La Belle et la Bête
(Beauty and the Beast)
Un film de Bill Condon pour les Studios Disney,
d'après le film animé la Belle et la Bête de Walt Disney, et le conte de Mme Leprince de Beaumont.
Avec : Emma Watson, Dan Stevens, Kevin Kline, Emma Thomson, Luc Evans, Ewan McGregor, Josh Gad, Ian McKellen, Stanley Tucci...
Fin du XVIIIè siècle, dans un petit village français. Belle, jeune fille
rêveuse et passionnée de littérature, vit avec son père, un vieil
inventeur farfelu. S'étant perdu une nuit dans la fôret, ce dernier se
réfugie au château de la Bête, qui le jette au cachot. Ne pouvant
supporter de voir son père emprisonné, Belle accepte alors de prendre sa
place, ignorant que sous le masque du monstre se cache un Prince
Charmant tremblant d'amour pour elle, mais victime d'une terrible
malédiction.
***
Même en se disant que le filon du conte de fée et de la réadaptation live par Disney de ses propres classiques devient presque une rengaine commerciale, l'annonce de la transposition de La Belle et la Bête en prises de vues réelles l'an dernier a vite fait l'unanimité. En 2014, alors que sortait l'adaptation grand spectacle du français C.Gans, une version alternative de Guillermo del Toro avec Emma Watson était également en projet, avant d'être très vite tuée dans l’œuf. Mais l'éventualité d'Emma en Belle avait semble-t-il éveillé l'appétit des Studios Disney, qui s'empressèrent de lui proposer le rôle dans leur propre version.
Il y a un an, le net montrait les premières images preview, en même temps que les noms des acteurs officiels étaient annoncés au compte-goutte : de la sublime Emma Thomson (qu'on ne présente plus) à Ewan McGregor, ou encore au grand McKellen, le casting se promettait d'être des plus prestigieux. Et même si les premiers extraits laissaient deviner une copie conforme du chef-d’œuvre animé, peu importait, on voulait tous voir le résultat... et même échaudé par le Cendrillon de 2015, je trépignais d'impatience de voir ce Belle et la Bête, dont la version de 1991 est mon Disney préféré.
Aussi, lorsque j'ai eu l'occasion d'assister à l'avant-première, autant vous dire que je ne me suis pas fait prier... Bon, allez, je ne vous fais pas languir plus longtemps.
A vouloir adapter presque au plan par plan la version d'origine, Bill Condon risquait de perdre toute crédibilité et voir son film manquer cruellement d'un intérêt propre. On pourrait y voir une absence totale de prise de risque et une volonté un peu facile de jouer la facilité, mais il n'en est rien. Pourquoi? Parce qu'au-delà d'emprunter la ligne narrative racontée dans le scénario original de Linda Woolverton, cette version live remplit le pari de sublimer l'histoire et, comble de la réussite, de la rendre quasi-réaliste aux yeux du public.
Cette crédibilité est rendue possible d'une part grâce à une atmosphère visuelle qui puise son inspiration dans l'imagerie populaire du XVIIIème français : dès lors, tout respire l'authenticité. Des décors aux costumes, le conte se pose concrètement dans une charte stylistique qui lui confère la solidité dont n'avait pas bénéficié le visuel certes travaillé mais trop patchwork du Cendrillon de 2015. Du petit village de Belle qui respire bon la campagne française d'antan (intégralement reconstitué en extérieur d'après les modèles de Conques ou Noyer sur Serein) aux décors typiquement baroques du château qui nous évoquent directement la Cour d'un Louis XV ou XVI (et en prime so frenchie, une silhouette qui rappelle clairement celle du Mont Saint Michel, ornée de la même statue de l'archange terrassant le dragon!), en passant par les costumes dignes d'une reconstitution historique, toute l'esthétique du film est une vraie réussite.
Et cette réussite s'étend aussi à la transposition à l'écran des personnages ensorcelés du château. Leur ton cartoonesque cède ici la place à un réalisme qui rend presque palpable l'existence de ces objets dans le décor et l'époque donnés, de même que leur mise en mouvement. Big Ben devient une très belle horloge Louis XV, Lumière un candélabre tout ce qu'il y a de plus rococo, et Mrs Samovar un très beau service en porcelaine de Chine. Mais mention spéciale à l'animation de l'Armoire, Mme de Garderobe, dont le visage se devine dans le mouvement de ses rideaux inspirés d'une scène d'Opéra.
Avec ce film, c'est véritablement le dessin-animé qui prend vie, moyennant un petit quelque chose en plus. Il faut dire que quelques rajouts viennent combler les trous de l'histoire originale ou ajuster quelques incohérences ; ainsi, l'on sait pourquoi aucun villageois n'avait connaissance de l'existence de ce gigantesque château à deux pas de chez eux, pourquoi Belle se sent si différente des autres (un élément qui prend alors tout son sens dans le contexte XVIIIème siècle du scénario, la rapprochant ainsi de ces féministes en avance sur leur temps qui se heurtaient aux conventions typiquement masculines et au regard porté à l'époque sur le sexe dit faible) et le pourquoi de son installation à la campagne (venant apporter quelques informations intéressantes sur sa mère), etc... Le tout participe à donner une réelle épaisseur aux personnages, une dimension psychologique qui nous les rend d'autant plus vrais. C'est probablement Maurice qui gagne le plus à cette refonte des protagonistes, passant de l'inventeur étourdit au père protecteur débordant d'imagination.
Le film se permet aussi quelques clins d’œils bienvenus au conte d'origine ainsi qu'à la superbeversion de Jean Cocteau. Tout d'abord, le village est baptisé Villeneuve, en référence évidente à Madame de Villeneuve, qui fut la première femme de Lettres avant Madame Leprince de Beaumont à coucher sur papier l'histoire de la Belle et la Bête. Puis, plus qu'un clin d’œil, le scénario réintroduit la rose demandée par Belle à son père, et qui déclenche la colère de la Bête lorsqu'il la cueille dans le jardin du château. Et Cocteau, me direz-vous? Les admirateurs du cinéaste français et de sa version de la Belle et la Bête auront reconnu, dans le décor de la roseraie, les arcades ornées de statues ce chasses exactement similaires à la muraille entourant le château de Raray, lieu de tournage de l'ancienne version française, et abondamment mise en avant dans le film de 1947. La caméra de B.Condon insiste aussi fortement sur les candélabres tenus à bout de bras sculptés sortant du mur, comme ceux, iconiques, du film de Cocteau...
Côté casting, Emma Watson ne se contente pas d'être un copié-collé du personnage animé : pleine de fraicheur, elle dégage en même temps une vraie force qui en fait une très belle héroïne à l'écran. Très convaincante, elle est aussi beaucoup plus crédible que Léa Seydoux dans le même rôle (dans le film de Christopher Gans de 2014) dans les scènes d'émotion. L'excellent Dan Stevens (connu pour son rôle dans Downton Abbey), endosse quant à lui le double rôle du prince, mais aussi de la Bête, pour lequel il a joué tout le long du tournage perché sur des échasses avant que son image à l'écran soit entièrement recréée par ordinateur. La Bête, si elle reste plutôt réussie, manque ceci dit du charisme du dessin-animé ou de l'élégance de celle de Gans, et j'ai comme eu l'impression qu'un décalage persistait entre elle et le reste de l'image. Côté personnages secondaires, Luc Evans était à l'évidence l'homme de la situation pour camper Gaston et livre une prestation irrésistible dans les bottes du Narcisse qu'on adore détester. A ses côtés, l'hilarant Josh Gad parvient à rendre crédible le personnage très cartoonesque de LeFou. Si son rôle fait d'ailleurs l'objet d'une polémique autour de sous-entendus homosexuels (ce qui a valu au film une censure démesurée dans certains pays), c'est que les gens ont véritablement l'esprit mal-tourné : le clin d’œil à la sexualité du personnage n'est ni vain, ni indécent.
A noter que la distribution compte quelques comédiens français, dont deux habitués des comédies musicales : Alexis Loizon, qui avait justement joué Gaston dans la version française du Musical à Mogador, endosse le rôle de Stanley ; vous ne pourrez pas le louper puisque ce comparse de Gaston est plusieurs fois mis en avant à l'écran. Ensuite, parmi le trio de pimbêches qui pâment devant Gaston se trouve également une comédienne française : Raphaëlle Cohen, qui interprétait le rôle féminin du Bal des Vampire à... Mogador également.
Oui, des comédiens de comédies musicales, donc. Car ce Belle et la Bête est bien une comédie musicale : sans être la transposition à l'écran du Musical Disney de Broadway, on retrouve dans ce film toutes les chansons du dessin-animé de 1991, complétée de quelques autres inédites. Rien d'étonnant à cela tant la musique et les paroles originales d'Alan Menken et Howard Ashman, plusieurs fois primées, sont sublimes et mémorables. On regrettera seulement la VF, dont les textes manquent cruellement de style avec cette autre traduction (de qualité inégale) que celle bien connue des chansons du dessin-animé. Préférons la VO, qui permet en plus de découvrir les talents de chanteur du casting, Emma Watson en tête.
En bref: Une transposition magique à souhait du conte original et de la version animée de 1991, qui brille par sa fraicheur et son authenticité. Enchanteur, émouvant et visuellement réussi, ce film nous fait retomber en enfance.
Et pour aller plus loin...