Murder at Archly Manor (High Society Lady Detective #1), McGuffin Ink (autoédition Amazon), 2018 - McGuffin Ink (autoédition Amazon) (trad. d'E.Velloit et Valentin translation), 2021.
Londres, 1923. Olive Belgrave a besoin d’un travail. Malgré son
éducation aristocratique, elle est sans le sou. Déterminée à obtenir son
indépendance, elle saute sur l’occasion quand on lui propose un travail
atypique : enquêter sur le fiancé de sa cousine, Alfred. Alfred est apparu au sein de la haute société de Londres, mais il
reste très vague au sujet de son passé. Avant qu’Olive ne puisse
apprendre plus que des informations rudimentaires, un meurtre a lieu
lors d’une soirée huppée. Tous les Bright Young People invités
deviennent alors suspects. Olive doit se hâter de trouver le coupable,
car le meurtrier semble bien déterminé à ce que sa première affaire soit
la dernière
Meurtre au manoir d’Archly est le premier tome d’Une lady mène l’enquête,
une série policière historique à la lecture légère. Si vous aimez les
plaisanteries pleines d’esprit, les décors glamour et les
rebondissements délicieux, vous adorerez Sara Rosett, auteure de
best-sellers au classement du USA Today, et sa série Une lady mène l’enquête, pour les amoureux de mystères et de culture anglaise.
Voyagez dans l’Âge d’or de la fiction policière avec Meurtre au Manoir d’Archly.
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C'est tout à fait par hasard que nous sommes tombés sur ce titre au détour d'un vagabondage sur le net, découverte cependant probablement influencée par quelque malicieux algorithme : quelque part entre une couverture de Son espionne royale (première mouture) et les visuels de Sa majesté mène l'enquête, Meurtre au Manoir d'Archly mobilise ici les codes esthétiques des cosy mysteries qu'on s'arrache en librairie. Pas de doute que niveau com', l'éditeur a mis dans le mille. L'éditeur ?... En fait d'éditeur, c'est l'industrie Amazon qu'il faut féliciter, car Meurtre au Manoir d'Archly est un pur produit de l'autoédition par Kindle Direct Publishing, à ceci près qu'il s'agit ici d'autoédition traduite.
Lady à l'avant, château à l'arrière ; comme un air de déjà-vu...
En effet, si l'autoédition commence seulement à décoller dans l'hexagone (souvent au prix de visuels assez hideux et d'une communication toute relative), les États-Unis ont pris une belle longueur d'avance dans la confection et la diffusion de livres sans le passage par l'édition classique. La presse de grosse envergure (USA Today et Publishers Weekly, pour ne citer qu'eux) se fait même le relais de ce nouveau marché. Il faut admettre qu'on s'y tromperait : les visuels sont travaillés et il semblerait que les auteurs, emmanchés ou associés à de nombreux comités de lecture, se soient assurés de vérifications et corrections de qualité avant la publication. Pas de doute qu'il y là un vrai savoir-faire. On s'imagine qu'ils ont dû mettre la main au porte-monnaie, mais l'autoédition leur rend bien : on rappelle que le retour sur investissement est beaucoup plus avantageux (du moins si ça marche) que les quelques pourcentages de droits d'auteur en édition classique. Amazon a par ailleurs élargi le panel de ses services aux auteurs autoédités et propose désormais la traduction en langue étrangère de leurs ouvrages, pour une diffusion à l'international.
Le livre dans sa version originale : une autoédition qui a de l'allure !
Sara Rosett, qui se fait donc tout doucement connaître en France via ce premier livre traduit, a une carrière déjà bien remplie dans l'autoédition. En VO, elle est l'autrice de plus de trente romans ainsi que de quelques guides d'écriture. Après avoir écrit quelques essais mais aussi des nouvelles et des articles pour la presse, cette Texane a rapidement vu l'intérêt de passer par l'autoédition afin de vivre de sa passion. Bien évidemment, cela ne peut fonctionner que si le talent préexiste mais en l’occurrence, Sara Rosett avait déjà aiguisé sa plume et, élément non négligeable dans l'affaire, on peut supposer qu'elle s'était déjà fait un nom. Autre atout d'importance : elle fait subventionner ses ouvrages via la plateforme de financement participatif Patreon. Ses séries On the run et Murder on location, autoéditées sous son label McGuffin Ink via Amazon, ont rencontré un certain succès outre-Atlantique, au point de figurer parmi la sélection de best-sellers du USA Today. Passionnée de fictions policières vintage et de l'Angleterre d'antan, Sara Rosett s'est lancée en 2018 dans une nouvelle série : High Society Lady Detective, les enquêtes d'une jeune lady sans le sou dans l'Angleterre des Années 1920. Magie des thèmes et de la mouvance du cosy mystery, très en vogue, les livres rencontrent un succès immédiat. Plus encore, ils sont très favorablement critiqués par le Publishers Weekly et la Historical Novel Society, qui louent aussi bien l'écriture que la reconstitution. Le tout est servi sous une couverture furieusement Art Déco, irrésistible. Mais que dire de notre lecture en VF de ce premier opus ?
Sara Rosett
Arrachons le sparadrap au plus vite : le texte français est une catastrophe. Amazon propose certainement différents services de traduction, mais a choisi pour ce titre de passer par le site Valentin Translation (apparemment chargé de la transposition en français de titres anglo-saxons autoédités) et par une traductrice. Le résultat sent le logiciel à plein nez, tout juste relu pour corriger les plus grosses incohérences : les anglicismes sont nombreux et la tournure des phrases est toute britannique (ce qui est ici loin d'être un compliment : ceux qui lisent l'Anglais dans le texte ou le traduisent savent qu'on ne peut faire dans la transposition littérale). Certains paragraphes souffrent de multiples répétitions (j'ai compté jusqu'à trois fois le même mot en quatre lignes, à plusieurs reprises) là où l'utilisation de synonymes n'aurait pas demandé davantage d'efforts. Le carnage est d'autant plus grand que le style de l'autrice avait été applaudi en version originale : lorsqu'on transpose en langue étrangère un ouvrage d'autoédition qui mérite d'être connu, il mérite aussi qu'on fasse les choses bien. Loupé.
Récente édition allemande... On leur souhaite une traduction de meilleure facture...
C'est un véritable crève-cœur d'admettre les défauts de ce roman, car on ne peut que constater le talent de Sara Rosett : l'intrigue, en hommage aux whodunit d'antan, est plutôt bien construite et les protagonistes, bien dessinés. On pense énormément à la série Son espionne royale de R.Bowen (d'ailleurs, comme on le suggérait plus haut, le concepteur de la couverture a certainement joué là-dessus), même si le personnage d'Olive, lady sans le sou, est beaucoup moins proche du cercle de la Reine que Georgiana. Là où R.Bowen raconte le milieu de l'aristocratie, Sara Bowen s'arrête à la petite noblesse et à la haute-société britannique. On retrouve cependant une même héroïne rafraîchissante, vive et débrouillarde, qui tente de s'en sortir dans la vie sans héritage et qui se découvre un talent pour résoudre des crimes. Degré social oblige, sa situation est donc moins scandaleuse et sujette à quiproquos que celle de Lady Georgie, mais tout comme elle, Olive n'est jamais mécontente de se faire inviter par un cousin ou un ami fortuné pour se restaurer d'autre chose que de toasts et de thé tiède...
Chatsworth House.
Bien que de naissance américaine (et malgré la barrière de l'horrible texte français), on sent chez l'autrice le désir d'offrir une reconstitution soignée et l'amour sincère de ces fictions policières délicieusement surannées. Elle cite bien évidemment dans ses inspirations Agatha Christie, mais on croit aussi cerner l'influence de Downton Abbey dans son intrigue ; ainsi, la domesticité est plus présente ici que dans Son espionne royale. Le village de Nether Woodsmoor et le manoir de Parkview sont entièrement fictifs, mais ils avaient déjà fait l'objet d'un précédent roman policier de Sara Rosett : elle confie à la fin de Meurtre au manoir d'Archly avoir imaginé ces décors pour un tome de sa série contemporaine Murder on location, avant que cela ne lui donne l"idée de redonner vie à la demeure et au village dans une fiction se déroulant dans les années 20. Richement documentée et nourrie de nombreux voyages, elle s'est ainsi fortement inspirée du cadre enchanteur du Derbyshire et du manoir de Chatsworth.
Colleen Moore, première garçonne du cinéma avant Louise Brooks.
Concernant Olive, si Kerry Greenwod avait puisé dans l'allure de Louise Brooks pour imaginer le personnage de Phryne Fisher, Sara Rosett, elle, raconte avoir été fortement inspirée par une autre flapper des Année Folles pour créer son héroïne : Colleen Moore. Star du cinéma des années 1920 aujourd'hui oubliée, elle avait immortalisé à l'écran le carré à la garçonne bien avant la célèbre Loulou. La romancière explique avoir passé de longues heures devant les extraits vidéos de ses prestations pour donner progressivement corps et allure à Olive Belgrave.
Vous l'aurez compris, malgré le désastre de la traduction, on a néanmoins été convaincu par l'intrigue et l'héroïne de Sara Rosett. Meurtre au Manoir d'Archly présente en effet de nombreux atouts et un potentiel certain. La preuve en est qu'en VO, la série vient de voir paraître son septième tome en 4 ans, et son succès ne se dément pas. Il est certain qu'on va continuer de suivre les enquêtes d'Olive Belgrave, même s'il faut pour cela le faire en version anglaise...
En bref : Exemple d'une autoédition anglo-saxonne de grande qualité, digne des meilleurs cosy mysteries vintage, ce premier tome de la série Une lady mène l'enquête a presque tout pour plaire. Cette excellente alternative à la série Son espionne royale, applaudie pour la qualité de son intrigue et de son écriture en version originale, ne souffre ici "que" de sa catastrophique traduction. On espère un texte français de meilleure qualité pour les prochains opus, car Sara Rosett méritait à l'évidence infiniment mieux !
Et pour aller plus loin...
- Découvrez toute la série Une lady mène l'enquête : le tome 2, le tome 3, le tome 4, et les suivants à venir...
- Si vous avez aimé Meurtre au Manoir d'Archly, vous aimerez Son espionne royale.
- Découvrez le site officiel de Sara Rosett ICI.
En apercevant ce livre en librairie, je me suis dit que ça voulait appâter le lecteur de Son Espionne Royale, mais avec une couverture cheap dont le personnage a été dessiné par le collégien de troisième en stage découverte.Ma PAL actuelle est trop longue pour que je passe du temps sur une traduction peu aboutie, alors merci de t'être dévoué, je passe mon tour.
RépondreSupprimerOn en avait discuté, je crois que tu confonds avec "Les enquêtes de Ginger Gold" sorties chez City Éditions, avec une héroïne aussi gracieuse qu'un personnage de Tex Avery en couverture :
Supprimerhttp://www.city-editions.com/index.php?page=livre&ID_livres=1386&ID_auteurs=682
En comparaison, je trouve la couverture de "Meurtre au manoir d'Archly" plutôt réussie, quoi que beaucoup moins que sa version VO Art Déco.
Qu'on se réjouisse cependant avec cette histoire de logiciel de traduction : à l'évidence, la machine ne va pas encore remplacer les traducteurs humains !