L'heure du bilan a sonné : il est temps, après plus d'un mois de nos fantomatiques festivités, de dire au revoir aux spectres et revenants qui nous ont accompagnés. Notre bilan aura des airs de joyeuse oraison funèbre, accompagnées des œuvres délicieusement brumeuses, délicates et dérangeantes de l'illustrateur Stephen McKay (qui aime toutes les créatures étranges, mais en particulier les fantômes et les squelettes, semble-t-il...).
Nous avons tout d'abord posé nos valises dans un très joli château hanté afin d'établir le programme des festivités. Le temps de déballer nos bagages, nous avons fait un rapide récap' des lectures fantomatiques précédemment présentées sur le blog depuis sa création, un échauffement tout ce qu'il y a de plus approprié.
Une fois bien préparés, nous vous avons entrainés avec nous dans le plus terrifiant des manoirs : Hill House, une maison habitée par une bien sombre histoire... et peut-être aussi par autre chose de pire encore. Comme nous aimons avoir peur, nous y avons même passé notre 31 octobre : il faut dire que le décor était on ne peut plus approprié!
Après ces fortes émotions, nous avons préféré fréquenter des esprits un peu plus sympathiques. Nous sommes aller les rencontrer dans deux petites villes côtières aux larges de l'Angleterre : l'esprit envahissant d'un pendu dans le petit bourg de Marr, et celui d'un ancien capitaine de marine au langage joliment fleuri dans la villa d'une charmante station balnéaire. Parce que leur compagnie n'était pas désagréable, nous avons persisté avec le pendu pour une soirée télé...
Avec les plus jeunes lecteurs, nous avons visité un cimetière anglais où résidait un mortels élevés par des morts-vivants, puis avons mené deux enquêtes parisienne : la première à la poursuite du fantôme du Louvre, et l'autre, illustrées, aux trousse du fantôme du palais Garnier. Enfin, nous avons poussé le voyage jusqu'en Allemagne pour apprendre à une famille de fantômes désabusés comment réussir à nous effrayer.
Pour changer des morts, nous avons aussi rencontré une star bien vivante mais toute aussi célèbre en ces temps d'Halloween : une célèbre apprentie sorcière qui fêtait son seizième anniversaire.
Après toutes ces aventures, nous avons récupéré nos forces autour d'un bon repas : des crevettes au curry et un Angel Cake made in Manderley, un goûter dégusté chez les Blackwood, le tout couronné d'un jeu ab-so-lu-ment par-fait pour Halloween en croquant la pomme avec Hercule Poirot...
Le temps est donc résolument venu de ranger la planche Oui-Ja et de replier les suaires pour laisser nos bons vieux amis les morts et les esprits regagner leurs tombes... pour une petite année seulement, car nous vous donnons d'ores et déjà rendez-vous pour le challenge Halloween 2019!
Rien ne va plus à l'Opéra. Le rôle de Marguerite dans le Faust de Gounod
cherche une nouvelle voix suite au désistement mystérieux d'une
première diva. Christine Daaé est appelée pour la remplacer, son chant
divin émerveille les spectateurs. Hélas elle disparait subitement. Raoul
de Chaligny, éperdument amoureux d'elle, tente de la retrouver.
Serait-elle perdue dans les bras... du fantôme de l’Opéra?
***
Terminons le challenge Halloween avec un célèbre fantôme de la culture hexagonale : Erik, le fantôme de l'opéra. Le célèbre roman feuilleton de Gaston Leroux a engendré à sa suite une file d'adaptations cinématographiques, télévisuelles, scéniques et musicales. Comme tout grand classique qui se respecte, l'ouvrage a également eu droit à ses transpositions à hauteur du lectorat jeunesse, dont ce très bel album est issu.
L'histoire est restée la même : A la fin du XIXième siècle, l'Opéra Garnier est le théâtre d'étranges événements... on le dit hanté! La Carlotta, cantatrice vedette, se trouve brusquement indisposée, laissant son rôle de Marguerite dans Faust entre les mains d'une doublure de dernière minute : la jeune Christine Daaé. Christine éblouit le public mais la Carlotta ne supporte pas l'idée de se voir voler le premier rôle... c'est sans compter sur le fantôme de l'opéra, car il existe et est bien décidé à faire de Christine la nouvelle étoile de la scène. La jeune Christine le rejoint régulièrement, à demi-hypnotisée, dans les souterrains du palais Garnier pour répéter son chant... le fantôme, mystérieux homme masqué, serait-il amoureux d'elle? C'est également le cas du vicomte de Chagny, bien décidé à découvrir quelle ombre malfaisante tourne autour de sa promise...
On le disait plus haut : les adaptations pour la jeunesse de classiques de la littérature sont monnaie courante. Mais il faut reconnaître que si l'enjeu est louable (mettre les plus grandes histoires à hauteur du jeune public), il n'est pas toujours à la hauteur des attentes ou de l’œuvre originale. Cette version du Fantôme de l'opéra sous forme d'album est une jolie réussite, en grande partie due aux illustrations de Christel Espié.
Dans un style élégant qui évoque l’impressionnisme (certains traits ou même certaines scènes évoquent parfois Toulouse-Lautrec ou Degas) ou le travail d'Hugo Bogo pour La dame de Pique publié chez Sarbacane en 2016, Christel Espié fait renaître le mythe de Gaston Leroux sous son coup de crayon velouté et des clairs-obscurs profonds. Les passages les plus célèbres de l'histoire sont ainsi superbement mis en image, dont, bien sûr, la scène du grand escalier et du Masque de la Mort Rouge. Le visage du fantôme, enfin dévoilé en ultime page, rappellera beaucoup le maquillage de Lon Chaney dans l'adaptation de 1925.
Le texte reprend donc l'histoire originale en la simplifiant sous forme de 16 très brefs chapitres, à raison d'un par page. Chacun d'eux prend la forme de vers essentiellement en prose mais que Christine Beigel s'amuse parfois à faire rimer, pour ajouter une certaine musicalité. L'auteure cite également souvent des passages de Faust, l'opéra joué dans l'histoire, et dont les extraits sonnent ici curieusement justes...! Malgré ces quelques artifices bien employés, le texte souffre parfois de sa "sur-simplification" et laisse l'impression d'être très vite expédié. On vous rassure, cela ne gâche pas le plaisir de faire découvrir ce fantôme aux plus jeunes... ou d'en profiter soi-même.
En bref : Malgré un texte un peu inégal dû au travail de simplification du roman original (qui donne le sentiment d'être ici rapidement résumé), cette adaptation en album de l’œuvre de Gaston Leroux est portée par les superbes et envoûtantes illustrations de Christel Espié, véritables tableaux qui nous plongent avec talent dans la Belle Époque parisienne et le faste du palais Garnier.
Avec : Kiernan Shipka, Ross Lynch, Lucy Davis, Chance Perdomo, Miranda Otto, Michelle Gomez, Richard Coyle...
Les nouvelles aventures de Sabrina imagine l’origine des aventures de
Sabrina l’apprentie sorcière comme une sombre histoire axée sur le
passage à l’âge adulte à travers l’horreur, les sciences occultes et
bien sûr la sorcellerie. Sabrina lutte pour concilier sa double nature –
mi-sorcière, mi-mortelle – tout en s’opposant aux forces du mal qui la
menacent elle, sa famille et le monde des mortels.
***
La voilà enfin! Après un an d'attente, voici qu'est arrivée sur Netflix Les nouvelles aventures de Sabrina (titre français un peu facile et totalement trompeur puisqu'il donne à croire qu'il s'agit d'une suite, ce qui n'est pas le cas), adaptée de la BDChilling adventures of Sabrina de Roberto Aguirre-Sacasa et Robert Hack, qui revisite le personnage de Sabrina l'apprentie sorcière à la sauce gothique. Rappelons-le : avant de devenir une sitcom pour ado à succès dans les années 90, Sabrina c'est avant tout un personnage secondaire de l'univers d'Archie Comics, un cycle de bandes-dessinées inventé dans les années 40 et devenue une véritable franchise depuis. Archie Comics, c'est d'abord Archie Andrews et toute sa bande, qui connaissent actuellement un retour sur le devant de la scène avec la série télévisée Riverdale de... Roberto Aguirre-Sacasa.
Si le projet d'associer le personnage de Sabrina à l'univers de Riverdale s'est présenté très vite à l'esprit du réalisateur, cela aurait nécessairement fait pencher le scénario dans le fantastique alors que la série avait déjà trouvé son public avec son univers de polar très pulp. En outre, Roberto Aguirre-Sagasa était déjà l'auteur de la BD Chilling Adventures of Sabrina qui rencontrait un succès fulgurant dans les librairies... autant tabler sur une série entièrement consacrée au personnage, et qui mieux que lui-même pouvait s'en charger? Au départ, le projet était annoncé au programme de la CW (chaine qui diffuse Riverdale) avant d'être racheté par Netflix, rendant dès lors difficile tout cross-over entre les deux séries. Pas grave, la production a décidé que les deux univers coexisteraient sans forcément se rencontrer, se contentant de clins d’œil de-ci de-là.
Quasiment rien n'a filtré de toute l'année de tournage et de postproduction jusqu'aux previews officielles présentées dès début octobre, dont un teaser fredonné sur un "Happy birthday to you" très creepy, puis un trailer absolument détonant sur fond de chanson pop des années soixante. L'écart qui se creuse très vite entre la musique joyeuse et grésillante façon transistor et les images d'horreur à la Stephen King donne le ton quant à l'humour noir que nous réserve la série.
Autant dire que Chilling adventures of Sabrina était attendu au tournant, mais voilà, la série réussit son pari sur bien des points. Elle est tout d'abord fidèle à la bande-dessinée sur plusieurs plans : Sabrina s'apprête à célébrer ses seize ans, anniversaire qui signera son entrée pleine et entière dans la confrérie des sorcières lorsqu'elle aura signé le livre de Diable au cours du sabbat, pour lequel ses tantes la préparent. Elle hésite entre le monde de ses amis mortels et le changement que son intronisation auprès du Royaume de l'ombre apportera dans sa vie, bien que cela ait été la volonté de feu son père le grand sorcier Edward Spellman. Dans l'ombre, une créature féminine démoniaque du nom de Madame Satan s'infiltre dans le monde des mortels pour conduire la jeune fille à sa perte. Sur cette toile de fond commune, l'équipe de scénaristes avec laquelle travaille R.Aguirre-Sacasa revisite ou complète certains éléments de l'histoire, élargissant un peu plus l'univers du comics pour l'adapter à l'écran.
Michelle Gomez interprète Madame Satan, qui s'infiltre dans le lycée sous l'identité d'une enseignante...
Ainsi, la signature dans le livre du Diable ouvre désormais les portes de l'école des Arts Invisibles, une version diabolique de Poudlard où Sabrina devra être scolarisée. De nouveaux personnages sont créés, à l'image du Père Blackwood, bras droit de Satan qui semble avoir une place politique considérable dans la hiérarchie diabolique. L'univers lycéen ne s'arrête pas à Harvey Kinkle, le petit-ami de Sabrina, mais à sa bande de camarades au complet, où même les seconds rôles ont une place de choix, loin des faire-valoir de la sitcom. Côté antagonistes, les rôles de la peste du lycée et de ses acolytes propres à tout bon teen movie qui se respecte sont redistribués du côté obscur : il s'agit des Weird Sisters, trois étudiantes sorcières particulièrement puissantes, orphelines et pupilles du monde occulte qui semblent bénéficier de traitements de faveur au sein de l'école des Arts Invisibles... et qui jurent d'en faire voir de toutes les couleurs à Sabrina...
Les "weird sisters" sous leurs meilleur... et moins bon profil... brrh
Grâce à cette multiplicité de nouveaux éléments, la série peut s'enrichir de nombreuses intrigues secondaires qui se distillent et s'entremêlent au fil des dix épisodes de cette première saison. Si communauté mortelle et communauté démoniaque finissent par se confronter progressivement puis de plein fouet dans le season finale, les deux univers sont l'un et l'autre très largement développés dès le début de la série. R.Aguirre-Sacasa nous embarque totalement dans son monde occulte inspiré d'histoires de chasses aux sorcières, de magie wicca, et de cultes sataniques, inventant également traditions et rites qui servent de toiles de fonds et/ou rebondissements à plusieurs épisodes (à l'exemple de "la fête des fêtes", sorte de loterie annuelle qui a lieu pendant Thanksgiving, et qui sélectionne une sorcière qui devra être dévorée par les autres membres de sa confrérie... Bref, tout est normal!).
Les événements qui sont racontés dans l'univers purement lycéen s'inscrivent dans une Amérique marquée par le mouvement me too : Sabrina et ses amies s'unissent face au patriarcat machiste et rétrograde malheureusement fermement installé dans leur école, incarné par un proviseur sexiste et des joueurs de foot absolument imbuvables (on vous rassure : ils finiront par passer un sale quart-d'heure entre les mains expertes de Sabrina et des Weird Sisters). Les deux camarades de Sabrina couronnent les accents engagés de cette série : Suzy incarne un des premiers personnages non-binaires de l'univers des programmes pour ados et Rosy, jeune noire américaine, milite pour le droit des adolescentes au lycée.
Sabrina et ses amis.
Les personnages sont parfaitement incarnés par un casting de qualité. Comme dans tout remake, difficile de passer après des acteurs qui ont marqué toute une génération de téléspectateurs. Depuis près de vingt ans, Melissa Joan Hart était LA Sabrina, et fort est de constater que Kiernan Shipka assure à merveille sa suite dans le rôle titre. Tantôt forte, tantôt vulnérable, elle porte la série avec brio et malice. La preuve, d'ailleurs, qu'elle avait la tête de l'emploi, son minois rappelle fortement celui de deux célèbres sorcières : Hermione de Harry Potter (Emma Watson) et Samantha de Ma Sorcière Bien aimée (Elizabeth Montgomery), non?
Il en va de même pour les deux tantes : Hilda et Zelda, respectivement jouées par Lucy Davis et Miranda Otto. Leurs personnalités sont semblables à celles que laisse vaguement deviner la BD, mais surtout aux tantes de la série télévisée de 1997 : la première apportait le comique nécessaire et la seconde était la sérieuse de la famille. Recontextualisées dans cet univers de sorcières maléfiques, cela donne une Zelda charismatique, froide et très stricte vis à vis des règles de l’Église de la Nuit (mais qui finira par s'attendrir et surprendra parfois tout le monde) et une Hilda timide, maternante, et souvent drôle malgré elle (mais qui, là aussi, se révèlera plus intéressante qu'elle le laisse imaginer au départ). A leurs côtés au manoir Spellman : le cousin Ambrose, jeune sorcier assigné à résidence pour plusieurs centaines d'années et confident de Sabrina, joué avec sympathie par Chance Perdomo. Richard Coyle campe le Père Blackwood, grand prêtre satanique et parfois un peu ridicule avec ses allures de vampire échappé d'un vieux film de la Hammer (on vous rassure : l'effet est volontaire) et Michelle Gomez (notamment connue pour avoir joué dans Dr Who) interprète quant à elle avec un talent évident une Madame Satan qui joue de ses faux airs de Lauren Bacall. Les deux actrices (ou acteur, concernant le rôle de Suzie, car il s'agit comme le personnage d'un comédien non-binaire) qui interprètent les amies de Sabrina sont particulièrement convaincantes et seul Ross Lynch peine à faire décoller son personnage d'Harvey au-delà du petit-ami candide de la sitcom.
Lucy Davis (Hilda - en haut) et Miranda Otto (Zelda, excellente! - en bas).
Mais la grande réussite reste l'atmosphère de la série, son ambiance unique : alors que la BD était clairement située en 1961, l'adaptation semble se situer au XXIème siècle, mais un XXIème siècle qui se serait resté bloqué dans une époque transversale entre les années 50 à 90, venant ainsi rappeler dans le fond comme dans la forme à quel point le principe de remake, c'est d'aimer faire du neuf avec du vieux, et que la nostalgie est décidément à la mode sur le petit écran (Stranger things en est l'un des meilleurs exemples). Ainsi, on voit surtout des téléphones à cadran et les portables restent presque inexistants, les voitures semblent toutes sorties des années 80, et les costumes et coiffure évoquent les années 50 et 60. La bande originale, véritable carte de visite de la série, participe à instaurer cette ambiance de contexte temporel imprécis grâce à son mélange de titres de périodes différentes, alertant entre standards horrifiques et loufoques (Monster Mash), girls group des sixties (les Ronettes), Rock kitch (Blondie), et pop actuelle.
Un mélange qui s'accorde aussi à merveille avec le ton de la série, qui s'affirme comme un savant mélange d'horreur et d'humour. Là où la BD ne s'illustrait que dans le très sombre, l'adaptation télévisuelle glisse une bonne dose d'ironie et de légèreté (le personnage du Père Blackwood, maniéré et loin d'être effrayant en mari infidèle adepte du martinet, mais aussi le détachement des personnages comme les réflexions des tantes face à la mort ou aux habitudes des mortels). Et là, d'un coup, cette série dark à l'humour noir assumé portée par une blondinette n'est pas loin de nous rappeler les aventures d'une célèbre tueuse de vampires...
Cette scène, c'est le moment de la série où on tombe tous amoureux de Kiernan Shipka.
Le comic-book était aussi un grand hommage aux films de genres des 60-70, hommage que la série continue de rendre dans ses multiples références et jusque dans les moindres petits détails de son univers, en l'élargissant même à la culture pop horrifique ou à la littérature gothique. La première scène dans le vieux cinéma Paramount est un énorme clin d’œil au clip "Thriller" de Michael Jackson, et les affiches punaisées dans la chambre de Sabrina sont les posters de vieux films d'horreur que les illustrateurs du comics ont eux-mêmes détournés en couvertures. Parmi les nombreux autres détails, citons encore la tenue portée par Sabrina lorsqu'elle rejoint les Weird Sisters, très similaire à celle portée par l'héroïne de Rosemary's Baby.
De nombreux autres films, tel un jeu de cache-cache, sont à retrouver dans ce Sabrina : l'épisode "un exorcisme à Greendale" est évidemment un rappel du film l'Exorciste, avec notamment l'image de la maison dont les fenêtres diffusent un rayon de lumière blafarde. Dans le même épisode, la scène où on retrouve Harvey Kinkle allongé sur son lit avec casque aux oreilles est calquée jusque dans les moindres détails sur un passage du film Les griffes de la nuit avec Johnny Depp dans un de ses premiers rôles. Autre scène très évocatrice, en fin de saison cette fois : Mme Satan révèle son vrai visage au cours de quelques secondes effrayantes qui nous évoquent furieusement une scène très similaire dans le film Les Sorcières (The Witches) adapté de Roald Dahl en 1990 avec Angelica Huston.
Le manoir Spellman, splendide demeure gothique américaine (et funérarium, par la même occasion) aux abords de la forêt, a été copié sur une des plus célèbres maisons de la ville de Salem : la Maison aux Sept Pignons, dont l'auteur Nathaniel Hawthorne a tiré un célèbre roman gothique. L'intérieur dissémine plusieurs clins d’œil au film Suspiria de Dario Argento (en particulier la verrière du salon ou les papiers-peints, similaires aux tapisseries étranges et hypnotiques du film).
On pourrait poursuivre longtemps la chasse aux références : il n'y a pas un seul nom de famille, prénom ou enseigne qui apparaisse dans cette série et qui ne soit pas inspiré d'un roman gothique, d'un film d'horreur ou de la mythologie occulte. La série n'oublie pas pour autant son origine graphique et la rappelle dans un générique animé mettant en scène les illustrations issues du comic-books et dans lequel apparait même la toute première version de Sabrina illustrée dans les années soixante.
En bref : On craignait une adaptation cheap et inutile, mais voilà que série se révèle être une des meilleures surprises de l'année : la première saison de Chilling adventures of Sabrina est un bonbon horrifique à l'atmosphère unique, portée par des interprètes au top de leur forme, et parsemée de références très bien utilisées. Ces dix premiers épisodes, addictifs, se dévorent comme des friandises d'Halloween, et on attend la deuxième saison avec impatience. Cette Sabrina 2018 est décidément plus ensorcelante que jamais!
Bon sang de bon soir. Sera-t-il dit que personne dans cette
épouvantable famille de fantômes n’est capable d’effrayer un humain,
même un petit ? Ils nous prennent pour des moins que rien, pour des
riens, pour des fous ou pour des chats, nous terribles esprits
frappeurs, mais quand il s’agit d’avoir peur, rien, rien, de rien ! Ah,
les temps sont durs pour les fantômes !
***
Petit ouvrage dégoté pendant le déménagement d'une amie dont on s'occupait des cartons de livres (hum, comment ça, ça ne vous étonne pas?), Les temps sont durs pour les fantômes est un roman d'origine allemande de Walter Wippersberg, à la fois écrivain et metteur en scène de théâtre, de cinéma, et artiste-photographe autrichien. Auteur de deux essais et de quelques romans pour adultes, il s'est majoritairement consacré à l'écriture de scénarios et de littérature jeunesse, dont ce titre est le seul traduit en Français et son dernier jusqu'à son récent décès en 2016.
L'histoire nous emmène à la découverte d'une famille de fantômes qui réside dans les ruines d'un château. Le père est esprit frappeur, la mère est une goule, le grand-père perd régulièrement sa tête décapitée, la fille Lili est impitoyable, et le fils Max a peur des humains. Lors d'une visite chez leurs cousins vampire, l'oncle Dracul et le père de Max, emportés par l'alcool (!), se lancent un défi : Max doit montrer de quoi il est capable et prouver qu'il sait faire peur aux humains. Panique à bord: voilà tout l'honneur de la famille qui repose sur les épaules du pauvre petit fantôme. Son père veut lui montrer l'exemple et l'emmène en apprentissage dans la ville voisine mais à l'évidence, plus personne n'a peur des esprits parce que plus personne n'y croit... Le ridicule s'abat sur la famille de spectres qui devient la risée des monstres du secteur. La grand-mère de Max tente elle-aussi de montrer la bonne marche à suivre à son petit fils, mais là encore, leur tentative est tournée en ridicule. Serait-ce la fin des fantômes? Sans parler du fait que le château familial, racheté par un entrepreneur, va être démoli pour être remplacé par un hôtel de luxe...
Édition originale allemande et réédition actuelle nouvellement illustrée.
Charmante petite surprise que ce roman tombé dans l'oubli et ce même s'il ne révolutionnera pas la littérature enfantine (il ne l'a d'ailleurs pas révolutionnée : doit-on juger que sa non-réédition depuis 1985 est la preuve d'un manque de succès de ce côté-ci du Rhin?). Pour autant, on a là quelques très bonnes idées que cette famille de revenants qui, finalement, évoquera au petit lecteur n'importe quelle famille ordinaire, de même qu'il pourra se reconnaître dans le personnage de Max. Les disputes des parents, les enfants qui détestent aller dîner chez leurs cousins aristos, la jalousie entre frères et sœurs, le souhait du père de voir son fils lui ressembler et faire honneur à la famille... Même la traduction porte de l'attention à la tournure des phrases (courtes, un peu saccadées, enfantines) pour évoquer le discours d'un enfant. Tout y est donc pour favoriser l'identification, même si l'ensemble est revu au prisme d'un univers fantastique.
Maman se maquille pendant que papa se plaint que tout le monde sera en retard au dîner :
une famille très normale...
Cela amène d'ailleurs à des éléments particulièrement drôles dès qu'une chose très commune, recontextualisée dans un mode de vie de vampire, monstre, ou revenant, prend tout de suite une dimension incongrue ( La famille de vampire qui a la bougeotte et se sent obligée de déménager "tous les 200 ans environ" car ne supporte pas de rester au même endroit trop longtemps, ou le grand-père fantôme qui n'a de cesse de parler de sa jeunesse... qui date des débuts du Moyen-Âge!). Les autres éléments humoristiques se situent dans la perte de crédibilité des fantômes auprès des humains : plus personne n'y croit, donc tout le monde les prends pour autre chose (comme des fous échappé d'un asile et habillés dans de grands draps blancs, par exemple).
Néanmoins, quelques incohérences résident dans certains éléments propres à l'univers imaginé par l'auteur : ces fantômes sont cousins avec une famille de vampires (ce qui, même si on peut dresser un scénario possible pour l'expliquer, interroge quelque peu), les esprits semblent avoir une présence physique et matérielle qu'on ne prête qu'aux humains (ils peuvent boire, manger, et même ressentir les effets de l'alcool... et toucher et être toucher, sauf quand soudainement l'auteur change les règles parce que cela arrange son histoire). Le jeune lecteur, même le plus candide, notera certainement ces quelques contradictions.
Catalogue de jouets pour petits vampires :
loup-garou en peluche (fourrure véritable), gonflable, ou électronique.
Notons cependant une dimension illustrée tellement présente que le roman peut être qualifié de "graphique", le dessin complétant ou se substituant souvent au texte. Les illustrations, très amusantes, se présentent d'ailleurs comme des extraits de catalogues ou des notices d'utilisation propres au monde et mode de vie des monstres et fantômes, le tout joliment enluminé. Cette mise en images évoque beaucoup les illustrations de la série Les sorcières d'Astria, également allemande, et que les créateurs/éditeurs auront enrichie d'idées graphiques soufflées par ce roman. Une autre saga jeunesse à laquelle ce petit livre renvoie très fortement : la série du Petit Vampire, best-seller allemand écrit par Angela Sommer-Bodenburg, publiée en France par la bibliothèque rose de 1979 à 1989. Des personnages principaux plus humains que monstrueux, des univers très proches... W.Wippersberg cherchait manifestement à surfer sur la mode lancée par A.Sommer-Bodenburg! Ce roman de fantôme n'en a pas moins rencontré son public en Allemagne puisqu'il a même été adapté sur les écrans sous forme de supermarionation en 1989 (pour la définition du mot barbare, c'est ICI, et pour visionner le film en VO c'est ICI).
Le film adapté du roman.
En bref: Une histoire de gentils revenants qui permet l'identification du jeune lecteur. Une petite histoire fraîche et drôle dans un univers de monstres d'Halloween qui ne font pas peur, et qui évoque beaucoup la série du Petit Vampire d'A.Sommer-Bodenburg. A lire à vos petite têtes blondes par curiosité!