dimanche 19 janvier 2020

Gourmandise littéraire : White Lady.


  La phrase qu'on entendrait dire le plus souvent Phryne Fisher serait, de son propre aveux, "Mr Butler, peut-on avoir un autre cocktail?". Rien d'étonnant à cela, tant le cocktail fait partie intégrante de l'imaginaire visuel des années 1920. La raison, déjà évoquée dans notre article sur le Nursery Fizz, trouve son origine dans la prohibition qui sévissait depuis 1919 aux États-Unis : face à l'interdiction de fabrication, transport, vente, importation et exportation d'alcool apparait un véritable commerce souterrain. Se développent ainsi les speakeasies (aussi appelés parfois des blind pigs, ou blind tingers, même si cela traduisait alors une qualité moindre), bars clandestins auxquels on accédait le plus souvent par des portes dérobées, qui continuent de fasciner aujourd'hui (au point d'en voir ouvrir pléthore alors que nous ne sommes pas, ou plus, soumis à la prohibition). 

  Ces speakeasies étaient le noyau dure du commerce d'alcools frelatés ou de contrefaçon (mais en tout cas toujours de contrebande et souvent médiocres). Leur mauvaise qualité incita alors à les utiliser dans des cocktails – dont on ne saurait dire exactement s'ils ont été inventés pour cela ou s'ils sont la remise au goût du jour de boissons plus anciennes – où le mélange des ingrédients aidaient à faire, comme qui dirait, passer la valda


  On ne doute pas cependant qu'en l'absence de prohibition en Australie, Phryne Fisher et tout son coquet petit monde bénéficient de cocktails dignes de ce nom. On en boit d'ailleurs des litres dans Murder in the dark, dont l'intrigue se passe au cours d'une fête de quatre jours et quatre nuits précédant le nouvel an 1929 : Satan's whiskers, mint juleps, gin tonic et White Lady remplissent les verres des convives sur fond de jazz torride et de bacchanales organisées tout spécialement par les jumeaux Templar, un duo de riches fêtards qui a fait ses armes dans les quartiers bohèmes du Paris d'après-guerre. Alors que Phryne fait la connaissance de deux joueuses de polo qui participeront aux nombreux amusements prévus au cours des festivités à venir, la détective en profite justement pour se faire servir un verre de White Lady...

"— Oh, voici Jill. Puis-je vous laisser un moment avec elle, le temps d'aller chercher des bières? Voulez-vous que je vous apporte un autre verre?
— Merci, dit Phryne (...), apportez-moi donc un autre White Lady, s'il vous plait, ( puis, s'adressant à l'autre jeune femme vêtue de velours et d'un chemisier blanc : ) bonjour, je m'appelle Phryne. Votre amie est allée chercher de la bière (...).
  Ann revient bientôt les bras chargés de bouteilles de bière et d'un White Lady pour Phryne. Jill décapsula deux des bouteilles avec les dents avant de recracher les capsules, Ann gloussa de rire. Phryne, impressionnée, se promit de miser quelques billets sur leur équipe pour la coupe de polo avant de goûter une gorgée de son cocktail. Un délice."

Murder in the dark, K.Greenwood, chapitre 3, Constable (2018).


  Le White Lady (littéralement "la dame blanche"), dont la composition est par ailleurs donnée en en-tête du chapitre dans lequel il apparait, est une création franco-américano-écossaise du Harry's New York Bar, situé à Paris. Initialement baptisé le New York Bar par son fondateur Tod Sloan, ancien jockey américain expatrié en France, en 1911, il fut repris plus tard par son barman d'origine écossaise Harry McElhone, qui lui donna son nom. C'est d'ailleurs ce dernier qui, outre les célèbres Bloody Mary et Blue Lagoon, inventa le White Lady en 1919.

  Le White Lady fait partie de la catégorie des fancy drinks, c'est à dire la famille la plus connue de cocktails, ceux que l'on prépare dans un shaker avec de la glace, mais surtout dont la principale particularité est qu'ils peuvent être servis à n'importe quel moment de la journée ( un fancy drink peut aussi être appelé un All day cocktail, à différencier d'un Before dinner ou d'un After Dinner) en ce qu'il n'a pas pour vocation d'ouvrir l'appétit ni d'aider à digérer.


Ingrédient (pour une personne):

- 4 cl de gin
- 2 cl de Cointreau
- 1 cl de jus de citron
- 1 blanc d’œuf
- glace pillée 

A vos shakers!

- Mettre tous les ingrédients dans le shaker.
- Secouer vigoureusement.
- Verser dans un verre à cocktail préalablement rafraîchi aux glaçons. 


Cheers!

***

10 commentaires:

  1. Que c'est élégant, que c'est beau !! je ne tiens pas l'alcool mais je goûterais volontiers quand même :-)

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    1. Merci beaucoup Fondant ! Un cocktail, en principe, ce n'est pas une grosse contenance, mais comme ça glisse tout seul, c'est traître. Il faut savoir se limiter ;)

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  2. C'est vrai que c'est très beau !

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  3. C'est complètement hors sujet, mais je viens de découvrir un livre qui - j'en suis sûre - te plairait. Tu le connais peut être déjà : "Le Petit Garçon qui voulait être Mary Poppins". Il me tente beaucoup !

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    1. Je l'ai lu et chroniqué ;) l'article est enregistré pour être mis en ligne ces jours ci ;) il est superbe.

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    2. Ah, chouette ! J'ai hâte de lire ton billet !

      Au fait, ça y est, j'ai commencé à regarder Miss Fisher enquête et... j'adore ! Merci de m'avoir poussé à regarder. :)

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    3. Oh c'est vrai? Trop bien! Tu en es à quel épisode ? :D

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  4. Très jolie présentation! Je ne pense pas être prête à boire du gin à n'importe quel moment de la journée...

    Pouchky" Cuba Libre" Annette

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    1. Merci Pouchky! J'ai trouvé ce magnifique plateau, centenaire, en fouillant dans les placards du grenier. Je l'ai vivement emporté avant qu'un cousin ignorant ne le laisse disparaître sur le stand d'un vide-grenier ou aux encombrants...
      J'aime le gin. Avec du Champagne. Et de la crème de cassis. :D

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