dimanche 30 octobre 2016

Le crime d'Halloween - Agatha Christie

Hallowe'en Party, Collins Crime Club, 1969 - La fête du potiron (trad. de C.Duriveaux), Editions du Masques, 1971 - Le crime d'Halloween, Editions du masque, Editions Le livre de poche, 1999, puis nombreuses rééditions depuis.

   Le 31 octobre, les sorcières s'envolent sur leur manche à balai : c'est Halloween, la fête du potiron. À cette occasion, Mrs Drake a organisé une soirée pour les "plus de onze ans". Les enfants participent aux préparatifs, sous l’œil nonchalant de Mrs Oliver, qui croque son éternelle pomme. "Savez-vous que j'ai eu l'occasion d'assister à un vrai meurtre ?" se vante Joyce, une fillette à la langue bien pendue, devant la célèbre romancière. Tout le monde lui rit au nez : Joyce ne sait plus qu'inventer pour se rendre intéressante. La fête est un succès, et les enfants font un triomphe au jeu du Snapdragon qui clôt la réception. Tous les enfants ? C'est en rangeant la maison, après le départ des invités, qu'on découvre le cadavre de la petite Joyce dans la bibliothèque. Bouleversée, Mrs Oliver fait aussitôt appel à son ami, le grand Hercule Poirot. 

***

  Il était difficile de passer à côté de ce roman pour célébrer le thème anglais du challenge Halloween de Lou & Hilde, ce qui me permet tout en même temps d'inaugurer ici ma première chronique consacrée à Agatha Christie. Si je ne l'ai jamais évoquée ici, elle n'en reste pas moins une de mes auteures favorites. Je ne vous embêterai pas en vous la présentant, c'est tout à fait inutile (en tout cas je l'espère!) et m'attarderai plutôt sur le titre qui nous occupe...


" Rien ne se propage plus vite, dans une communauté, que la nouvelle d'une catastrophe, et d'autant plus vite que la catastrophe est plus qu'épouvantable. De toute façon, ajouta-t-il, on ne peut pas vivre longtemps sans voir ce qui se passe autour de soi. Et de ce point de vue, les enfants paraissent particulièrement doués."

  Si l'on prend un certain recul sur son oeuvre et qu'on l'observe dans sa globalité, on perçoit chez Dame A.Christie une fascination latente pour certains éléments, que l'on peut voir poindre ici et là au fil de sa bibliographie. Parmi ceux-là, j'ai remarqué ceux qui me font tout particulièrement frissonner, des univers pourtant totalement antinomiques mais qu'elle associe avec un talent tout particulier. Il en va ainsi des éléments propre à l'enfance d'une part, et à l'occulte d'autre part. En effet, on remarquera plusieurs intrigues où se mêlent tantôt des comptines assassines et des enfants bizarres, ou encore des séances de spiritisme et autres superstitions archaïques. Servant d'écrin tout en ambiance pour une enquête toujours minutieusement ficelée, ces éléments se font le sel de l'histoire.


  Il en va ainsi de ce Crime d'Halloween, l'un des rares récit basé sur un infanticide. Mais pas n'importe quel type d'infanticide : fidèle à sa réputation, Agatha nous le sert dans le plus policé des décors, à savoir une réception d'Halloween traditionnelle dans le plus rural des bourgs britanniques. C'est à cette occasion que Ariadne Oliver découvre le cadavre d'une fillette noyée dans la bassine du Apple Bobbing (mais siii, vous savez, ce jeu délicieusement vintage où l'on attrape des pommes dans une bassine d'eau, un classique des fête d'Halloween d'antan!). Horrifiée, elle ne perd pas une minute pour contacter son vieil ami Hercule Poirot qui intervient sur l'affaire.


"Je crains cependant fort que les filles n'aient de tous temps été attirées par les fripouilles, comme vous les appelez. Seulement il y avait autrefois des garde-fous."

  Et là, on se laisse porter par le talent inimitable que détient la grande Dame du crime pour nous balader : fausses pistes multiples, gamins détestables, secrets de familles enfouis, tout y est, certes conformément à ses codes très classiques, mais l'atmosphère en plus. Car on se régale du cadre automnal merveilleusement restitué lors des promenades de nos personnages, et de la lourdeur horrifique et pesante des crimes qui plane sur ce petit village anglais, tout juste contrebalancée par l'extravagance des protagonistes. Et quels protagonistes! Je décerne une palme d'or à Ariadne Oliver, pour qui je voue un culte tout particulier : j'aime cette femme un peu fofolle, cette romancière survoltée à l'imagination débridée qui dévore des kilos et des kilos de pommes (oui, ceux qui me connaissent ce même pêché mignon comprendront que je l'aime tant, cette bonne vieille Mrs Oliver!).


"Le garçon qui a tué Joyce a probablement des parents charmants, une conduite normale, une excellente présentation. Personne ne pourrait supposer que quelque chose ne tourne pas rond chez lui. Il vous est bien arrivé, n'est-ce pas, de croquer dans une pomme rouge et juteuse et de voir tout à coup, près du coeur, se dresser une bestiole assez peu ragoûtante qui agite la tête vers vous? Bien des gens sont faits sur ce modèle. Et de plus en plus, de nos jours"

  Parallèlement, on remarquera également l'évolution du ton de l'auteure : Le crime d'Halloween, écrit en 1969, est loin de l'âge d'or de Poirot et de l'époque élégante aux lignes art-déco qu'on lui associe. On sent le regard âpre -de l'auteure comme de son personnage- sur la société post guerre mondiale en pleine déliquescence et sur une jeunesse en pleine mutation... Comme toujours chez A.Christie, on retrouve donc l'analyse psychologique fine d'une société et de ses acteurs en filigrane de l'oeuvre de fiction.

A voir : l'adaptation du roman pour la génialissime série Agatha Christie's Poirot.

" Un jeune homme d'une beauté exceptionnelle. On ne pense pas aux jeunes gens sous cet angle, de nos jours. D'un jeune homme, on dit souvent, à juste titre, qu'il est sexy ou follement séduisant quand il a le visage taillé à coups de serpe, des cheveux gras en désordre et des traits irréguliers. Vous ne dites pas de lui qu'il est beau. Et si vous le faites, vous le dites sur un ton d'excuse, comme si vous le félicitiez d'une qualité depuis longtemps oubliée. Les filles sexy ne veulent pas d'Orphée et de son luth, elles sont à la recherche d'un chanteur pop avec une voix rauque, des yeux aguicheurs et une masse de cheveux hirsutes."

En bref : Comme toujours du grand Agatha Christie, même si l'on sent l'âme nostalgique de la romancière en fin de carrière à travers l'analyse qu'elle suggère de la société. L'atmosphère malsaine et tout en même temps élégante qu'elle associe au décor d'Halloween fait un écrin parfait pour une intrigue encore une fois rondement menée.

 

4 commentaires:

  1. c'est bon de revenir aux classiques de temps en temps ;) Agatha ne se démode pas, c'est à dire que ce petit côté suranné enchante toujours.

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    1. Oui, un bon Agatha Christie, c'est comme un vieux remède par temps froid. Un peu le même effet que de relire un vieux bibliothèque rose ou verte ^^

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  2. J'en garde un bon souvenir, j'avais beaucoup apprécié l'ambiance d'Halloween au début du roman et l'enquête d'Hercule Poirot.
    C'était aussi ma première lecture d'Agatha Christie. J'avoue que ça me plairait de voir l'adaptation. :)

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    1. Le film avec David Suchet est extra! il est disponible encore toute la semaine en replay sur pluzz.fr je crois, jette un oeil ;)

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