Le retour de Mary Poppins
(Mary Poppins returns)
Un film de Rob Marshall pour les studios Disney
d'après le personnage et les romans de Pamela Lyndon Travers
Avec : Emily Blunt, Lin Manuel Miranda, Ben Whishaw, Emily Mortimer, Julie Walters, Dick Van Dyke, Meryl Streep, Colin Firth, Angela Lansbury...
Sortie le 19 décembre 2018
Michael Banks travaille à la banque où son père était employé, et il vit
toujours au 17 allée des Cerisiers avec ses trois enfants, Annabel,
Georgie et John, et leur gouvernante Ellen. Comme sa mère avant elle,
Jane Banks se bat pour les droits des ouvriers et apporte son aide à la
famille de Michael. Lorsque la famille subit une perte tragique, Mary
Poppins réapparaît magiquement dans la vie de la famille. Avec l’aide de
Jack, l’allumeur de réverbères toujours optimiste, Mary va tout faire
pour que la joie et l’émerveillement reviennent dans leur existence…
Elle leur fera aussi découvrir de tout nouveaux personnages plein de
fantaisie, dont sa cousine, l’excentrique Topsy.
***
Voilà quelques années déjà que le projet d'une suite au célèbre Mary Poppins de Disney se murmurait dans les tuyaux. Un projet on ne peut plus "casse-figure" quand on mesure la renommée iconique du film de 1964 d'un côté, et la valeur culturelle patrimoniale des romans originaux pourtant très différents de l'autre. L'adaptation du roman par Walt Disney n'avait pas été sans embuche : sa version très édulcorée du personnage complexe imaginé par l'auteure avait mené à un désaccord devenu mythique dans le monde du cinéma, fort bien raconté dans le film Dans l'ombre de Mary (2014).
L'affiche a comme des airs d'hommage visuel, non?
Le défi de cette suite est relevé par Rob Marshall, metteur en scène de comédies musicales à Broadway qui s'essaie au grand écran avec succès dès les années 2000. Ses films les plus connus et les plus réussis sont également des films musicaux, parmi lesquels figurent Chicago, Nine, ou encore Into the woods. Pour Le retour de Mary Poppins, il endosse aussi le rôle de scénariste, en raison de sa grande passion pour ce personnage : son souhait est très clairement de raconter l'histoire qu'il aurait voulu voir enfant si une suite avait déjà été tournée. Assurer ce second film plus de cinquante ans après le premier opus est probablement du jamais vu et pourrait présenter une difficulté supplémentaire dans la liste déjà longue des écueils de ce projet mais, avouons-le, Rob Marshall s'en sort avec brio!
Car contre toute attente, Le retour de Mary Poppins est un chef-d’œuvre plein de magie et d'émotion à la hauteur du grand classique de 1964. Mieux encore? A la fois grand fan du film et des livres d'origine pourtant très différent, Rob Marshall parvient à la fois à rendre un hommage aux romans de P.L.Travers en s'inspirant autant du long-métrage d'origine que de l'esprit de la saga littéraire, conciliant les deux pour satisfaire en même temps les amoureux de l'un ou de l'autre. Même si l'actrice principale allait nécessairement changer, Rob Marshall justifie le nouveau casting grâce à une idée brillante, à savoir placer cette suite vingt-cinq ans plus tard, à la génération suivante d'enfants Banks. Cela permet de jouer sur une nouvelle ambiance et de gagner l'intérêt d'une nouvelle génération de spectateurs , tout en situant cette fois l'intrigue dans les années 30, époque de l'intrigue dans les livres de P.L.Travers (que Disney avait initialement troqué pour l'ère Edwardienne).
Cherry Tree Lane, 25 ans plus tard...
Comme le titre de cette suite l'indique, le scénario est en grande partie inspiré du second roman, Le retour de Mary Poppins (Mary Poppins comes back, 1935) : tout comme dans le livre, c'est accrochée au cerf-volant des enfants Banks que revient la célèbre nounou. Quel cerf-volant? Celui tout rafistolé du film de 1964, qui appartenait à Jane et Michael quand ils étaient petits : voyez donc avec quelle logique symbolique Rob Marshall parvient à raccrocher les wagons et relier avec amusement la Mary Poppins de Disney et celle de Travers! L'épisode "cul par-dessus tête" chez la cousine Topsy, l'aventure du bol en porcelaine et le personnage de la dame aux ballons sont également inspirés des passages clefs qui jalonnent le second livre, auxquels Rob Marshall ajoute des scènes et clins d’œil tirés des autres romans. La scène sous l'océan racontée dans Les bonnes idées de Mary Poppins (Mary Poppins opens the door, 1943), initialement prévue pour le film de 1964 et réutilisée pour l'Apprentie sorcière (1972), est ici l'une des premières aventures de Mary et des nouveaux enfants Banks. Mais encore, le départ de Mary Poppins "quand la porte s'ouvrira" vient bien évidemment de ce même livre, tandis que l'évocation de l'endroit où vont les choses et les personnes que l'on perd (principalement au centre de la chanson The place where lost things go) est inspirée de Mary Poppins et la maison d'à côté (Mary Poppins and the house next door, 1988). Enfin, même les différentes fables racontées dans la chanson The cover is not the book sont tirées des livres puisqu'il s'agit ni plus ni moins que des contes racontés par Mary Poppins aux enfants au fil des trois premiers romans.
Si certains critiques de cinéma ont reproché au film de suivre un schéma calqué sur le premier film, rappelons que c'était exactement de la même façon que procédait P.L.Travers d'un livre à l'autre. Aussi, chaque épisode entre-t-il en résonance avec les péripéties du classique de 1964 (l'aventure dans le bol de porcelaine renvoie à l'aventure dans les tableaux, la visite chez la cousine Topsy rappelle celle chez l'oncle Albert, et la danse des fallotiers n'est pas sans évoquer celle des ramoneurs). Cette intrigue en miroir justifie aussi l'utilisation du mélange entre animation et prises de vue réelles, qui, plus qu'un clin d’œil facile, nous permet de nous immerger totalement dans cet univers "so Poppins" en titillant notre nostalgie. La technique est d'autant plus justifiée que les images, magnifiques, sont d'une fluidité et d'une beauté impressionnantes (et en plus, même les pingouins sont de retour!).
Pour autant, le scénario ne sent aucunement la redite, et cet heureux. Comment? Contrairement à la première histoire, Rob Marshall ajoute ici un personnage de méchant qui place nos héros dans une situation précaire (la maison est saisie et les Banks sont menacés d'expulsion s'ils ne retrouvent pas le document attestant des actions déposées à la Banque par Mr Banks père avant vendredi minuit). Mary Poppins est donc là une fois encore pour sauver la famille Banks, avec une petite dimension de course contre la montre qui ajoute un piment bienvenu. Cette situation incertaine, le contexte de la crise des années 30 et le décès de l'épouse de Michael ajoutent aussi une note de mélancolie totalement absente du premier film, mais qui permet d'apporter la touche de gravité propre aux romans qui manquait à la version de 1964. Là où l'ambiance quelque peu vaudevillesque du premier opus n'aurait plus convenu de nos jours, Rob Marshall glisse avec subtilité des émotions fortes qui favorisent l'empathie et l'identification.
Le casting trois étoiles apportent bien évidemment énormément à la réussite du film, Emily Blunt en tête : si elle ne ressemble pas physiquement à Julie Andrews, elle se glisse dans les tenues colorées de la nounou avec talent, sans jamais chercher à imiter sa prédécesseuse. Au contraire, Emily Blunt a même refusé revoir le film de 1964 pour s'assurer ne pas jouer une vulgaire copie, mais a relu les romans de Travers pour se rapprocher du personnage initial. Et en effet, cette Mary Poppins rappelle fortement la nurse originale, un peu plus rigide, un peu plus guindée, un peu plus narcissique... mais qui dissimule toujours la fantaisie que les spectateurs attendent d'elle, on vous rassure. Le reste du casting est tout aussi excellent, même si Ben Whishaw a une bouille d'éternel ado qui porte mal la moustache du papa. Emily Mortimer est très crédible en Jane Banks devenue adulte, investie comme sa mère dans de grandes causes sociales (elle manifeste ici pour les droits des ouvriers). Ellen, la bonne de la famille, est toujours là et apporte des touche d'humour léger grâce à son interprète Julie Walters, drôle et émouvante en domestique vieillissante qui sucre un peu les fraises. Inutile de s'attarder sur les très bonnes prestations de Meryl Strrep, Colin Firth ou Angela Lansbury, qu'on regrette seulement de ne pas voir un peu plus ; mais on retrouve avec plaisir Dick Van Dyke dans le rôle anecdotique du directeur de banque qu'il tenait déjà dans le premier film (mais pour lequel il n'a désormais plus besoin de se grimer en vieillard...). Lin Manuel Miranda, dans le rôle de Jack l'allumeur de réverbère, prend la succession du personnage de Bert : sa prestation est honorable mais se trouve desservie en VF par un doublage agaçant.
Tout comme le premier film, cette suite est aussi musicale, évidemment! Si les frères Sherman ne sont plus les compositeurs du Retour de Mary Poppins, Richard Sherman reste consultant et a applaudi le travail de Marc Shaiman, qui a pris sa relève (et en plus, leurs noms se ressemblent!). Un peu plus actuelles tout en se situant dans la lignées de la bande originale de 1964, les chansons sont tour à tour entrainantes et émouvantes, en plus d'être encore plus mélodieuses. Parmi les plus belles : The place where lost things go, mais aussi Can you imagine that?, sans oublier la géniale chanson des fallotiers Trip a little light fantastique, dont la mise en scène est par ailleurs la plus éblouissante, jouée, chantée et filmée comme un numéro de musical sur scène. Seul hic : encore une fois, la VF, qu'on devine ardue pour les chansons. En effet, comme me l'a si bien fait remarquer une amie, les paroles en français semblent intégrées "au chausse-pied" dans les images filmées, amenant parfois à des textes qui sonnent un peu faux. Mais reconnaissons malgré tout que le travail de traduction et de doublage est là aussi un défi des plus difficiles.
En bref : Une suite qui dépasse les attentes! Tourné plus de cinquante ans après le premier film, le retour de Mary Poppins s'avère être un chef-d’œuvre inattendu. Rob Marshall relève à merveille ce défi et parvient à satisfaire autant les fans du film que ceux des romans en piochant à la fois dans le classique de Disney que dans la saga littéraire de P.L.Travers, rendant même cette adaptation un peu plus fidèle à l'esprit original. Merveilleusement joué et chanté, le retour de Mary Poppins présente également quelques éléments qui le rendent plus émouvant et plus actuel. Une vraie réussite!
Ouf ! Tu me rassures ! Je n'ai lu que des avis négatifs jusqu'à maintenant... J'ai hâte de le voir !
RépondreSupprimerOui,la presse a été très mitigée et il y a eu les meilleurs comme les pires avis! Une amie m'a dit que j'étais prêt à tout pour défendre mes films "chouchou", mais j'ai trouvé certains critiques de mauvaise foi: Dire que cette suite n'est pas émouvante, vraiment, c'est ridicule, par exemple! J'ai eu la larme à l'oeil plusieurs fois...
SupprimerPar certains côté, j'ai même préféré ce film au premier : La possibilité de se reconnaître ans les personnage est plus forte, et le contexte économique renvoie à quelque chose d'actuel. La mélancolie de l'histoire lui donne aussi quelque chose de plus vrai. Le film nous aide ensuite à positiver car il apporte à cette situation initiale une bonne dose d'espoir et de fantaisie! Il fait du bien! :)
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