(Source : Didier Jeunesse)
Il y a quelques semaines de cela, nous avons partagé avec vous cette pépite qu'est A la recherche de Mrs Wynter, dernier roman jeunesse d'Eric Senabre. Hommage de génie à la série télévisée Chapeau Melon et Bottes de Cuir et déclaration d'amour à son actrice star Diana Rigg (inoubliable Emma Peel, qui nous a quitté fin 2020), ce road trip anglophile pétillant imagine la rencontre entre un jeune adolescent des années 90 et la comédienne (renommée Beryl Doncaster), pour qui il voue un véritable culte. Parce que nous célébrons cette année sur le blog les 60 ans de Chapeau Melon et Bottes de Cuir (En première place de notre top 3 des séries télévisées), mais aussi et surtout parce que nous avons adoré le roman d'Eric Senabre, nous avons pu lui poser quelques questions...
Pedro Pan Rabbit : Comment vous est venue l'idée de cette histoire? Quelle a été la genèse du roman ?
Eric Senabre : C'est une idée que j'avais depuis un
moment déjà ; cela faisait bien trois ou quatre ans que cela
me trottait dans la tête, mais que le projet avait dû être
repoussé au profit d'autres livres plus « évidents »,
dans lesquels je sortais peut-être moins de ma zone de confort :
roman d'aventures ou avec des aspects de science-fiction.
J'ai en effet écrit jusqu'ici beaucoup de romans de « genre » ;
même Star Trip, s'il est en lien avec une série télévisée
aussi, bascule dans la littérature de genre à un moment donné de
l'intrigue. Et puis, avant d'être un auteur, je
reste fondamentalement un fan. C'est notamment en tant que fan qui se
laisse dire que ce livre peut être une façon de se rapprocher d'une
de ses idoles que le projet est né. Au départ l'idée etait que,
peut-être, le livre tomberait entre les mains de Diana Rigg, sait-on
jamais...
PPR : Le décès de Diana Rigg a-t-il eu un
impact sur l'écriture ? Le livre n'était pas encore terminé à
cette date ?
ES : Le livre était commencé mais
l'intrigue était encore à ses débuts. J'avais ébauché un premier
jet, très différent, plus dans l'humour et écrit à la première
personne, mais qui ne fonctionnait pas. J'ai donc repris ma copie à
zéro, ce qui m'a fait perdre un peu de temps sur le démarrage.
Lorsque cette chère Diana Rigg est décédée, je venais juste de
retravailler les pages que j'avais déjà écrites. Je me rappelle
que j'étais au téléphone avec une de mes éditrices lorsque j'ai reçu un texto de mon plus vieil ami, qui me disait
simplement « Je suis désolé ». Il aurait pu être
désolé pour n'importe quoi mais j'ai tout de suite compris de quoi
il voulait parler : j'ai fait une recherche internet sur Diana Rigg dans la
foulée et j'ai appris la nouvelle, confirmant mon
intuition. J'ai été complètement mortifié. Peut-être que ce
décès survenu en cours d'écriture m'a rendu encore plus
nostalgique.
Diana Rigg... Ou serait-ce Beryl Doncaster ?
PPR : L'histoire met en scène Medhi, un
adolescent fan de Talons hauts et Veste de Tweed,
amoureux de l'actrice principale Beryl Doncaster. Medhi, c'est un peu
vous, non ?
ES : Pas uniquement et pas totalement. On
peut retrouver beaucoup de moi en Medhi mais c'est aussi un mix de
mes copains de jeunesse. Le fait qu'il ait des origines marocaines et
belges est un clin d'oeil direct à l'un de mes amis qui était lui
aussi très fan de Chapeau Melon et Bottes de Cuir, par exemple.
C'était le garçon le plus cool du lycée, qui faisait partie d'un
groupe de Rock. Medhi n'est pas aussi cool que lui car j'ai rajouté
un peu de moi au mélange. Cela dit, il est vrai que je n'ai jamais
mis autant de moi dans un personnage.
Le départ d'Emma Peel dans la série...
PPR : Alors, question de fan : peut-on
en déduire, comme Medhi dans le livre, que votre épisode préféré
est The House that Jack built (L'héritage diabolique en VF) et
que le départ de Diana Rigg a été, je cite votre héros, « un
drame personnel » ?
ES : Le départ d'Emma Peel a été un drame
absolu. Je l'ai revu il n’y a pas très très longtemps,
c'était atroce. À vous fendre le cœur.
Pour The house that Jack built, en
effet, j'adore cet épisode. D'ailleurs, on ne voit quasi
exclusivement qu'Emma. Steed arrive à la fin, après avoir pris tout
son temps et bien consulté sa carte routière ! Je crois que
cet épisode a énormément compté dans mon imaginaire. Mon roman La seizième clef lui doit énormément, notamment par
le côté « maison dont on ne s'échappe pas ».
The house that Jack built :
un épisode tout entier à la gloire d'Emma, piégée dans un labyrinthe psychédélique et angoissant...
PPR : Le sujet principal de votre roman est
une série télévisée des années soixante que les jeunes lecteurs
d'aujourd'hui ne connaissent que très peu, voire, malheureusement,
probablement pas du tout. Comment votre éditeur a-t-il accueilli ce
projet très atypique ?
ES : La responsable de Didier Jeunesse ne
connaissait pas la série et ce n'était pas son univers, mais c'est quelqu'un d'ouvert et ça a été un réel avantage. Si elle l'avait
connue, elle aurait pu par exemple me dire « J'aime beaucoup
cette série aussi mais ça ne va pas parler aux jeunes, il ne vont pas
connaître ». Dans la mesure où elle ne connaissait pas non
plus, elle a pu apprécier le projet dans sa globalité. Il faut
aussi reconnaître à cette maison d'édition de ne pas hésiter à
porter des projets atypiques pour le plaisir de faire un bon livre ou
un bel album. Je crois que le concept Harold et Maud
qui ressortait de l'intrigue lorsque je l'ai présentée à l'équipe
a beaucoup plu et on m'a laissé carte blanche.
PPR : Pour ce qui est des personnages,
avez-vous envisagé ne serait-ce qu'un temps de les mettre en scène
sous leur vrai patronyme ou alors le choix de les rebaptiser était
clair depuis le début du projet ?
ES : Non, il n'y a jamais eu ce projet de
conserver les noms réels. Je ne me sentais pas de faire intervenir
la vraie Diana Rigg car je ne peux pas réécrire son histoire ;
je ne suis pas adepte de la méthode tarantinienne qui consiste à
réinventer les faits. Je préfère imaginer des sortes d'univers
parallèles, cela me permet d'être plus libre.
PPR : En effet, sans divulgâcher, c'est
cette liberté qui vous permet de donner une direction totalement
différente à la relation entre Patrick MacNee et Diana Rigg. Ce
choix-là était-il une façon de concrétiser le fantasme que de
nombreux fans projettent sur ce duo ?
ES : Oui, c'est tout à fait ça. Il y avait
à travers ce rebondissement l'idée de réparer ce que je considère
être une grande injustice !
ES : Il y avait plusieurs raisons. Tout
d'abord une question d'âge pour les personnages : cela
m'arrangeait que ma Beryl Doncaster ait cet âge-là, comme Diana
Rigg dans les années 90. Si ça s'était passé de nos jours, ça ne
fonctionnait plus : il ne pouvait plus y avoir cette séduction,
cette ambiguïté dans la relation. Évidemment,
j'aurais pu dire que la série ne datait plus des années soixante et
décaler la chronologie mais elle est beaucoup trop sixties dans son
essence pour qu'on se décide à faire un tel choix. L'année 1994
permettait d'être en cohérence avec l'âge de mes héros, et puis
aussi, j'aimais bien que cela se déroule avant l'Eurostar. Le fait
de prendre le ferry symbolise deux époques : l'avant et l'après
des voyages en Angleterre.
PPR : Et en plus de la nostalgique, l'absence
de smartphones et d'internet rend la quête des personnages plus
intéressante : plus difficile pour eux mais plus sympathique
pour nous.
ES : Tout à fait. Dans mes autres romans
aussi, je me débarrasse assez facilement de la technologie, même
quand l'action se déroule à notre époque.
PPR : Et actuellement, travaillez-vous sur un
autre projet ?
ES : Oui, je termine ce que j'appelle ma
"trilogie japonaise" ; il n'y a pas de liens entre les trois
romans en question si ce n'est la tranche d'âge et le pays où l'histoire se
passe. L'intrigue tournera autour des films de monstres géants
japonais ; c'est l'histoire de deux papys japonais racontée à
travers les yeux de leurs petits-enfants. Ils sont en maison de
retraite et perdent un peu la tête : l'un soutient qu'il a
incarné Godzilla à l'écran tandis que l'autre affirme être
Ultraman et ils se chicanent à longueur de temps, au grand désespoir
du personnel. Leurs petits-enfants vont les aider à s'évader pour
qu'ils puissent prouver ce qu'ils avancent. Cela se passe de nos
jours, mais toujours avec des références à une culture populaire
antérieure...
Nous remercions infiniment Eric Senabre d'avoir bien voulu répondre à nos questions et nous souhaitons sincèrement que son livre rencontre le succès qu'il mérite. Peut-être Diana Rigg, de là où elle est, est-elle actuellement plongée dans sa lecture... Car d'une certaine façon, les héroïnes sont immortelles, n'est-ce pas ? Ce n'est certainement Eric Senabre qui nous contredira ! ;-)
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Comment ça "une direction totalement différente à la relation entre Patrick MacNee et Diana Rigg"???
RépondreSupprimerCa va pas de faire teasing comme ça?
Sinon, pour moi aussi le départ de Mrs Peel fut dramatique, et en plus je ne comprenais pas pourquoi le fait de retrouver son mari disparu l'empêchait de poursuivre ses investigations avec Steed.
J'ai dit que je ne divulgachais pas, ce qui ne m'empêche pas de faire du teasing. ;-)
SupprimerJe me souviens encore de la première fois que j'ai visionné l'ultime épisode avec Mrs Peel. Je devais avoir 9 ans, j'étais au bord de la dépression...