jeudi 25 décembre 2025

Christmas on the Yellow Brick Road...


     Le retard est plutôt une affaire de Lapin Blanc d'Alice, or, ce n'est pas chez Lewis Carroll que nous passons ces fêtes de fin d'année (nous gardons cependant l'idée pour une prochaine fois), mais bien chez Lyman Frank Baum. Comme l'an dernier, nous commençons nos articles thématiques bien après l'Avent (sans mauvais jeu de mots), presque trop tard pour poser le décor et prendre le temps de nous immerger comme on aime à le faire de coutume. Mais comme le temps est une affaire de subjectivité, il nous appartient d'en faire ce qu'on en veut – n'a-t-on pas initié depuis de nombreuses années déjà les vœux d'entre-deux-fêtes ? Faisons donc comme il nous plaira et déclarons aujourd'hui ouverte la saison des célébrations hivernales à Oz !

    Un Noël à Oz ? Et pourquoi pas ? L'univers pensé par l'auteur américain, ses nombreuses adaptations et réinterprétions, ainsi que l'iconographie qui les entoure font partie d'un imaginaire collectif qui sera pour toujours rattaché à l'enfance, un âge qui correspond sans nul doute à cette période de l'année (et c'est quelqu'un qui n'aime pas fondamentalement Noël qui vous le dit ; mais reconnaissons une chose : s'il y a un bien une période qui autorise les plaisirs régressifs, c'est celle-là). Il existe même un musical baptisé Christmas in Oz, et puis d'ailleurs, n'est-ce pas le meilleur moment de l'année pour rediffuser le célèbre film de Victor Fleming de 1939 ? Probablement. Ça et bien d'autres encore...
 
 
 
    Car Le Magicien d'Oz, c'est à fois bien plus et autre chose que ça. Dans son excellente postface au premier opus du Cycle d'Oz sorti au Cherche Midi en 2013, Fabrice Colin nous disait : "Oui, il y a bien eu un film en 1939, avec Judy Garland et une chanson à pleurer. Mais à part ça ?". L'auteur et chroniqueur français y dépeignait alors les origines et multiples ramifications de l'oeuvre de L. Frank Baum, des plus connues (ou qu'on croit connaître) aux plus secrètes, en tout cas de ce côté-ci de l'Atlantique qui a mystérieusement boudé le "miroir déformant le plus singulier dans lequel l'Amérique s'est jamais mirée". Premier opus d'un gigantesque cycle préfigurateur de l'Heroic Fantasy dans lequel semble avoir infusé quelque reliquat de folklore européen, Le Magicien d'Oz a donné naissance à un univers complexe, pensé par le romancier américain jusque dans ses détails historiques, politiques et religieux. A un multivers également, si on considère les réappropriations aussi fortes de sens que l'original, à l'instar du célèbre Wicked, de Gregory Maguire, transposé en comédie musicale elle-même récemment adaptée à l'écran. La deuxième partie est en effet sortie en salle il y a peu, justifiant ainsi ce Noël aux couleurs de rubis et d'émeraude (ceci pour nous donner une excuse, comme si on en avait besoin).
 

    Mais revenons à nos moutons. Oz, on le disait à l'instant, c'est du sérieux. On l'évoquait dans notre chronique du roman de L. Frank Baum, publiée en ces pages il y a plus de dix ans (ça ne nous rajeunit pas) : les interprétations possibles sont nombreuses, presque trop. Allégorie religieuse ? Politique ? Socio-économique ? Médiatique, peut-être ? Voire un peu de tout cela à la fois ? Des analystes et des chercheurs sont ainsi persuadés que le roman se veut une métaphore de la situation historico-financière des États-Unis de la fin du XIXe siècle, notamment l'endettement des agriculteurs de l'ouest et la crise de l'étalon-or. D'autres iront de leur lecture plus philosophique ou humaniste, mais on peut aussi s'attacher à n'y voir que ce qu'on souhaite. Peut-être Le Magicien d'Oz n'est-il que la simple histoire d'une gamine de la campagne qu'un cyclone transporte un jour dans un monde parallèle dont elle deviendra la nouvelle héroïne. Ah, d'ailleurs, on a failli oublier l'interprétation féministe ! Saviez-vous que Le Magicien d'Oz fait partie de ces malheureusement célèbres livres censurés par les bibliothèques publiques américaines ? La raison ? Il met en scène des images de femmes fortes – une hérésie ! Sachez-le : lire le roman de L. Frank Baum à la table du 25 décembre sera désormais la meilleure arme que vous pourrez dégainer face à votre oncle facho-sexiste-rétrograde.
 

    Mais voilà que l'on s’égare à nouveau.
   Que disions-nous, déjà ? Ah, oui : une simple fable. C'est peut-être tout ce que ce récit était voué à devenir lorsque, cherchant un titre et un nom au pays qu'il était en train d'inventer, Lyman Frank Baum posa les yeux sur le tiroir "O-Z" de son secrétaire à classement alphabétique. Une histoire pour enfants, petits et plus grands. Un conte, soit un espace de projection et d'introspection qui appartient dès lors à chaque lecteur et à  chaque auditeur, peu importe ce qu'en disent chercheurs, historiens, analystes et autres empêcheurs de lire en silence.
 
    Pour nous, Le Magicien d'Oz sera, un peu à la façon de Peter Pan et de son Neverland (mais pas tout à fait de la même manière, parce que pas tout à fait pour les mêmes affects), le pays de l'éternel retour. Celui d'une ferme qui se soulève de terre, celui de souliers scintillants qui dépassent de façon incongrue des ruines d'une grange, celui d'une silhouette toute de noir vêtue qui fond au contact de l'eau, celui, encore, d'un champ de coquelicots mortels. Des images empreintes d'une esthétique forte qui ont durablement marqué notre machine à rêver.
 


"La marque des grandes œuvres est de prêter le flanc aux interprétations les plus diverses et terribles. Vous trouverez la vôtre, à n'en pas douter. Vous la trouverez si vous y tenez, car Oz est le pays de votre solitude et de votre joie panique (...).
Suivre la route de briques jaunes, c'est accepter d'en ignorer la destination."
 
(Fabrice Colin)
 
 
    Alors, prêts à voyager en notre compagnie ?
 

 Accrochez-vous à votre panier, calez votre chien sous le bras et claquez des talons trois fois...
 
*** 
 
 
 

mercredi 24 décembre 2025

Un automne pour aménager son Terrier...

 

    Presque ponctuel, une fois encore, pour le bilan saisonnier (moins pour les publications de Noël, cela dit, mais on ne peut décemment pas être toujours bon en tout, pas vrai ?). Alors que l'automne a récemment tiré sa révérence et que l'hiver vient drainer avec elle ses habituels parfums de marrons glacés et de sucre d'orge, venons ensemble nous rappeler ces derniers mois aux teintes mordorées et aux tapis de feuilles couleur sépia. Pendant que notre électricien s'afférait à tirer des fils et faire passer des câbles dans les cloisons de notre nouveau Terrier, nous, on est allé se promener.
 
 
Escapades :
 
 
    On a entamé l'automne avec encore de belles randonnées à vélo, parce que le bien nommé "été indien" nous invitait à prolonger un peu nos loisirs estivaux. Les températures n'étaient plus les mêmes, mais passés les cinq premiers kilomètres, on n'y sentais plus rien (nos doigts non plus, d'ailleurs...). On n'a cependant pas pu poursuivre au-delà de la mi-octobre, la météo devenant de moins en moins encourageante. On a donc troqué les roues contre la marche afin d'arpenter la campagne autour du Terrier...






*
 
 

    Pour Halloween, on a profité de la présence (une tradition) de notre cousine au Terrier pour une grande promenade photographique à Auberive, village perdu dans les tréfonds du département (celui-là même perdu dans les tréfonds du pays), dont on avait gardé de très bons souvenirs d'enfance. Une ancienne abbaye y accueillait alors un festival de musique celtique plutôt qualitatif (mais la mémoire étant par essence trompeuse, il n'est pas impossible qu'on se fourvoie complètement) ainsi que des classes vertes pour les établissements scolaires. Les lieux sont restés figés dans quelque chose d'étrange et de charmant à la fois, l'endroit résumant à lui seul ce que peut être l'image d’Épinal du parfait village d'Halloween. Jugez plutôt :
 
 
 









*
 
 

     Après ces promenades au grand air, on a décidé de rejoindre la capitale pour aller voir le musical du Fantôme de l'opéra au Théâtre Antoine. Pas le célèbre spectacle d'Andrew Lloyd Webber (malheureusement), mais une tout nouvelle création originale (malheureusement) française (malheureusement – bon, d'accord, on arrête). Si l'écrin du Théâtre Antoine était particulièrement enchanteur et l'ambiance dans la salle, tout à fait réussie, on doit bien admettre avoir été très déçu du résultat, dont on vous parle ICI. De quoi nous donner envie de traverser la Manche pour aller voir le seul, le vrai, l'unique Fantôme qui mérite de monter sur les planches.


 
*** 

 
Achats & acquisitions :
 
 

    Étonnamment peu d'achats livresques cette saison, mais c'est surtout parce qu'on est contraint de racheter plusieurs de nos livres. Oui, vous avez bien lu : racheter. Pourquoi ? Pas pour le seul et unique plaisir d'avoir plusieurs exemplaires du même bouquin sur nos étagères (ça aurait pu, et d'ailleurs, ça nous est déjà arrivé), mais pour remplacer de nombreux livres que nous n'avons pas pu sauver du pire de nos ennemis : la moisissure. Nous avons en effet découvert en quittant notre ancien terrier que celui-là avait été attaqué par l'humidité. Bien qu'on était persuadé d'avoir mis en carton des livres sains, des moisissures probablement invisibles au moment du déménagement on continué de proliférer dans les cartons. Aussi, depuis quelques semaines, le vinaigre blanc est devenu notre meilleur ami. Malheureusement, certains livres, irrécupérables, ont du partir à la benne une fois un remplaçant (r)acheté, ce qui explique qu'on n'ait que peu investi dans les nouveautés.
     Cela étant, parmi les inédits qui ont rejoint le Terrier, il y a évidemment le Frankenstein illustré par Mina Lima, sorti tout récemment et à côté duquel on ne serait passé pour rien au monde. Dans les poches parus ces dernières semaines, on a craqué pour L'énigme de Turnglass, roman à énigme en deux parties, imprimé tête-bêche, et The house of windows, dont l'esthétique très MichaelMcDowellLike nous tentait depuis un moment. Pour ce qui est des classiques, on s'est offert deux opus des Mondes de Chrestomanci, célèbre cycle de littérature jeunesse que nous n'avions pas réussi à lire enfant, mais qu'on a hâte de redécouvrir aujourd'hui ! 
 
 
Popotes et casseroles :
 
 
     Le bon côté d'avoir du monde à dîner, c'est qu'on met les petits plats dans les grands et qu'on se permet de prendre un peu plus de temps que d'habitude aux fourneaux. On a toujours aimé cuisiné – et d'ailleurs, on aime toujours autant – mais le rythme très intensif qu'on connait depuis quelques années réduit de beaucoup le temps qu'on aimerait prendre en cuisine pour, à nouveau, s'amuser avec des recettes un peu plus élaborées.
    Cela fait donc autant de temps qu'on fait et refait les mêmes classiques qui, même s'ils demandent parfois quelques heures, sont suffisamment entrés dans nos habitudes pour qu'on parvienne à les faire plutôt rapidement. On a donc remis la main à la pâte pour la tourte au cheddar et aux courgettes de Jamie Oliver, mais aussi nos célèbres lasagnes butternut, épinards et mozzarella. Toujours du côté des courges (parce que c'est la saison et qu'on adore ça, il suffit de faire un tour sur tous les articles automnaux de ces treize dernières années pour le voir), on a aussi recuisiné le gratin de butternut (à défaut de buttercup) au cheddar (oui, le cheddar aussi, on aime beaucoup)



    Avec l'automne est venue l'envie de cuisiner les légumes anciens et de tester une nouveauté qui nous tentait depuis un moment : le clapshot, traditionnelle purée irlandaise de pommes de terre et de rutabagas. Pour un coup d'essai, c'était un coup de maître (en même temps, quoi de plus simple qu'une purée?) : on a refait la recette au moins deux ou trois fois depuis. Toujours dans les délices de saison : on a célébré Halloween autour d'un goûter home made de carrot cake (THE best recette ever, évidemment) accompagné d'un pumpkin spice latte maison.
 


***
 
 
Bricoles et fariboles :
 
 

    Manque de temps / course dans fin / burnout – bref, toujours les mêmes excuses pour si peu alimenter cette rubrique. Fort heureusement, la traditionnel colis de saison de Pouchky/Ficelle sauve notre honneur (bien qu'un peu maigre : on aurait adoré lui envoyer la créature de Frankenstein en kit, à reconstruire façon paper doll, pour la forme). Néanmoins, ce superbe mug fantôme et cette bougie citrouille (pas mûre ?) ont compensé notre manque de fantaisie. Le tout livré avec une tisane de sorcière et deux romans sur la thématique de Frankenstein, pour faire bonne mesure avec notre thème du moment.
 

Great News :
 
 

     Au printemps dernier, nous vous avons parlé de la dernière création de nos loustics au travail : Heurs et malheurs de l'étrange famille Dyscornu, à la fois lecture interactive, album jeunesse et exposition explorant les thématiques croisées de la famille et des différentes formes de monstruosité. En attendant la sortie du livre sur les librairies en ligne, nous avons été invités à présenter le projet au cours d'un gigantesque colloque organisé à Saint-Étienne. Notre intervention a fait salle comble et a rencontré un vif succès. On espère que ce n'est que le début (notre petit doigt nous le confirme)...
 
 
*** 
 
 

    Voilà pour cet automne au Terrier, entre la poussière des travaux et les spores des livres morts d'avoir été trop confinés. On se presse de mettre le point final à ce bilan saisonnier pour, enfin, entrer pleinement dans la période des fêtes, qui ne nous a pas attendu pour commencer...