A royal pain (Royal spyness #2), Berkley, 2008 - Editions Robert Laffont, coll. La bête noire (trad. de B.Longre), 2019.
Londres, 1932. La reine a confié à Georgie une nouvelle mission délicate : elle doit
héberger la princesse Hanneflore de Bavière et jouer les entremetteuses
entre elle et le prince de Galles dans l’espoir que ce dernier se
détourne enfin de son amante américaine. Mais entre la propension d’Hanni à séduire tout ce qui porte une
moustache, son langage de charretier et sa fâcheuse tendance au vol à
l’étalage, Georgie a déjà fort à faire. Et comme si tout cela ne
suffisait pas, la princesse bavaroise se retrouve mêlée à un meurtre…
Pour éviter un scandale diplomatique, Georgie va devoir remettre sa
casquette de détective amateur et se résoudre à démasquer le véritable
coupable.
Entre Downton Abbey et The Crown, une série d’enquêtes royales so British !
***
Après un premier tome très distrayant, il était difficile de ne pas mordre à l'hameçon de ce second opus. L'auteure reprend les codes qui ont assuré le succès de Son espionne royale mène l'enquête et on retrouve avec plaisir Georgie, 34ème héritière de la couronne britannique mais sans le sous, dans le Londres aristocratique des années 30. La Reine espère bien que la jeune fille va continuer de pister le prince de Galles, toujours amouraché de Wallis Simpson, cette Américaine vieille et vulgaire. Par bonheur, la princesse héritière du trône de Bavière vient séjourner en ville et on suggère à Georgie de jouer les entremetteuses... et d'héberger la jeune fille, qui vient accompagnée de sa bonne et de son chaperon, une austère baronne allemande. Très inexpérimentée, la princesse Hanni souhaite surtout s'amuser et rencontrer des garçons... et elle s'attache malheureusement à un jeune communiste qui risque de ne pas faire la joie de la famille royale! Mais pire encore : on retrouve le jeune homme assassiné avec, sur les lieux du crime, la princesse, arme à la main! Obligée de démêler le vrai du faux, Georgie se trouve forcée de jouer les détectives en même temps qu'elle doit pousser Hanni dans les bras du prince de Galles... et aussi dénicher des domestiques gratuits pour faire tourner sa maison pendant qu'elle joue les hôtesses aristocratiques.
"Sa Majesté est une femme redoutable. Elle est petite et paraît inoffensive à première vue, mais souvenez-vous de mon arrière-grand-mère, la reine Victoria. Elle n'était pas bien grande, elle non plus, et pourtant tout l'Empire tremblait lorsqu'elle levait un sourcil."
"Je remerciai le ciel d'avoir fait mes études aux Oiseaux, une institution privée pour jeunes filles en Suisse. A part apprendre le français et où placer un évêque à table, descendre le long d'une gouttière pour rejoindre des moniteurs de ski dans la taverne locale était l'une des rares compétences que j'y avais acquises."
Ne boudons pas notre plaisir : ce n'est certes pas le meilleur cru policier de l'année mais, tout comme le tome précédent, une gourmandise toute anglaise qui joue autant sur le registre de la comédie que sur celui du polar (très) léger. L'intrigue n'est pas particulièrement compliquée et l'enquête se concentre surtout sur la seconde moitié du livre – il faut dire qu'une fois encore, le meurtre survient à la mi-lecture – qui s'attache surtout à restituer le train de vie de l'aristocratie anglaise pendant les années trente, obligée de tenir son rang sans forcément les moyens financiers nécessaires. La situation dans laquelle se retrouve Georgie (qui, rappelons-le, se fait ponctuellement passer pour une domestique afin de gagner quelques pièces en faisant les poussières chez d'autres membres de la noblesse), ici forcée de faire appel à son grand-père pour jouer les majordomes dans la maison de sa petite-fille afin de donner le change, apporte quelques scène amusantes qui parodient avec humour le train de vie d'une classe sociale (sensée être) aisée.
"Je me brossai vigoureusement les ongles et me lavai les mains d'une manière qui aurait forcé l'admiration de ma compatriote écossaise Lady Macbeth."
Garden Party dans les années 30.
"Mais flirter n'est pas chose aisée pour une jeune fille élevée dans un château isolé, aux cabinets tapissés de papier peint à motif tartan, où l'on joue de la cornemuse à l'aube et où les hommes portent des kilts."
Cependant, s'il y a un élément réellement hilarant dans ce second opus, c'est bien le personnage d'Hanni : la jeune princesse bavaroise qui sort tout juste du couvent a appris l'Anglais en regardant des films de western aux dialogues loin d'être distingués. Son phrasé, nourri d’argot à l'américaine, déclenche les fous rires successifs du lecteur qui plaint décidément la pauvre Georgie : sa nouvelle effervescente amie, bien décidée à perdre sa virginité avec un bel Anglais "sensuel et sexy", l'entraîne dans des situations des plus cocasses aux plus risquées. Entre les couloirs de Harrods et la pelouse de la garden party annuelle de la famille royale, même les lieux d'habitude les plus sécurisants deviendront mortels.
"— Vous n'êtes pas fierche encore, n'est-ce pas?
— Fierchancor?
— Vous êtes une femme d'expérience. Pas fierge.
— Oh, je vois, vierge..."
Passée toute la légèreté du livre, on notera quand même un point on ne peu plus sérieux : la rigueur de la reconstitution, et notamment de la reconstitution politique. Rhys Bowen, qui maîtrise son sujet sur le bout des doigts, raconte avec méticulosité les mouvements inspirés du nazisme naissant qui pointent alors en Angleterre et s'opposent aux Communistes, permettant au lecteur d'appréhender une part de la réalité sociale de l'entre-deux guerres.
En bref : Un second tome dans la lignée du premier, hilarant et léger, pour un pur moment de détente destiné aux amateurs de polars pétillants, vintage, et british. Une reconstitution fine de l'Angleterre politique et aristocratique des années 1930.
Et pour aller plus loin....