Shades of London, book 2 : The madness underneath, Harper Collins Children Books, 2013 - Editions Michel Lafon, 2013.
Londres est hantée par les fantômes. Une brigade spéciale,
les Ombres, constituée de membres ayant frôlé la mort, est chargée de
les empêcher de nuire.
Réchappée des griffes de l’Éventreur, Aurora en garde une terrible
cicatrice. À peine remise de cet affrontement, la jeune fille est de
nouveau appelée par les Ombres. Elle seule est capable – d’un simple
toucher – d’exorciser les esprits maléfiques. Face à la nouvelle vague
de meurtres qui agite la ville, l’adolescente est leur unique espoir.
Aurora se lance alors à la poursuite de ceux qui sèment le chaos avec
l’aide de son équipe et tout particulièrement de l’intrigant Stephen.
Mais bientôt elle réalise qu’elle aussi est une cible. Car son don est
une arme convoitée… Une arme pour laquelle on est prêt à tuer.
...Échapper aux ténèbres...
***
Un an tout après avoir chroniqué Hantée, tome 1: Les ombres de la ville, on s'est précipité sur le second tome, attendu avec autant d'impatience que de curiosité. Attention à celles et ceux qui n'ont pas encore lu le premier opus, cet article pourrait contenir quelques spoilers.
Lorsque ce second livre débute, nous retrouvons Aurora "Rory" Deveaux installée à Bristol avec ses parents. Quelques mois se sont écoulés depuis sa rencontre avec l’Éventreur, expérience au cours de laquelle elle a manqué de peu de perdre la vie. Depuis, en plus d'être en mesure de voir et communiquer avec les spectres, elle possède aussi le pouvoir de les détruire d'un simple toucher. Soumise à une psychothérapie qui l'insupporte au plus haut point, Rory est persuadée qu'elle est au mieux de sa forme malgré ces événements et souhaite plus que tout retourner à Wexford, son pensionnat de Londres. Lorsque sa psychologue suggère qu'elle réintègre l'école, la jeune fille saute sur l'occasion et reprend les cours, où elle retrouve ses amis Jazza et Jerome. Ainsi que la Brigade des Ombres, cette sombre branche des services secrets chargée de détruire les âmes égarées qui n'ont pas trouvé le repos et qui hantent la ville. Peu à peu, alors qu'elle tente de reprendre le fil d'un quotidien aussi normal que possible, Rory réalise qu'elle ne se sent pas si sereine qu'elle s'efforce de le croire. Approchée par une psychologue du nom de Jane Quaint, Rory lui confie ses secrets, mise en confiance par cette femme aussi originale qu'extravagante. Mais peu à peu, l'altruisme apparent de la thérapeute s'effrite, et ses motivations apparaissent bien plus obscures : Et si son intérêt pour Aurora n'était pas totalement désintéressé?
La fin du premier tome nous avait laissé avec de nombreuses attentes et l'espoir que certains éléments seraient éclaircis, ou tout du moins approfondis. Verdict ? Maureen Johnson parvient à rebondir et à se réinventer tout en creusant le sillon du premier opus. On retrouve tout d'abord Rory avec plaisir : fidèle à elle-même, la jeune fille abreuve le lecteur comme ses interlocuteurs d'anecdotes propres à sa Louisiane natale, masquant le trauma du tome précédent derrière son humour caractéristique. Ce qui apportait de la légèreté dans Les ombres de la ville devient ici une véritable compensation, voire une stratégie d'évitement face aux questions qui lui sont posées et à une thérapie qu'elle n'investit qu'en surface – le personnage se densifie : Rory n'est plus seulement l’archétype de la nouvelle élève sympathique, elle devient un protagoniste à la psychologie de plus en plus travaillée.
Rory devant Wexford, concept-art de Cassandra Jean pour A Madness underneath.
"La
normalité, ça n'existe pas (...), c'est un concept défectueux. Cela
implique qu'il n'existe qu'une façon d'être fondamentale, à laquelle les
gens sont censés se conformer et ça, ce n'est pas possible.
L'expérience humaine est bien trop riche."
Question intrigue, on craignait un peu un calque du premier tome (une série de meurtres étranges, une enquête surnaturelle, une confrontation finale, etc.) dont la seule nouveauté aurait été le pouvoir inattendu de Rory à exterminer les spectres d'un seul contact physique. Si la scène d'introduction s'ouvre bel et bien sur un crime perpétré par une force invisible, il s'agit surtout d'un prétexte scénaristique pour amener nos personnages à interroger bien plus qu'une série d'incidents étranges. Plus ténu, Un mal souterrain entraine Rory dans une aventure complexe où, de par son don, elle devient la cible de nombreuses convoitises. Convoitises des services secrets, qui voient en elle une arme fort utile, et convoitises aussi plus obscures, aux desseins encore indéterminés. Manipulations, secte, Histoire, mythologie antique... autant d'éléments qui ponctuent et rythment ce roman de multiples rebondissements. Maureen Johnson élargit petit à petit la mythologie qu'elle a instaurée et laisse entendre au lecteur des enjeux qu'il n'aurait pas suspectés dans le tome 1. Le personnage de Jane Quaint, thérapeute ambivalente aux ambitions douteuses, est l'un des éléments qui apportent tout le sel de ce deuxième opus : extravagante et fascinante, elle présente un potentiel qu'il nous tarde de voir se développer.
La fin de Un mal souterrain joue parfaitement la carte du cliffhanger : entre une romance naissante (mais qu'on espérait bien voir apparaître depuis un moment) et un événement particulièrement tragique, l'autrice est désormais certaine de nous retenir prisonniers. On cherche, en vain, une page supplémentaire, quelques lignes encore qui nous donneraient un indice... Il faudra pour cela nous armer de patience jusqu'au tome 3, Le cabinet des ténèbres.
En bref : Un deuxième tome qui approfondit les thématiques du premier opus sans jamais faire dans la redite. Plus psychologique, plus intime et plus ténu, Un mal souterrain nous promène dans un Londres brumeux et hanté aux côtés de personnages de plus en plus denses. Maureen Johnson maîtrise d'un bout à l'autre les ressorts dramatiques de son intrigue et laisse le lecteur sur un final tragique en point d'interrogation. Inutile de préciser qu'on attend le prochain tome avec impatience.
Et pour aller plus loin...