samedi 4 avril 2020

Miss Fisher et le tombeau des larmes - Un film de Tony Tilse d'après K.Greenwood.



Miss Fisher et le tombeau des larmes

(Miss Fisher and the crypt of tears)


Un film de Tony Tilse
d'après le personnage créé par K.Greenwood et la série télévisée de D.Cox et F.Eagger.

Avec : Essie Davis, Nathan Page, Rupert Penry-Jones, Daniel Lapaine, Miriam Margolyes...

Sortie originale : 27 février 2020
Première diffusion francophone : 6 avril 2020


  Après avoir libéré une jeune bédouine injustement emprisonnée à Jérusalem, Phryne Fisher découvre un mystère vieux d'une décennie mêlant émeraudes inestimables, malédictions anciennes et étrange disparition d'une tribu oubliée... 

***

  Voilà donc le film tant attendu qui vient la clore la série télévisée adaptée des romans de K.Greenwood. Cinq ans après la fin de la série et trois ans après le lancement du projet, le long-métrage Miss Fisher and the crypt of tears (devenu pour les francophones Miss Fisher et le tombeau des larmes) voit enfin le jour, partiellement financé par les fans grâce à deux campagnes successives de crowdfunding. Petit retour sur le synopsis avant de vous donner notre avis...


  L'intrigue débute dans les ruelles de Jérusalem où Phryne tente d'échapper aux forces de police palestiniennes. Son objectif ? Faire s'échapper Shirin Abbas, jeune femme injustement emprisonnée pour propagande anti-britannique en essayant de faire la lumière sur le massacre de sa tribu lorsqu'elle était enfant. L'audacieuse détective est bien évidemment sur place dans le cadre d'une affaire puisque c'est à la demande du Cheikh Kahlil, oncle de Shirin et associé de ses amis londoniens les Lofthouse, que Phryne met tout en œuvre pour la libérer. Malheureusement, dans une course-poursuite mortelle pour fuir la Palestine, Miss Fisher, si elle parvient à envoyer Shirin en sécurité à Londres, disparait et est présumée morte. Elle laisse derrière elle de nombreuses personnes dans un deuil inconsolable, dont l'inspecteur Jack Robinson qui se déplace jusqu'en Angleterre pour une cérémonie funèbre en l'honneur de la défunte. Cérémonie interrompue par Phryne elle-même, en fait bien vivante, qui arrive sur la pelouse du manoir Lofthouse à bord de son avion ! L'intrépide aventurière n'avait pas dit son dernier mot et avait promis à Shirin de découvrir qui avait mis à mort sa tribu : elle compte bien tenir parole. Jack, à la fois profondément ému de retrouver sa partenaire mais aussi terriblement en colère de la voir se mettre sans cesse en danger, ne tardera pas à rejoindre Miss Fisher pour reformer leur imbattable duo. Des entrepôts d'antiquités des bas-fonds de Londres au désert du Moyen-Orient, le policier et la détective remonteront la piste de la destruction de la tribu de Shirin jusqu'à une très ancienne légende palestinienne basée sur une oasis mythique, une crypte séculaire, et une émeraude sacrée au centre de toutes les convoitises...


  Le moins que l'on puisse dire, c'est que le film a tout du grand spectacle. En s'écartant du genre du polar des romans et de la série pour puiser davantage dans la veine du film d'aventure, la co-productrice de la série, du film et scénariste Deb Cox explore une nouvelle dimension de l'univers de Miss Fisher. Le scénario puise pour cela dans des sources clefs tels que les films Indiana Jones ou A la poursuite du diamant vert, sans pour autant oublier les éléments historiques (l'histoire de la Palestine mandataire au sortir de la Première Guerre mondiale) ou encore les intrigues les plus orientalisantes d'Agatha Christie pour le soupçon de whodunit qui persiste en parallèle de la trame très épique du film. Cette petite prise de distance avec le matériau d'origine vise plusieurs objectifs : tout d'abord, explorer le tempérament d'aventurière de Miss Fisher, souvent évoqué mais jamais démontré ailleurs qu'à travers ses enquêtes (on sait qu'elle était ambulancière pendant la Première Guerre mondiale, qu'elle a fait l’ascension du Kilimandjaro, et qu'elle a participé à des missions avec la RAAF au début des années 20) ; ensuite, faire de Miss Fisher and the crypt of tears un film à part entière qui ait son existence propre et ne soit pas seulement la continuité d'un programme déjà existant. Il s'agit évidemment là d'un stratagème pour tenter de rassembler aussi bien les fans de la première heure que les néophytes.


  ... Et reconnaissons que cela fonctionne! Ce sont en tout cas les retours faits des avant-premières et premières en Australie, mais aussi notre avis à la fin du visionnage. L'intrigue s'éloignant très rapidement de Melbourne, on regrette de quitter trop rapidement nos personnages secondaires favoris, voire de ne même pas croiser certains des protagonistes phares de la série (Hugh et Dot, Bert et Cec, sans oublier le Dr McMillan et le flegmatique Mr Butler – la raison première étant aussi que tous les acteurs avaient désormais des engagements sur d'autres tournages) mais cette déception est compensée par les nombreuses autres portes sur lesquelles ouvre le passage au grand-écran et qui justifient de découvrir ce film. A ce titre, le déplacement de l'intrigue au Moyen-Orient permet un dépaysement, un émerveillement et une aura romanesque qu'il n'aurait jamais été possible de mettre en scène dans la série ; l'équipe du film explore toutes les possibilités qu'offre l'univers de Miss Fisher, et ça fait mouche! En cela, Miss Fisher et le tombeau des larmes s'amuse même avec les codes les plus emblématiques du film d'aventure en les recoupant avec ceux propres à la série d'origine, quitte à jouer pour cela la carte du jusqu'auboutisme (les courses-poursuites sont spectaculaires à souhait, Miss Fisher change trois fois de tenues – toutes aussi glamours qu’inappropriées au climat – en 10 minutes de scènes d'action sans interruption, et le titre apparait à l'écran en lettres fluo d'un kitch totalement assumé). Too much, vous avez dit? Pourtant, ça marche et on adore!

 La (trop brève) apparition de Hugh et Dottie.

  On retrouve avec un plaisir inaltérable Essie Davis, toujours aussi merveilleuse dans le rôle de Phryne Fisher. On réalise une fois encore avec quel talent elle a donné vie à l'héroïne de Kerry Greenwood à l'écran, quelque part entre Louise Brooks (pour le style, bien sûr, mais aussi dans la gestuelle et les jeux de regard), James Bond (pour le flegme et l'assurance) et Sherlock Holmes (pour la perspicacité). Son duo avec le plus réservé mais non moins charismatique inspecteur Robinson, toujours aussi bien interprété par Nathan Page, continue d'être un des éléments majeurs de l'histoire : même après le happy end de la série en fin de saison 3, les choses ne sont toujours pas claires entre eux et l’ambiguïté de leur relation continue d'apporter un piment savoureux. Le reste du casting se compose de Miriam Margolyes, seule rescapée de la série dans le rôle de Tante Prudence, accompagnée de nouvelles têtes dont le très british Rupert Penry-Jones (MI5, Vita & Virginia) et Daniel Lapaine (qu'on avait pas revu depuis son rôle du prince Wendell dans Le dixième royaume) dans les rôles des frères Lofthouse.




  L'atmosphère visuelle du film a été très travaillée et, comme pour l'égyptomanie très présente en fin de première saison, l'ambiance orientale s'accorde à merveille à l'iconographie des années 1920 en plus d'offrir des ressorts scénaristiques appréciables. Les décors naturels (en vérité filmés au Maroc) sont de toute beauté et apportent un exotisme quasi mythologique, aussi regrette-t-on juste de parfois deviner quelle scène a été tournée en studio. Le film peut parfois souffrir en cela d'effets spéciaux et de moyens propres à la télévision mais ici utilisés avec (un poil) moins de réussite pour le grand écran ; le téléspectateur à l’œil aguerri pourra parfois tiquer face à quelques petits défauts visuels même s'ils restent minimes (la scène d'action sur le toit d'un train lancé à vive allure, aussi réussie soit-elle par certains côtés, peut respirer un peu trop le montage numérique par d'autres...). On regrette aussi que les scènes sensées se déroulées à Londres aient en fait été filmées en Australie : si cela ne se remarque pas pour les scènes d'intérieur ou même certaines scènes d'extérieur bien montées (la scène de badinage entre Phryne et Jack avec en toile de fond le Tower Bridge fait superbement illusion), le décor du Manoir de Werribee, fleuron de la culture architecturale australienne qu'on essaie de nous vendre comme un manoir anglais, cela passe un peu moins bien pour les connaisseurs.



  Les costumes créés par Marion Boyce pour la série étaient de vraies chefs-d’œuvre de couture. Pour le film, elle cède la place à Margot Wilson (avec qui elle avait travaillé en 2015 aux costumes du film Haute Couture, d'après le roman de R.Ham) qui créé une gamme de tenues presque aussi impressionnante que sa prédécesseuse. Presque, oui. Car si les robes de Phryne en mettent en effet plein la vue au premier coup d’œil et si leur création relève d'un certain tour de force (la costumière a du redoubler d'ingéniosité pour créer des vêtements à la fois élégants et pratiques pour les scènes d'action), il y manque la subtilité de la "patte" de Marion Boyce. Il en reste cependant de très belles créations, à l'image de la robe de bal portée par Essie Davis, sa tenue d'aventurière pour explorer le désert, de même que les nombreux costumes orientaux qui respirent l'authenticité.



  N'oublions pas d'évoquer la musique, très présente. On retrouve aux commandes de la bande originale le compositeur Greg J. Walker, qui avait déjà écrit les thèmes de la série. Pour Miss Fisher and the crypt of tears, il adapte la mélodie du générique sur un style mi-jazz, mi-oriental, la déclinant en version instrumentale et en version chantée (utilisée pour le générique de fin). Le reste des musiques composées pour ce long-métrage reflète véritablement l'esprit romanesque recherché, qu'il s'agisse des envolées lyriques et exotiques qui accompagnent les passages dans le désert (on pense alors aux bandes originales de La momie ou de Belphégor) qu'aux musiques énergiques et épiques des scènes d'action ( lesquelles évoquent celles de la saga Indiana Jones). Le résultat est chamarré et entrainant à la fois.


  Miss Fisher and the crypt of tears a en tout cas trouvé son public outre-Atlantique, réunissant pour l'occasion les puristes et les non-initiés. Face aux nombreuses critiques positives et à la demande du public, les créatrice Deb Cox et Fiona Eagger pensent à une suite (rappelons que le projet lancé en 2017 était celui d'une trilogie de films) pour laquelle elles aimeraient explorer d'autres contrées. La Chine se situe tout en haut de leur liste, un choix à n'en pas douter sujet à de futures aventures hautes en couleurs (sans parler de l'aspect pratique : rappelons que la Chine a terminé il y a de cela quelques mois son propre remake de la série Miss Fisher enquête, ce qui laisse à penser que des partenariats financiers et certaines facilités sont possibles). On ne manquera pas de vous tenir informés...


En bref : Une continuité épique et pleine de surprises de la série. Miss Fisher et le tombeau des larmes s'écarte du genre policier pour explorer, à l'occasion du passage au grand écran, le genre du film d'aventure, qui s'accorde à merveille à l'univers de base. Il en résulte un film enthousiasmant et saturé d'élégance qui allie avec style le meilleur de la série et de nouveaux éléments pour conquérir à la fois les fans de la première heure et un nouveau public. Les quelques petits défauts ne gâchent en aucune manière le plaisir qu'on a de retrouver Essie Davis dans ce rôle qui a fait son succès et à se laisser happer par le romanesque de l'histoire. 


Pour aller plus loin: 
- Redécouvrez la série télévisée : la saison 1, la saison 2 et la saison 3



- Vous aimez la série? Découvrez les romans originaux ICI .
 

4 commentaires:

  1. Mais, mais, où et comment l'as-tu vu ?

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    1. Il est disponible en vidéo à la demande sur la plateforme américaine qui a acheté les droits de la série et du film ;)

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  2. Heureuse que tu aies aimé !! :-) Et vive Phryne !

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