mercredi 18 août 2021

Gourmandise littéraire : Un millefeuille à Paris avec Beth Harmon.

 

    Le mois dernier, nous avons partagé avec vous notre chronique de l'excellent roman Le jeu de la dame (The Queen's Gambit) de Walter Tevis, redécouvert à l'occasion de son adaptation en octobre 2020 par Netflix sous la forme d'une admirable mini-série. Le livre et sa transposition à l'écran racontent la vie tourmentée de Beth Harmon, jeune orpheline qui apprend les échecs avec l'homme à tout faire de l'institution où elle est accueillie, et qui se découvre véritable prodige en la matière. Le lecteur suit son parcours de l'enfance à l'âge adulte, des premières parties dans le sous-sol de l'orphelinat aux championnats internationaux où Beth lutte autant contre ses adversaires que contre elle-même. La jeune fille a en effet hérité des traitements qu'on servait à outrance aux orphelins une forte dépendance aux stimulants de toutes sortes...

    Cette odyssée vers la résilience nous amène à suivre cette héroïne du quotidien dans les réussites comme dans les échecs, sur le plateau de jeu comme dans la vie. On l'accompagne à travers le monde et dans les différents pays où se tiennent les championnats, dans les plus petits motels comme dans les plus luxueux hôtels. 
 

    Alors qu'elle séjourne à Paris pour un tournoi d'échecs, justement, Beth savoure l'atmosphère unique de la capitale française : se rêvant championne du monde, elle s'imagine résidant là à l'année, allant au théâtre, au café, et s'habillant en "vraie Parisienne". Lorsqu'elle rentre à l'hôtel, une réception est donnée pour les joueurs et Beth déguste un délicieux millefeuille en songeant avec nostalgie à sa mère adoptive, Alma, décédée quelques temps plus tôt...
 

    "Elle se laissa aller au gré de ses pas sur les boulevards pendant des heures, sans s'arrêter pour acheter quoi que ce soit, se contentant de regarder les gens, les bâtiments, les boutiques, les restaurants et les arbres et les fleurs. Une fois, en traversant la rue de la Paix, elle heurta accidentellement une vieille dame et se surprit à lui dire "Excusez-moi madame" aussi naturellement que si elle eut parlé français depuis sa naissance.
    A quatre heures et demie, il y avait une réception dans le cadre du tournoi ; elle eut du mal à retrouver son chemin, et arriva dix minutes en retard, hors d'haleine. Les tables de jeu avaient été poussées dans un coin de la salle, et les chaises, alignées de long des murs. On guida Beth jusqu'à une place près de la porte, et on lui servit une petite tasse de café filtre. Un chariot passa, avec les plus belles pâtisseries qu'elle avait jamais vues. Elle eut un petit moment de tristesse ; elle eût aimé qu'Alma Wheatley pût être là pour voir ça. Alors qu'elle était en train de prendre un millefeuille, elle entendit des rires bruyants à l'autre bout de la pièce, et elle leva la tête. Vasily Borgov se tenait là, une tasse de café à la main."

Le jeu de la dame (The queen's gambit), W.Tevis (trad. de J.Mailhos), éditions Gaillmeister.



    Véritable classique de la pâtisserie française, le millefeuille (aussi orthographié mille-feuille ou mille feuilles) se compose de trois étages de pâte feuilletée garnis de crème pâtissière ; il est décoré d'un glaçage marbré ou saupoudré de sucre glace. La recette la plus ancienne connue est celle rapportée par le cuisinier dijonnais du XVIIème siècle François-Pierre de la Varenne, auteur du Cuisinier françois, véritable ouvrage de référence à son époque. Il y faisait mention d'une recette similaire au millefeuille, mais dans une version aromatisée au kirsch ou au rhum. On retrouve le millefeuille quelques années plus tard, en 1867, à la Pâtisserie Seugnot où ces gâteaux sont confectionnés par le pâtissier M. de Dubose dans la version vanillée qu'on connait aujourd'hui. C'est là qu'ils sont présentés et vendus pour la première fois comme recette patrimoniale française, une étiquette que ce gâteau semble avoir conservé depuis.
 
    En effet, véritable symbole de la gastronomie française dans le monde entier, le millefeuille est par ailleurs appelé "Napoleon pastry" par les Anglo-saxons, à l'origine d'une rumeur infondée qui prétendait que le célèbre empereur en raffolait, au point qu'il en aurait été malade à la veille de Waterloo. Ah, et un ultime petit détail : si le nom du millefeuille lui viendrait du nombre de plis que compteraient les trois étages de feuilletage, il s'agit en fait d'un chiffre très largement arrondi. En réalité, un millefeuille contient traditionnellement 729 paires de feuillets !
 


Ingrédients (pour 6 personnes) :

- 500g de pâte feuilletée maison ou du commerce
- 50 cl de lait
- 1 gousse de vanille
- 4 jaunes d’œufs
- 60g de sucre en poudre
- 50g de maïzena (fécule de maïs)
- sucre glace


A vos tabliers !

- Étaler la pâte feuilletée sur environ 3 cm d'épaisseur sur un plan de travail fariné. Piquer généreusement la surface à l'aide d'une fourchette puis la mettre au four à 180°C couverte d'une grille pour éviter qu'elle ne gonfle à la cuisson. Laisser cuire pendant environ 25 minutes avant de la sortir du four puis de la détailler en trois rectangles égaux pendant qu'elle est encore chaude.
- Pendant que les trois rectangles de pâte refroidissent, préparer la crème pâtissière : fendre la gousse de vanille et gratter l'intérieur pour récupérer les graines. Mettre le tout (gousse + graines) dans une casserole avec les 50 cl de lait et faire bouillir le tout.
- A part, fouetter les jaunes d’œufs avec le sucre puis ajouter la maïzena.
- Filtrer le lait chaud et l'ajouter petit à petit au mélange en remuant. Verser ensuite la préparation dans une casserole et faire chauffer à feu moyen sens cesser de fouetter jusqu'à ce que la crème épaississe. Retirer du feu et laisser refroidir la crème deux heures au réfrigérateur, couverte d'un film alimentaire le temps qu'elle prenne.
- Disposer le premier rectangle de pâte feuilletée sur le plat de service puis procéder au montage : y étaler la crème pâtissière à l'aide d'une poche à douille. Disposer sur le dessus le second rectangle de pâte et recommencer l'opération. Recouvrir du troisième rectangle de pâte feuilletée.
- Conserver le millefeuille au réfrigérateur puis saupoudrer généreusement le dessus de sucre glace avant de servir. Il est recommandé de couper les parts avec un long couteau bien aiguisé pour ne pas écraser le millefeuille.
 
 
A savourer entre deux parties d'échecs, dans le décor poudré d'un hôtel-restaurant parisien...


4 commentaires:

  1. Pouchky Annette Ficelle for Ever19 août 2021 à 06:04

    Félicitations pour le beau millefeuille.
    Mais t'es quand même dingo.

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    1. C'est pour ça qu'on m'aime, non? Je serais beaucoup moins intéressant si j'étais normal ;-)

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