jeudi 17 mars 2022

Charlie et la chocolaterie - Un musical de D.Greig, M.Shaiman & S.Wittman d'après Roald Dahl.

Charlie et la chocolaterie

Livret : David Greig
Musique : March Shaiman
Paroles : Scott Wittman & Marc Shaiman (adaptées par Ludovic-Alexandre Vidal)

D'après le roman de Roald Dahl

Adaptation et mise en scène : Philippe Hersen
 
Avec : Arnaud Denissel, Mathias Marzac, Gaspard Estève, Jean-Pierre Raphaël Duclos, Marlène Conan...

Au théâtre du Gymnase Marie Bell du 21 octobre 2021 au 9 janvier 2022
Au théâtre Marigny du 18 février au 7 mai 2022

    Charlie est un enfant issu d'une famille pauvre. Travaillant pour subvenir aux besoins des siens, il doit économiser chaque penny et ne peut s'offrir les friandises dont raffolent les enfants de son âge. Un beau jour, Mr Willy Wonka, propriétaire légendaire d'une gigantesque chocolaterie, propose un grand concours : cinq enfants pourront passer une journée en compagnie de cet étrange personnage, visiter ce lieu fabuleux et gagner une récompense qui dépasse toutes leurs attentes. Une frénésie d'achat de chocolat "Wonka" s'empare alors du monde entier... Par un heureux hasard, Charlie parvient à trouver le cinquième et dernier ticket d'or qui lui ouvre les portes de l'usine...

***

    On l'attendait avec impatience, ce spectacle musical : adapté de l'un de nos romans préférés de Roald Dahl, Charlie et la Chocolaterie, transposé sur scène et joué dans le West-End en 2013 puis à Broadway en 2017, figurait sur notre liste des 10 comédies musicales à voir avant de mourir (oui, oui). Autant dire que l'annonce d'une mise en scène française il y a deux ans, prévue pour septembre 2020, avait suscité chez nous un réel enthousiasme. Et puis, comme pour Le tour du monde en 80 jours, le coronavirus s'en était mêlé, et il avait fallu revoir notre programme. Fort heureusement, à l'automne 2021, le Théâtre du Gymnase Marie Bell a pu rouvrir ses portes et nous donner enfin l'occasion de découvrir cette adaptation. Le musical a rapidement rencontré un certain succès, si bien qu'à la fin de sa programmation, le spectacle a migré au Théâtre Marigny (rien que ça) pour jouer les prolongations...
 

    Mais commençons par un peu d'histoire. Charlie et la chocolaterie, c'est tout d'abord un très célèbre roman jeunesse de Roald Dahl, publié en 1964 et déjà adapté à deux reprises au cinéma. Une première fois par Mel Stuart avec Gene Wilder en 1971, puis une seconde fois en 2005 par l'inénarrable Tim Burton avec Johnny Depp. Alors qu'un autre roman de Roadl Dahl, Matilda, a déjà connu son adaptation en musical en 2010, c'est au tour de Charlie et la Chocolaterie de se voir transposé en version scénique en 2013 pour le West-End. Ce spectacle est alors composé et co-écrit par l'excellent Marc Shaiman (à qui l'on doit le musical Hairspray, ou encore les chansons et musiques du film Le retour de Mary Poppins et de La Famille Addams). Malgré quelques faiblesses pointées par la presse, la mise en scène de Sam Mendes permet au musical de rester à l'affiche sept ans et d'être repris à Broadway dans une nouvelle version. Malheureusement, la mise en scène américaine, qui décide de faire jouer les rôles d'enfants par des adultes, ne rencontre que peu de succès et ne reste même pas un an à l'affiche. Cette transposition française (la première!) est mise en scène par Philippe Hersen, qui co-adapte le spectacle aux côtés de Ludovic-Alexandre Vidal, auteur et parolier de l'excellent Tour du monde en 80 jours et déjà adaptateur, entre autres, du Bal des vampires dans sa mise en scène à Mogador. Philippe Hersen a souhaité, pour son Charlie et la chocolaterie, raviver la fantaisie du film de Burton. Alors, verdict ?
 

Film VS spectacle : comme un air de déjà vu ?
 
    Malgré notre enthousiasme initial, on doit admettre être sorti de la salle de spectacle très mitigé. Il y a évidemment du très TRES bon dans ce spectacle, à commencer par la mise en scène et la scénographie. Cette adaptation française compose très bien avec les contraintes d'un théâtre parisien (loin de la technique et des possibilités d'une scène du West-End ou de Broadway) en mêlant réel et numérique. Comme pour Oliver Twist, qu'on avait adoré à la salle Gaveau il y a quelques années, une partie du décor est en effet conçue par informatique et projetée sur le fond de scène, par-devant lequel se superposent des éléments réels. La décoratrice, Emmanuelle Favre, parvient à relever un beau défi et s'inspire majoritairement des visuels de Burton, dont l'aura plane évidement sur ce spectacle. Les effets visuels sont moins spectaculaires que pour d'autres spectacles qui nous en ont mis plein les yeux (on pense à la claque du Bal des vampires, inégalable), mais il y a eu quelques beaux moments d'émerveillement, à l'image de la scène d'ouverture, où Willy Wonka aspire l'intégralité du rideau dans son chapeau haut de forme, ou encore de l'envolée en ascenseur de verre. Toujours dans la continué des visuels à la Burton, les costumes de Sylvain Rigault sont littéralement explosifs et particulièrement esthétiques. La tenue de Willy Wonka, élégante et dont les motifs évoquent un berlingo véritable, renvoie bien sûr à la silhouette mémorable de Johnny Depp dans le film de 2005.
 

    Le scénario de David Greig fonctionne plutôt bien et se révèle être une adaptation intéressante du roman par certains côtés. L'une de ses très bonnes idées est de faire intervenir le personnage de Willy Wonka "sous couverture" pendant la première moitié du spectacle (soit avant que les enfants ne viennent visiter la chocolaterie). Afin de surveiller la course aux tickets d'or de plus près, le chocolatier se déguise en confiseur et vend ses propres friandises. Il est ainsi régulièrement présent et c'est depuis la télévision de sa boutique qu'on découvre l'un après l'autre les quatre premiers enfants lauréats, qui font l'actualité des flashs infos. Autre modification : le scénario fait disparaître le père de Charlie, décédé avant les événements racontés sur scène. Aucune véritable explication ne semble justifier ce choix, si ce n'est celui d'ajouter de l'émotion à l'histoire, peut-être... (mais nous y reviendrons tout à l'heure).
 


    D'autres modifications sont cependant moins heureuses. Dans la continuité du film de Burton, les quatre concurrents de Charlie sont de nationalités différentes ; ce qui passe plutôt bien (ou disons sans problème) dans la version cinéma est appuyé à grand renfort de clichés dans la version scénique (par exemple, profusion de saucisses dès qu'Augustus entre en scène, et accent à couper au couteau), pour un résultat souvent malaisant. Le personnage de Mike Teavee, que les auteurs ont tenté de moderniser, devient un adolescent hyperactif sans grand relief et sa mère est une copie conforme (en moins bien) du personnage de Mrs Beineke dans le musical de La famille Addams. Enfin, la vision des Oompa Loompas reste sujette à questionnement : ces petits personnages, réinterprétés à chaque mise en scène de façon différente (notamment sous forme de marionnettes dans l'un des récents spectacles), ont ici l'allure d'une peuplade inca dont aurait fait la main-d’œuvre d'une usine...


    Malgré des personnages pas toujours convaincants, admettons que les acteurs s'en tirent plutôt bien. Arnaud Denissel campe un excellent Willy Wonka, pensé dans la droite lignée de celui interprété par Johnny Depp. On lui retrouve en effet les mimiques, intonations et le jeu de son prédécesseur (même la coupe de de cheveux y est). Le comédien cabotine à fond, fait des manières et investit totalement ce personnage de mégalomane pétillant et manipulateur à la fois. Mais les acteurs les plus époustouflants sont évidemment les enfants de la troupe, d'autant qu'il est plutôt coutume, en France, de voir ce type de rôle joué par des adultes en raison d'une législation contraignante. Peut-être la production française a-t-elle tout misé pour éviter le même carnage que la version américaine ? En tout cas, ce jeune casting (deux interprètes pour chaque personnage, en alternance) épate par la qualité des prestations, Mathias Marzac (qui jouait Charlie le soir où l'on a assisté au spectacle) en tête.
 

    En revanche, une de nos grosses déceptions va à... la musique et aux chansons ! Alors que jamais nous n'aurions douté du talent de Marc Shaiman (dont nous sommes tombés plusieurs fois sous le charme des mélodies) et qu'un véritable orchestre était présent dans la salle, nous devons avouer une grande frustration. Une seule chanson nous a semblé réellement mémorable ("Il faut le croire pour le voir", qui clôture le premier acte en apothéose), tandis que les autres, même lorsqu'on les a trouvées jolies, ne nous sont pas restées en tête. Défaut d'un soir peut-être, à noter aussi que la musique était trop forte pour qu'on puisse entendre distinctement les paroles des chansons...

"Il faut le croire pour le voir", seul morceau vraiment marquant à notre sens.

    L'ensemble reste sympathique sans être, à l'image d'autres musicals que nous avons pu voir, véritablement enchanteur. Il y manque, malgré quelques tentatives des auteurs (à l'image de la mort du père de Charlie), une véritable émotion. Philippe Hersen disait vouloir reprendre l'esprit de Tim Burton mais sans les éléments sombres que ce dernier avait ajoutés à l'histoire. Or, c'est peut-être là que le spectacle aurait gagné en épaisseur, car trop de sucre tue le sucre. A l'inverse du Tour du Monde en 80 jours, réservé à un jeune public mais qui a tout pour plaire aux adultes, Charlie et la chocolaterie, conçu pour un public intergénérationnel, plaira surtout aux enfants.
 

En bref : Une adaptation visuellement réussie du célèbre roman de Roald Dahl, portée par de très bons acteurs et une mise en scène de qualité. Malheureusement, Charlie et la Chocolaterie, pourtant mis en musique par l'excellent Marc Shaiman, ne propose pas une bande-originale aussi enthousiasmante qu'on l'espérait et souffre d'une écriture souvent lourde dans le traitement des personnages. Il en reste une comédie musicale qui plaira énormément aux plus jeunes et qui saura leur en mettre plein les yeux.
 

4 commentaires:

  1. Malgré ton avis en demi-teinte, les photos éclatantes font envie! merci en tout cas pour ton honnêteté, Pedro!

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    1. Coucou Fondant!
      Oui, la mise en scène et les visuels étaient chouettes, malgré ce que je peux reprocher à ce spectacle ;-)
      J'espère que tu vas bien, en ces premiers jours du printemps !

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  2. Tu ne dis pas un mot de la très mauvaise traduction ? Personnellement, c'est ce qui m'a le plus déplu (mais bon, ce n'est peut-être pas un hasard)

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    1. Je me suis fait la réflexion après-coups que je n'en avais pas parlé, oui. Mais il est vrai que ça ne m'a pas autant heurté les oreilles qu'à toi ;-)

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