lundi 15 août 2022

Blackwater VI : Pluie - Michael McDowell.

Blackwater VI : Rain
, Avon Books, 1983 - Editions Monsieur Toussaint Louverture (trad. de Y.Lacour avec H.Charrier), 2022.

    Le poids des années pèse sur le cœur du clan ­Caskey. Pourtant, comme autrefois et comme un leitmotiv cruel, des machinations surgissent et des mots qu’on n’attendait plus sont enfin prononcés. Depuis les hauteurs, le chant inexorable d’une menace dont on pressent les effets dévastateurs ­résonne.

    Au-delà des manipulations et des rebondissements, de l’amour et de la haine, Michael McDowell (1950-1999), ­co-créateur des mythiques Beetlejuice et L’Étrange Noël de Monsieur Jack, et auteur d’une trentaine de livres, réussit avec Blackwater à bâtir une saga en six romans aussi ­addictive qu’une série Netflix, baignée d’une atmosphère unique et fascinante digne de Stephen King.

    Découvrez le sixième épisode de Blackwater, une saga matriarcale teintée de surnaturel avec un soupçon d’horreur.
 
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    La fin n'a jamais été aussi proche ! Après cinq volumes de cette saga horrifico-familiale addictive et passionnante, voici le sixième et ultime tome du cycle Blackwater, pépite de littérature populaire américaine enfin arrivée en France ! Le précédent opus s'était, comme de coutume, terminé sur un événement particulièrement fort qui allait de nouveau marquer un tournant dans l'histoire des Caskey...

    Nous retrouvons donc le clan aux lendemains de la disparition de Frances dans la Perdido. Sa fille Lilah, choyée par sa grand-mère Elinor, grandit davantage au contact de cette dernière que de son propre père Billy, qui vit pourtant sous le même toit. Miriam, qui réside toujours dans la maison d'à côté, aime à passer du temps avec la fillette, qui ressemble d'ailleurs beaucoup plus à sa tante qu'à sa propre mère défunte. Cette ressemblance, Miriam en a pertinemment conscience et n'hésite pas à l'entretenir, attisant le caractère froid et cassant de sa nièce, de même que son goût pour les bijoux. Serait-elle prête à se l'approprier comme tant d'autres Caskey avant elle se sont échangés et donnés bébés et enfants ? Pendant ce temps, Sister, devenue l'éternelle vieille-fille qu'elle a toujours été, s'est imposée le lit pour fuir son époux, prise au piège de la promesse de ce dernier de venir la chercher dès lors qu'elle oserait poser le pied par terre. Impotente par la force des choses, l'ainée de feu Mary-Love devient exigeante et caractérielle, évoquant à tous une copie de sa propre mère. Si les Caskey semblent prospérer en dépit de ces quelques désagrément du temps, c'est sans compter les fantômes qui voguent sur la Perdido. Bientôt, les bottes de Carl Strickland, pourtant envoyé pourrir dans la rivière vingt ans plus tôt, résonnent sous le porche de Queenie, tandis que dans la chambre d'amis d'Elinor, la porte de la penderie s'ouvre pour libérer quelques spectres vengeurs...
 

    Derrière cette sublime couverture qui alterne entre doré, bleu et vert d'eau aux reflets changeants se cache probablement le meilleur opus de toute la saga. Après avoir minutieusement posé ses pions au fil des tomes et des décennies qui se sont égrainées entre les pages tel le sable de Perdido, Michael McDowell vient conclure son cycle en apothéose. Rien de ce qu'il a raconté précédemment n'aura été le fait du hasard et, encore une fois, les rouages du destins se chargeront du reste, comme une évidence.
 
"Sister était alitée depuis tant d'années que la maison entière était imprégnée de son odeur et de celle de son infirmité : une nuance doucereuse, pâle et poudrée de lavande qui rappelait les herbes dont les Egyptiens se servaient pour remplir les cavités des cadavres éviscérés"

    Car si certains éléments de cette ultime intrigue se devinent rapidement, c'est que le lecteur, désormais familier de la mécanique fatale à l’œuvre chez les Caskey, peut à présent anticiper les prochains coups qui se joueront sur le grand échiquier de Blackwater. Tout y devient limpide, logique. Fidèlement à la construction profondément systémique de son œuvre, l'auteur met encore une fois en exergue le caractère cyclique de cette histoire familiale vouée à répéter les mêmes travers.
 
 
    En cela, Pluie concentre le meilleur et le pire des Caskey, qui tombent une fois encore dans les mêmes failles, avec un cran de tension supplémentaire. Ce dernier est dû au fait que désormais habitués à leurs propres travers et à leurs pires défauts, ils sont à même d'en parler et de les revendiquer sans honte aucune ni même s'en inquiéter, tout en déjeunant paisiblement en famille, laissant ainsi planer une impression d'inquiétante étrangeté pour le lecteur. Délicieusement malaisant... et parfois hilarant.

"La comédie à laquelle se livra Miriam lorsqu'elle s'assit pour ouvrir ses cadeaux dépassa de loin les performances de ces dames lors du jeu de mimes qui eut lieu plus tard. En découvrant une nouvelle calculatrice, Miriam sentit monter une vague d'excitation ; moins à la vue des sous-vêtements roses et chaussons en peluche. Elle sut néanmoins faire bonne figure et adresser un mot poli à chacune, au point qu'Elinor lui confia plus tard :
— Tu aurais pu te montrer très désagréable, mais tu ne l'as pas fait.
— A quoi bon ? Elles étaient plutôt gentilles.
— Parfois, répond sa mère, j'ai l'impression que tu mûris.
— La vraie question, soupira la jeune femme, c'est comment je vais réussir à me débarrasser de toute cette camelote?"

    Elinor elle-même, qui a joué la partie avec maestria pour se faire une place dans ce monde et enrichir le clan Caskey, toujours lucide (voire souvent extralucide) et consciente des mécanismes de la machine infernale qu'elle a elle-même participé à enclencher, se prépare aux conséquences de ses propres actes. Malgré l’ambiguïté de sa nature et de certains de ses faits et gestes, elle reste pour le lecteur une héroïne d'une force incroyable.
 

    Tome de la fin et du (re)commencement, Pluie clôture la saga comme elle a débuté : sous des trombes d'eau, Perdido étant la victime d'une nouvelle crue pourtant annoncée par Elinor quarante ans plus tôt. Au paroxysme de son talent et de son scenario, McDowell réinvite ici, dans un festival d'horreur habilement maîtrisée, les peurs et les fantômes des protagonistes au cours d'une ultime nuit qui nous fera frissonner.
 

En bref : Merveilleux exemple de Southern Gothic, Blackwater se clôture avec ce qui est probablement le meilleur tome de la saga. Page turner d'une construction impeccable, Pluie vient poser les ultimes pièces du puzzle et nous embarque dans une dernière intrigue à la logique systémique implacable. Le cycle avait commencé sous la pluie avec Elinor, il se termine sous la pluie avec Elinor. Les Caskey occuperont votre esprit encore longtemps après avoir refermé ce petit bijou. Adieu, Perdido et merci Michael McDowell...

Et pour aller plus loin...
 
- Découvrez toute la série : tome 1 ICI, tome 2 ICI, le tome 3 ICI , le tome 4 ICI, et le tome 5 ICI.
 

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