mercredi 30 juillet 2014

Espionne de sa majesté (La maison du magicien #2) - Mary Hooper.

By Royal Command, Bloomsbury Publishing, 2008 - Editions Gallimard Jeunesse, trad. de Bee Formentelli, 2010 - Editions Folio Junior, 2012.

  Bonne d'enfants chez le Dr Dee, magicien de la cour et conseiller personnel de la reine Élizabeth 1ère, Lucy fait à présent partie intégrante de la maisonnée. Nommée espionne de Sa Majesté après lui avoir sauvé la vie, la jeune fille attend néanmoins avec impatience de se voir confier une mission secrète et pouvoir retournera la cour. Tandis que grondent des rumeurs de complots venues d'Écosse, d'étranges soupirs se font entendre dans la maison du magicien. Décidée à élucider ce mystère, Lucy se tient aux aguets et surprend bientôt une conversation entre son maître et le sinistre Dr Kelly où il est question d'enlèvement.
   Avec la foire sur la Tamise gelée, les visites de Tom, le fou de la reine, dont elle est amoureuse et sa présence au palais le soir de Noël, Lucy ne sait où donner de la tête. Et voici que la reine lui confie enfin sa première mission...

 Après La Maison du magicien, découvrez la suite des aventures de Lucy, jeune fille intrépide, plongée au cœur des intrigues qui agitent la cour d'Angleterre au XVIe siècle, dans un roman captivant à l'atmosphère envoûtante.

***

Elizabeth I vers 1586, date approximative à laquelle se déroule le roman
(miniature de N.Hilliard).

Cuisines médiévales...
  Après la fin ouverte et Ô combien appétente de la Maison du magicien, je n'ai pu tenir davantage mon impatience avant de me plonger dans le tome 2 (d'où l'intérêt d'arpenter les bourses aux livres pour dénicher en une seule fois tous les tomes d'une trilogie, à cinq centimes l'unité!). Après un premier opus excellent -mais un peu court- aux allures de chapitre introducteur, la suite allait-elle être à la hauteur de cette mise en bouche?

  Eh bien oui, et plus encore! Car après un avant-goût prometteur, ce n'est pas loin de trois intrigues au parfum de complot élisabéthain que Mary Hooper entremêle dans ce second opus. Introduite grâce à Tomas, l'impétueux et séduisant Fou de la Reine, au sein des services secrets, la jeune Lucy s'attend donc à recevoir par son intermédiaire quelques discrètes investigations à mener. Questionnements, incertitudes, craintes et apprentissage sont ainsi savamment racontés par Lucy, qui appréhende non sans quelques maladresses le difficile métier d'espionne. Parallèlement, elle poursuit son service auprès de la famille Dee : cet aspect "domestique" de l'ouvrage, s'il n'est pas restitué aussi sociologiquement que dans ses autres livres par M. Hooper (mais cette saga s'adresse aussi à un lectorat plus jeune, comme l'a si bien fait remarquer Pouchky/Ficelleforever) mais permet de découvrir avec délice le quotidien et les anecdotes de la vie des gens de maison de cette ère.

Le palais de Richmond en 1562, par A.Wyngaerde.

  Même si le milieu de la Cour reste en retrait, comme inaccessible, le nouveau statut secret de Lucy nous permet de nous y introduire progressivement, par "la petite porte", renforçant par-là même l'effet de fascination que provoquent la Glorieuse Reine Elizabeth et son univers. Les faits historiques propres à son règne sont davantage évoqués et on se sent encore plus au cœur de la vie trépidante du palais de Richmond. Les complots semblent y pulluler en cette période de Noël pleine de réjouissances et de coutumes délicieusement iconographiques (on reste rêveur à l'évocation de foires d'Hiver organisées sur la Tamise gelée -Oui, oui, comme dans Rose et la princesse disparue de H. Webb! -, traditions, et plats de fêtes). L'histoire gagne en rebondissements par rapport au volume précédent : Lucy parvient d'ailleurs à dénouer quelques intrigues avec l'aide de Thomas mais de nombreuses restent encore en suspens, créant le même sentiment de tension dramatique qu'à la fin du premier tome. Verdict : On en veut encore! La prose de Mary Hooper m'a transporté à travers les âges jusqu'aux parfums épicés des cuisines élisabéthaine, impression que je renforçais des reprises médiévales de Sting en guise d'ambiance musicale (entre deux visionnages en boucle de Elizabeth I avec H.Mirren^^)...

Fête des glaces sur la tamise gelée, hiver 1590.


  En bref : Après un premier tome prometteur mais assez simple (ce qui permet jeune au lecteur de s'approprier un univers historique d'une grande richesse), M.Hooper tient toutes ses promesses et nous happe totalement. En nous introduisant par le biais de sa touchante héroïne dans l'Ere Élisabéthaine, elle fait de son roman une lecture jeunesse à la fois instructive et addictive. Un vrai régal de bouquin!

Soul Cake, de l'album If on a winter's nightSting reprend des mélodies traditionnelles des Noëls médiévaux...
 Toute l'ambiance du roman Espionne de sa majesté telle que je me la représentait!




Pour aller plus loin: 

dimanche 27 juillet 2014

Maléfique - Le roman du film Disney par Elizabeth Rudnick

Maleficent, Disney Press, 2014 - Editions Hachette, collection Blackmoon, 2014 - Editions Hachette, collection bibliothèque rose, 2014.

  Maléfique est une jolie jeune femme au cœur pur qui vit au cœur d'une forêt magnifique. Un jour, une armée menace d'envahir le royaume. Maléfique n'a pas le choix. Pour préserver la paix, pour protéger son pays, elle en devient le plus farouche défenseur... Mais elle est trahie. Et peu à peu, son cœur d'or se change en pierre... 
  La naissance de Maléfique, la sorcière la plus emblématique de Disney, en guise de " préquelle " à La Belle au Bois Dormant.



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  La novélisation (transposition littéraire d'une fiction cinématographique ou télévisée) est-elle est sous genre purement commercial sans intérêt, ou peut-elle au contraire produire des œuvres de qualité et qui méritent le détour? C'est là une question à laquelle je me suis mis en quête de répondre sur books-tea-pie au travers de plusieurs lectures issues de cette pratique. Après de très bonnes adaptations littéraires de Chapeau Melon et Bottes de Cuir et une insipide novélisation du film La Belle et la Bête de Gans, qu'en est-il de cette retranscription romancée du film Maléfique de Disney? Édité en grand format dans la collection Black Moon des éditions Hachette, ce roman a également bénéficié d'une sortie poche simultanée à moindre coût à la Bibliothèque rose ; l'occasion de satisfaire sa curiosité sans trouer le porte-monnaie!

 A gauche: l'édition originale américaine, au format très esthétique (couverture dure avec jaquette et pages reliées) dont n'aura pas bénéficié la version française.
A droite: édition française en poche, dans la collection Bibliothèque rose.

  Également auteure de la novélisation du film Oz, un monde extraordinaire (qui prend la poussière dans ma PAL depuis un an, hum...), Elizabeth Rudnick se voit régulièrement confier la retranscription romancée de superproductions Disney. Si le concept peut sentir la franchise à plein nez et laisser craindre le pire, je dois avouer avoir été très agréablement surpris par ce roman! En effet, E.Rudnick ne se contente pas de remplir froidement une commande de "retranscription" et va plus loin qu'une fade description de ce qu'on voit à l'écran.

  Car en vérité, elle rebondit réellement sur l'univers du film de Stromberg et le scénario de Linda Woolverton pour les enrichir d'éléments inédits et les développer un peu plus, faisant de ce roman une lecture pleines de surprises même pour ceux qui ont vu Maléfique au cinéma. Ainsi, elle commence son roman par la naissance même de Maléfique, là ou le film débute alors qu'elle est déjà une jeune fille. Ce rajout dans l'histoire permet de compléter la trame du film d'une foule d'informations qui restaient en suspens et pouvait frustrer le spectateur : D'où vient réellement Maléfique? A-t-elle des parents et que sont-ils devenus? Pourquoi une telle haine entre le monde des hommes et celui des fées? etc... Tout en reprenant dans son roman le scénario de Woolverton, Elizabeth Rudnick répond à ces interrogations.



 Melting-pot d'images sur le thème "Maleficent" par le blogueur Droo216.
(source: tumblr.com)

  Non contente d'offrir au lecteur des passages inédits, elle rend compte dans son histoire de réelles recherches sur l'univers de Faërie et le monde du "Petit peuple des fées" que Stromberg a choisi de mettre en avant dans sa réalisation. On sent qu'E.Rudnick a chercher à fouiller ce thème et a enrichi l'histoire d'une foule d'éléments propres au folklore des mythes et légendes celtiques et des contes de la Lande. Dans le même ordre d'idée, elle se permet même quelques clins d'oeil aux classiques du genre : en nommant les parents de Maléfique Hermya et Lyzander, et en lui offrant pour ami d'enfance le facétieux lutin Robin, elle fait une référence évidente à Songe d'une nuit d'été, la pièce féérique de William Shakespeare ( Tous trois étant des personnages de cette très célèbre pièce anglaise, et Robin étant l'autre nom du lutin Puck de la célèbre comédie).

 Puck -ou Robin Bonenfant (Goodfellow)- le malicieux lutin de la pièce de Shakespeare.

  Le seul gros reproche que l'on peut formuler est le style. Mais E. Rudnick n'est pas à blamer : pour avoir lu simultanément cette traduction et une autre oeuvre de cette même auteure en VO, je peux vous garantir de sa plume qui, très correcte, n'a pas été gâté d'une traduction de qualité. Il m'est en effet apparu que le texte français était très inégal (comme si deux traducteurs, l'un minutieux et l'autre pas du tout, s'étaient partagés la tâche d'un paragraphe à l'autre).


  En bref: Si l'on fait abstraction d'une traduction française bâclée, on a là un intéressant travail de novélisation. Loin d'un travail de retranscription sans saveur, Elizabeth Rudnick approfondit les thèmes du film pour réellement enrichir l'histoire et proposer un roman original tout en suivant la trame de départ.

Et pour aller plus loin:

dimanche 20 juillet 2014

Le tableau du maître flamand - Arturo Perez Reverte

La tabla de Flandes, Alfaguara, 1990 - Trad. de Jean-Pierre Quijano, Éditions J.C.Lattès, 1993 - Le livre de poche, 1994, 1999, 2012, 2014.

  Sur la toile, peinte il y a cinq siècles, un seigneur et un chevalier jouent aux échecs, observés depuis le fond par une femme en noir. Détail curieux : le peintre a exécuté ce tableau deux ans après la mort mystérieuse dun des joueurs et tracé l'inscription "Quis necavit equitem" («Qui a pris le cavalier ?»), également traduisible par «Qui a tué le cavalier ?».
  Tout cela n'éveillerait que des passions de collectionneurs si des morts violentes ne semblaient continuer la partie en suspens sur la toile. Et c'est ainsi que l'histoire, la peinture, la logique mathématique viennent multiplier les dimensions d'une intrigue elle-même aussi vertigineuse que le jeu d'échecs…
  
  Une oeuvre d'une originalité étonnante, traduite dans de nombreux pays et couronnée en France par le Grand Prix de littérature policière 1993.

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  Best-seller présenté au titre de réel chef-d’œuvre par le petit catalogue estival du livre de poche 2013, Le tableau du maître flamand a de suite éveillé ma curiosité. Mêlant thriller et art pictural, il constituait en effet une de ces lectures que je chéris tant et que j'aime à appeler ici "énigmes artistiques" (nombre de chroniques ont d'ailleurs été classées sous ce libellé et je vous invite sans plus tarder à y jeter un œil!). Loin d'être une nouveauté, ce roman a en fait été écrit en 1990 mais son succès fut tel qu'il remporta le grand prix de littérature policière et se voit régulièrement réédité depuis, toujours à grand renfort d'une publicité des plus élogieuses. Il semblait donc qu'il y avait là un grand cru à redécouvrir...

 Couvertures de l'édition originale espagnole, et de deux éditions portugaises.

"En bonne logique, quand nous éliminons tout ce qui est impossible, ce qui reste doit nécessairement être vrai, même si la solution parait improbable ou difficile."

  Julia, jeune restauratrice réputée d'oeuvre d'art, se voit confier par un riche collectionneur le célèbre tableau La partie d’échecs, du peintre hollandais Van Huys. La toile représente trois célèbres personnalités nobles de la Renaissance française réunies autour d'une partie d'échecs inachevée, dont une que l'on sait morte dans de curieuses circonstances. Aussi, lorsque Julia découvre inscrite la phrase "Qui a tué le chevalier?" sous une couche de peinture, tout semble indiquer que l'artiste envisage cette mort mystérieuse comme un meurtre, à relier avec la partie d'échec en cours. Sa curiosité piquée par cette énigme criminelle séculaire, Julia se confie à son vieil ami César, antiquaire distingué et atypique plein de panache. Tous deux se mettent en tête de résoudre ce mystère vieux de plus de quatre siècles avant que l'affaire ne se corse : rapidement, l'entourage de Julia se trouve menacé et les meurtres autour du tableau se multiplient. D'abord l'ex petit-ami de la jeune femme, également dans le milieu de l'art, puis sa collègue de travail Menchu... et à chaque fois, le meurtrier laisse une lettre indiquant des coordonnées d'échec, invitant Julia à poursuivre la partie commencée sur le tableau de Van Huys. Aidés dans ce jeu mortel par un grand joueur d'échecs, Julia et César continuent la manche jusqu'à un dénouement des plus fatals...

 Couvertures de l'édition américaine, et de deux éditions anglaises.

" Après tout, le capitaine Crochet ne s'était peut-être pas évanoui à tout jamais dans les brouillards du passé. Peut-être jouait-il tout simplement aux échecs."

  Diplômé de sciences politiques, journaliste, reporter, globe-trotter et membre de l'Académie Royale espagnole, Arturo Perez Reverte est loin de sortir de l’œuf, aussi ce roman est-il à la hauteur de ses galons. Nous introduisant avec finesse et souci du détail dans l'univers de l'art pictural et du commerce des antiquités, l'auteur pose un cadre solide à son intrigue, enrichissant cette dernière d'événements historiques véridiques qu'il entremêle habilement à des éléments sortis tout droit de son imagination. Le tout est d'un tel réalisme qu'on en viendrait à croire que Van Huys a réellement existé, de même que cette célèbre toile de La partie d'échec. Savamment documenté, Reverte s'est en fait inspiré de plusieurs peintres hollandais pour composer son personnage, et en particulier de Van Eyck et de sa toile La Vierge au chancelier Rolin (qui présente toute une symbolique mathématique à relier à la méthode et stratégie des échecs).

 La Vierge au chancelier Rolin (Van Eyck, 1430), qui a inspiré l'auteur pour son roman.

"S'il y a quelque chose de pire que de mourir, pensa-t-elle, c'est de le faire d'une façon grotesque."

  Non content de nous captiver avec un mystère historique plus vrai que nature, l'auteur nous aspire littéralement dans ce thriller décapant, relevé d'un style narratif impeccable et aussi vif et incisif qu'une prise d'échec, suspense en prime. Peu à peu, le mystère évoqué dans ce tableau de la Renaissance trouve une résonance dans la série de meurtres qui se perpétuent autour de Julia. On comprend peu à peu que chaque nouveau "coup" suggéré par le meurtrier pour poursuivre la partie annonce le crime suivant, et que chaque pièce correspond à une personne impliquée dans l'affaire.

 Couvertures des éditions russe et italienne.

"Tout est un échiquier de jours ou de nuits où le Destin joue avec les hommes comme s'ils étaient des pièces".

  A la fois polar historique et thriller au suspense haletant, Le tableau du maître flamand se complète bientôt d'une dimension psychologique méticuleusement travaillée puisque la personnalité même du meurtrier nous est présentée par le biais de sa tactique de jeu. Les échecs, projection des intentions de l'assassin, dévoilent ainsi le profil psychanalytique profond et tortueux de ce dernier au travers de sa stratégie. Si cette dimension peut être plus corsée à suivre par le lecteur non-initié à la complexité des règles des échecs, la qualité du roman reste indéniable et l'on reste comme hypnotisé jusqu'à la dernière page. Au cœur d'une galerie de protagonistes (et donc de suspects, car on s'imagine bien que le meurtrier se cache dans l'entourage proche de Julia) qui se réduit au fil des meurtres, on en vient à suspecter tout le monde, comme happé dans un cluedo grandeur nature addictif et grisant, et ce jusqu'à la révélation finale qui tombe comme un couperet.

 Couvertures des éditions françaises successives chez Le livre de poche.

"Le monde n'est pas aussi simple qu'on voudrait nous le faire croire. Ses contours sont imprécis, les nuances comptent. Rien n'est noir, rien n'est blanc ; le mal peut être le déguisement du rien ou de la beauté, et inversement, sans que l'un exclue l'autre."

  Maintenant, il me tarde de découvrir le film Qui a tué le chevalier (Uncovered en VO), production franco-hispano-américaine de 1994 adaptée du roman. Si je ne doute pas de Kate Beckinsale y interprète avec talent l'héroïne, j'attends de voir comme la mise en scène parvient à restituer toute la complexité de cette intrigue...la suite au prochain numéro! ;-)

Qui a tué le chevalier? (Uncovered), le film adapté du livre en 1994.

En bref : A la fois énigme sur l'Art, polar mathématique et thriller psychologique, le tableau du maître flamand est un roman complet rédigé -c'est le cas de le dire- de main de maître. haletante et riche, cette intrigue impeccable et tortueuse est captivante jusqu'à la dernière page.

mardi 15 juillet 2014

Maléfique (Maleficent) - Un film de Robert Stromberg.


Maléfique (Maleficent)
Un film de Robert Stromberg ( sorti le 28 Mai 2014)
Avec: Angalina Jolie, Elle Fanning, Sharlto Copley, Sam Riley, Juno Temple, Imelda Staunten...

  Maléfique est une belle jeune femme au coeur pur qui mène une  vie idyllique au sein d’une paisible forêt dans un royaume où règnent le bonheur et l’harmonie. Un jour, une armée d’envahisseurs menace les frontières du pays et Maléfique, n’écoutant que son courage, s’élève en féroce protectrice de cette terre. Dans cette lutte acharnée, une personne en qui elle avait foi va la trahir, déclenchant en elle une souffrance à nulle autre pareille qui va petit à petit transformer son coeur pur en un coeur de pierre. Bien décidée à se venger, elle s’engage dans une bataille épique avec le successeur du roi, jetant une terrible malédiction sur sa fille qui vient de naître, Aurore. Mais lorsque l’enfant grandit, Maléfique se rend compte que la petite princesse détient la clé de la paix du royaume, et peut-être aussi celle de sa propre rédemption…

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   Évoqué dès 2010 suite à la sortie du Alice in Wonderland de Burton, le projet de Maléfique n'aura eu de cesse de changer de réalisateur (les rumeurs passant de Burton, justement, puis à Sam Raimi) avant que Robert Stromberg ne s'y colle officiellement, signant par là sa première réalisation. Le choix de l'actrice principale, annoncé dès la pré-production, est en revanche resté le même : Angelina Jolie. Quatre ans plus tard, voilà que le film est enfin sorti en salle, à grand renfort d'une alléchante publicité. Verdict?

trailer final officiel (vo).

  L'on pouvait s'attendre à tout, voir à une simple transposition "live" et sans plus d'approfondissement du long-métrage Sleeping Beauty de 1959, source d'inspiration première de ce film. Mais c'est sans compter sur les studios Disney qui, plus novateurs que jamais, savent aujourd'hui s'inscrire dans un souci évident de modernité et chercher toujours plus à surprendre leur public. L'idée de départ aura été soufflée par le roman Wicked de Gregory Maguire (chroniqué ici) qui raconte bien plus que l'histoire du Magicien d'Oz du seul point de vue de la Sorcière pour en fait relater une biographie totale de cette dernière. Dans le même ordre idée, la scénariste Linda Woolverton (à qui l'on doit les script du dessin-animé Disney La Belle et la Bête et du Alice de Burton) réinterprète donc pour ce Maleficent toute la vie de la sorcière à cornes, remontant jusqu'à la plus tendre enfance du personnage.

Du dessin-animé au film...quand les sorcières et les fées prennent corps.

  Ce choix scénaristique m'a renvoyé au roman Fairest of all (chroniqué ici), qui racontait l'histoire de la méchante reine de Blanche-Neige version Disney dans un exercice de style qui relevait d'un véritable challenge : sans rien changer de ce que nous donnait à voir le dessin-animé de ce sombre personnage, l'auteure se contentait d'y ajouter un "envers du décors" qui faisait passer notre vision de la marâtre par un tout nouveau filtre permettant de la voir autrement et de comprendre le pourquoi de ses actes répréhensibles. Plus que jamais une question de point de vue, en somme.
  Si j'espérais un tour de force scénaristique similaire, il me fallut essuyer quelques déceptions. En effet, Linda Woolverton, plutôt que de compléter ce que nous présente de Maléfique le Belle au Bois Dormant de 1959, modifie de nombreux détails et événements scénaristiques communs aux deux long-métrage. Elle contourne ainsi la difficulté d'adoucir le personnage antagoniste principal en dépit de ce que renvoie le dessin-animé d'origine et change d'emblée certains éléments (par exemple, c'est cette fois Maléfique elle-même qui jette le contre-sort du baiser salvateur à la propre malédiction de sommeil qu'elle a jetée, et non plus une des trois bonnes fées. A noter également les modifications apportées dans le réveil de la princesse ou même le dénouement et la mort - ou non... - de Maléfique). Cependant, au-delà de ces libertés, le film offre aux spectateurs assez de clins d’œil au dessin-animé de 1959 pour leur laisser un sentiment de familiarité. On s'amuse ainsi à reconnaître tel ou tel décor ou passage commun aux deux histoires : on tremble en revivant en "live" la scène du baptême, la maison du bucheron, la piqure fatale de la quenouille... (Et même si mon attente de retrouver la drôlatique scène du gâteau d'anniversaire n'est pas de la partie, on se satisfait d'un petit aperçu de la pâtisserie branlante qui, dans cette version aussi, finit d'une bien triste manière ^_^).

Clins d’œil visuel et similitudes...de quoi familiariser le spectateur pour mieux l'orienter dans une nouvelle direction ensuite!

  Visuellement, si les images preview jouaient de leur ressemblance avec Blanche-Neige et le chasseur, le résultat final de Maleficent s'en affranchit avec une esthétique qui lui est propre. Au croisement d'un Hobbit féérico-médiéval et d'un Avatar (dont R.Stromberg avait par ailleurs signé les effets spéciaux, tiens donc!) luminescent, Maléfique nous régale d'un spectacle elfique et moyenâgeux aux couleurs chatoyantes, visuel réellement enchanteur à plus d'un titre. Les décors, magnifiques de réalisme, mettent en scène une nature presque vivante, grouillantes de créatures que l'on croirait sorties de l'univers de Faërie. En effet, tout en gardant des points d'attache avec le Belle au Bois Dormant de Disney, Stromberg oriente en même temps son film dans une toute nouvelle dimension : celle de la Lande elfique. Invitant Pixies, Brownies, et Gobelins autour de son (anti)héroïne, Maléfique enrichit donc sa mythologie d'un folklore traditionnel qui évoquent les mythes celtes ou même les films Labyrinth et Dark Crystal. Même les créature lutinesques et leur physionomie patibulaire renvoient aux illustrations du grand artiste féérique Brian Froud. Le résultat, surprenant, est une totale réussite.

Ci-dessus : Les créatures elfiques du film ;
Ci-dessous : Les créatures de l'artiste B.Froud, dont on croirait qu'il a inspiré le design féérique de Maléfique.

  Côté casting, je dois faire mon mea culpa : j'ai été le premier à critiquer le choix d'Angelina Jolie dans le rôle titre, et suis le premier à revenir sur mes a-prioris. L'actrice livre une prestation magistrale qui, bien qu'il s'agisse d'un film familial, a d'ailleurs été reconnue par les critiques comme l'un de ses plus beaux rôles. Elle parvient à donner vie au personnage animé d'origine en l'enrichissant d'une étonnante palette d'émotions qui ne la rende que plus réelle. Aussi crédible dans la joie que dans l'ironie, en jeune fille amoureuse qu'en femme bafouée rongée par la vengeance, A.Jolie livre un jeu passionné et vibrant. Sa prestation, grandiose, n’éclipse pas pour autant celle de ses partenaires. Ainsi, Elle Fanning est également à applaudir : elle explose en Aurore pleine d'innocence et de subtilité, sans tomber dans le personnage de princesse cruche. Dans un jeu tout en regards et en discrétion, elle parvient à rendre réelle la princesse originale, qui souffrait à l'époque d'une apparence froide et d'un manque évident de charisme.


  En bref : Plus un clin d’œil au Sleeping Beauty de Disney qu'un réel appendice au scénario de 1959, Maléfique est à voir comme une toute nouvelle interprétation/variation d'un personnage de Méchant culte. Visuellement enchanteur et scénaristiquement intéressant à défaut d'oser prendre de réels risques, ce film est un spectacle féérique doté d'une mythologie à part-entière, adressé autant aux plus grands qu'aux plus petits.

Pour aller plus loin...

jeudi 3 juillet 2014

La Belle au Bois Dormant - Disney

Sleeping Beauty, Walt Disney Company, 1995, 2008, 2011, 2014 - Éditions Hachette Jeunesse, 1995, 2008, 2011, 2014 (collection "les grands classiques Disney") -Editions France Loisir, 1995, 1999, 2011.



  Découvre le conte merveilleux de La Belle au Bois Dormant. Aurore, ravissante princesse, s'est endormie d'un profond sommeil, victime d'un sort que lui a jeté la méchante sorcière Maléfice. Ses marraines, les fées, qui ont plus d'un tour dans leur baguette magique, vont aider le vaillant Prince Philipe à la délivrer... 

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   A l'occasion d'une sélection d'ouvrages sur La reine des Neiges, j'avais chroniqué l'album Disney, novélisation directe du film d'animation sorti sur les écrans l'hiver dernier. Cela m'avait permis d'introduire la collection des "classiques Disney" des éditions Hachette, ces ouvrages qui ont pullulé dans les années 90 avant de ressortir tout dernièrement sous un aspect visuellement plus esthétique, couvertures matelassées en prime. Simultanément, France-Loisir avait sorti ses propres éditions, celles-là même que je possédais enfant et que mes parents ont cédé plus tard à la bibliothèque de la commune. Éternel nostalgique, je me suis récemment mis en tête de recomposer ma collection, raison pour laquelle je continue aujourd'hui avec cet album novélisé du dessin-animé La belle au bois dormant de 1959, me permettant par la même de poursuivre dans ma sélection de lectures autour de ce conte et introduire le Maléfique de Disney.

 Couvertures des premières éditions respectives de l'album, chez Hachette (à gauche) et chez France-Loisir (à droite).

  Les éditions récemment récentes et adaptées des dessin-animés "derniers cris", souvent en images de synthèse, avaient eu ce souci de ne pas proposer de vulgaires captures d'écrans des long-métrages pour illustrer leurs ouvrages. L'illustrateur n'était pas pour autant un "vrai artiste" mais un syndicat de graphistes  qui, sous le nom de Disney Story Book Artist, proposait des images réalisées par assistance informatique, certes, mais à l'atmosphère fraiche et pétillante. Les rééditions des "anciens" albums, elles, ont conservé les illustrations d'origine produites dans les années 90 par les ateliers Pilippe Harchy. J'ai trouvé peu d'informations sur ceux qui se cachaient derrière ce nom : qui étaient-ils? Combien étaient-ils? De quelle nationalité exactement? Mes seules découvertes sont que ce pseudonyme renvoie à une réelle banque d'illustrations estampillées Disney et réservées au  marché éditorial.

Quelques planches intérieures, illustrées par les Ateliers Pilippe Harchy.

  Toujours est-il que le travail des Ateliers Philippe Harchy, s'il ne relève pas d'un style graphique particulier ou d'une réelle technique de dessin comme on le dirait d'artistes atypiques comme un B.Lacombe ou une Miss Clara, remplit son office : restituer la magie du long-métrage animé. En effet, La Belle au Bois Dormant s'était en son temps distingué des précédents dessin-animés par son visuel particulièrement travaillé, conçu selon une charte graphique imaginée par le designer Eyvind Earle à la demande de Walter Disney. Le souhait de ce dernier était en effet de faire de Sleeping Beauty une "tapisserie moyenâgeuse animée", challenge réussi grâce à  un graphisme basé sur l'entrechoc permanent de lignes verticales et horizontales, appliqué tant aux décors végétaux et architecturaux qu'aux silhouettes et draperies des costumes. En respectant ces codes, les Ateliers Philippe Harchy font revivre aux jeunes lecteurs l'enchantement visuel du dessin-animé, jusqu'à l'incipit de l'album et à ses planches qui évoquent les enluminures d'un grimoire et, par là-même, le début du long-métrage et sa narration par un vieux livre de conte.

Divers formats de l'album, grands à petits, publiés aux éditions Hachette.

  Disponible en grand et petit format matelassés chez Hachette, et moyen format chez France Loisir, une prochaine édition est également prévue Outre-Atlantique courant Juillet. Annoncée sous une couverture plus moderne, cette version de l'histoire bénéficie de toutes nouvelles illustrations de Disney Storybook Artists graphiquement assistées par ordinateur. Chez nous, cette édition paraîtra chez Hachette en Août prochain, pour le plus grand plaisir des petits enfants et des grands nostalgiques!

Éditions originale américaine et française à venir de la version nouvellement illustrée du conte par Disney Storybook Artist.

En bref: Même s'il s'agit là encore d'un livre conçu pour le seul et unique but du commerce et par pure principe de franchise, on se laisse retomber en enfance et on le compte avec plaisir dans sa bibliothèque. La magie du long-métrage est là, de l'histoire réinterprétée aux dessins respectueux du visuel moyenâgeux du dessin-animé.

Melting-pot d'images sur le thème du Sleeping Beauty de Disney par le blogueur Droo216.
(source: tumblr.com)

Et pour aller plus loin...