mercredi 31 mai 2017

Le coeur à l'aiguille - Claire Gondor

Editions Buchet-Chastel, 2017.

« Alors elle l’a préparée, jour et nuit, sa robe de mariage, avec ses mots à lui, et si elle le pouvait, elle les coudrait à même sa peau, elle se les tatouerait à l’aiguille et au fil, sur les seins et sur les hanches, pour en sentir la morsure, pour ne jamais être distraite de lui. »

Banlieue parisienne, années 2000. Soir après soir, Leïla se penche sur son chef-d’œuvre d’encre et de papier : une robe constituée des cinquante-six lettres que lui a adressées Dan, son promis parti au loin. 

Au fil des chapitres se dessine la trame de leur histoire commune : leurs rencontres, leur complicité, leur quotidien, les petits riens qui donnent à tout amour son relief si particulier. Chaque missive fait ressurgir un souvenir, un paysage, une sensation, qui éclairent peu à peu la géographie de leur intimité passée.

Un premier roman délicat où l’on suit l’aiguille qui raccommodera le cœur meurtri d’une jeune fiancée.

***

  Ce roman à la couverture sobre et délicate, au format inattendu et au titre énigmatique, s'ouvre sur une séance de photographie de mariage. L'épouse est seule devant l'objectif, au bord d'un canal, et prend la pose. "La photographie sera parfaite", pense l'artiste. Mais de son modèle, il ne sait rien, si ce n'est peut-être le sentiment de mélancolie qui se dégage d'elle.
  Le lecteur tourne la page, et rencontre Leïla, issue d'une famille d'origine afghane résidant aujourd'hui à Paris, qui reprend une par une les lettres de son fiancé Dan, envoyées depuis le Soudan où il s'est engagé. Au fil des nuits de canicule qui s'enchainent, elle coud, brode, surjette les missives pour en faire sa future robe de mariée, celle qu'elle prévoit de porter le jour de leur union au retour de Dan. Chaque nouvelle pièce à assembler fait émerger, de chapitre en chapitre, un souvenir, un moment vécu de leur idylle. Chaque couture de la robe devient un morceau de puzzle de leur histoire d'amour et met en lumière ce Tout qu'ils étaient.



" Fil noir au chas de l'aiguille dans la main tatouée de Leïla; cinquante et unième lettre dans la main vierge, dans la main gauche de Leïla. Fil, nœud, dent, ciseaux. Les mêmes gestes tous les soirs, les mêmes mains et leurs aiguilles, et cette robe qui s'évase sur le mannequin du salon, et cette boîte qui se vide, soir après soir, dans le silence."

  Ce roman, premier de l'auteure et poète Claire Gondor, dépasse de bien des qualités le nombre de ses pages. Derrière ce court récit s'ouvre en fait les porte de tout un univers, ou plutôt de deux univers qui, au fil des pages, n'en font plus qu'un : Dan et Leïla. Deux tempéraments opposés, deux cultures différentes, et pourtant, une rencontre se fait au gré du hasard et fait d'eux un tout indissociable. Le sujet pourrait presque paraître ordinaire s'il n'était pas porté par une prose délicate, poétique, et ciselée à la perfection. Claire Gondor maîtrise l'art de ressusciter la mémoire de l'Instant et de coucher sur le papier le fugace du souvenir, tout en évoquant la naissance du sentiment amoureux et son deuil.

Claire Gondor.

  A cette plume unique et évocatrice vient s'ajouter cet élément si original et emprunt de poésie: cette robe cousue de papier au fil des lettres et des chapitres. Comme un fétiche central, clef de voûte du récit, elle vient s'entourer de personnages et de réminiscences au croisement des cultures, des croyances, et des aspirations. L'ensemble est d'une grâce rare, teintée d'une belle et douce mélancolie.

Claire Gondor, dans la robe de papier du roman (une superbe création de Javier Camarillo).


En bref : Un récit sobre et délicat d'une touchante originalité. Le style, subtil et évocateur, met en lumière les reliefs de la relation amoureuse et aborde le deuil avec pudeur et élégance


Et pour aller plus loin...

dimanche 21 mai 2017

Mrs Parker et le cercle vicieux - Un film de Alan Rudolph (1994).



Mrs Parker et le Cercle Vicieux
(Mrs Parker & the vicious circle)

Un film de Alan Rudolph d'après la vie de la romancière et poète Dorothy Parker, sorti en salle le 7 Septembre 1994.

Avec Jennifer Jason Leigh, Campbell Scott, Matthew Broderick, Tom McGowan, Gwyneth Paltrow...

  Dans les années 20, New York fut le lieu d'une intense activité littéraire, artistique et intellectuelle. Dorothy Parker, jeune poète, novelliste et critique de théâtre influente et redoutée se souvient de cette époque... 

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  Il y a quelques mois, je découvrais grâce à un partenariat avec les éditions Baker Street les romans Le cercle des plumes assassines et L'affaire de la Belle Evaporée : deux récits policiers qui transformaient l'auteure et critique américaine des Années Folles Dorothy Parker en détective dilletante. Parce que moins connue en France, je n'avais quasiment jamais entendu parler d'elle et ces deux fictions historiques m'avaient donc offert un premier aperçu de cette femme avant-gardiste, perspicace et sarcastique en diable. Ma curiosité éveillée, je m'étais penché sur le parcours de cette personnalité unique, m'offrant au passage son recueil de poèmes Hymnes à la Haine, qui passe au vitriol la bonne société américaine et ses convenances. De là, la folie Dorothy Parker s'était emparée de moi : j'en voulais plus. Je ne pouvais donc que m'enthousiasmer à l'idée de ce biopic, sorti il y a de cela plus de 20 ans à l'occasion du festival de Cannes 1994. Bien que boudé par le public, ce long-métrage avait connu un certain succès auprès des critiques et avait par ailleurs reçu six nominations et quelques prix. Cependant, j'évoquais plus haut la méconnaissance de cette personnalité de ce côté-ci de l'Atlantique, ce qui explique sans doute la difficulté à trouver un dvd dans l'hexagone. A un prix correct pour les quelques rares exemplaires restants, en tout cas. Sur ce, nous ferons l'impasse sur la sommes exorbitante que j'ai accepté de débourser pour me l'offrir, et attaquons le vif du sujet.

Le célèbre "cercle vicieux" de la Table Ronde, ramené à la vie.

  Le film commence dans les années 40, dans une Amérique en Noir et blanc. Sur un studio de tournage, la célèbre auteure Dorothy Parker croise Robert Benchley, humoriste et ancien ami membre de la célèbre Table Ronde de l'Algonquin, cet hôtel où tous les grands écrivains des Années Folles se retrouvaient sous le surnom du "Cercle Vicieux". La complicité amène les souvenirs à resurgir : nous voilà plongés en plein cœur des années 1920, dans une New York rugissante et tonitruante où le bon mot est roi. Dorothy Parker, alors chroniqueuse à Vanity Fair avec Robert Benchley, loue une chambre au grand hôtel Algonquin. Journaliste en free-lance, poète désargentée, rêveuse invétérée, langue acérée, elle vivotte comme elle peut mais n'a pas à payer sa petite suite dans ce grand hôtel de luxe : sa renommée et celle de ses amis auteurs assurant le succès de l'établissement, le gérant ne lui demande jamais de régler sa note. Tous les soirs, comédiens, artistes et penseurs avant-gardistes se joignent à elle pour des soirées entière d'ivresse et de calembours. Mais derrière cette façade de fête et d'insouciance, Mrs Parker cultive une personnalité noire et torturée, qu'elle égaye seulement d'un talent certain pour le sarcasme. Séparée d'un commun accord d'un époux soldat revenu du Front alcoolique et violent, elle entretient avec son ami Benchley une complicité pleine d'affection qui suggère un amour platonique... mais, Benchley, en très grand homme, ne quittera jamais sa famille et ne s'abandonnera jamais aux bras de cette femme à qui il est pourtant dévoué corps et âme...



  Quel dommage que ce film soit tombé dans l'oubli! Car il mériterait bien sa réédition et une bonne remasterisation (ainsi qu'un dvd avec VO, la seule version disponible n'ayant qu'une VF très médiocre à proposer). En effet, son premier mérite est de raconter de manière très touchante l'âge d'or de cette femme complexe et talentueuse, sans omettre le ton caustique qui lui était propre. On est plongé dans l'atmosphère assourdissante des hôtels de luxe et des clubs clandestins en pleine prohibition, avec un "Cercle Vicieux" plein de gouaille : ça bouge, ça hurle de rire, les répliques incisives fusent comme des tirs de flèches, et on boit jusqu'à plus soif. Ce joyeux bazar, très bien mis en scène même si l'impression de brouhaha peut parfois alourdir, trouve son point culminant dans une scène excellente : la descente de police inattendue au bar de l'hôtel. En une seconde, les serveurs dissimulent l'alcool derrière des panneaux secrets et tout le monde fuit par des portes dérobées dans une ambiance de fin du monde totalement euphorique.


  Ces scènes de joyeuse cacophonie sont entrecoupées de passages plus intimistes qui donnent à voir l'autre visage de Dorothy Parker : la femme solitaire, certes incisive mais qui cache derrière son mordant un éternel désespoir amoureux, et un manque déstabilisant de mordant pour la vie. Jennifer Jason Leigh, qui avait accepté de jouer le rôle pour moitié moins cher que son cachet habituel, se donne toute entière pour ramener à la vie la vraie Dorothy : lectures, voyage à l'Algonquin, écoute d'enregistrements de radio originaux... Elle a nourri son jeu de nombreuses recherches, afin d'entrer en symbiose avec son modèle. Travailler sa voix et son accent était des exercices les plus difficiles, D.Parker étant connue pour son intonation très particulière, probablement tellement unique que la prestation vocale de l'actrice ne fit pas l'unanimité. Mais laissons de côté ce que la VF ne nous donne pas les moyens d'évaluer tout entier car, du reste, il nous faut lui reconnaître un jeu vraiment travaillé. J.J.Leigh restitue parfaitement cette étrange indolence de la Dorothy Parker nostalgique, rêveuse et désespérée embrumée d'alcool, cette élégance alanguie toute en gestes qui hypnotise, de même qu'elle sait être tout aussi crédible en oratrice piquante et pétillante dès que la scène l'exige.



  Cette mélancolie se voit éclairée d'une lueur soudaine lorsqu'apparait Robert Benchley, plein d'humour et de douceur, merveilleusement bien joué par Campbell Scott (que je ne connaissais pas du tout, par ailleurs). Bienveillant et pince sans rire, sensiblement ému par Dorothy, il s'abstient cependant de tomber dans ses bras, même si l'idée peut être évoquée par l'un et l'autre à demi-mots : aller plus loin ruinerait sa vie de famille - sa femme, qu'il estime trop, ses enfants - et Dorothy elle-même. Le plus étrange, cependant, est que l'Histoire et les Archives n'ont jamais officiellement prêté de relation amoureuse à Parker et Benchley, même platonique, tandis que J.J.Murphy leur imagine également des sentiments ambigus dans ses fictions policières... l'idée lui aurait-elle été suggérée par ce film uniquement, où s'agit-il d'une hypothèse partagée par d'autres? Quoi qu'il en soit, cette relation pleine de respect et d'affection mutuelle, très bien jouée à l'écran, est l'un des intérêt de ce biopic.



En bref : Un biopic plutôt réussi, bien filmé et bien joué, même s'il mériterait une bonne remasterisation. Un film tout en nuances et le seul à ce jour à s'attarder sur cette figure unique de la littérature américaine. A voir.



Et pour aller plus loin...

samedi 13 mai 2017

Pas de pot pour la jardinière (Agatha Raisin enquête #3) - M.C.Beaton

Agatha Raisin and the potted gardener, St Martin's press, 1994 - Editions Albin Michel (trad. d'E.Ménévis), 2016.

   De retour dans les Cotswolds après de longues vacances, Agatha Raisin découvre que son voisin James Lacey, objet de tous ses fantasmes, est tombé sous le charme d’une nouvelle venue au village. Aussi élégante qu’amusante, Mary Fortune est une jardinière hors pair, et la journée portes ouvertes des jardins de Carsely s’annonce déjà comme son triomphe. Mais une Agatha Raisin ne s’incline pas avant d’avoir combattu (quitte à se livrer à l’une de ces petites supercheries peu reluisantes dont elle a le secret) !
  C’est alors que la belle Mary est retrouvée morte, enfoncée tête la première dans un de ses grands pots de fleurs. De toute évidence, Agatha n’était pas la seule à souhaiter la disparition de sa rivale… 

***

  Jamais deux sans trois! Et oui, je ne quitte plus Agatha : difficile de résister à tous les tomes déjà parus en France. Après les quiches empoisonnées et les vétos gigolos assassinés, voilà une nouvelle enquête complètement barrée de notre quinquagénaire favorite!


  Agatha est désespérée : alors qu'elle s'était offerte des vacances à la poursuite de son séduisant voisin James Lacey, voilà que celui-ci avait changé de destination, et que notre héroïne revient de son voyage toujours aussi célibataire. Pire encore : pendant son absence, une nouvelle habitante a rejoint Caresly : Mary Fortune, charmante divorcée et jardinière hors-pair qui plait autant aux hommes qu'elle fait fureur au cercle des dames du village. Tout le monde l'aime... ou se sent obligé de l'aimer. Même Agatha, qui est pourtant furieusement jalouse de voir sa nouvelle amie tourner autour de James Lacey... alors quand elle trouve un beau jour Mary Fortune assassinée, repiquée la tête la première et les pattes en l'air dans une jardinière en terre, notre détective en herbe se demande si la défunte était si charmante qu'elle en avait l'air, et si elle n'avait que des amis...


" C'est un meurtre typiquement campagnard.
- Qu'est-ce que vous entendez par là, un meurtre typiquement campagnard ?
Nous autres, citadins, ne sommes pas adeptes d'assassinats aussi pittoresques. Il y a encore beaucoup de consanguinité dans ces vieux villages des Cotswolds, sans parler de la sorcellerie et de ce genre de choses. Croyez-moi, c'est un meurtre campagnard"

  Vous l'aurez deviné, M.C.Beaton s'en donne encore à cœur joie dans ce nouvel opus, qui tourne tout autour d'un concours de jardins aménagés comme seuls les anglais savent en faire. On y retrouve notre Agatha toujours aussi brute de décoffrage et... en même temps tellement midinette! Surtout quand la voilà aux prises avec une rivale dans la course à la séduction de son beau voisin James Lacey. Entre chassés-croisés amoureux et humoristiques et conseils de jardinage, le roman semble poursuivre son chemin sans le moindre crime. Alors même si je riais à gorge déployée des déconvenues de notre héroïne, j'ai failli croire que le polar allait céder le pas à la comédie...


  En effet, il faut bien attendre la moitié du livre pour que le meurtre soit commis et voir l'enquête commencer! Une enquête certainement bien vite expédiée, me direz-vous? Eh bien même pas : s'il nous semble que la dimension policière passe un peu au second plan, les investigations d'Agatha et James, quoi que toujours rythmées d'intermèdes comiques, sont encore une fois bien menées. Et puis il faut bien admettre qu'en fait, nous serions les derniers à nous plaindre de cette ambiance de franche rigolade!


  D'autant que derrière le pastiche de roman policier et l'humour omniprésent, M.C.Beaton s'inscrit dans la digne lignée d'Agatha Christie dès qu'il s'agit, au travers de la fiction policière, de pointer les travers des charmants habitants de ces petits villages anglais idylliques. Comme l'ont si bien fait remarquer les Beresford ou Miss Marple avant Agatha Raisin, sa réflexion soudain plus sombre et si perspicace au beau milieu de toute cette dérision, c'est qu'on ne devine pas quelle noirceur dissimulent ces sourires avenants et ces jolies toits de chaume...

En bref : On continue avec un troisième tome toujours aussi hilarant de la nouvelle héroïne du polar so british. Même si l'intrigue policière disparait quelque peu derrière les personnages et leurs mésaventures domestiques, il nous en reste quand même un pastiche croustillant et savoureux.

vendredi 12 mai 2017

De l'arsenic pour le goûter (Les enquêtes trépidantes du Club Wells & Wong #2) - Robin Stevens

Arsenic for tea (Wells & Wong #2), Corgi, 2015 - Flammarion jeunesse (trad. de F.Fiore), 2017.

  «Je n’aimais pas du tout ce grossier Mr Curtis, et d’après les vibrations de colère que je percevais chez Daisy, j’ai compris qu’elle partageait mon opinion. Son rire contenu, comme s’il lançait des plaisanteries que les autres ne pouvaient pas comprendre... Les joues roses de Lady Hastings... Pas de doute, il se passait quelque chose.»

  Nouvelle affaire pour les détectives privées Daisy et Hazel !
Daisy fête son anniversaire avec la famille au grand complet dans sa maison de Fallingford. Mais l’ambiance est étrange : M. Curtis, un invité surprise que tout le monde déteste, ne semble vraiment pas digne de confiance. Le thé est servi, M. Curtis tombe gravement malade, empoisonné. Que s’est-il passé ? Difficile d’enquêter quand on imagine que tout le monde a une bonne raison d’être coupable...

*** 

  Après Un coupable presque parfait, un crime au pensionnat qui avait des airs d'hommage aux romans policiers d'Agatha Christie, quel plaisir de recevoir en partenariat le second tome des enquêtes du club de détectives amateurs Wells et Wong, mené par deux fillettes qui jouent les Holmes et Watson en herbe. Dans le premier tome, Daisy, cadette d'une vieille famille anglaise, et son amie Hazel, jeune chinoise scolarisée en Grande Bretagne, toutes deux élève à l'école de Deepdean, avaient eut à résoudre un horrible meurtre commis dans les murs de leur pensionnat. On les retrouve quelques mois plus tard, dans le manoir de famille de Daisy pour y célébrer ses quatorze ans...

 Daisy et Hazel?

  Exit, donc, l'internat de Deepdean : Hazel ainsi que deux autres camarades de classe, Kitty et Beanie, passent les vacances d'Avril au manoir de Fallingford où l'excentrique mère de Daisy a convié quelques invités pour le goûter d'anniversaire de Daisy. Outre les membres les plus extravagants de la famille ( un oncle probablement agent-secret, une tante à moitié folle et cleptomane, et un grand frère insupportable qui vient accompagné de son meilleur ami de collège), on compte parmi les autres personnes présentes les quelques gens de maison, la nouvelle et mystérieuse préceptrice des filles, et Mr Curtis, un détestable jeune homme qui ne laisse pas insensible Mrs Wells... D'où vient cet homme? Pourquoi l'avoir invité, et pourquoi tout le monde semble-t-il le détester à ce point? Et, dans cette tension générale, qui l'a... empoisonné ? Car oui, c'est bien Mr Curtis que l'on retrouve raide mort au goûter d'anniversaire, après avoir ingurgité une tasse de thé rallongé à l'arsenic! Daisy, que rien ne semble jamais perturber, déclare ouverte une nouvelle enquête du club de détectives... mais saura-t-elle garder son sang froid, alors que la liste des suspects compte en majorité des membres de sa famille?

 Un manoir familial en pleine campagne anglaise, 
et une fête d'anniversaire qui réserve bien des surprises...

  Un seul mot pour décrire ce roman : jubilatoire. Alors que je craignais voir l'intérêt du récit diminuer avec l'éloignement de la vie de pensionnat (le quotidien des internats anglais étant des cadres parfaits pour des récits à suspense), ce second opus s'est avéré autrement plus palpitant! Le manoir de Fallingford, cette splendide bâtisse d'un autre âge qui tombe en décrépitude, et la famille Wells, complètement désargentée avec pour seule gloire quelques vestiges de titres de noblesse, deviennent le théâtre d'un huit-clos meurtrier réjouissant. Alors que le meurtre est commis, la maison, isolée en pleine campagne inondée, est coupée du reste du monde avec un meurtrier en ses murs! De quoi faire flancher la stabilité d'esprit des invités...

Qui, parmi les nombreux suspects présents à la fête, est le meurtrier?
Cette nouvelle étrange préceptrice, peut-être...?

  Une tension qui se voit complètement détournée avec l'intervention du groupe de fillettes apprenties détectives : à travers le filtre de leur enthousiasme et surtout celui de Daisy, l'affaire de meurtre prend des allures de jeux grandeur nature. Daisy, d'ailleurs, que j'avais tant de mal à cerner dans le premier tome, m'est apparue cette fois plus distinctement et j'ai adhéré totalement à sa personnalité : son décalage, la hauteur avec laquelle elle persiste à intégrer les événements, et la distance qu'elle s'impose avec obstination et ironie même lorsqu'elle devrait être personnellement touchée. Le fait que le meurtre implique sa famille et que l'auteure nous la présente en train d'évoluer dans l'intimité de son univers la rendent d'autant plus intéressante.

 

 L'intrigue policière, digne d'un vrai cluedo, respecte avec une délicieuse complexité des codes du whodunit : des suspects hauts en couleurs issus de différentes classes sociales, des intrigues secondaires, des alibis trompeurs, des doubles identités, des fausses pistes... On ne peut qu'applaudir Robin Stevens pour la rigueur et l'imagination dont elle a fait preuve!

 Couverture américaine.

En bref : Un second tome encore plus passionnant! Un véritable cluedo qui fait honneur au policier à l'anglaise, des personnages encore plus approfondis et attachants et une atmosphère entre tension et humour très bien posée. Agatha Christie a trouvé son alter ego en littérature jeunesse!

 Avec un grand merci aux éditions Flammarion pour leur confiance!


Et pour aller plus loin...

mardi 2 mai 2017

Agatha Raisin and the quiche of death - Un téléfilm de G.Sax, d'après le roman de M.C.Beaton



Agatha Raisin and the quiche of death

Un film de Geoffrey Sax pour Sky 1, d'après le roman de M.C.Beaton

Avec : Ashley Jensen, Hermione Norris, Robert Bathurst, Matthew Horne, Jamie Glover...

Diffusion originale : 26 décembre 2014.


  Agatha Raisin, gérante de sa boite de RP, prend sa retraite anticipée avec l'espoir de commencer une nouvelle vie dans le paisible village de Caresly, loin de l'agitation londonienne. Mais lorsqu'elle se trouve suspectée de meurtre après que sa quiche ait empoisonné le juge du concours culinaire de la paroisse, elle décide de laver sa réputation en menant l'enquête elle-même pour résoudre le mystère de la quiche fatale. 

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  Après l'arrivée dans l'hexagone des savoureuses aventures littéraires d'Agatha Raisin, il m'était impossible de me retenir et d'attendre la diffusion française pour voir ce téléfilm, diffusé en 2014 sur la chaine Sky 1 et encore inédit en France. D'une durée approximative de deux heures, cette adaptation du génial roman de M.C.Beaton pouvait en fait être considérée comme le pilote de la série produite l'année suivante : le succès ayant été au rendez-vous, la chaine a en effet commandé dans la foulée une saison complète inspirée des autres romans. En attendant la programmation prochaine de la série sur France Télévision (qui a racheté les droits pour la diffusion en France), petit retour sur ce long-métrage de comédie policière.


  Tout d'abord, on ne peut reconnaître qu'une seule chose : l'adaptation est très fidèle, et on retrouve avec le même plaisir l'Agatha et le petit monde de Caresly du papier à l'écran. Le scénario se permet juste d'actualiser son héroïne, ce qu'on remarque à peine car on avait déjà oublié que les romans datent de 1992, et qu'il n'y avait à l'époque ni smartphone ni tablette (les premiers énormes portables évoqués dans les romans semblent être la pointe du progrès et pour le reste, c'est appareil à développement instantané et caméscope). Si le spectateur est à peine heurté par la transition c'est, d'une part, que contrairement aux personnages d'A.Christie, Agatha n'est pas associée à une époque précise, et d'autre part, que cette ère du hashtag lui va comme un gant. On la découvre donc au début du film en pleine discussion via tablette avec son psy pendant qu'elle dévore une barquette chauffée au micro-onde, tout en en râlant. On a retrouvé notre Agatha...

Agatha, endimanchée comme pour un couronnement à l'office du dimanche...

  Et ce sentiment de familiarité ne serait pas le même sans le casting détonnant de ce téléfilm, Ashley Jensen en tête. Quoi qu'un peu plus jeune peut-être que la Agatha des romans, elle endosse comme un gant le rôle de la jeune retraitée caractérielle et entêtée, aussi bien que ses côtés les plus attachants. Même le ton de voix et les jeux de regards hypocrites y sont (aahh, cette banane éclatante face aux têtes d'enterrement des femmes autochtones quand elle arrive au cercle des dames de Carsely !). Le reste du village est tout aussi crédible : les horribles Mr et Mrs Bogle, les Cummings-Brown, ou encore Matt McCooey qui endosse à merveille le timide Bill Wong. Restent le révérend et son épouse, qui m'ont un peu déstabilisé de par leur jeune âge, et l'interprétation que les scénaristes ont fait de la femme de ménage d'Agatha, qui a un rôle ici plus important mais très finalement très bien employé.


  Tout comme dans les romans, on a l'impression d'assister à un épisode d'Inspecteur Barnaby dynamité façon parodie, et les codes classiques sont également détournés à l'écran (un des meilleurs exemples est la voiture de police, qui met le gyrophare et fait des dérapages en mode film d'action même s'il n'y a que 15 mètres à parcourir, et même pas pour une urgence!). L'humour est omniprésent et j'ai gloussé à plusieurs reprises, parfois même j'ai ri aux éclats. Je pourrais d'ailleurs vous décrire en détails toutes ces petites scènes inédites ajoutées au scénario et autres moments de solitude hilarants des protagonistes, mais je vous laisse le plaisir de les découvrir par vous-même. En tout cas, on ne pouvait imaginer meilleure transposition pour le roman de M.C.Beaton : drôle, british, désinvolte, bref, notre Agatha!


En bref : Une adaptation très réussie et hilarante à souhait du roman de M.C.Beaton, portée par un casting très convaincant dont Ashley Jensen en tête. Vivement que ce téléfilm et la saison 1 tournée dans la foulée soient diffusés en France!


Et pour aller plus loin...