mardi 31 juillet 2018

Emily Brontë, une vie - Denise Le Dantec

Emily Brontë, le roman d'une vie, Editions l'Archipel, 1995 - Emily Brontë, une vie, Editions Ecriture, 2018.

  Un roman publié en 1847, Les Hauts de Hurlevent, fit sa renommée posthume. Emily Brontë n’avait pas trente ans. Elle ne semblait connaître du monde que les landes entourant le presbytère familial, ayant partagé sa vie entre les tâches domestiques et la rédaction de sagas juvéniles avec son frère Branwell et ses sœurs Anne et Charlotte. Ce livre unique fut longtemps le seul témoignage de son auteur, dont l’existence, croyait-on, n’avait pas connu d’événement marquant. La réussite de sa sœur Charlotte, il est vrai, l’avait maintenue dans l’ombre.
   C’était oublier qu’Emily Brontë (1818-1848), loin d’être une enfant recluse et sauvage, était éprise de liberté. Très cultivée, parlant le français, elle fut une lectrice passionnée de Walter Scott, Lord Byron et Shelley. Sa compréhension précoce de la cruauté du monde lui permit d’écrire « sans doute le plus beau roman d’amour de tous les temps », selon Georges Bataille.

   Évoquant les drames de sa vie et ses révoltes, son courage moral et intellectuel, mais aussi son exubérance et sa force de caractère, Denise Le Dantec retrace l’existence singulière d’une femme qui ne put jamais rompre avec son enfance et conduisit sa vie comme un destin : celui d’écrire, sans se soucier de devenir écrivain.

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"Si vide d'espoir est le monde du dehors, que deux fois plus précieux m'est le monde du dedans"

  Cette citation, cri déchirant mêlant mélancolie et promesse, nous la devons à Emily Brontë, dont nous fêtions hier les deux cent ans. Afin de rendre hommage à cette femme hors du commun, le groupe l'Archipel réédite cette année cette biographie déjà parue en 1995, de la plume de Denise Le Dantec, auteure riche d'une bibliographie éclectique, versée autant dans la poésie et la philosophie que dans le romanesque. 

Première édition de 1995.

  Derrière cette somptueuse couverture couverte de volutes victoriennes, l'introduction par l'auteure vient raconter les motivations d'un tel travail de recherche et de restitution historique : un lien, un sentiment d'intense familiarité qui rattacha, dès le plus jeune âge, Denise Le Dantec à l'auteure des Hauts de Hurlevent. Cette impression de proximité, voire de camaraderie, elle l'évoque avec une sensibilité palpable qui justifie à elle seule ce que la biographe a cru bon d'être une nécessité : restituer ce qu'a vraiment été le destin de la plus discrète des sœurs Brontë.

  Car c'est ainsi qu'on en parle le plus souvent : les sœurs Brontë. Trois femmes à la vocation littéraire devenue légendaire, Charlotte et son Jane Eyre en tête. Pourtant, les trois sœurs sont difficilement dissociables ou, du moins quoi que très différentes, il est difficile de raconter chacune leur vie sans les raconter toutes les trois. Sans raconter leur enfance au presbytère, le décès précoce de deux autres sœurs tombées dans l'oubli, et de leur frère Bramwell, dont le visage a même été effacé de certains portraits de famille. 
  Si Denise Le Dantec passe obligatoire par l'histoire familiale et chacun de ses membres autant qu'elle nous parle d'Emily - donnant parfois l'impression de lire davantage une biographie sur l'ensemble des Brontë - ce passage reste néanmoins obligé en ce qu'il rappelle que les bases littéraires et l'amour de l'écriture de cette jeune femme, et même de l'ensemble de la fratrie, trouvent leur source dans des passions, inspirations et des premiers jeux d'écritures et de rôles communs qui se firent décisifs de son inspiration.



  Dans L'amour caché de Charlotte Brontë de J.Janzing chroniqué il y a deux ans, le personnage d'Emily était de loin le plus fascinant. Cet ouvrage richement documenté vient prouvé que, si farouche qu'elle ait pu être, elle n'était pas que la sauvageonne de la famille : éprise de liberté, intellectuellement et émotionnellement précoce, Emily est à la fois plus simple et plus complexe que le portrait expéditif que les grandes lignes ont parfois conservé d'elle. Fragile, recluse, sombre? Peut-être, mais ce sera d'avoir percé à jour, trop tôt, la noirceur du monde qui l'entourait, ainsi qu'elle le définit si pertinemment dans la citation en début d'article. Mais D. Le Dantec vient aussi rappeler les aspects plus joyeux, voire rayonnants du personnage, une femme auteure dont on connait l'unique roman, chef-d’œuvre incontesté, mais dont on a oublié la carrière poétique peut-être deux fois plus riche.

  Il est cependant dommage que cette très belle biographie, foisonnante et passionnante par bien des points, voit sa lecture rendue quelque peu ardue par le choix de l'auteur d'alterner restitution historique très scolaire, voire universitaire, et reconstitution imaginée de dialogues, qui redonne enfin vie à Emily et à la famille Brontë. Non que l'un soit préférable à l'autre, mais les transitions sont souvent abruptes, et le tout peut manquer de subtilité...



En bref : Un très bel ouvrage qui dépoussière le portrait d'Emily Brontë, en même temps qu'il rend un hommage profondément sincère et émouvant à la plus mystérieuse sœur de la célèbre fratrie. On ne regrette que l'inégalité de l'écriture, imposée par l'académisme tout universitaire que nécessite l'estampillage "biographie" sur un ouvrage, alors que la reconstitution certes fictive mais respectueuses de scènes vécues permettait de faire revivre encore un peu plus Emily... 

 
Un grand merci à L&Pconseils pour cette lecture.

Et pour aller plus loin...

jeudi 26 juillet 2018

Mauvais genre - Chloé Cruchaudet

Delcourt, 2013 - Editions France Loisirs, 2018.

  Paul et Louise s'aiment, Paul et Louise se marient, mais la Première Guerre mondiale éclate et les sépare. Paul, qui veut à tout prix échapper à l'enfer des tranchées, devient déserteur et retrouve Louise à Paris. Il est sain et sauf, mais condamné à rester caché. Pour mettre fin à sa clandestinité, Paul imagine alors une solution : changer d'identité, se travestir. Désormais il sera... Suzanne. Entre confusion des genres et traumatisme de guerre, le couple va alors connaître un destin hors norme.

  Inspiré de faits réels, Mauvais genre est l'étonnante histoire de Louise et de son mari travesti qui se sont aimés et déchirés dans le Paris des Années Folles.

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  Il y a quelques mois de cela, nous vous parlions de l'ouvrage La garçonne et l'assassin, passionnant essai entre le roman photo et le documentaire, qui retraçait la vie romanesque de Paul Grappe, déserteur travesti dans le Paris des années 1920. Ce fait divers fascinant qui vient interroger le thème plus que jamais actuel du genre s'est vu ces derniers temps emparé par la littérature, le théâtre, puis récemment le cinéma, mais aussi par la BD. En effet, cet ouvrage paru en 2013, directement adapté du livre de F.Virgili et D.Voldman, propose une version superbement imagée de l'histoire de Paul Grappe.


  Il faut dire que Chloé Cruchaudet, récompensée par trois prestigieux prix pour Mauvais Genre, parvient à redonner tout son style à cette troublante et captivante histoire. Son scénario suit assez fidèlement ce que l'on sait des faits réels (si ce n'est la grossesse de Louise, dont elle modifie quelque peu la chronologie), racontés tels des flash-back depuis le point d'ancrage que constitue le procès de la jeune femme. Procès qui devient très vite, on le comprend, celui de feu Paul Grappe, dont on met en avant les mœurs dissolues...
   D'ailleurs, après une superbe couverture qui donne à elle toute seule le ton quant au contenu du livre, la BD s'ouvre sur le juge qui enfile... sa robe. Coïncidence? L'ouvrage est tellement fignolé qu'on peine à croire qu'il s'agit d'un simple hasard, et son s'amuse à y voir un amusant jeu de correspondance. 


  Dans un noir et blanc velouté relevé ça et là de notes de rouge ou d'ocre, le coup de crayon de Chloé Cruchaudet évoque presque certaines affiches de Toulouse Lautrec : des couleurs tranchées, les courbes des silhouettes en mouvement, et les visages entre finesse romantique et caricature légère. Les personnages sont mis en relief grâce a l'absence de cases et à des décors volontairement flous, qui rappellent d'anciens daguerréotypes.



  Ce style graphique sert merveilleusement les différents tons de l'histoire et les choix scénaristiques de l'auteure/illustratrice : on passe de l'idylle romantique initiale à la guerre des tranchées, puis au monde des nuits parisiennes avec une volupté subtile. C'est avec cette même finesse, sans s'encombrer d'une avalanche de textes mais seulement des mouvements des corps et de jeux de regards que C.Cruchaudet parvient à faire évoluer Paul Grappe, au fil des pages, de soldat à déserteur travesti, puis à reine du bois de Boulogne, tout en rendant cette évolution plausible au yeux du lecteur. Ce qui n'empêche pas l'artiste de jouer d'audace lorsqu'elle met en scène un Paul amnistié mais assailli dans ses visions traumatiques par son double féminin... une interprétation à la Jekyll & Hyde très à propos...

  Mais peut-être plus encore que l'ouvrage documentaire qui mettait en lumière des documents d'archive, cette adaptation s'attarde sur l'intimité de ce couple unique en son genre. Chloé Cruchaudet donne à voir la fidélité sans borne de Louise, prête à tout pour sauver l'amour de sa vie même de lui-même, et ce sans jamais poser aucun jugement mais en laissant les faits à notre interprétation...


En bref : Mauvais Genre est une Bande-Dessinée magnifiquement écrite et illustrée, qui donne tout son sens à l'appellation de neuvième art. L'interprétation de l'affaire Paul et Louise Grappe par Chloé Cruchaudet est un plaisir pour les yeux du lecteur, tout en donnant matière à réflexion...

Et pour aller plus loin...

mardi 24 juillet 2018

Somewhere in (spring)time...

Where is Rabbit? :-P

  Les mauvaises habitudes ont la vie dure : voilà seulement que je poste mon article récapitulatif du printemps 2018. Pour ma défense, mon été n'a vraiment commencé que depuis une petite semaine, avec le début officiel de mes congés dits "estivaux", et toute la longue période jusque là et surtout depuis Mai n'a été que travail (et quel travail , j'y reviens un peu plus bas). Cela explique cette année encore plus qu'à l'accoutumé que l'été a, chez moi, commencé très tard... 

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Quelque part dans le temps... avec Diderot :


  Voilà la raison de mon long, très long printemps, dernière ligne droite d'un projet dont j'évoquais le travail de préparation dans mon article de bilan hivernal : la création d'une énigme culturelle interactive à grande échelle dans la ville fortifiée natale du célèbre philosophe Denis Diderot. Une animation préparée depuis plus de neuf mois et prenant place dans le cadre d'olympiades associatives réunissant dans notre belle Haute-Marne 220 personnes venues d'établissements sociaux et médico-sociaux de toute la France et des Dom-Toms. L'objectif de l'axe culturel était de faire découvrir de patrimoine local de manière novatrice - oui, novatrice, car il n'y a qu'à voir le peu d'intérêt que suscite à lui seul le terme "culture", en particulier auprès du jeune public que l'on doit convaincre, pour comprendre qu'il fallait se montrer inventif. Ces neuf mois de travail ( quatre de réflexion, cinq d'écriture et de préparation très concrètes, jusqu'aux derniers jours) n'ont pas été de trop pour concevoir six parcours théâtralisés à travers la ville, réécrire sept biographies sur un mode humoristique et anachronique (parce qu'on attrape pas les mouches avec du vinaigre...), répéter deux scènes jouées en costumes, et ressusciter sept des illustres personnages qui ont vécu en Haute-Marne. 






  Notre fine équipe n'a pas lésiné et, accompagnés d'amis et de bénévoles, nous sommes allés jusqu'à incarner nous-mêmes Diderot (THE philosophe encyclopédiste), Voltaire (THE philosophe libertaire), Sabinus (notre Asterix local), Ernest Flammarion (le créateur des éditions du même nom), Jeanne Mance (première infirmière laïque et cofondatrice de Montréal, rien que ça!), Emilie du Châtelet (ici, on ne la présente plus...), et Louise Michel (Anarchiste et communarde) - Oui, oui, tout ce beau monde vient ou a vécu chez nous (le prochain qui parle de la diagonale du vide entendra parler de moi, maintenant!) ;-) .


  En bref, tout ça c'était : une chaleur suffocante, des costumes magnifiques, de l'impro saisissante, un public de participants du tonnerre, du stress, beaucoup de plaisir, et surtout, un résultat jubilatoire et des retours au-delà de nos espérances! 



  M'enfin, autant dire qu'après tout ce temps à plancher sur un tel projet, je me suis trouvé bien penaud une fois qu'il s'est trouvé achevé ("Oh, du temps libre, drôle de chose que cela, mais qu'en faire?"). Il faut réapprendre à meubler son quotidien avec spontanéité et non plus en checkant sans arrêt une liste de choses à commencer/faire/finaliser, et ce parfois jusque 2 heures du mat'...! Mais il n'empêche, ce projet, bien que chronophage, était particulièrement plaisant, et j'ai adoré voyager ces neuf derniers mois à travers les siècles grâce à l'Histoire de ces grands personnages...

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A birthday somewhere in time:

  Avec tous ces préparatifs, je n'ai pas eu le temps de vraiment fêter mon anniversaire - enfin, mon non-anniversaire -  et, même, je n'ai pas eu vraiment l'occasion d'en prendre conscience ! Il y a quand même eu un pique-nique improvisé un jour de travail/recherche, histoire de joindre l'utile à l'agréable et entrecouper la création de parcours et de tracés de jeux de piste d'un rafraichissant gâteau printanier...





   Si mes recherches historiques ont presque failli me faire oublier mon anniversaire, les présents reçus me l'on rappelé. Et comme mes proches me connaissent bien, j'ai eu de quoi garnir encore un peu plus les étagères de ma bibliothèque (bon, en vrai, il y a déjà longtemps que je ne peux plus rien y mettre et que je fais des piles à même le sol... mais nous devrions remédier à tout cela prochainement...), et mon vaisselier, avec ce supeeeerbe service d'assiettes à dessert "Alice in Wonderland", tout droit importé du Victoria & Albert Museum...

(Merci à Mya Rosa pour la sélection de lectures british! :D )

   Et parce qu'il m'arrive de me souhaiter moi-même un Joyeux Non-Anniversaire, je me suis offert des cadeaux (c'est bien pour l'ego, même si ça manque d'effet de surprise, il est vrai...) : après avoir rempli le buffet et la bibliothèque, il ne manquait plus qu'à renflouer un peu le dressing. Il se trouve justement qu'après être sorti de la projection de Spirou & Fantasio au cinéma avec mes petits monstres, j'ai réalisé que j'avais toujours rêvé d'avoir une livrée de groom rouge... Bah, qu'à cela ne tienne... (note : Alors que j'inaugurais cette veste un matin, au réveil, l'un des petits monstres, baillant et s’étirant, m'a salué de sa voix toute ensommeillée "Bonjour Napoléon!" Ahah!)


  Et comme les températures commençaient à grimper, il fallait bien aussi trouver de nouveaux tee-shirts, non? J'ai donc fait faire ces deux-là, l'un très shakespearien, l'autre très Gatsby...


 Comme ça, je suis sûr de ne les voir sur le dos de personne d'autre, na!

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Somewhere in the family tree:

  Ce printemps, j'ai malgré tout fait quelques courtes pauses pour me pencher sur mon arbre généalogique. Non pas que je ne le connaissais pas (j'ai grandi en feuilletant les vieux albums photos comme des livres d'images!) mais il se trouve que je suis actuellement une formation en psychogénéalogie et, qu'une chose en entrainant une autre, j'ai voulu creuser encore un peu plus la chose. Aussi, je suis parti à la recherche de l'une des mes plus anciennes aïeules connues, et des ruines de la toute petite maisonnette dans laquelle elle a élevé ses enfants... Amusant et émouvant à la fois.





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Cooking somewhere in time:



  Si j'ai été obligé de bouder quelque peu ma cuisine sur la fin d'année (trop de trucs, pas le temps), le début du printemps avait plutôt bien commencé... Une table de Pâques avec une Panna Cotta en dessert, des potatoes de patates douces, un clafoutis de tomates cerises, une fondue de poireaux, un pilaf d'épeautre au poulet, LE sacro-saint clafoutis à la rhubarbe et à la cannelle, et le retour du crumble biscuits roses, fraises et rhubarbes...

 Happy Easter!





 ... Et puis après, une fois entré dans la dernière ligne droite de fin d'année, c'était patates à l'eau, et encore, vite fait, hein... (Pensez-y, quand les comptes instagram de cuisine de Gwyneth Paltrow ou de Pippa Middleton vous donnent des complexes : elles ne savent pas plus que nous autres ralentir le temps, et je parie qu'elles sortent du tout-prêt du congel' quand c'est la panique à bord à la maison, peuuuuh!).

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Somewhere in the atelier printing press...

  Encore une fois, côté bricolages et DIY, peu de production (trop vite, pas le temps, etc...) mais, MAIS, un cadeau personnalisé tout de même! A une proche parente qui, sous le nom de plume de Oscar de Jargey, avait publié en ligne en Octobre dernier une fanfic potterienne (chroniquée ICI à l'occasion du Challenge Halloween 2017), j'ai mis en page et fait imprimer puis relier via une société d'auto-édition sa nouvelle, afin qu'elle puisse le ranger dans sa bibliothèque :


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  Voilà pour ce printemps quelque peu éparpillé dans le Temps, au croisement des époques. Après ces derniers mois bien chargés, mon cerveau fourmille d'idées, d'envies, et de projets qui avaient été mis en pause jusqu'ici... Les semaines qui arrivent promettent d'être utilisées à bon escient ...




... Suite au prochain numéro...
;-)