Murder at Hartigan House (A Ginger Gold Mystery #2), La Plume Press, 2017 - City éditions (trad. de B.Domis), 2021 - City poche, 2022.
Après des années passées en Amérique, Ginger Gold, jeune veuve un peu
excentrique, est de retour à Londres pour vendre sa maison d’enfance. Un
séjour banal qui se complique quand Boss, son petit chien, découvre le
corps momifié d’une femme dans le grenier. Shocking !
Qui est la victime ? Depuis combien de temps est-elle là ? À ses risques
et périls, Lady Gold se lance dans une délicate enquête aux côtés de sa
dynamique dame de compagnie et du séduisant inspecteur Basil Reed. Les
indices semblent tous converger vers une soirée organisée dans la maison
dix années plus tôt.
Ni une ni deux, pour enfin lever le voile du mystère, Ginger décide
d’organiser une nouvelle soirée, en invitant les mêmes convives que dix
ans auparavant. Une idée géniale ? Pas sûr, car avant la fin de la
soirée, un nouveau meurtre est commis…
Délicieusement british : une irrésistible série de cosy mysteries !
***
Après Son espionne royale et Une lady mène l'enquête, nous avons décidé de consacrer une partie de nos lectures estivales à ces ladies des années 20 et 30 qui s'improvisent détectives. On avait assisté à l'avènement tardif du cosy mystery dans l'Hexagone grâce à Agatha Raisin : après l'arrivée de cette héroïne à mi-chemin entre Patsy Stone et Barnaby, la recette avait tellement pris qu'on avait pu voir ses doubles et des ersatz divers pulluler un peu partout chez les éditeurs concurrents (Les enquêtes de Vicky Hill, Les mystères de Honeychurch, Les enquêtes de Jody Parker...). Dans la foulée de Son espionne royale, on avait également pu assister en librairie à une éclosion d'héritières londoniennes plus ou moins désargentées prêtes à en découdre avec les criminels. Dans le genre, outre donc les séries de Rhys Bowen et Sara Rosett, nous avions, bien avant cette mode tout à coup omniprésente, savouré Les folles enquêtes de Phryne Fisher, qui jouaient là aussi la carte de la lady détective, mais en Australie. Après avoir hésité à découvrir cette Ginger Gold qu'on avait vu passer maintes fois sur le net en VO puis en VF, nous avons finalement tenté l'expérience.
Booktrailer officiel des romans.
Angleterre, 1923. Après avoir vécu plusieurs années à Boston en compagnie de sa belle-mère et de sa demi-sœur, Lady Ginger Gold revient finalement sur son sol britannique natal. Entre temps, elle s'est mariée, est devenue veuve, et a même travaillé pour les services secrets pendant la Première Guerre mondiale. Lorsqu'elle débarque à Londres avec son chien Boss et son amie Haley Higgins – infirmière s'apprêtant à entamer des études de médecine – personne n'a remis les pieds dans la maison de feu son père depuis 1913, date à laquelle il l'a fermée pour s'envoler pour les États-Unis. Quelques domestiques de l'époque reprennent leur service auprès de la famille Gold alors que Ginger réinvestit les lieux : Pippins, le majordome, et la cuisinière, Mme Thornton. Mais Hartigan House n'est semble-t-il pas restée inhabitée pendant toutes ces années : dans l'une des chambres des domestiques, on retrouve le cadavre presque entièrement décomposé d'une femme en robe rouge. De rapides vérifications confirment à Ginger qu'il s'agit très probablement d'une des invités de la dernière soirée donnée en ces murs dix ans plus tôt... et que son père pourrait potentiellement être le coupable. Afin de laver l'honneur de sa famille, Ginger s'improvise enquêtrice pour résoudre ce mystère vieux de dix ans. Pour cela, elle provoque une nouvelle soirée à laquelle elle invite tous les convives présents sur les lieux en 1913... ainsi que l'inspecteur Basil Reed, qui n'est pas insensible au charme de la jeune femme...
Autoéditée via la société canadienne La Plume Press (équivalent d'"éditeurs" tels que Librinova ou Edilivre en France), la série des Enquêtes de Ginger Gold rencontre semble-t-il un beau succès outre-Atlantique. Comme beaucoup de séries autoéditées qui le revendiquent comme un label, elle serait par exemple Best-seller du USA Today et rassemblerait une communauté de lecteurs assez importante dans les pays anglo-saxons. Autrice de plusieurs autres séries autoéditée, Lee Strauss, apparemment très productive, compte à sa bibliographie un nombre impressionnant de titres en peu de temps. Mais quantité est-il synonyme de qualité ?
A la fin de cette première lecture, nous avouons être un peu mitigé. Abordons tout d'abord la question du packaging : s'il est bien évidemment criminel de juger un livre à sa couverture, il est parfois tout aussi difficile d'ignorer la couverture lorsque celle-là même est criminelle. En l’occurrence, l'éditeur français a choisi de conserver le visuel de l'édition originale. Fausse bonne idée. L'autrice remercie en postface la personne chargée du graphisme de sa couverture pour son "travail impeccable" : on ne discutera pas des goûts et des couleurs, mais on ne peut pas dire que le design respire l'élégance qui sied de coutume à ce type de roman. Une version alternative des couvertures en VO présentait un fond similaire et le visage d'une Ginger Gold très Art Déco dans une pastille, pour un résultat plus stylisé qui aurait sans doute été un meilleur choix.
Après le contenant, abordons la question du contenu. Lee Strauss a avoué à plusieurs reprises avoir été très inspirée par Les folles enquêtes de Phryne Fisher ainsi que leur adaptation en série télévisée (Miss Fisher enquête !), tout en se défendant d'avoir plagié son autrice, Kerry Greenwood. Faute avouée, à moitié pardonnée ? Si certains détails du passé de Ginger s'éloignent de celui de Phryne (Ginger ne cumule pas les amants, a été mariée puis veuve, a travaillé pour les services secrets, etc.), les quelques différences restent minimes. Son retour au bercail en début de roman, son amie médecin, sa femme de chambre, sa relation ambiguë avec l'inspecteur et leur jeu du chat et de la souris... sans oublier une comtesse douairière très à cheval sur les convenances, qui évoque évidement Tante Prudence (et aussi beaucoup Lady Grantham de Downton Abbey). Ceci étant, ces ressemblances restent pour les nostalgiques de Miss Fisher la promesse d'une ambiance similaire et constituent en cela un moteur suffisant à la lecture. L'intérêt se situe alors dans les dialogues et plusieurs scènes habitées d'un humour léger qui garantissent de passer un bon moment.
La maîtrise du contexte historique est cependant fragile chez Lee Strauss (là où Kerry Greenwood, elle, excelle). Cela se joue à un ensemble de détails, certes, mais Dieu sait que le Diable se cache dans les détails. Porter une robe charleston à une soirée mondaine ? Être titulaire d'un titre de noblesse et ouvrir une boutique comme n'importe quelle roturière ? Se clamer haut et fort membre des Bright Young Things ? Des erreurs scénaristiques qui privilégient le tape-à-l’œil à la véracité et qui témoignent d'une méconnaissance du système de classes britannique et de certains de ses codes au tournant des années 20, et ce bien que l'autrice ait d'après sa postface fait de nombreuses recherches. Ces éléments ne seront peut-être pas remarqués par la plupart des lecteurs, mais les plus exigeants, fins connaisseurs de la culture anglo-saxonne, tiqueront à plusieurs reprises.
Côté intrigue, ce Squelette dans le placard se laisse malgré tout lire sans déplaisir, même si l'énigme est assez transparente. Le concept de rejouer la soirée du meurtre dix ans plus tard est assez romanesque pour en faire un élément capital du roman, bien que l'enquête en elle-même n'échappe pas à certaines invraisemblances : interrogés par Ginger sur les événements de 1913, tous les suspects semblent s'en souvenir comme si c'était hier. Les férus de polars devineront certainement la clef de l'énigme avant sa révélation finale, mais se laisseront quand même porter jusqu'à la fin. A noter que ce premier tome paru en France est en fait le second de la série : quelques informations concernant une enquête menée à bord du paquebot qui a conduit Ginger en Angleterre font en fait référence à l'opus précédent (Meurtre en haute mer, sorti après coup chez City éditions et présenté comme un préquel) ; cela ne gène en rien l'immersion dans cet opus-ci.
En bref : Premier tome à paraître en France des Enquêtes de Ginger Gold, Un squelette dans le placard s'inscrit dans la lignée très en vogue des cosy mysteries mettant en scène une lady qui s'improvise détective. Autoéditée au Canada, cette série souffre de visuels qui ne trompent pas quant à la nature éditoriale de ces romans, mais propose un contenu sympathique à défaut d'être totalement original. Très inspiré de la série Miss Fisher enquête !, ce premier opus de Ginger Gold reste plaisant malgré les approximations dans la reconstitution historique et les nombreux éléments empruntés à l'univers de Kerry Greenwood. Les lecteurs qui cherchent un pure moment de détente seront satisfaits.
Et pour aller plus loin...
- Découvrez toute la série (prochainement).
- Et si vous avez aimé Les enquêtes de Ginger Gold, alors vous adorerez Les enquêtes de Miss Fisher en livre et en série.
Comme indiqué dans mon commentaire sur une autre chronique consacrée aux héroïnes des séries cosy mysteries, je me suis tellement attachée à Lady Georgiana de Rannoch que je suis devenue frileuse. Cependant, je note les titres et à l'occasion je me laisserai tenter.
RépondreSupprimerMerci pour ce partage circonstancié.