hachette Heroes (trad. d'A.Gallori), 2019.
 
    Nous connaissons tous cette histoire : une belle jeune fille rencontre un beau prince. Mais la demoiselle apprend qu'elle a été maudite par une Fée noire, la condamnant à sombrer dans un sommeil éternel. Malgré la protection de trois bonnes fées, la malédiction se réalise. Mais le bien triomphe du mal : le prince défait le dragon cracheur de feu, et réveille la princesse grâce à son baiser d'amour véritable. Pourtant, ce n'est que la moitié de l'histoire : qu'en est-il de la Fée noire, Maléfique ? Pourquoi maudit-elle cette princesse innocente ? Bien des récits ont tenté d'expliquer ses motivations. Voici l'une de ces histoires, un conte ancestral où l'amour et la trahison côtoient la magie et les rêves. Voici l'histoire de la Maîtresse de tous les maux.
 
***
 
    Après Miroir, Miroir (Fairest of all), L'histoire de la Bête, et Pauvres âmes en perdition, Serena Valentino poursuit avec Maîtresse de tous les maux son exploration des grands méchants Disney. Au départ prévu comme un one shot, Miroir, Miroir est finalement devenu le premier opus d'une collection elle-même devenue une série, l'auteure tissant une trame de fond commune aux différents tomes. Alors que cette univers se construisait petit à petit, on a vu baisser notre enthousiasme pour cette saga... et autant dire que ça ne s'est pas arrangé avec ce quatrième volume. Alors que Maîtresse de tous les maux est apparemment très apprécié des critiques, on n'a pas été convaincu. Mais alors pas convaincu du tout!

Double couverture de l'édition originale

    L'histoire commence là où se terminait le tome précédent : alors que la Sorcière des Mers vient de décéder, Maléfique, qui a déjà plongé la princesse Aurore dans un profond sommeil, s'approche du château Morningstar où se trouvent la princesse Tulipe et sa marraine Nounou, ancienne puissante magicienne à la mémoire partiellement effacée. L'arrivée de la fée noire fait ressurgir ses souvenirs : l'enfance de Maléfique, adoptée par Nounou pour bénéficier d'un apprentissage malgré son côté obscur, les méchancetés des fées de l'école de magie, sa fugue sous sa forme de dragon, sa volonté de ne pas sombrer dans le mal et... une vengeance, motivée par trois figures majeures de la sorcellerie : les Étranges Sœurs, encore et toujours.
 

    Bof, bof, bof. Pas grand chose à sauver de ce livre, donc. Il faut dire qu'il était difficile de passer après le film Disney Maléfique, qui dépeignait déjà de fort belle manière cette grande méchante tout en lui réinventant une histoire particulièrement bien construite. Etait-il, dès lors, utile de réitérer l'exercice? Pas sûr. On en veut pour preuve le texte enchevêtré de Serena Valentino, qui s'égare dans les ressorts dramatiques les plus extrêmes et les plus vides à la fois, comme pour chercher à montrer qu'elle peut explorer une histoire différente de celle déjà racontée dans le scénario de Woolverton... au final, on retient surtout les quelques points communs, tout le reste paraissant excessif ou facultatif. L'omniprésence de créatures végétales et d'un dieu des bois du nom d'Obéron évoquent autant les créatures du film que les références à Songe d'une nuit d'été de la novélisation d'Elizabeth Rudnick, de même que la relation entre Maléfique et les trois bonnes fées, les personnalités futiles de ces dernières, ou l'affection qui unit finalement la fée noire à Aurore.


    Ajout positif quant à ce dernier point, cependant : Serena Valentino imagine un lien quasi-alchimique qui n'est pas sans évoquer les hypothèses qui circulaient en leur temps sur la filiation entre Harry Potter et Voldemort avant la publication de l'ultime tome de la saga de J.K.Rowling. Pour le reste, il n'y a pas grand chose à récupérer de ce livre : les personnages sont tous excessivement caricaturaux et Serena Valentino en fait des caisses dès que Maléfique entre dans la pièce, comme si au-delà du charisme physique du personnage, elle était incapable de broder quelque chose de substantiel. La fée noire reste ici une silhouette, une allure, un rire, une voix, mais le tout sur du papier glacé : la profondeur qu'elle cherche à lui donner avec en lui inventant un passé ne vient pas jusqu'au lecteur. Il faut dire que la maturité initiale de la série, très présente dans Miroir, Miroir, est ici gâchée par une histoire un peu niaise et de perpétuelles chamailleries puériles entre fées. Ajoutez à cela que Blanche-Neige débarque là sans y avoir sa place, qu'elle cause en face-time avec l'esprit assagi de feu sa marâtre à travers le miroir magique, et que le texte français est franchement léger, et on tient là, au mieux, un mauvais épisode fourre-tout d'Once upon a time. Les éléments secondaires réinventés par l'auteure pour donner une unité à sa série n'ont aucune épaisseur, et comme ils prennent toute la place, le résultat est peu nourrissant.
 

    Tout ça pour dire qu'on ne lira certainement pas N'écoute que moi (le suivant de la série) consacré à Mère Gothel (d'une parce que Raiponce est loin d'être notre Disney favori, de deux parce qu'on n'est pas convaincu que ce personnage a quelque chose à raconter au-delà du long-métrage). Peut-être qu'on se laissera tenter par le 5ème tome, Les étranges sœurs : quitte à imaginer de nouveaux personnages, leur consacrer un vrai opus (et non pas utiliser l'histoire des méchants officiels Disney comme excuse pour les raconter) peut-être pertinent. Mais on est plus curieux de découvrir Cruelle Diablesse, consacré à Cruella d'Enfer (parce que l'histoire des 101 dalmatiens forcera nécessairement S.Valentino à s'écarter de l'univers insipide inventé ici, et que cette méchante, elle a un vrai potentiel psychologique) et Cold Hearted, consacré à la mystérieuse et perfide Lady Tremaine et annoncé pour l'été prochain.

En bref : Creux, vide, sans intérêt, Maitresse de tous les maux chute un peu plus dans les défauts qui allaient croissants dans cette série, tombée dans la franchise commerciale pure. Passez votre chemin. 
 
 

Et pour aller plus loin :
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire