Le fantôme de l'Opéra
(The phantom of the Opera)
Mini-série de Tony Richardson,
d'après un livret d'Arthur Kopit adapté du roman de G.Leroux.
Avec : Teri Polo, Charles Dance, Burt Lancaster, Andréa Ferréol, Ian Richardson...
Première diffusion américaine : Mars 1990
Christine Daaé est une jeune chanteuse inexpérimentée qui est engagée
à l’Opéra Garnier grâce à une recommandation du comte de Chagny. La
Carlotta, la Diva et épouse du nouveau directeur, refuse de lui faire
intégrer les chœurs et la relègue à la lingerie.
Christine
apprend que le bâtiment est « hanté » par un obscur personnage que l’on
surnomme « le fantôme » et qui donne depuis des années toutes les
directives pour gérer l’opéra, et assassine froidement quiconque ose
s’opposer à sa volonté, ou quiconque voulant découvrir son identité. La
nouvelle direction n’entend cependant pas les choses de cette oreille,
et décide d’y mettre rapidement bon ordre. Mais le fantôme,
insaisissable, reste une énigme et tous sont obligés de se plier…
***
A l'occasion de cet Halloween spécial France obscure, j'ai failli vous parler du Fantôme de l'Opéra tourné pour le cinéma en 2004 par Joel Schumacher, adapté de la célèbre comédie musicale d'Andrew Lloyd Webber, avant de porter mon choix sur une autre version qui mérite qu'on s'y attarde (quant au film évoqué plus haut... autant chroniquer le musical original quant il sera de nouveau sur la scène de Mogador, non?). L'autre adaptation qui nous intéresse aujourd'hui, plus méconnue, est celle tournée en 1990 sous forme d'une mini-série de deux épisodes pour la chaine américaine NBC. Américaine, oui, car bien qu'étant à la base un roman bien français, Le fantôme de l'Opéra n'a à ce jour jamais connu d'adaptation par son propre pays ; un projet français lancé par Jean-Pierre Jeunet en 2015 et malheureusement tué dans l’œuf reste la seule version – avortée – de l'hexagone (ce qui, en plus du musical jamais mis en scène en France à cause d'un incendie survenu dans les sous-sols de Mogador, laisse à penser que cette œuvre est maudite sur son propre territoire).
Les origines de cette mini-série trouvent leur source en 1986 : le dramaturge Arthur Kopit (auteur du célèbre musical Nine) vient d'écrire un livret adapté du roman de G.Leroux pour une future version musicale du Fantôme de l'Opéra. Après une première version créée à Lancaster par Joe Hill en 1976 (et disparue des planches – et des mémoires – depuis 1991), il réinvente l'image du fantôme dont il fait un héros romantique davantage inspiré de Quasimodo et d'Elephantman que du tueur sanguinaire de roman. Malheureusement, Kopit se voit presque instantanément supplanté par Andrew Lloyd Webber, qui créé la même année sa propre réinterprétation musicale de l’œuvre de Gaston Leroux. Le succès est tel qu'Arthur Kopit archive son livret dans un tiroir, persuadé que son projet est désormais voué à l'oubli.
Mais c'était sans imaginer que trois ans plus tard, la NBC ferait un appel à textes pour une version télévisée adaptée du roman de G.Leroux. Convaincu de pouvoir séduire la production, Arthur Kopit transforme son livret en scénario et soumet sa vision, qui est rapidement retenue pour son audace et sa relecture inspirée du célèbre mythe.
Trailer en VO.
Cette version propose en effet un regard plus romantique et mélancolique que l'intrigue originale, dans le même esprit que l'adaptation d'A. Lloyd Webber mais avec un ton peut-être encore plus poétique. Le fantôme devient un être solitaire qui vit reclus dans les sous-sols de l'Opéra auquel il accède par des portes secrètes, tout en étant protégé par Carrière, le directeur, qui garde son secret. Malheureusement, Carrière est remercié et remplacé par un nouveau gérant, Cholet, vil personnage qui cherche surtout à placer son épouse, l'extravagante cantatrice Carlotta. Se présente un jour à la porte du théâtre la jeune Christine, qu'on a recommandé à Carrière et qui espère devenir chanteuse. La pauvre jeune femme se retrouve costumière de la Carlotta, qui refuse qu'une petite jeunette lui prenne sa place d'étoile de l'Opéra. Mais le fantôme, tombé sous le charme de Christine, lui donne en secret des cours de chant... Leur relation, mélange de respect et d'affection, est bientôt mise en danger par la décision de Cholet de mettre la main sur le fantôme, qui fait tout pour décrédibiliser Carlotta.
Cette version très émouvante change aussi l'ordre de certains événements, ou supprime certaines scènes : pas de bal masqué ni de rendez-vous d'amoureux sur les toits, mais ce décor sera le cadre d'un final épique sur les hauteurs du palais Garnier. Dans ce scénario, le lustre s'écroule sur la scène et le fantôme enlève Christine parce que la Carlotta lui a fait boire un cordiale empoisonné qui lui a provoqué une extinction du voix, la ridiculisant en même temps pour sa grande première dans Faust. Kopit imagine également une origine sociale et familiale à Christine, ainsi qu'au fantôme, dont l'histoire est réinventée pour adoucir l'image du personnage.
L'intrigue et la mise en scène évoquent, bien plus encore que la version d'Andrew Lold Webber, le conte de La Belle et la Bête. Certains passages particulièrement oniriques (notamment la promenade dans la forêt artificielle peuplée de cervidés statufiés que le fantôme a conçue dans les sous-sols de l'Opera) rappellent l'adaptation du conte par Cocteau, tandis que certaines scènes épiques (le final sur les toits) semblent annoncer la version animée à venir de Disney.
Teri Polo, superbe et convaincante Christine.
Le casting, franco-anglo-américain, comporte une très belle brochette d'acteurs : Charles Dance, impeccable en fantôme, Burt Lancaster très charismatique en Carrière, et Ian Richardson hilarant en Cholet. Jean-Pierre Cassel interprète un inspecteur tenace et la française Andréa Ferréol campe la Carlotta avec l'exubérance nécessaire. Applaudissements tout particulier à l'actrice américaine Teri Polo, alors au tout début de sa carrière, qui joue la meilleure Christine que j'ai pu voir à l'écran : loin de la fade héroïne des autres adaptations, elle apporte une vraie épaisseur au personnage, et pas seulement à travers sa relation avec le fantôme. Anecdote amusante du casting : on aperçoit aussi plusieurs fois Anne Roumanoff dans le rôle d'une cocotte de l'opéra.
Andréa Feeréol, extravagante Carlotta...
Cette version présente également la particularité d'être la seule à avoir été tournée à Paris, et plus encore, dans le véritable Palais Garnier : on reconnait sans peine le splendide grand escalier qui apparait plus d'une fois à l'écran, ainsi que la grande salle de spectacle (probablement difficile à filmer pour la scène du lustre puisque les caméra ne devaient pas laisser voir le plafond, peint par Chagall en 1964, mais qu'on aperçoit brièvement dans une courte scène). Portées par des extraits de célèbres opéras, les prises de vue de ce décor véritable donnent au lieu une place de choix dans cette adaptation, voire un rôle à part entière.
Il est dommage que la seule édition dvd disponible en France n'ait pas bénéficié d'une remasterisation du son et de l'image, malheureusement de piètre qualité (on veut voir à plusieurs reprise la bande qui saute à l'écran, comme si les ingénieurs chargés de numériser la série s'étaient contentés de copier une vieille VHS mal en point). Cela ne rend pas justice à ce qui est probablement une des meilleures adaptations de Leroux dans la veine d'une réhabilitation du fantôme. Couronnée de deux Emmy Awards et nominée plusieurs fois aux Golden globes, le succès rencontré par cette mini-série a permis à Arthur Kopit de ressortir son livret du tiroir pour monter, deux ans plus tard, le musical qu'il avait imaginé en 1986. Baptisé sobrement Phantom, ce spectacle n'a certes pas connu la renommée du musical d'A.Lloyd Webber mais continue d'être joué dans le monde.
En bref : Une adaptation méconnue du roman de G.Leroux qui mérite d'être redécouverte. Cette version poétique et romanesque entre dans une tentative de réhabilitation du fantôme qui surpasse de loin celle d'Andrew Lold Webber par la psychologie et le charisme des personnages. Le fantôme réinventé ici par le scénariste et dramaturge A.Kopit tient autant de la Bête de Cocteau que d'Elephantman ou de Quasimodo, s'imposant comme héros romantique solitaire et incompris. L'excellent casting et le décor véritable de cette version constituent la cerise sur le gâteau de cette mini-série à (re)voir absolument, malgré la faible qualité de l'édition dvd française.
Et bin didonc a voir alors....je note cette adaptation
RépondreSupprimerBonjour ! Merci pour ce bel article sur cette magnifique adaptation du Fantôme, que je vénère absolument ! Je vous rejoins sur tout ce que vous dites, cette adaptation est sans doute la plus poétique et la plus onirique du personnage de Leroux... Un personnage tendre, incompris, rejeté, qui a un passé d'une tristesse infinie (moins flamboyant que celui de Leroux, néanmoins). Je ne sais pas si vous avez déjà vu l'adaptations scénique et musical de Yeston et Kopit, qui vaut tout à fait le détour, très tendre elle aussi, mais qui est musicalement très inférieure à celle de Webber.
RépondreSupprimerA bientôt !
PS : j'ai aussi fait beaucoup d'articles sur le personnage du Fantôme sur mon blog, si cela vous intéresse ;)
Bonjour Clelie, merci pour ce long message! Oui, je suis allé visionner une version filmée du musical de Kopit sur youtube et j'ai beaucoup aimé (j'y ai retrouvé la trame de la minisérie). En effet, la musique n'égale pas l'envoutante version d'André Llod Webber mais côté histoire, je vote pour Kopit!
SupprimerJ'irai lire avec plaisir voir votre blog.
J'ai également quelques articles sur le fantome de l'opéra, dont des adaptations en album :
http://books-tea-pie.blogspot.com/2018/11/le-fantome-de-lopera-christine-beigel.html?m=1
http://books-tea-pie.blogspot.com/2019/11/le-fantome-de-lopera-cwashbourne-dapres.html?m=1
Ou encore ma décoration d'Halloween 2016 consacrée au roman de Leroux:
http://books-tea-pie.blogspot.com/2016/10/happy-halloween-from-rabbit-hole.html?m=1
Au plaisir de vous lire ;)
Merci pour votre réponse ! Je suis tout à fait d'accord avec vous, le scénario de la version de Kopit me plaît davantage que celui de la version de Webber. Que j'aime énormément tout de même, cela dit en passant :) En réalité, c'est cette adaptation qui m'a réellement fait aimé le personnage... Je n'ai découvert que celle de Kopit plus tard. Je vais aller voir avec grand plaisir les autres liens que vous me renseignez ! Et bravo pour votre blog très riche et so british, que je découvre et que j'adore déjà !
RépondreSupprimerSi vous le permettez, je vais placer la référence de votre blog dans ma liste de liens amis ;)
Merci mille fois pour votre avis sur le blog, ça me touche très sincèrement. Le contenu est parfois surprenant, mais il me ressemble. Je suis content qu'il plaise :)
SupprimerAvec plaisir pour la référence, je ferai de même avec votre blog que je suis déjà allé voir. Je m'y attarderai avec attention ce week-end ;)