Nous avions annoncé la couleur avec notre article introductif : les fêtes de fin d'année se dérouleraient à Gwendalavir, dans l'univers d'Ewilan imaginé il y a 20 ans par Pierre Bottero. Dans ce monde parallèle où bascule la jeune Camille, vêtements et architecture évoquent le Moyen-Âge et la magie qu'on y pratique s'appelle le Dessin, possible dès lors que les détenteurs de ce pouvoir ont la capacité de se plonger mentalement dans l'Imagination. L'Imagination avec une majuscule, pour signifier ici une dimension psychique où ce qu'on crée peut basculer dans la réalité et prendre corps.
"Un dessinateur peut rendre réel ce qu'il imagine. Pour ce faire, son esprit passe dans une dimension qui s'appelle l'Imagination et y progresse grâce à des chemins, les Spires. Plus le dessinateur est puissant, plus il va loin dans les Spires et plus il peut jouer avec la réalité."
Et quoi de mieux pour illustrer l'Imagination (avec un petit ou un grand i, d'ailleurs), que le Paper Art ? Cette approche plastique, si elle s'exploite avec n'importe quel type de papier, a notamment été popularisée par Su Blackwell ou encore Jodi Harvey Brown, des artistes qui conçoivent de véritable sculptures d'après des livres vintage, et qui nous inspirent depuis de nombreuses années. Cet hiver, nous avons donc marché dans leurs pas pour célébrer le 20ème anniversaire de La quête d'Ewilan. Prêts pour le voyage ?
***
"Camille était âgée exactement de quatre mille neuf cents jours, soit un peu plus de treize ans, la première fois qu'elle effectua 'le pas sur le côté'. Elle en était certaine, puisque c'est au moment où elle entreprenait des calculs savants pour connaître son âge avec précision qu'elle descendit du trottoir sans s'en rendre compte et se retrouva au milieu de la chaussée face à un énorme camion. Elle fut tirée de sa rêverie mathématique par le mugissement du klaxon."
"Nous savons depuis longtemps que deux mondes coexistent et qu'il est possible de passer de l'un à l'autre (...). Ce passage s'appelle le pas sur le côté. Le grand pas, pour être plus précis."
"Une silhouette se matérialisa devant eux, croisement incertain d'une mante religieuse géante et d'un lézard non moins démesuré qui se serait tenu debout sur ses pattes arrière. Un des avant-bras de l'être hybride, prolongé au-delà de sa main par une lame osseuse à l'aspect redoutable, s'abattit en un meurtrier arc de cercle (...). Camille sentit son sang se figer dans ses veines. La créature, haute de plus de deux mètres, était drapée dans une étoffe constituée d'anneaux métalliques entrelacés. Ses yeux immenses aux pupilles verticales brillaient d'un éclat sauvage et maléfique, tandis que de sa gueule aux crocs acérés sortait un sifflement surhumain que Camille comprit pourtant clairement.
— Te voici donc, Ewilan. Nous t'avons longtemps cherchée, mes frères et moi, afin d'achever ce qui avait été commencé, mais tu étais introuvable. Et aujourd'hui le hasard nous offre ta mort..."
" Camille se trouvait à une vingtaine de mètres de portail, adossée à un arbre. Elle faisait face à trois monstrueuses araignées noires. Salim sauta de l'autre côté et courut en hurlant vers la créature la plus proche."
*
"— Nous devons partir très vite.
— Pour aller où ? s'étonna Camille.
— A Al-Jeit. Dans la capitale, près de l'Empereur. C'est le seul endroit où tu seras en sécurité et où tu pourras apprendre ce que tu dois savoir pour regagner l'autre monde."
"Al-Jeit n'était pas une ville, mais un miracle de clarté, de couleurs et d'eau.
Jaillissant de la pleine comme un bastion inexpugnable, un plateau rocheux aux bords verticaux s'élevait à une cinquantaine de mètres. La capitale était construite à son sommet, tours défiant le ciel, coupoles de nacre, passerelles arachnéennes.
Chacun des toits semblait tissé de lumière et l'ensemble tenait davantage du chef-d’œuvre prêt à l'envol que de la ville classique."
"La nuit était presque tombée et la viande rôtie à point lorsque Salim et Ellana regagnèrent le camp."
"Perdue dans ses pensées, elle faillit ne pas voir l'énorme masse d'un gris luisant qui filait sous l'eau à quelques mètres du bateau. Elle tourna les yeux juste avant qu'elle ne disparaisse et poussa un cri. Un marin, qui se tenait non loin, l'interpella :
— Tu as vu ? Une dame.
— Une dame ? Mais c'était énorme, on aurait dit une baleine !
— Quelle perspicacité ! se moqua le marin. C'était bien une baleine grise, mais nous les appelons les dames.
— C'est impossible ! Pas dans un fleuve !
— Les dames vont où elles veulent. Eau douce, eau salée, quelle importance pour elles, ce sont des déesses."
"La Dame était là, à quelques mètres du navire.
Son dos luisant était de la couleur des flots et sa taille rendait insignifiant tous les êtres vivants. Elle était dix fois plus grosse que celle que Camille avait entrevue et aussi immuable qu'une montagne. Elle ne bougeait pas et sa tête à moitié enfoncée dans l'eau dépassait le pont du bateau.
Un œil, plus haut qu'un homme, s'ouvrit et Camille vit qu'il était pareil à l'océan, profond, sage et incompréhensible. Un iris, immense et mordoré, se braqua sur elle. Camille y plongea son âme."
"Haut de vingt mètres alors que ses pattes étaient toujours repliées sous lui, une immense paire d'ailes couchées sur son dos, une gueule garnie de crocs aussi grands qu'un homme, le Gardien était un dragon !"
*
"— Bjorn, est-ce normal qu'il neige en été ?
Le chevalier gratta sur son menton les quelques poils qu'il essayait de transformer en barbe.
— Je n'en sais rien, Ewilan, je n'en sais fichtre rien ! déclara-t-il finalement. Nous arrivons dans les Marches du Nord, le pays des Frontaliers. De nombreuses légendes courent au sujet de cette contrée, mais une chose est sûre, rien n'y est comme ailleurs."
"Peu à peu, une forme s'esquissa dans la clairière. D'abord translucide, presque illusoire, elle gagna en opacité jusqu'à caresser la réalité (...).
Un bloc iridescent aux angles arrondis, haut de près d'un mètre et long de deux, reposait sur un socle de marbre rose veiné de blanc, rayonnant de puissance (...).
C'était un tombeau.
Un hommage infini à la femme qui y reposait, coupée du monde par un couvercle de cristal, prodigieusement belle. La mort n'avait su gommer la douceur et la noblesse de ses traits, ni ternir l'éclat de sa peau."
Elle se dressait sur un piton rocheux qui surplombait la plaine, ses hautes murailles se fondant parfaitement avec les dalles verticales qu'elles prolongeaient (...).
Edwin désigna le dôme illuminé par le soleil du matin.
— La Vigie ! s'exclama-t-il."
*
"Une pierre bleue suspendue au bout d'une chaîne. Les mailles et le fermoir étaient ciselés avec finesse, mais c'est la pierre qui retint son attention. Parfaitement sphérique, elle avait un aspect irisé, des reflets mouvants et dégageait une fascinante beauté, en totale opposition avec avec l'agrafe qui la reliait à la chaîne et qui reproduisait dans ses moindres détails une main hideusement griffue."
***
Nous espérons que vous avez apprécié cette escapade dans le monde de l'Empire aux côtés d'Ewilan et de ses compagnons de route, que vous y avez retrouvé la magie de votre lecture si vous êtes connaisseurs de l'oeuvre de P. Bottero ou, peut-être, que cela vous a donné envie de la découvrir si ce n'est pas encore fait.
Et comme de coutume, nous en profitons pour vous présenter nos meilleurs vœux d'entre-deux fêtes :
Un très joyeux Noël
(légèrement en retard)
&
une belle et heureuse année !
(avec une petite avance)
*
Bien évidemment, les festivités ne sont pas terminées : comme tous les ans, nous poursuivons les chroniques et les lectures thématiques jusque fin janvier, afin de faire vivre la magie encore quelque temps...
Images Paper Art : © Pedro Pan Rabbit / P. Druart - tous droits réservés.
Source images personnages : Andarta Picture