"J'ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley..."
Ainsi commence Rebecca, chef-d’œuvre de Daphné du Maurier, thriller psychologique et intime qui s'inscrit dans la lignée de Jane Eyre.
Manderley, c'est le nom de la demeure familiale des de Winter, où Maxim de Winter accueille sa seconde et jeune épouse - la narratrice - encore simple demoiselle de compagnie quelques semaines plus tôt, lors de leur rencontre sur la Côte d'Azur. La jeune femme tente de s'adapter au mode de vie qu'impose la classe sociale qu'elle vient de rejoindre, mais la présence obsédante de Rebecca, la première épouse défunte de Mawim, semble encore hanter les lieux... Une ambiance parfaite pour Halloween!
Si la narratrice, bien des années plus tard, associe Manderley à la triste et macabre intrigue racontée dans le roman, elle tente aussi d'en garder les meilleurs souvenirs. Parmi ceux-là, la table garnie de victuailles et les pâtisseries préparées pour le thé lui apportent un réconfort particulier... et surtout la mémoire d'un gâteau délicieusement fondant en bouche...
" Je revois ces croissants luisants de beurre, le bord croustillant des toasts et les scones brûlant. Il y avait des sandwiches aux mystérieuses saveurs et un pain d'épices extraordinaire, un gâteau qui fondait dans la bouche, et un autre plus épais aux écorces d'orange et aux raisins. Il y avait de quoi manger pendant une semaine."
Rebecca, Daphné du Maurier, Le livre de poche, 2015.
Mais quel peut bien être ce gâteau? La réponse se trouve dans la version originale du livre : il s'agit de l'Angel Cake.
"… Those dripping crumpets, I can taste them now, alternating with
piping-hot floury scones and tiny crisp wedges of toast. Sandwiches of a
delectable but unknown nature, mysteriously flavoured, and that very
special gingerbread. Angel cake that melted in the mouth, and its
rather stodgier companion, bursting with peel and raisins. There must
have been enough food there to keep a starving family for a week."
L'Angel Cake (évoqué également il y a peu dans l'article de gourmandise littéraire de Pique-Nique à Hanging Rock) ou Angel Food Cake ( textuellement : gâteau des anges) est un gâteau né aux Etats-Unis à la fin du XIXème siècle, probablement dès l'apparition du premier batteur à œufs (à l'époque manuel, mais nécessaire à la fabrication du gâteau). L'état de Pennsylvanie revendique son invention car était le principal producteur et vendeur du moule à Angel Cake, qui donne sa forme bien particulière au gâteau, mais rien n'est certain d'autant qu'il s'est très vite popularisé dans tous les pays anglo-saxons (rappelons pour l'exemple que Rebecca se déroule en Angleterre).
L'avènement du batteur manuel : une vraie révolution culinaire en son temps!
En effet, sa forme est unique : elle évoque un gâteau en couronne ou un kouglof mais avec des bords hauts et lisses. Le moule à Angel Cake est donc nécessaire à sa conception : souvent en inox ou en fer blanc, il est assez haut et étroit, se compose d'une cheminée centrale et d'un fond amovible. L'une des autres particularités de la fabrication est qu'il ne faut pas graisser ce moule, détail qui améliorerait sa cuisson...
L'Angel Cake est une sorte de génoise améliorée... très améliorée. Proche d'un gâteau de Savoie mais encore plus aérien, la pâte se compose obligatoirement d'un minimum de huit blanc d’œufs qui lui donnent sa texture neigeuse de couleur blanche évoquant le Paradis, d'où son nom. L'Angel Cake s'oppose d'ailleurs en cela au Devil's Food Cake (le gâteau du Diable), un gâteau à étages au beurre et au chocolat entièrement glacé, très lourd.
Le divin Angel Cake, lui, peut se passer de glaçage mais s'en accommode également très bien s'il s'agit d'une simple crème fouettée, que l'on sert aussi en accompagnement. Ce gâteau est aussi très généralement servi avec des fruits rouges ou fruits des bois. Pour cet Angel Cake made in Manderley, nous nous sommes inspirés de cette recette (rendons à César...)
Ingrédients (pour 8 personnes):
- 195 g de farine
- 175 g de sucre glace
- 1 pincée de sel
- 8 blancs d’œufs à température ambiante
- 3/4 de cuillère à café de crème de tartre (ou à défaut, quelques gouttes de jus de citron)
- 175 g de sucre en poudre
- 1/2 cuillère à café d'extrait de vanille liquide
Pour la crème fouettée:
- 40 cl de crème liquide bien froide
- 40 g de sucre glace
- fruits rouges pour servir
A vos tabliers!
- Dans un premier récipient, mélanger la farine, le sucre glace et le sel.
- A part, battre les blancs avec la crème de tartre et l'extrait de vanille, puis ajouter le sucre en poudre progressivement jusqu'à obtention d'une meringue ferme mais encore souple.
- Incorporer petit à petit les ingrédients secs à la meringue en mélangeant délicatement avec une spatule en bois ou une maryse.
- Verser dans un moule à Angel Cake non beurré et enfourner pour 50 minutes dans un four préchauffé à 170°C. Le cake doit être moelleux au toucher.
- Le sortir du four et renverser le moule immédiatement sur ses pieds sur un plan de travail pour le laisser refroidir. Lorsqu'il est totalement froid, glisser la lame d'un couteau à l'intérieur pour le démouler.
- Monter la crème en chantilly ferme (dans une jatte placée préalablement au réfrigérateur - avec la crème!) avec le sucre glace, puis l'appliquer sur tout le pourtour et le dessus du gâteau à l'aide d'une spatule coudée. Servir avec un mélange de fruits rouges.
Dégustez à présent une tranche de ce divin gâteau tout en sirotant votre thé.
Un goûter parfait avant ou après la chasse aux fantômes...
Mmmmh ! Tentant ce gâteau léger à la crème accompagné de fruits rouges ! Ceci dit, j'étais assez tentée par la pâte pleine de zestes et de raisins... Peut-être une autre fois ?
RépondreSupprimerPromos, dès que je l'aurais identifié et aurait testé une recette 😉
Supprimeret bin un gateau qui a toute une histoire didonc....et qui semble si bon...hummm
RépondreSupprimerDisons qu'il n'est pas mauvais, en effet 😄. Je regrette de ne pouvoir en manger un à la table de Manderley pour de vrai (le manoir n'existant pas réellement, même s'il est inspiré de la maison de l'auteure), cependant. 😉
Supprimeroh oui didonc...bien dommage lala.....
SupprimerSuperbe gâteau ! Bravo Pierre...
RépondreSupprimerSyl.
Merci Syl!
SupprimerAh c'est si bon! Tout le secret est dans le moule.
RépondreSupprimerAh les déperditions de la traduction : remplacer crumpets par croissants.
Ce n'est pas la seule déperdition de cette première traduction... Tout le texte (et on le voit un peu dans ce court extrait) a été abominablement simplifié. Heureusement une nouvelle traduction a vu le jour il y a deux ans, beaucoup plus proche du texte anglais.
SupprimerHum, il a l'air délicieux ! En tout cas il donne très envie mais nécessite de trouver le moule adéquat du coup...
RépondreSupprimerMerci beaucoup Maelle! Après, tu sais, je connais des amis qui l'ont fait dans un moule à manquer ordinaire. On perd un peu au visuel mais ça ne change pas le goût ;)
SupprimerEffectivement, il gonfle peut-être moins mais il doit toujours être aussi bon ! À tester pour être sûr 😉
SupprimerIl a l'air divinement bon cet Angel Cake et très moelleux! On en oublierait presque l'épouse défunte qui hante les lieux. ^^
RépondreSupprimerMerci Hilde! Oui, ce serait dommage de se priver juste à cause d'un vilain fantôme ;)
RépondreSupprimerTon gâteau est très beau et semble bien bon. Encore un classique que je n'ai pas encore lu. Il faudrait... Ca me plairait, j'en suis certaine !
RépondreSupprimerOui, c'est même sûr ! Tout comme le treizième conte qui dort encore dans ta PAL... Tss, tss ;)
SupprimerQuelle merveille !!!
RépondreSupprimerMerci Fondant! C'est un gâteau très simple, si on oublie le nombre de blancs nécessaires, mais la décoration crème fouettée et fruits lui donnent une vraie prestance!
SupprimerJe n'aime pas trop ce genre de gâteau, par contre j'ai adoré lire ton post et j'aime beaucoup ta mise en scène. Le texte en VF et VO n'ont pas grand-chose de commun, je trouve qu'on perd beaucoup en subtilité et la VF s'apparente à une réécriture.
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