L’histoire
poétique d’Arthur, orphelin, qui décide d’inviter des morts au
réveillon de Noël, est racontée avec tendresse et humour par Bertrand
Santini.
Allié aux illustrations graphiques et parfois sombres de
Lionel Richerand, l’ensemble forme un beau conte de Noël, plein d’amour,
d’imagination et de retrouvailles, tout en permettant d’aborder la
question de la mort et du souvenir.
Après le succès du Yark,
Bertrand Santini nous entraîne une nouvelle fois dans un univers
étrange, dans ce conte de Noël moderne et décalé qui rappelle
délicieusement les univers de Tim Burton ou Edward Gorey.
***
Repéré de (très) longue date et longtemps en bonne place dans notre wish list, L'étrange réveillon a rejoint notre bibliothèque après qu'on ait eu la chance de tomber sur l'illustrateur Lionel Richerand au détour du dernier salon du Livre sur la Place de Nancy. Motivé par la thématique burtonienne du Challenge Halloween 2024, on s'est dit que c'était l'occasion où jamais de remporter le petit Arthur et ses fantômes avec nous.
Orphelin depuis peu, Arthur, blondinet aux allures d'enfant sage, vit dans un gigantesque manoir gothique. Il y habite depuis la mort de ses parents avec une armée de majordomes, valets et autres domestiques qui se plient en quatre pour tenter de lui remonter le moral, en vain. Alors, quand vient le moment de fêter Noël et que le garçon demande à passer le réveillon en compagnie des morts du cimetière, la horde de serviteurs fait rapatrier à demeure corbillards et cercueils dans l'idée de satisfaire leur jeune maître. Les corps poussiéreux et inanimés sauront-ils combler le vide qui peine tant l'adorable mais inconsolable enfant ? Mais voilà qu'on toque à la porte et que des convives inattendus s'invitent à la fête...
Associés dans le crime depuis déjà quelques ouvrages quand est sortie cette nouvelle collaboration, Bertrand Santini et Lionel Richerand signent ici un petit trésor à mi-chemin entre macabre et émotion. L'étrange réveillon est la preuve, après Charles Dickens et Tim Burton, que Noël convient autant aux spectres qu'Halloween. Une ancienne tradition anglo-saxonne issue de l'époque victorienne voulait par ailleurs qu'on raconte au pied du sapin des histoires de fantômes comme on y échange des cadeaux, et autant dire que ce petit bijou livresque a quelque chose de furieusement anglais et de terriblement victorien.
Le texte, sous forme de vers et de rimes, a quelque chose d'une comptine ou d'une vieille nursery rhymes aux accents délicieusement funèbres, mais jamais glauque. Un véritable challenge quand on met en scène ni plus ni moins que des cadavres sortis de terre pour les rassembler autour d'une table de réveillon et que l'ouvrage s'adresse... à des enfants. Alors pourquoi et comment ça fonctionne, sans jamais tomber dans le sinistre ? La forme exprime une certaine candeur, voire même une douceur qui allège le propos, et le fond vient questionner ce que tout enfant de l'âge d'Arthur interroge à un moment donné : qu'est-ce que la mort ?
A cette question, aucune réponse oppressante ou trop sérieuse : on parlera des Grands Mystères une autre fois, la place est ici laissée à la poésie et à la fantaisie. Un mélange des genres que Lionel Richerand traduit à merveille à travers ses dessins. Ses illustrations, larges panoramiques qui se déploient sur les longues et étroites doubles pages de cet album en 16/9, évoquent tout particulièrement l'univers décalé d'Edward Gorey, célèbre artiste à qui l'on doit Les enfants fichus et idole du non moins célèbre Tim Burton. Un petit côté gravures gothiques en noir et blanc rehaussées ici et là d'une pointe de couleur, des personnages longilignes aux yeux ronds... les amoureux du bizarre y trouveront un étrange et réconfortant (si, si) sentiment de familiarité.
En bref : Délicieusement macabre et poétique dans son fond comme dans sa forme, parfois mélancolique mais jamais glauque, L'étrange réveillon est un petit bijou dans la continuité victorienne des histoires de fantômes de Noël. Textes et dessins, à la fois funèbres et fantaisistes, séduisent par leur folie douce. Jamais une farandole de spectres et de squelettes n'aura été aussi émouvante.
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