Dracula, de Bram Stoker
Un concert-fiction Radio France réalisé par Cédric Aussir
Adapté par Stéphane Michaka d'après le roman de Bram Stoker
Avec l'orchestre national de France
Musique de Didier Benetti
Avec : Maud le Grevellec, Yann Collette, Laurent Poitrenaud, Féodor Atkine...
Enregistré en public les 26 et 27 juin 2014 au studio 104 de la Maison de la Radio
Une
adaptation en musique, avec l'Orchestre National de France, du
chef-d'œuvre de Bram Stoker. Au plus près des sensations de l'héroïne
Mina qui, en cette fin de XIXe siècle, est la proie-fétiche du comte
Dracula débarqué en Angleterre...
Transylvanie,
1893. Invité du comte Dracula dans son château des Carpates, Jonathan
Harker ne tarde pas à comprendre qu’il est prisonnier de son hôte.
Dracula signe l’acte de vente qui le rend propriétaire d’une abbaye en
Angleterre, puis il embarque sur une goélette avec des dizaines de
caisses chargées de terre. Dans l’hôpital où il est soigné après son
terrifiant séjour chez Dracula, Jonathan est rejoint par sa fiancée, la
ravissante Mina. Rentrés à Londres, Mina et Jonathan reçoivent la visite
d’un certain Van Helsing. Il leur apprend que Dracula a débarqué en
Angleterre. Pour Mina Harker, c’est le début d’une lutte à mort avec le
vampire… mais aussi avec ses propres démons.
***
On a eu l'occasion d'en parler avec les adaptations audios de Chapeau Melon & Bottes de Cuir, il y a quelques années : on a une véritable passion pour les fictions radiophoniques et autres feuilletons audios en tous genres. Bien plus que les simples livres audios, ces "pièces de théâtre à écouter" proposent des immersions sonores où la mise en son se substitue à la mise en scène, et où dialogues, bruitages et musiques doivent suffire à la visualisation complète par l'auditeur, sans qu'une narration soit nécessaire. En bref, tout le talent de la fiction audio, c'est de provoquer le même plaisir que si on regardait un film, mais avec ses oreilles, et sans avoir besoin d'ouvrir les yeux pour en comprendre l'intrigue.
Si ce média est resté très populaire outre-Manche (où l'on commercialise des centaines de feuilletons audio en téléchargement et au format CD tous les ans, sans compter ceux diffusés sur la station de la BBC, souvent adaptés de classiques de la littérature), il est resté très discret en France, et ce alors qu'il a précédé dans les foyers les soirées que les familles passeraient plus tard devant la télévision. Radio France, cependant (et plus précisément France Culture), a continué d'entretenir la mode du feuilleton audio sans discontinuer. On trouve aujourd'hui en podcast gratuit leurs transpositions de Tintin, de Sherlock Holmes ou encore des Liaisons dangereuses, quand il ne s'agit pas de scénarii inédits de Fabrice Colin.
Il y a quelques années, dans la continuité des feuilletons radiophoniques déjà existants, Radio France s'est alliée avec l’Orchestre National de France afin d'initier une série de fictions audios mises en musique et enregistrées en direct. Ce projet se voulait un hommage au grand Orson Wells qui, à New York en 1938, enregistrait tous les dimanches soirs on air l'adaptation d'un grand classique joué par une troupe de théâtre et accompagnée d'un orchestre.
Réalisateur de fictions audios pour France Culture depuis 2010, Cédric Aussir est chargé de la direction des opérations aux côtés de Stéphane Michaka, auteur de plusieurs romans et déjà adaptateur de fictions pour la radio. Ce dernier, fasciné par les nombreuses lectures possibles du mythe de Dracula, confiait ceci au moment de l'enregistrement de ce concert-fiction : "Le roman de Bram Stoker, écrivain et secrétaire du célèbre acteur Henry
Irving, a été publié en 1897. J’ai toujours été frappé par la
concomitance entre ce roman, qui fourmille de notations troublantes sur
l’émancipation des femmes, le mariage et la sexualité à l’ère
victorienne, et la parution à Vienne, deux ans plus tôt, des fameuses
Études sur l’hystérie de Freud et Breuer. De là à voir en Mina,
proie-fétiche de Dracula, une victorienne emblématique des névroses de
son temps, il n’y a qu’un pas. C’est cette idée qui m’a guidé pour cette
libre adaptation de Dracula."
En resserrant l'action sur un laps de temps très court, il choisit de commencer l'adaptation audio au milieu du livre, lorsque le Professeur Van Helsing intervient dans l'histoire, alors que Lucy se meurt. Narrée par Mina, l'intrigue amène ensuite les éléments antérieurs via ce que la jeune femme rapporte du journal de Jonathan, qui permet d'introduire sa rencontre avec le comte Dracula sous forme d'un flash-back saisissant. Construite comme une poupée russe, cette adaptation aux récits enchâssés les uns dans les autres offre la possibilité de voir ici Dracula comme une enquête qui commencerait avec le décès de Lucy, dont il faudrait comprendre le mystère en reliant entre eux les récits des uns et des autres pour remonter jusqu'à la figure du vampire comme seul et unique coupable, avant de se lancer à sa poursuite.
L'autre intérêt de cette approche, c'est bien évidemment la mise en lumière du personnage de Mina, dont Stéphane Michaka semble vouloir faire une héroïne (ou rappeler l'héroïne qu'elle était déjà). L'immersion dans sa psyché permet de saisir toute la sensibilité mais aussi la force du personnage original, particulièrement bien mis en valeur par cette adaptation. Adaptation pourtant très libre par certains côtés, à l'image du final, glaçant, qui tend à suggérer quelque terrifiante suite à l'intrigue (on pense alors aux directions prises par Dacre Stoker dans Dracula, l'immortel).
Le casting est plutôt convainquant, en particulier Maud le Grevellec en Mina, qui porte le plus gros de cette fiction sur ses épaules, ou encore le talentueux Yann Collette (bien connu des grand et petit écrans, mais aussi de la scène) en Van Helsing, dont on nous épargne l'accent allemand parfois entendu dans d'autres versions. Mais la prestation la plus remarquée est bien évidemment celle de Féodor Atkine dans le rôle de Dracula. Ce comédien français d'origine russo-polonaise, habitué du cinéma et du doublage, prête une voix mémorable au célèbre vampire, voix qui n'est pas sans évoquer le doublage de Gary Oldman dans le film de Coppola. Le résultat, très impressionnant, captive l'auditeur autant qu'il le fait frissonner.
S'il y a peu de bruitages en comparaison des feuilletons radiophoniques habituels, l'accent de ce concert-fiction est en revanche mis sur la musique. Difficile de traduire autrement les choses que par "ça en jette", tant le résultat est envoutant à souhait. Les compositions originales de Didier Benetti font parfois penser à la bande-originale de Wojciech Kilar pour le long-métrage de Coppola, probablement en raison de la formation classique de ces deux musiciens. On songe également aux intronisations musicales des grands films américains de l'âge d'or d'Hollywood. Omniprésente, la bande-son accompagne dialogues et rebondissements comme un personnage à part entière.
En bref : Une adaptation immersive à souhait, à la mise en son délicieusement classique (dans le sens le plus noble du terme) et au scénario aussi audacieux qu'original. D'une grande qualité, cette double production Radio France et Orchestre Nationale de France magnifie le roman de Stoker grâce à un casting de choix (Féodor Atkine en tête, terrifiant Dracula) et à une musique absolument envoutante. Un régal à dimension quasi cinématographique.
Et pour aller plus loin...
- Redécouvrez le roman original de Bram Stoker ICI.
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