dimanche 19 mars 2023

Son espionne royale et le baron irlandais ( Son espionne royale mène l'enquête #10) - Rhys Bowen.

Crowned and dangerous (Her royal spyness #10)
, Berkley, 2016 - Éditions Robert Laffont, coll. "La Bête Noire" (trad. de B.Longre), 2022.

    Irlande, 1934.
    Lady Georgie est sur un petit nuage : le beau Darcy O’Mara l’a finalement demandée en mariage. Mais rien n’est simple pour une princesse d’Angleterre… Georgie doit obtenir une autorisation de la reine pour épouser son fiancé.
    Avant même que les tourtereaux puissent officialiser leur union, une nouvelle épreuve se dresse sur leur chemin : le père de Darcy est suspecté de meurtre. Il est impensable pour une héritière royale d’épouser le fils d’un criminel ! Prête à tout pour innocenter son beau-père, Georgie décide de rejoindre le château familial des O’Mara… au risque de déterrer des secrets de famille bien cachés
 
Une nouvelle mission pour Georgie : se marier à tout prix !
Entre
Downton Abbey et Miss Marple, une série d’enquêtes royales so British !
 
***
 
    En retard de quelques tomes dans cette série, nous avons décidé d'enchaîner les opus 9 et 10 afin d'être à jour. A la fin du titre précédent, nous quittions Georgie et Darcy s'enfuyant en douce du mariage princier pour une escapade en Ecosse, où un petit village est justement connu pour faciliter la contractualisation de mariage sans l'autorisation de tiers. Le grand jour serait-il enfin arrivé ? Rien n'est moins sûr...
 

    On retrouve ainsi nos deux personnages là où nous les avions laissés, bien décidés à s'enfuir et à convoler en justes noces avec ou sans l'aval de leurs proches. Mais voilà qu'en route, ils apprennent une terrible catastrophe : le père de Darcy, Lord Kilhenny, est accusé de meurtre ! Endetté, le baron avait depuis longtemps cédé son château à un riche américain pour se réfugier dans une maisonnette du domaine. Il avait continué de gérer les écuries du château, dont les chevaux participaient à de nombreuses courses hippiques, jusqu'à ce qu'une sombre histoire de dopage ne jette encore un peu plus le déshonneur sur son nom. Quant à la victime, elle n'est autre que l'Américain qui avait racheté la demeure familiale de Darcy ! Tout incrimine donc le baron, ce que même Darcy pense possible. Refusant de jeter la honte sur Georgiana si la culpabilité venait à être prouvée, le jeune homme rompt les fiançailles et part rejoindre son père en attendant le procès. La mort dans l'âme, Georgie rentre à Londres mais, après avoir pesé le pour et le contre, décide de rejoindre son compagnon en Irlande et de faire la lumière sur toute cette affaire. Aidée dans son entreprise par Alexandra, une extravagante princesse russe réfugiée en Angleterre et amie de longue date de Darcy, la jeune espionne royale brave la mer et la météo irlandaise pour faire éclater la vérité.


    Ce tome semble faire office de parenthèse dans la série. Non que Georgie ne quitte jamais Londres – cela est arrivé à plusieurs reprises – mais pour la première fois, elle le fait pour résoudre un mystère auquel elle est intimement liée, et dont la conclusion aura sur sa vie des conséquences non négligeables. Contrairement à la majorité des opus de Son Espionne royale, l'héroïne est donc personnellement concernée par l'affaire en cours et l'autrice s'amuse à jouer avec les nerfs du lecteur. De la résolution du crime dépendra en effet le mariage de Lady Georgiana et Darcy !
 

    Mais au-delà de cet élément, l'effet "parenthèse" tient surtout au rythme de l'intrigue, considérablement différent des autres tomes. Si le crime survient cette fois très tôt au début du livre, il faut le temps à l'héroïne de gagner les côtes irlandaises – temps pendant lequel elle partage toutes ses inquiétudes et le désarroi évoqué ci-dessus avec le lecteur. Une fois sur place, il lui faut encore le temps de s'immiscer dans l'enquête : n'étant pas directement sollicitée pour y participer, comme dans les précédents titres, Georgie doit investiguer de loin, notamment sans avoir accès à la scène de crime, et en tentant de reconstituer des événements datant de plusieurs semaines. La recherche peut donc parfois être laborieuse, avec beaucoup de répétitions dans les dialogues pour tenter de remonter le fil des événements au-delà des apparences.
 

    Si cela n'entache pas le plaisir de la lecture, reconnaissons que ce dernier tient davantage à ce qu'on découvre de la vie familiale et personnelle de Darcy plutôt qu'à la dimension polar de l'intrigue. Sans aller jusqu'à dire qu'on devine rapidement et facilement le pot aux roses, le petit nombre de suspects et les indices laissés par l'autrice aiguillent progressivement le lecteur féru d'énigmes pour confirmer ses premiers soupçons.
 

    On apprécie cependant de découvrir un nouveau décor (qui pourrait devenir plus ou moins permanent, ou du moins récurent, si nos tourtereaux venaient à se marier) et de faire connaissance avec de nouveaux personnages. Le grand-oncle et la grand-tante de Darcy, aristocrates désargentés et complètement toqués qui vivent presque avec des poules dans le désordre de leur manoir, semblent échappés d'un épisode de Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Zou-Zou, soit l'extravagante et aventurière princesse Alexandra (qui n'a pas peur de voler où bon lui semble à bord de son petit avion), apporte également son lot de fantaisie à ce titre qui se lit sans déplaisir.
 

En bref : Pas le meilleur titre de la série, Son espionne royale et le baron irlandais reste cependant plaisant pour ce qu'il nous offre de dépaysement et de découverte de l'univers de Darcy. On s'amuse plus des nouveaux personnages qu'on ne se casse la tête sur l'énigme à résoudre, mais ce 10ème tome remplit comme tous les autres son office en permettant un bon moment de cosy mystery.
 
 
 
 

mardi 7 mars 2023

Femmes : 40 combattantes pour l'égalité - Isabelle Motrot (texte) & Véronique Joffre (illustrations).

Gallimard Jeunesse, coll. "Bam!", 2018.
 
    Découvrez le portrait de 40 femmes qui ont combattu pour se faire entendre, défendre leurs droits et obtenir l'égalité.
 
    Droit à l'expression, accès à l'éducation, droit de vote, droit à la contraception et à l'avortement, droits des femmes noires, lutte contre les violences et le viol, lutte pour la dignité des femmes homosexuelles... À travers 40 figures féminines (Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, Pina Bausch, Angela Davis, Oprah Winfrey...) qui se sont exprimées dans le domaine des arts, de la politique, des sciences et des médias, découvrez le combat des femmes pour se faire entendre, défendre leurs droits et obtenir l'égalité. 
 
    Au programme pour chaque personnalité : ses combats, ses moyens d'expression, ses réalisations, une citation et les faits marquants de sa biographie. Pour comprendre le monde d'hier et d'aujourd'hui.

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    A l'occasion de chaque 8 mars, nous aimons rendre hommage à la Journée internationale des droits des femmes à notre façon. Si nous avons manqué le coche l'an dernier, nous l'avions en revanche célébrée les deux années précédentes en vous parlant successivement de deux excellents albums jouant la carte de l'encyclopédie ludique et féministe : J'aimerais te parler d'elles puis 100 grandes femmes de l'histoire. Car fêter un événement "à notre façon", cela sous-entend bien évidemment le faire avec des livres : en la matière, les guides façon dictionnaires ou glossaires de figures féminines historiques se multiplient depuis quelques années, et c'est heureux. Nous raffolons totalement de ces ouvrages souvent abondamment illustrés et extrêmement enrichissants, dont la popularité est allée croissante depuis le succès du Culottées de Pénélope Bagieu.


    Cette année, nous aimerions mettre à l'honneur un livre de la collection "Bam!" de Gallimard jeunesse. "Bam!", ce sont des petits guides reliés, format semi-poche avec une couverture cartonnée reconnaissable à ses couleurs vives. Cette collection documentaire propose de faire découvrir de grandes thématiques via des galeries de portraits renseignées d'informations historiques et biographiques. Pétillantes, ludiques et graphiques, ces publications qui font la part belle à la culture sont actuellement au nombre de 18, chacune mettant en lumière un sujet on ne peut plus passionnant : Paris (à travers 40 personnalités parisiennes), Héros (à travers 40 personnages de roman), l'Art (à travers 40 grands peintres), ou encore les sciences (à travers 40 savants)...
 

    Femmes : 40 combattantes pour l'égalité propose de nous présenter les vies de plusieurs personnalités féminines (et bien souvent féministes) de la Renaissance à nos jours. Le fil rouge s'articule autour de la question suivante : quand les femmes ont-elles commencé à lutter pour leurs droits ? Un sujet que connait certainement bien l'autrice, Isabelle Motrot : également journaliste et chroniqueuse radio, elle est depuis 2017 la rédactrice en chef de l'iconique et irrévérencieux magazine Causette. Elle annonce dès son introduction que l'ouvrage ne présente qu'une sélection de portraits parmi la longue liste des combattantes du patrimoine matrimoine historique. Elle précise ainsi à juste titre que certaines, oubliées, ne seront peut-être jamais identifiées...
 

    Et pourtant, si le format imposé par la collection oblige à faire des choix (on regrette – mais c'est tout à fait personnel – l'absence de notre divine Émilie du Châtelet ou des géniales sœurs Brontë), l'autrice met en lumière certaines personnalités souvent oubliées de ce type d'ouvrage. Elle pense en effet à honorer la mémoire de Artemisia Gentileschi (artiste peintre au courage incroyable), à rappeler le poids considérable de Mary Wollstonecraft (grande philosophe des Lumières anglaise, mère de la future Mary Shelley) dans l'évolution des droits de la femme, ou à sortir de l'ombre la méconnue Flora Tristan (militante politique pour les droits des femmes étrangères, en plein XIXème siècle). Les suffragettes Hubertine Auclert (côté France) et Emmeline Pankhurst (côté Angleterre), l'aventurière Alexandra David-Néel, la cinéaste Alice Guy, mais aussi les autrices Virgina Woolf et Astrid Lidgren, ou encore la chanteuse Beth Ditto complètent le tableau.
 

    Car si plusieurs de ces femmes n'ont pas forcément revendiqué officiellement ou consciemment leurs droits et libertés à travers leurs actions, on (re)découvre à quel point naître femme à telle ou telle époque relevait déjà d'un combat de tous les jours. En cela, toutes ces femmes sont des combattantes et ce petit livre remplit fort bien son travail de devoir de mémoire, sans jamais être assommant. Les codes propres à la collection y sont pour beaucoup : une double-page par personnalité, avec des espaces segmentés et colorés pour renseigner, en quelques coups d’œil, les éléments biographiques importants, la "carte d'identité" de l'héroïne, ses créations ou publications, ainsi qu'une citation célèbre et/ou qui la caractérise. Chaque portrait est ainsi une invitation à approfondir en donnant juste les éléments nécessaires pour retenir l'intérêt du jeune lecteur.


    Enfin, la dimension visuelle est un régal pour les yeux ; la ligne graphique de la collection se réclame du flat design, à l'esthétique particulièrement attrayante par sa simplicité. Véronique Joffre, diplômée des Arts décoratifs de Strasbourg, est reconnaissable à son coup de crayon minimaliste et ses personnages colorés. Son style aux lignes rétrofuturistes s'est illustré dans de nombreux imagiers pour la jeunesse et s'identifie d'un seul coup d’œil. Ici, il se prête à merveille à cette farandole de femmes aussi merveilleuses qu'inoubliables grâce aux images épurées qui marquent la rétine.


En bref : Grâce à une mise en image aussi simple que design et à des portraits captivants, Femmes : 40 combattantes pour l'égalité mérite sa place à côté de Culottées dans votre bibliothèque. Isabelle Motrot et Véronique Joffre nous y offrent un florilège d’héroïnes historiques à redécouvrir, dont quelques illustres inconnues qu'on gagne à rencontrer au travers de ces pages.