lundi 2 août 2021

Cruella - Un film Disney de Greg Gillespie, d'après le personnage de Dodie Smith.

Cruella

 
Un film de Greg Gillespie, d'après le personnage issu du roman Les cent un dalmatiens, de Dodie Smith.
 
Avec : Emma Thompson, Emma Stone, Joel Fry, Paul Walter Hauser, Mark Strong...
 
Date de sortie originale : 18 mai 2021
Date de sortie française : 23 juin 2021
 
    Londres, années 70, en plein mouvement punk rock. Escroc pleine de talent, Estella est résolue à se faire un nom dans le milieu de la mode. Elle se lie d’amitié avec deux jeunes vauriens qui apprécient ses compétences d’arnaqueuse et mène avec eux une existence criminelle dans les rues de Londres. Un jour, ses créations se font remarquer par la baronne von Hellman, une grande figure de la mode, terriblement chic et horriblement snob. Mais leur relation va déclencher une série de révélations qui amèneront Estella à se laisser envahir par sa part sombre, au point de donner naissance à l’impitoyable Cruella, une brillante jeune femme assoiffée de mode et de vengeance … 
 
***
 
    C'est devenu la nouvelle poule aux œufs d'or de Disney : transposer en live action les dessins-animés qui ont fait la célébrité de leurs studios au fil du XXème siècle. Si certains films comme Cendrillon ou La Belle et la Bête sont des copies (quasi) conformes du matériau d'origine, d'autres comme Alice au pays des merveilles ou Maléfique proposent des variations intéressantes. Dans la lignée de ce dernier, Disney commence dès 2015 à réfléchir à un projet similaire autour du personnage de Cruella : raconter la vie de la célèbre antagoniste des Cent un dalmatiens...
 
Premier trailer du film...
 
    D'ailleurs, on oublie souvent que, bien avant la récente vague de remakes en live action, Les cent un dalmatiens avait été le premier de ses classiques que Disney avait transposé à l'écran avec des acteurs en chair et en os. Rappelez-vous : en 1996, l'inimitable Glenn Close endossait le manteau de fourrure de Cruella dans une interprétation inoubliable, au point de revenir se glisser sous sa perruque bicolore dans une suite en 2000. Vingt ans plus tard, nous avons retrouvé Cruella dans la série Once upon a time et dans la saga Descendants, qui proposent chacune des interprétations très différentes du personnage, ainsi que dans Cruelle diablesse, roman Disney Villains de Serena Valentino qui imagine ses origines – et qu'on aimerait très franchement oublier ! Fort heureusement, le nouveau film de Greg Gillespie est là !
 
Estella, en bien mauvaise posture...
 
    Cruella nous raconte l'histoire d'Estella, jeune orpheline au caractère bien trempé et à la chevelure bicolore, qui attire bien des moqueries de la part de ses camarades de classe. Fidèle à son tempérament, la fillette ne se laisse pas faire et revendique rapidement sa nature rebelle, celle-là même qui lui vaut le surnom de "Cruella" lorsqu'elle laisse s'exprimer ses sombres instincts. Après la mort tragique de sa mère, dont elle se sent responsable, Estella se réfugie à Londres avec Jasper et Horace, deux pickpockets avec qui elle verse dans la petite cambriole. Lorsque l'opportunité de travailler dans la mode (le rêve de sa vie) se présente, Estella est prête à s'acheter une conduite et parvient à se faire remarquer par la Baronne von Hellman, l'une des plus grandes stylistes de Londres. Embauchée par la créatrice, elle ne tarde cependant pas à découvrir que la Baronne, en plus de spolier le travail de ses employés, est la véritable responsable de la mort de sa mère. Bien décidée à se venger, Estella laisse libre court à son double maléfique Cruella pour mener la Baronne à sa perte...
 

         Co-produit par Glenn Close, ce film ne se veut pas un préquel officiel de l'adaptation de 1996, ni du long-métrage animé de 1961 ; l'ambition du script est d'imaginer la genèse du personnage dans un univers qui lui est propre, permettant ainsi un maximum de liberté dans l'écriture. Ce fut très certainement là une excellente idée, car le résultat s'avère tout bonnement jubilatoire. Le scénario conserve cependant du film de 1996 le milieu de la mode ; en effet, cette précédente version avait fait de Cruella une grande styliste pour laquelle travaillait Anita. Ici, Estella rêve de devenir créatrice et parvient à se faire repérer par la Baronne, une designer psychologiquement instable, talentueuse mais tyrannique, qui évoque par ailleurs fortement la Cruella de 1996. L'action se situant au tournant des années 70, l'époque permet à Estella/Cruella de se démarquer par son inventivité et sa patte définitivement "Rock'n'roll", qui va de pair avec l'avènement du mouvement punk rock de la décennie des seventies.
 

    L'intrigue se veut dès lors un audacieux mélange des Cent un dalmatiens, du Diable s'habille en Prada, et d'un film de casse comme on les aime. La réussite de Cruella tient à la superbe logique avec laquelle le scénario parvient à faire coexister ces différents univers en une seule histoire, tout en réservant de nombreuses surprises aux spectateurs. En effet, impossible de deviner à l'avance les ressorts dramatiques ou péripéties qui nous attendent. Les tous premiers trailers, s'ils laissaient deviner l'excellent résultat à venir, induisaient un parallèle évident entre Cruella et Harley Quinn, l'anti-héroïne complètement timbrée de Suicide Squad. Si cette analogie semble pertinente et qu'Estella endosse effectivement une double identité un peu à la façon des personnages torturés de DC Comics, le film est fort heureusement bien plus que ça. 
 

    Les auteurs n'ont pas non plus oublié de glisser ici et là quelques clins d’œil à l’œuvre de Dodie Smith ou aux précédentes adaptations de Disney : Estella broyant du noir devant un extrait vidéo de Tallulah Bankhead et son rire diabolique (rappelons que T.Bankhead est la comédienne qui a inspiré le personnage de Cruella dans sa première forme animée), de même qu'une scène pointant les ressemblances entre les chiens et leurs maîtres est une référence évidente au début des Cent un dalmatiens version 1961. Le scénario n'omet pas la passion de Cruella pour la conduite à risques en introduisant dans le dernier tiers du film sa légendaire voiture, la Panther De Ville qui offre en même temps à l'héroïne l'occasion de se construire un nouveau nom de famille (De Ville / De Vil / D'Enfer). La scène post-générique, à ne pas manquer, est également un génialissime clin d’œil au matériau d'origine et permet de boucler la boucle de fort belle manière.
 

    En revanche, censure oblige, Cruella ne fume pas et ne porte pas encore de manteau de fourrure. Le scénario parvient à ce titre à jongler entre la bienséance de mise chez Disney et la mythologie du personnage sans pour autant perdre en cohérence : en induisant chez Estella / Cruella une forme de folie (jubilatoire et créatrice, certes, mais une folie quand même) potentiellement dégénérative, l'intrigue laisse imaginer que l'état du personnage peut s'aggraver jusqu'à faire d'elle la "cruelle diablesse" que l'on connait, dans un avenir plus ou moins proche.
 
Paul Walter Hauser et Joel Fry, de parfaits Horace et Jasper.
 
    Le casting est aussi pour beaucoup dans la réussite de ce film et fait presque un sans faute. Oublions Kirby Howell-Baptiste et Kayvan Novak (malheureusement des Anita et Roger assez fades) et concentrons-nous sur le reste de la distribution : Joel Fry et Paul Walter Hauser réinventent pertinemment les personnages (autrefois détestables) de Jasper et Horace, tandis que Mark Strong interprète avec flegme un valet qui nous réservera bien des surprises. Mais toute notre admiration va évidemment au duo formé par Emma Stone et Emma Thompson : la première s'avère un choix convaincant dans le rôle de Cruella, qu'elle rend attachante sans chercher pour autant à simplifier sa personnalité particulièrement complexe ; la seconde, égale à elle-même, fait encore des merveilles et on ne doute pas qu'elle a pris un réel plaisir à se glisser dans les tenues cintrées de la Baronne, à qui elle donne un tempérament incisif et ironique redoutable.

 
    La lutte entre ces deux ennemies, véritable battle de mode, est visuellement grisante et certaines scènes sont un régal à la fois esthétique et inventif. Parmi les plus réussies, on retiendra tout particulièrement le défilé de la Baronne saccagé par Cruella à l'aide d'une armée de mites (!) (on ne vous en dit pas plus), Cruella sortant d'une benne à ordures vêtue d'une robe sacs poubelles et détritus époustouflante, le défilé façon Rave Party dans Regent's Park, et la réception finale de la Baronne, sabotée avec style. On sent que l'équipe artistique s'en est donnée à cœur joie, notamment la costumière Jenny Beavan, qui se renouvèle complètement sur ce film (elle avait notamment conçu les costumes des derniers Sherlock Holmes, ou encore du Casse-Noisette de Disney). Le tout est porté par une bande-son détonante composée par Nicholas Britell, de nombreuses chansons phares du mouvement punk-rock, et d'un générique de fin diabolique chanté par Florence and the Machine.
 

    A tous points de vue, Cruella est donc une réussite des plus complètes. Les inspirations du scénario et la psychologie des personnages en font un divertissement qui s'adresse davantage à un public mature, plus à même d'en savourer les subtilités. Ah, et évidemment, Cruella sera un régal pour tous les fans de la première heure des Cent un dalmatiens.


En bref : Pari risqué dans son concept initial, Cruella s'avère être un film jubilatoire et audacieux sur la genèse d'une des plus célèbres méchantes Disney. Esthétiquement irréprochable, ce film porté par deux Emma (Stone & Thompson) absolument impeccables, mis en musique avec style et débordant de surprises et de péripéties inattendues est un des meilleurs Disney réalisés depuis longtemps. La rumeur disait donc vrai : The "De Vil" wears Prada, et c'est un régal !
 
Générique de fin, chanté par Florence and the Machine.
 
 
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