mercredi 23 novembre 2022

Harry Potter and the cursed Child - la pièce de J.K.Rowling, J.Thorne & J.Tiffany au Palace Theatre de Londres.

Harry Potter and the cursed child

Mise en scène : John Tiffany
Musique : Imogen Heap

Avec : Jamie Ballard, Michelle Gayle, Thomas Aldridge, Dominic Short, Luc Sumner...

Au Palace Theatre de Londres depuis le 30 juillet 2016.


  Être Harry Potter n'a jamais été facile et ne l'est pas davantage depuis qu'il travaille au cœur des secrets du ministère de la Magie. Marié et père de trois enfants, Harry se débat avec un passé qui refuse de le laisser en paix, tandis que son fils Albus affronte le poids d'un héritage familial dont il n'a jamais voulu. Quand passé et présent s'entremêlent dangereusement, père et fils se retrouvent face à une dure vérité : les ténèbres surviennent parfois des endroits les plus inattendus. 

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    Il y a six ans (déjà), on avait partagé avec vous notre avis sur le texte de cette pièce, publié en France chez Gallimard et présenté (plus ou moins à tort, plus ou moins à raison) comme le huitième tome de la saga Harry Potter. Si Harry Potter et l'enfant maudit constitue bien une suite du célèbre cycle écrit par J.K.Rowling, il s'agit avant tout d'un script élaboré pour la scène et dont la version publiée est probablement davantage un audacieux coup de communication. Mais après tout, peu importe : pour les pays dans lesquels le spectacle n'a encore pas pu être mis en scène, l'ouvrage fait office de jolie consolation, à placer sur l'étagère au bout de sa précieuse collection. 
 
Trailer de l'édition 2022 du spectacle à Londres.

    Alors qu'on pensait ne jamais avoir l'occasion d'aller à une représentation de cette désormais célèbre pièce, il se trouve qu'on a justement pris un portoloin afin de nous téléporter jusqu'à Londres, au cours de l'été dernier. Il aurait été très bête de notre part de ne pas en profiter pour assister à ce spectacle devenu culte. Jouée depuis 2016 à guichet fermé, Harry Potter and the cursed child continue de rencontrer un succès incroyable et a vu se succéder plusieurs castings successifs depuis la première. La distribution s'est vue ainsi plusieurs fois renouvelée (notamment pour les acteurs les plus jeunes), même si certains comédiens interprètent leur rôle depuis plusieurs années. Alors qu'on célèbre cet Halloween 2022 sous le sceau des "familles extraordinaires", un article sur Harry Potter and the cursed child avait plus que jamais sa place dans notre programmation. En effet, si l'absence de famille était justement une des thématiques centrales du cycle de J.K.Rowling, cette nouvelle aventure, en mettant en scène une nouvelle génération de personnages, met plus que jamais la notion de famille (le clan Potter, évidemment, de même que les Weasley et les Malefoy) au centre de l'intrigue...

 
    En ce qui concerne l'histoire, justement : nous y reviendrons peu ici. Nous renvoyons les lecteurs curieux d'en connaître davantage à notre avis sur le texte publié par Gallimard en 2016. Nous voudrions surtout mettre en avant les prouesses visuelles du spectacle et les merveilles de la mise en scène. Jamais le terme de "magie" n'aura en effet eu autant de sens. Le décor, en réalité extrêmement simple, reste le même d'un bout à l'autre de la pièce, et ce alors que les lieux de l'histoire changent continuellement : une grande salle entourée de murs en vieilles pierres et en marqueteries, éclairée de candélabres stylisés et ornée de quelques piliers et arcs-boutants gothiques, le tout sous le tic-tac d'une grosse horloge. Ce sont les accessoires et les éléments mobiles (portes tenues par des gonds invisibles, étagères, bibliothèques, tables, escaliers et portraits...), portés par les comédiens au cours d'intermèdes musicaux et chorégraphiés qui marquent les transitions d'un lieu à l'autre. Le résultat, jamais brouillon, tient à un sens aigu du détournement de l'attention du spectateur, proche de la prestidigitation.
 

    Car on sous-estime les effets que la lumière, les danse, mais surtout que les gracieux mouvements de capes peuvent apporter à la dimension artistique et esthétique d'un spectacle, même si l'ensemble se contente d'accompagner le déplacement d'un sofa au centre de la scène (!). Ce travail de chorégraphie digne des meilleurs musicals du West-End relève d'une réelle prouesse technique et apporte de très beaux moments de fulgurances visuelles, portés par les mélodies enchanteresses d'Imogen Heap qui, sans jamais copier les musiques conçues pour les adaptations cinématographiques de la saga, recrée une atmosphère sonore tout à fait adaptée. 


    Le reste de la magie tient aussi au pouvoir de suggestion de la réalisation : loin de chercher à en mettre plein la vue en multipliant gratuitement des artifices qui se voudraient impressionnants, la scénographie joue le plus souvent la carte de la sobriété, à l'image de la reconstitution intérieure du Poudlard Express. Plutôt que d'inviter de réels wagons sur scène (comme on n'aurait tout à fait pu l"imaginer dans un spectacle de grande envergure comme celui-ci) la scène se contente de présenter un ensemble de sièges et de valises disposés de telle sorte que le spectateur, porté par sa propre imagination, visualise comme par enchantement les compartiments et la structure du train pourtant invisibles. Il en est de même pour le choixpeau magique, pour lequel la mise en scène réserve un traitement d'une simplicité surprenante mais qui ne fait pas regretter les artifices du cinéma.
 

    Il en est ainsi de la plupart des effets spéciaux de cette pièce "à grand spectacle" qui alternent entre les tours de passe-passe les plus simples et les performances pyrotechniques les plus stupéfiantes. Le traitement de la lumière, excellent, est évidemment un atout de taille dans ce genre de réalisation (Ah, la scène qui semble onduler sous vous yeux dès que les personnages remontent le temps !). Comment ne pas être scotchés par les cabines téléphoniques qui aspire li-tté-ra-le-ment – devant vous, sans retouche numérique – les sorciers pour les téléporter au Ministère de la Magie ? Comment ne pas rester bouche bée face aux jets de flammes de plusieurs mètres qui s'échappent des baguettes pendant le combat final ? Comment ne pas se laisser convaincre par le duel entre Harry et Draco, l'un et l'autre étant tour à tour projetés dans les air en même temps que les éléments du décor, d'un sortilège à un autre ? Comment ne pas être effrayé par les Détracteurs, qui lévitent au-dessus du public (volant même jusqu'au dernier balcon), leur suaire flottant comme au ralenti ?
 
 

    La distribution est évidemment une des autres grandes réussites d'Harry Potter and the cursed child : même si le casting a été renouvelé plusieurs fois, on imagine l'exigence dans la sélection des interprètes qui seront capable de jouer leur rôle jusqu'à six heures d'affilée (car la pièce se joue en deux parties de trois heures chacune environ) sans perdre en qualité de jeu. Une vraie performance. Des comédiens sur scène, on a évidement retenu la prestation des deux jeunes acteurs principaux, Dominic Short (Albus Potter) et Luke Summer (Scorpius Malfoy), en particulier la candeur du second, drôle malgré lui et auquel on ne peut que s'attacher. S'il n'y a pas une seule fausse note parmi la troupe, on donne une mention spéciale à David Annen, qui campe un Snape plus vrai que nature (avec un impressionnant travail sur la voix, qui redonne presque vie à Alan Rickman).
 

    Le tout, malgré les six heures de spectacle (avec une pause au milieu pour aller dîner, on vous rassure), passe à une vitesse folle et on ne s'ennuie pas une seconde. L'univers recréé sur scène n'est pas une copie de la franchise Warner Bros mais l'esthétique est assez familière pour qu'on reconnaisse le Wizarding World facilement et qu'on s'y sente comme chez soi. On se laisse porter avec un plaisir régressif par l'histoire et par ce spectacle multidimensionnel qui s'affranchit des codes classiques du théâtre pour proposer une expérience scénique unique.
 

En bref : Du beau et du grand art. Au-delà de la franchise et de la marque "Harry Potter", et bien au-delà de ce que les films ont donné à voir, Harry Potter and the cursed child est une expérience scénique de haute volée qui immerge les spectateurs dans une magie plus vraie que nature. Prouesse visuelle et technique, acteurs impeccables et esthétique léchée, cette pièce est à voir au moins une fois dans sa vie pour qui garde une place précieuse au sorcier à lunettes sur ses étagères. Un coup de cœur. 
 




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