dimanche 19 février 2012

La malédiction d'Old Haven - Fabrice Colin.

Editions Wiz Albin Michel, 2007 - Le Livre de Poche, 2009

    1723; l'Amérique des treize Colonies est sous le joug de l'Empereur, catholique mystique qui, aidé de sa Sainte Inquisition, fait la chasse aux puritains, aux hérétiques, et bien sûr aux sorcières. En ces temps mouvementés, la flamboyante Mary Campbel, jeune orpheline de 17 ans, quitte le couvent de Gotham où elle a toujours vécu et part s'installer dans une petite ville côtière du nom d'Old Haven, qui suscite chez elle un étrange sentiment de déjà-vu.
    Et pour cause, c'est ici que fut brulée vive Lizbeth Wickford, grand-mère maternelle de Mary... Légataire de dons exceptionnels dont elle ne soupçonnait pas l'existence, la jeune fille devra fuir Old Haven, l'Incquisition à ses trousses. Héroïne malgré elle d'un périple haletant, Mary se voit guidée dans sa quête par une amulette héritée de son aïeule, la mystérieuse peinture d'un navire en pleine tempête, et par un chat mécanique des plus attachants.
    Au cours d'un voyage initiatique à la rencontre de ses origines, elle deviendra l'enjeu majeur du conflit opposant l'Empereur à des légions de créatures diaboliques...

***

    Longtemps, ce titre nous a fait de l’œil en librairie, jusqu'à ce qu'un article lu au hasard de la blogosphère nous pousse à l'acquisition. De Fabrice Colin, nous avons (évidemment) déjà lu quelques ouvrages dans notre prime pas si lointaine jeunesse : auteur de l'imaginaire quasi-iconique de la littérature francophone, sa plume connue et reconnue méritait sans aucun doute qu'on redécouvre son talent. Lu l'été dernier pendant de nombreuses heures de temps suspendu, La malédiction d'Old Haven fut à coup sûr LA claque de nos lectures estivales 2011, LE coup de cœur qui mérite la théière d'or du blog à ce jour. Imaginez un savant (et savoureux) mélange de Journal d'une sorcière (de Celia Rees), du Seigneur des anneaux (de Tolkien), de Pirates des Caraïbes (!), le tout relevé d'une atmosphère légèrement burtonienne. Impossible ? Mais impossible n'est pas Fabrice Colin...

Le tableau de Mary?...

       Cet étrange mélange des genres aurait très certainement suscité notre propre méfiance si on nous avait présentés les choses ainsi, n'étant pas grand admirateur de fantasy, à laquelle on préfère la subtilité du fantastique. Mais Fabrice Colin, en véritable magicien des mots et du phrasé, nous offre un roman époustouflant dont le style dépasse largement ce qu'on peut trouver dans le genre, nous permettant de faire corps avec ses personnages et son intrigue. C'est d'ailleurs probablement l'une des forces incroyables de cet auteur : peu importe le registre et le caractère impossible des péripéties, les protagonistes y sont comme faits de chairs et de sentiments, et leur densité permet une identification qui nous porte sur... plus de 600 pages. 
 
New-York City -source d'inspiration réelle à la ville de Gotham- au XVIIIème siècle.
 
    Car jamais les personnages d'une fiction de fantasy auront à ce point ému le lecteur, tous autant qu'ils sont : on se reconnait en eux, on vit avec eux. On frissonne et on pleure avec eux. Cette impression de réalisme vient sans doute des nombreuses nuances que Fabrice Colin leur apporte : loin du schéma manichéen des bons contre les méchants que la littérature de jeunesse impose parfois à ses lecteurs, l'auteur a ici façonné des héros et anti-héros aux personnalités complexes, justes reflets de la nature humaine. Dans son roman comme dans la réalité, rien n'est vraiment tout blanc ou tout noir.
 
Les machines volantes de Léonard de Vinci, telles qu'on en croise dans le ciel d'Old Haven...
 
    Ces 600 pages qui passent presque trop rapidement sont qui plus est égrainées d'enthousiasmantes références littéraires et historiques venant ponctuer ce récit d'une audacieuse originalité. L'auteur puise en effet dans l’œuvre de ses prédécesseurs et dans le passé des terres américaines un terreau fertile, lequel alimente son texte tout en permettant un audacieux jeu de clin d'oeil. Jeu auquel le lecteur passionné se prêtera avec un plaisir assumé. Du décor de Gotham (surnom donné à la ville de New-York par Washington Irvong, célèbre auteur de la Légende de Sleepy Hollow) aux célèbres sorcières de Salem, des machines de Léonard de Vinci aux automates comme échappés d'une aventure steampunk (dont F.Colin est l'un des grands représentants), du Nécronomicon (mythologique ouvrage de démonologie) inventé par le romancier de l'horreur Lovrecraft en passant par Jack O'Lantern himself (qu'on croirait échappé d'un roman de L.F.Baum), La mélediction d'Old Haven foisonne et fourmille d'hommages à l'Imaginaire.

  Exemplaire du Necronomicon créé par un admirateur de Lovecraft.
 
En bref : Derrière ce qui pourrait passer pour un banal roman de fantasy jeunesse comme il en existe tant, se cache en réalité une intrigue originale d'une belle audace littéraire, entre héritage et réinvention. La malédiction d'Old Haven nous porte sur 600 pages de péripérites virevoltantes et passionnées mais, surtout, brille par son style et par ses protagonistes étonnamment humains. Une pépite.
Couverture de l'édition grand format parue chez Albin Michel en 2007, ainsi que les très belles couvertures des éditions espagnole et autrichienne.

7 commentaires:

  1. Moi aussi j'ai énormément aimé :) D'ailleurs, il y a aussi le 'maitre des dragons' qui raconte la version de Thomas :)

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  2. Oui, je suis au courant pour la version racontant l'histoire du point de vue de Thomas, mais j'ai tellement aimé le personnage de Mary que j'hésite à lire "Le Maître des Dragons" =p ...Je pense que j'essayerai, mais je vais me laisser du temps, afin de prendre le recul nécessaire pour le lire avec un "regard neuf".
    Est-ce que tu l'as lu? Il est aussi bien que "la malédiction d'Old Haven"? =)

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  3. J'ai lu ce livre il y a super longtemps et je l'ai adoré ! Il faudrait que je le relise car je ne me rappelle plus très bien de l'histoire (il se passe tellement de choses), mais je sais qu'il avait été l'un de mes livres préférés à l'époque, et encore maintenant quand j'y pense :)

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    1. C'est un excellent roman, dont la qualité dépasse celle d'un roman jeunesse classique! Il y a un réel foisonnement culturel et fantastique, on sent que Fabrice Colin se nourrit de nombreux apports pour forger ces histoires... ses livres sont toujours un régal! As-tu lu d'autres livres de lui?

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  4. Oui on sent quand on lit ce livre qu'il y a un grand travail de recherche, et l'écriture est plus poussée que celle d'autres romans jeunesse !
    Malheureusement je n'ai pas encore eu l'occasion de lire d'autre livres de Fabrice Colin, mais en reparler me donne envie de m'y mettre :) Tu en aurais à me conseiller ?

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    1. J'en ai lu quelques autres que je n'ai malheureusement pas encore trouvé le temps de chroniquer... promis, je le fais très vite! Ainsi, tu auras quelques titre en tête pour d'éventuels détours en librairie ;-)

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  5. Cool, j'attends tes chroniques avec impatience :)

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