mercredi 30 mai 2012

Fairest of All - Serena Valentino

Fairest of all ; A tale of the Wicked Queen, Disney Press, 2009.

  L'histoire de la princesse Blanche-Neige et de sa cruelle belle-mère est connue de tous. En dépit de toutes les variations et évolutions qu'elle a subies au cours du temps, elle est restée la même : l'histoire d'une reine tellement jalouse de la beauté de sa belle-fille qu'elle cherche à la faire assassiner. Mais un autre conte, moins connu celui-là, explique pourquoi la Reine en est arrivée à pareille cruauté. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui en ont cherché les raisons et ont proposé leurs théories. Pour certains, la Reine a toujours été une femme diabolique et aurait dissimulé sa vraie nature derrière le masque de la beauté, afin de séduire le Roi et accéder au trône ; Pour d'autre, sa jalousie serait née de la ressemblance grandissante de la jeune princesse avec sa mère, la défunte épouse du Roi. Mais de façon générale, tous s'accordent à dire que la Reine était une femme vaine et cruelle, incapable d'aimer qui que ce soit.
  Les spéculations sur le pourquoi de sa vanité et de sa jalousie sont trop nombreuses pour être toutes énumérées. Ce livre en propose une version : un conte tragique d'amour et de mort, un conte de souffrance, de magie et de sorcellerie. Le conte de la Méchante Reine.

***

  Après Mirror, Mirror de Gregory Maguire et Snow de Tracy Lynn, je poursuis ma sélection de lecture sur le thème de Blanche-Neige avec Fairest of All ; A tale of the Wicked Queen, qui raconte l'histoire du point de vue de la Méchante Reine. Scénariste de bande-dessinées dont la majorité est axée sur des univers inspirés des contes de fées, Serena Valentino signe ici son premier roman en se basant sur l'histoire de Blanche-Neige telle que racontée dans la version réalisée par Walt Disney en 1937. A l'origine, ce sont les représentants actuels de la firme Disney qui ont contacté S. Valentino en 2009 : séduits par ses bande-dessinées, ils lui ont proposé d'écrire pour le compte de leur société un livre axé sur un "méchant" emblématique de Disney. S.Valentino avait à l'époque une préférence pour deux personnages : Maléfique (La Belle au Bois Dormant) et la Méchante Reine, également connue sous le nom de "Queen Grimhilde" (Blanche-Neige). Les éditeurs de chez Disney commandèrent alors à l'auteure un roman axé sur cette dernière, en vue de le publier à l'occasion de la réédition en dvd du Blanche-Neige de 1937. Ainsi naquit Fairest of All.

 Queen Grimhilde (source: flickr.com).

  Lorsque j'ai entendu parler de ce roman pour la première fois, j'ai eu peur que l'histoire manque d'épaisseur (du fait qu'elle se base sur la version dessin-animé mais aussi que les éditions Disney ont énormément encadré l'écriture de S.Valentino, qui n'était donc pas totalement libre de ses choix scénaristiques) et ne propose une intrigue trop "grand public", trop "jeunesse". Mais étant un grand fan du long-métrage de 1937, je n'ai pas pu résister à la curiosité de le commander pour voir de quoi il retournait! Tout d'abord, le livre en lui-même est une très bel objet : d'environ 250 pages, il présente un format peu courant pour un roman (forme carrée dont les dimensions sont entre le poche et le grand format) et son épaisse couverture cartonnée est revêtue d'une très élégante jaquette représentant le portrait de Sa Diabolique Majesté. Détail des plus alléchants : soulevez la jaquette et vous découvrirez une toute autre couverture... à l'effigie de la sorcière!

Bouh!

  C'est donc tout enthousiasmé par l'apparence de cet ouvrage que je me suis plongé dans sa lecture ; J'imaginais que l'histoire allait démarrer au même point de départ que le dessin-animé, mais il n'en est rien : Fairest of All commence bien des années plus tôt, à savoir le jour-même du mariage de la Reine avec le Roi, veuf depuis la naissance de sa fille Blanche-Neige. C'est non sans surprise que j'ai découvert une femme loin du personnage cruel du dessin-animé mais, au contraire, d'une gentillesse et d'une douceur presque naïves. Fille du défunt fabricant de miroirs le plus renommé de la région, la Reine avait rencontré le Roi alors qu'il s'était par hasard arrêté à l'atelier de l’artisan au cours d'une promenade. Envouté par la beauté de la douce et timide jeune femme, il en était tombé éperdument amoureux. C'est pourquoi, lorsque le fabricant de miroirs était décédé, le Roi avait invité sa fille -bien que simple roturière- à rejoindre la cour où il la demanda plus tard en mariage.

  L'incipit du roman a donc tout du conte de fées classique, et la souveraine est alors à mille lieues de la reine diabolique que l'on connait, témoignant même à la petite Blanche-Neige un amour sans borne. Mais le vent ne tarde pas à tourner et l'auteure introduit peu à peu des éléments et personnages qui annoncent un destin plus sombre. L'histoire prend son premier tournant lorsque la Reine reçoit, en cadeau de mariage de la part de son époux, le dernier miroir fabriqué par son père avant son décès : LE miroir. En effet, le superbe objet d'art, orné de pierreries et de serpents sculptés, manifeste bientôt d'étranges propriétés surnaturelles.
 Parallèlement arrivent à la cour de lointaines cousines du Roi : trois vieilles Sœurs étranges et malveillantes qui ne tardent pas à empoisonner l'atmosphère du château d'histoires de sorcellerie et de contes macabres qui effraient la jeune Blanche-Neige. Au centre de toutes ces tentions, la personnalité de la Reine ne tarde pas à se fissurer et le vernis à craquer, laissant entrevoir une femme instable et fragile : derrière la douce et magnifique fille du plus renommé des artisans du royaume se cache en fait une enfant meurtrie, à jamais brisée par un père en réalité violent et humiliant. Peu à peu, soumise à l'influence néfaste des trois vieilles sœurs et de la figure à la fois effrayante et fascinante qui apparait dans le miroir, la Reine sombre dans une folie où la magie noire et la destruction lui semblent être les déchirantes mais uniques solutions au malêtre qui la ronge...

  La Méchante Reine (Olivia Wilde) et son miroir magique (Alec Baldwin), vus par Annie Leibovitz pour Disney.

  Bien que l'évolution du personnage manque parfois de subtilité, le récit s'est avéré plus profond que je l'imaginais avant la lecture : l'intrigue imaginée par Serena Valentino propose une explication logique et intéressante à la folie meurtrière de la reine et nous révèle une femme plus fragile que cruelle, avant tout victime d'un père destructeur et d'un manque de confiance en elle. Cette version de l'histoire est captivante à lire car elle donne à voir l'envers du décor des faits relatés dans le dessin-animé, et suppose que ce dernier ne nous donne pas toutes les informations. Ainsi, lorsque l'intrigue de Fairest of All rejoint l'histoire de Blanche-Neige, on retrouve avec plaisir certains moments clef du long-métrage, mais auxquels viennent s'ajouter des scènes inédites montrant le vraie visag de la Reine, marionnette entre les mains des trois vieilles Sœurs.
  Ah, les vieilles Sœurs : une trouvaille originale que ces trois là, que l'on croirait sorties d'un film de Tim Burton (Comparées à des poupées de porcelaine cassées et désarticulées, elles sont décrites grandes et maigres, le visage poudré à l'extrême et le centre les lèvres coloré d'un rouge écarlate. Autre particularité : elles complètent chacune les phrases les unes des autres, comme une seule et même entité parlant alternativement avec trois bouches!). Ces trois vieilles démentes qui ne sont pas sans évoquer les sorcières de McBeth ajoutent une touche horrifique bien trouvée au livre et à l'univers du conte. Manipulée du début à la fin, la Reine semble également soumise au jugement porté par le miroir sur ses faits et gestes, mais aussi sur sa beauté ; on apprend d'ailleurs l'origine de sa magie ainsi que la véritable identité du visage qui s'y reflète, une très bonne trouvaille de l'auteure (mais que je me garderai bien de révéler ici pour ne pas gâcher la surprise!).

 Le château de Neuschwanstein, en Bavière, qui a inspiré les designers de Disney pour le château du dessin-animé Blanche-Neige.

  L'écriture est fluide et très accessible même pour un lecteur français qui est peu habitué à lire en VO: le vocabulaire utilisé reste en effet simple et plutôt transparent (N'hésitez pas ;) !). Cette simplicité n'empêchera pas aux plus littéraires d'apprécier le style de l'auteure, dont la plume est très agréable en plus de savoir manier les ficelles du suspens et retranscrire avec brio l'intensité dramatique. Petit plus: mon côté visuel a été entièrement satisfait par le soin tout particulier que Serena Valentino accordait aux descriptions, riches de détails. Cela m'a permis de me plonger entièrement dans l'histoire et de visualiser les nombreux décors, de me "faire mon film" en imaginant tantôt les photos d'Annie Leibovitz faîtes pour Disney, les tours du château de Neuschwanstein en Bavière (qui a inspirés les illustrateurs du dessin-animé de 1937 pour le palais de la Reine), mais aussi certains lieux des parcs Disneyland, comme le puits aux souhaits ou le cabinet des poisons de la sorcière de l'attraction Snow White scary adventure.

 Le wishing well de Blanche-Neige, à Disneyworld, et le repère de la sorcière de l'attraction Snow White Scary Adventure, à Disneyland Paris.

  En Bref: Ce roman s'est avéré être une excellente surprise: bien que prenant pour base le dessin-animé Blanche-Neige de Disney, il dépeint la personnalité de la Reine de façon plus profonde et complexe que je m'y attendais, la présentant sous un jour inattendu mais des plus intéressant. A découvrir d'urgence pour les fans du conte original ou du dessin-animé!


Et pour aller plus loin...

dimanche 27 mai 2012

Albert Nobbs - George Moore

The singular life of Albert Nobbs, 1917 - Editions Mercure de France, 1971 - Editions Pocket, 2012.                        


                           Quel singulier destin que celui d'Albert Nobbs! Majordome à l'hôtel Morrison, il y est apprécié pour sa discrétion et son efficacité. Mais, pour pouvoir travailler, Albert doit dissimuler un singulier secret. Sous ses vêtements masculins se cache depuis trente ans une femme travestie en homme. Alors qu'un ouvrier découvre l'imposture, Albert choisit pour la première fois de sa vie de réaliser un de ses rêves...
Confusion des sentiments et questionnement sur l'identité, l'histoire d'Albert Nobbs dans le Dublin de la fin du XIXe siècle se révèle d'une étonnante modernité.


***
 

  Il y a un moment déjà que j'ai lu cette courte nouvelle mais je n'avais encore pas pris le temps de lui consacrer un billet. Je n'avais jamais entendu parler de cette histoire avant la sortie au cinéma du film qui en est tiré, avec Glenn Close dans le rôle titre. Les premières images et la bande-annonce du film ont fortement attiré mon attention: l'actrice principale semblait livrer une composition extraordinaire dans le rôle de cette femme qui, en pleine ère victorienne, passe aux yeux de tous pour un homme! J'ai donc voulu découvrir le récit original avant de voir l'adaptation et c'est pourquoi j'ai sauté sur l'occasion lorsque la nouvelle de George Moore a été rééditée chez Pocket en Février dernier.

 Bande-annonce du film Albert Nobbs (2012).

  Il est surprenant de savoir que cette histoire a été écrite au début du XXème siècle, tant son sujet est avant-gardiste: le simple fait qu'une femme de l'époque puisse porter un pantalon faisait scandale (il n'y a qu'à voir la façon dont furent accueillies les première créations de Chanel), alors se travestir! Il est évident que l'Histoire a connu en réalité un bon nombre d'Albert Nobbs et, le recul aidant, on sait aujourd'hui que de nombreuses femmes eurent probablement à se travestir pour accéder aux études ou bénéficier d'un statut social convenable : même les sociétés les plus civilisées ont persisté et persistent encore dans des codes très "genrés" qui ne bénéficient pas à la gente féminine, aussi cette dernière a-t-elle eu à innover de tout temps pour s'en sortir. Mais quel était le regard d'un contemporain à cette époque, qui plus est un littéraire : dénoncer une anomalie de la nature, une perversion des genres, ou défendre la précarité du statut de la femme?

  Le texte relate l'histoire d'Albert avec une grande simplicité et une grande fluidité : aucun engagement ne transparait réellement de l'écriture de Moore, ce qui, au final, a peut-être rendu ce récit plus accessible à l'époque et moins sujet à faire polémique. L'auteur se contente de raconter un parcours : celui d'une jeune fille née hors mariage qui comprend rapidement que, livrée à elle-même en plein XIXème siècle, elle n'a aucune chance de s'en sortir. A cette époque où le sexe faible est soumis à la gente masculine, les femmes n'ont d'avenir ou de vraie situation que si elles ont une famille ou un mari aisé pour leur assurer. Issue de la classe sociale la plus pauvre et définitivement solitaire, l'héroïne de l'histoire décide de se travestir pour être reconnue au sein d'une société qui l'ignore et la mènerait à sa perte. Malgré le peu de recul qu'avait George Moore sur le XIXème siècle au moment où il rédigea cette nouvelle, il dresse un tableau sociologiquement très pertinent de la société victorienne et de ses travers, même si cela n'est parfois que suggéré.

  Dès lors, on devine le parti pris de l'auteur mais le besoin, pour échapper à la censure et à ces gens trop bien pensants qui l'utilisent, de nuancer son propos pour laisser deviner au lecteur le fond de sa pensée et le regard en réalité incisif qu'il pose sur la société.

Dublin au XIXème siècle.

En bref : Un récit très pertinent de par son regard avant-gardiste et quasi-sociologique sur la condition féminine sous l'ère victorienne, au style d'une très belle sobriété. Une lecture à compléter du superbe film avec l'époustouflante Glenn Close.

samedi 26 mai 2012

L'incroyable histoire d'Halcyon Crane - Wendy Webb

The tale of Halcyon Crane, St Martin's Press, 2010 - Éditions Balland, 2011 - Éditions Le livre de poche, 2012.

Halcyon "Hallie" Crane reçoit un matin une missive de notaire lui annonçant le décès de sa mère, alors qu'elle croyait cette dernière décédée depuis déjà plusieurs années. Élevée par un père qu'elle adore mais qui, très malade, ne peut répondre à ses questions pour éclaircir ce mystère, Hallie décide de partir elle-même à la recherche de la vérité. Elle se rend donc sur l'Île du Grand Manitou, dans la région des Grands Lacs, où elle vient d'hériter de sa mère un splendide manoir familial. 
Là, elle doit faire face à l'accueil froid des autochtones, en même temps  qu'elle découvre l'histoire de ses aïeuls et les légendes qui entourent sa famille depuis plusieurs siècles ; En effet, les Crane seraient maudits depuis des décennies et pas une seule génération n'aurait échappé au funeste destin qui s’abat sur eux.
Effrayée par une présence qui hante sa nouvelle demeure, Hallie est bien décidée à tout affronter pour faire la lumière sur son passé et les secrets de famille trop longtemps gardés sous silence...
 "L'histoire de cette famille ne se limite pas à la chronique banale des naissances et des décès, des noces et des succès, même si elle en compte également. Non, les destinées de mes aïeuls rappellent plutôt les contes de fées, ceux de Grimm, malheureusement, avec leur cortèges de sorcières, de spectres et de malédictions, toujours accompagné d'avanies douloureuses, parfois sanglantes. Récemment encore, j'en ignorais tout. En grandissant, j'avais conçu de moi-même et de mes origines une idée très différente. Et puis, la vérité a commencé à poindre, comme cela arrive tôt ou tard."



La sortie de ce livre en poche étant prévue pour les semaines à venir, je profite de cette occasion pour publier mon avis sur ce roman, lu l'an dernier lors de sa parution en grand format. Trouverez vous cela étrange si je vous dit l'avoir à l'époque choisi pour sa très jolie couverture? ^^' Sur le coup, c'est surtout parce que je lui ai trouvé une TRES FORTE ressemblance avec celle d'un roman d'Alice Hoffman (une de mes auteures favorites, qui a entre autre écrit Les ensorceleuses ou encore Prémonitions) intitulé le Troisième Ange. Constatez par vous même:

Il y un sofa très à la mode, en ce moment, chez les éditeurs...^^

On est d'accord que c'est tout de même frappant, non? Je suis persuadé que cela n'est pas innocent et que les éditeurs ont volontairement joué sur la ressemblance pour probablement attiré le lectorat habituel d'Alice Hoffman. Après tout, les couvertures et leur design sont devenues une vraie publicité dans le monde de l'édition et il n'y a qu'à regarder du côté de la bit-lit pour voir des pratiques similaires: combien de romans sur les vampires n'ont pas affiché des couvertures rappelant fortement celles de la saga Fascination? Il n'y a pas de raison pour que les autres genres littéraires échappe à la règle! D'ailleurs, l'idée n'est pas mauvaise dans le cas présent, car le style de Wendy Webb s'inscrit tout à fait dans la lignée d'Alice Hoffman, sans pour autant en atteindre la qualité...

J'ai en effet trouvé que l'écriture de Wendy Webb manquait quelque peu de subtilité, notamment dans sa façon trop "brutale" de faire intervenir des éléments surnaturels dans son intrigue: elle ne laisse pas planer le mystère et impose d'emblée la présence de fantômes comme une réalité certaine. Ce manque de finesse m'a légèrement déçu car j'aime quand le fantastique ne s'invite pas si directement dans l'histoire, mais par petites touches, laissant planer le doute dans l'esprit du lecteur: "magie" ou fabulations? Nul, alors, ce roman, me direz-vous. Pas du tout! Car passé ce petit bémol et en dépit du fait que ce roman est loin d'être un chef-d’œuvre de suspens, je me suis surpris à me laisser emporter par l'histoire et à vivre au rythme des personnages et de l'atmosphère étrange de l'île du Grand Manitou (qui existe d'ailleurs réellement dans la région des Grands Lacs, où elle est néanmoins plus connue sous le nom de Mackinac Island).

Le cadre de cette île est réellement propice à l'histoire imaginée par Wendy Webb: cette localité coupée du reste du monde est célèbre pour ses paysages sauvages, sa superbe architecture victorienne, mais aussi ses nombreuses histoires de fantômes et légendes locales effrayantes. Dotée d'un patrimoine et d'une culture riches, Mackinac Island est connue pour avoir été le lieu de résidence de personnages historiques ainsi que de nombreux auteurs. Wendy Webb s'amuse de cette atmosphère "littéralisante" en glissant au détour de son roman une "légende" selon laquelle les Crane de l’île seraient les descendants d'Ichabod Crane, le personnage principal de la nouvelle La légende de Sleepy Hollow écrite par W. Irving! Soumise aux intempéries et aux tempêtes propices à une ambiance de fantôme, l'île du Grand Manitou est également interdite aux véhicules à moteur depuis 1898, amenant ses habitants à se déplacer principalement à cheval et calèche comme en plein XIXème siècle! Le tout nous plonge donc dans une atmosphère gothique et lugubre délicieusement victorienne...

 Quelques images de Mackilac Island et de son atmosphère si particulière...

Il faudra que je le lise en VO un de ces jours car je trouve que la traduction française n'est vraiment pas folichonne (nous offrant quelques monstruosités comme le verbe "redormir" O_o) et il est certain que cela pourrait desservir le roman. De plus, les notes de bas de page du traducteur témoignent d'une connaissance de la littérature anglo-saxonne très limitée et il fait à un moment donné une bourde à mes yeux impardonnable: Lorsque le lien de famille entre les Crane et le personnage de la légende de Sleepy Hollow est évoqué, une note de bas de page indique qu'Ichabod Crane est un "policier chargé d'enquêter sur des meurtres surnaturels commis par un cavalier sans tête". Gné? Qu'ouïs-je? Qu'entends-je? O_o Si le traducteur a bien vu la très libre adaptation de Tim Burton de la légende de Sleepy Hollow, il n'a à l'évidence pas lu la nouvelle originale de W. Irving, texte très court dans lequel Ichabod Crane n'est qu'un modeste instituteur effrayé par une (fausse? tout le mystère est là...) apparition du cavalier... Bien que cela relève du détail, je peux vous dire avoir mis un moment à le digérer, non mais! ^^

Les rues de Mackilac Island...

En définitif (et malgré le petit bémol évoqué à l'instant), L'incroyable histoire de Halcyon Crane est un roman qui, loin d'être une chef-d’œuvre, se laisse lire avec plaisir, un peu à la façon d'un plaisir coupable (à titre de comparaison: un peu comme on peut, parfois, se laisser tomber sur le canapé devant un téléfilm d'M6 et y prendre vraiment goût, parce qu'il pleut dehors, parce qu'on a un coup de blues, parce que ça vide la tête, en bref, parce que ça fait du bien!). Je ne l'aurais pas classé dans la catégorie "thriller/policier" comme l'a fait le livre de poche, mais il en reste une histoire palpitante et entrainante, parfaite si l'on veut se détendre avec un bouquin! =D



vendredi 25 mai 2012

Le journal de Peter - Sébastien Perez & Martin Maniez

Éditions Milan Jeunesse, 2009.

Londres, fin du XIXème siècle. "Maman, je ne sais pas pourquoi je suis ici. Ça ressemble à une de ces maisons où les enfants attendent leurs parents. La surveillante m'a simplement amené dans cette grande chambre. Elle m'a laissé une couverture, un oreiller et un cahier. Elle m'a conseillé d'y écrire toutes mes pensées, pour aider ma mémoire à revenir. Elle m'a appelé Peter...mais je pense que ce prénom, elle l'a inventé."
Peter, un jeune orphelin, raconte sa vie dans son journal intime. Dans un monde trop triste et trop gris, il s'invente bientôt un univers peuplé de fées, de pirates et d'Indiens... et devient le célèbre Peter Pan !





Il y a quelques temps, j'avais raconté dans un article qu'au mois de Mai de chaque année, je m'offrais une lecture sur Peter Pan ou l'univers de James Barrie pour célébrer mon anniversaire. 2012 n'a pas fait exception à cette coutume et j'ai cette année découvert ce très bel album pour mes 21 ans. Il me faisait de l'oeil depuis sa sortie, pour tout vous dire, car l'apparence du livre justifie à elle seule l'achat de l'ouvrage: D'un format plutôt moyen et peu courant pour un album, sa reliure est couverte de toile à la façon d'un ouvrage ancien et l'illustration est imprimée sur un papier glacé épais du type photo, collé sur la couverture. Le tout est très agréable à l'oeil mais aussi au touché et donne vraiment l'impression d'un vieux journal (impression renforcée par quelques fausses taches d'encre et autres salissures factices). L'intérieur a ce même aspect authentique et se présente comme un très ancien album dont le rédacteur aurait couvert les pages de dessins, d'esquisses, d'écrits, mais aussi de photographies (directement collées sur le papier ou rangées dans des enveloppes que l'on peut ouvrir à sa guise) et de coupures de journaux. Sans être un livre "pop-up", ce superbe ouvrage est donc à mi-chemin entre l'album et le livre-objet, un petit bijoux délicat et franchement bien fait!


L'histoire n'est pas à proprement parler une réécriture du conte de James Barrie mais une sorte de prequel qui propose ce qu'a pu être la vie de Peter avant qu'il deviennent "l'enfant qui ne grandit pas" et rejoigne Neverland, le Pays Imaginaire. D'autres auteurs se sont employés à imaginer quel a pu être le passé de ce héros, le plus connu étant Régis Loisel, qui, dans sa bande-dessinée Peter, en avait fait un gamin des rues livré à lui-même dans un Londres sale et répugnant. Bien que le ton de cet album soit beaucoup moins sombre (car destiné à un public jeune), il m'a semblé que Sébastien Perez, sans pour autant "plagier", a été quelque peu influencé par Loisel et son image de Peter orphelin très Dickensienne.


Sans être réellement et totalement déçu par ce nouveau regard sur Peter, j'avoue néanmoins lui préférer ce que j'ai pu lire les années précédentes (Le roman original de Barrie, forcément, mais aussi la suite dite "officielle", ainsi qu'un roman sur la jeunesse de Hook). Peut-être le public visé et le format album expliquent-ils le fait qu'il y ait peu de texte et qu'il reste très simple, voire simpliste, mais cela m'a tout de même un peu frustré et je m'attendais à une écriture plus profonde et plus forte en émotion. L'histoire n'en reste pas moins agréable à lire et l'entreprise de l'auteur est tout à fait honorable: on sent une passion pour l'univers de Barrie et cela suffit à rendre cet ouvrage touchant, mais je pense juste que la vision qu'a Perez du personnage ne correspond pas à l'image que je me suis forgée et appropriée de Peter Pan. Cela vaut pour les illustrations de Martin Maniez: le visuel est superbe, incontestablement, et l'artiste a fait un travail formidable pour restituer l'atmosphère sombre des rues du Londres victorien, mais l'apparence des personnages (Peter en particulier, une fois qu'il a son "costume") m'évoquait un peu trop la version de Disney...


Cependant, j'ai également beaucoup aimé certains choix scénaristiques, notamment la façon dont le fantastique s'invite dans l'histoire: Peter ne découvre pas Neverland du jour au lendemain, mais les éléments qui le constituent apparaissent petit à petit. Ce sont tout d'abord des détails dans les textes ou les images (Hook troque peu à peu son costume de marin contre celui du pirate, puis on finit par s'apercevoir qu'un crochet à remplacé sa main, etc...) qui, une fois tous réunis, font prendre conscience au lecteur qu'en l'espace de quelques dizaines de pages (et sans qu'il en prenne vraiment conscience), Peter l'orphelin est devenu Peter Pan, et le Londres du XIXème a cédé sa place à Neverland. Cette lente transformation m'a donné le sentiment que le Pays Imaginaire que l'on croit bien réel dans le livre de Barrie, est ici une sorte de jeu de "faire semblant", un univers fictif dans lequel Peter et ses amis se réfugient pour fuir la réalité quotidienne mais auquel ils finissent par croire dur comme fer.

En définitif, bien que cet ouvrage ne soit pas mon livre préféré sur l'univers de Peter Pan, il reste un très bel album, une réussite du point de vue de son visuel et de sa conception, et dont le point fort est très certainement la subtilité de l'histoire dans la façon dont est introduit Neverland.

jeudi 24 mai 2012

Bleu Saphir (La trilogie des Gemmes #2) - Kerstin Gier

Saphirblau ; Liebe geht durch alle Zeiten (Edelstein Trilogie #2), Arena Verlag, 2010 - Éditions Milan, 2011.

  Jusqu'à il y a encore quelques jours, Gwendolyn était persuadée d'être une adolescente de 16 ans comme les autres ; Enfin ça, c'était avant d'apprendre qu'elle possédait la capacité de voyager dans le temps! Depuis, elle a dû rejoindre la société secrète des Veilleurs et doit exécuter pour eux plusieurs missions à travers les âges, accompagnée de l’irrésistible mais non moins agaçant Gideon de Villiers, descendant du Comte de Saint-Germain lui-même et fondateur de la confrérie. 
Après quelques sauts au XVIIIème siècle pour une terrifiante rencontre avec le Comte et un petit tour en 1912, Gwendolyn et Gideon ont été confrontés à Lucy Montrose et Paul de Villiers, leurs cousins respectifs, anciens membres des Veilleurs désormais accusés de traîtrise par la confrérie. Alors que tous sont persuadé de leur culpabilité et de leurs mauvaises intentions, Gwendolyn est persuadée que l'affaire est plus complexe et se demande si l'organisation secrète des Veilleurs ne compterait pas dans ses rangs d'autres taupes bien plus dangereuses. Mais comment pourrait-on la croire alors que son manque d'expérience et ses bourdes légendaires  ne font que redoubler la méfiance des Veilleurs à son égard? Sans parler de Gideon et de la relation ambiguë qu'elle noue avec lui au fur et à mesure de leurs aventures...

***

  Le mois dernier j'ai découvert Rouge Rubis, le premier tome d'une trilogie fantastique allemande très populaire depuis sa parution et actuellement en cours d'adaptation cinématographique. Alors que je ne savais pas trop à quoi m'attendre (je craignais un énième roman dans la lignée de Twilight), j'avais été très agréablement surpris et m'étais laissé entrainer par cette histoire de voyages dans le temps où se croisent personnages historiques et légendes ésotériques, mais surtout par le ton très second degré du roman et l'omniprésence d'un humour tordant. C'est donc avec enthousiasme que j'ai commencé ce tome 2...

 La pétillante couverture de l'édition originale allemande.

  Et pourtant, j'avoue avoir eu du mal à me remettre dans l'histoire : on reprend le cours des évènements où ils se sont arrêtés dans le tome 1, ce qui donnerait l'impression d'une aventure sans temps mort... mais allez savoir pourquoi, j'ai trouvé que l'intrigue peinait à démarrer. L'effet de découverte et de surprise du premier tome étant passés, peut-être ai-je eu le sentiment que tout était d'un coup trop convenu et que les situations et dialogues sentaient un peu trop le déjà-vu? De plus, le début de ce tome 2 met en scène une Gwendolyn un peu trop "groupie" de ce Gideon qui l'agaçait tant au début, et certains passages frôlaient tellement le ridicule que j'ai craint que le soufflé ne retombe après un très bon premier tome.

Couvertures des éditions grand format et poche américaines et de l'édition indonésienne.

  Mais pas de panique! Car même si les deux ou trois premiers chapitres m'ont un peu déçus, j'ai rapidement retrouvé ce qui m'avait plu dans Rouge Rubis:  Gwendolyn, à mille lieues d'une Bella Swan, fait merveille en fausse-héroïne délurée (mais pas pour autant dénuée d'intelligence!) et nous gratifie d'un langage qui, s'il est parfois fleuri, a le mérite de rendre plus crédible ce personnage d'ado et surtout de faire rire. Beaucoup rire! Son manque d'expérience dans les voyages temporels nous offre d'ailleurs des moments d'anthologie (je ne peux à ce titre m'empêcher d'évoquer ma scène préférée du livre: envoyée à un bal en plein XVIIIème siècle, Gwendolyn finit la soirée complètement pompette et chante en public Memory de la comédie musicale Cats, accompagnée au clavecin par Gideon!). Signalons également l'arrivée d'un nouveau personnage, qui ajoute une touche d'originalité et dynamise ce second tome; en fait de "personnage", il s'agit plutôt d'une "créature". J'avais expliqué la dernière fois que Gwendolyn pouvait communiquer avec les fantômes des défunts, mais j'avais oublier de préciser que son don lui permettait également de voir les esprits qui habitent les gargouilles des édifices moyenâgeux. Elle se voit ainsi accompagnée de Xemerius, un petit gargouillot facétieux qui est loin d'avoir la langue dans sa poche!

 Statue à l'effigie de Xemerius, créée par un ami de Kerstin Gier.

  Le style second degré du roman ne l'empêche pas de briller par son intrigue et la qualité de son scénario, toujours très bien mené : Gwendolyn et Gideon sont chargés d'arrêter leurs cousins respectifs, également voyageurs du temps, qui auraient trahi les Veilleurs 16 ans plus tôt avant de prendre la fuite à travers les époques. Mais les véritables motivations de cette société, pilotée depuis le XVIIIème siècle par le Comte de Saint Germain, paraissent toujours aussi floues et même le lecteur ne sait plus qui croire dans tout ce beau monde! En parlant du Comte de Saint-Germain, j'ai particulièrement apprécié son retour dans ce second tome: Rouge Rubis ne l'avait mis que très brièvement en scène (mais il n'en était pas apparu moins terrifiant!) et j'ai beaucoup aimé ses nouvelles rencontres avec Gwendolyn et l'ambivalence de son personnage : ses buts paraissent aussi sombres que les secrets des Veilleurs et il ajoute une certaine tension au roman.

 Couvertures des éditions chinoises, japonaises,
polonaise et norvégienne.

En bref:  Malgré mes craintes d'être déçu par Bleu Saphir, cette suite de Rouge Rubis réussit à rebondir et à ne pas tomber dans la redite. Tout en réutilisant l'ambiance et ce qui a fait le succès de son premier tome, Kerstin Gier a su ajouter assez d'éléments novateurs et de tournants inattendu pour tenir le lecteur en haleine et s'assurer de sa fidélité jusqu'à l'ultime chapitre. Autant dire que j'ai maintenant hâte de clore l'aventure avec Vert Emeraude, le dernier tome de la saga! =D

Trailer pour la sortie du livre en Italie.
(A noter l'amusant clin d’œil à la fin de la vidéo: "Attention: Ne contient pas de vampire!").

Et pour aller plus loin...

dimanche 20 mai 2012

Gourmandise littéraire : Le Cheesecake de Greenie (ou presque ^^)


Le Cheesecake de Greenie
D'après le roman Refaire le Monde, de Julia Glass.



  La semaine dernière, je me suis régalé du roman Refaire le monde (The whole world over) de Julia Glass, une lecture gourmande comme j'adore en collectionner dans ma bibliothèque. Bien souvent, ces histoires mêlant fiction et cuisine me font tellement saliver qu'elles me conduisent très souvent aux fourneaux pour essayer les recettes qui y sont évoquées. Il arrive que ces romans détaillent largement la marche à suivre des plats ou que l'auteur se soit amusé à les joindre à la fin du livre (ce qui facilite la tâche des lecteurs gourmands comme moi), mais parfois les préparations sont seulement nommées ou vaguement expliquées et il faut alors chercher un peu pour les reproduire soi-même. C'était le cas pour Refaire le monde, où Julia Glass n'était malheureusement pas très bavarde en ce qui concerne les recettes de Greenie ; heureusement, les plats que cette dernière cuisinait restent assez courants et on trouve facilement la marche à suivre sur le net où dans les livres de cuisine.

  Dans le roman, Greenie semble avoir un goût très prononcé pour les cheesecakes, et en entendre parler toutes les deux pages a fini par me donner une folle envie d'en manger ^^. Après en avoir confectionné un à la moitié du livre, j'ai décidé de tenter une autre recette une fois ma lecture terminée (oui, l'envie était toujours là =p). 
  Le cheesecake est un gâteau typiquement américain, hérité de la cuisine juive, dont on peut trouver de multiples variantes: avec ou sans cuisson, au fromage blanc ou au fromage à tartiner, avec des fruits frais, un topping, ou nappé d'un coulis, etc... Celui fait la semaine passée étant un "sans cuisson", je décidai cette fois de tester une préparation allant au four, en mélangeant plusieurs recettes que l'on peut trouver ça et là sous le nom de "Cheesecake New-Yorkais".

  Lorsque j'ai commencé la rédaction de ce blog sur mes lectures, j'avais indiqué qu'il ne serait pas impossible que je poste de temps à autre une recette qui en soit inspirée... j'ouvre donc le bal aujourd'hui avec ce Cheesecake inspiré de la cuisine de Greenie!

***

Pour 8-10 personnes.

Ingrédients: 
-170 grammes environ de biscuits à thé,
-50 grammes de beurre doux fondu,
-160 grammes de sucre en poudre,
-450 grammes de Cream Cheese,
-40 grammes de farine,
-un citron non traité,
-15 cl de lai de soja à la vanille,
-15 cl de lait 1/2 écrémé,
-4 œufs entiers et un jaune,
-1/2 cuillère à café d’arôme naturel de vanille.

A vos tabliers!

-Préchauffer le four à 175°C. Mélanger les biscuits préalablement émiettés avec 20 grammes de sucre et les 50 grammes de beurre fondu. Tapisser le fond d'un moule démontable (ou d'un moule à manqué couvert de papier sulfurisé) rond de 22 centimètre de diamètre de ce mélange en tassant bien. Enfourner et laisser cuire environ 15 minutes avant de sortir du four. Réserver.

-Dans un récipient, Mélanger le cream cheese avec le reste du sucre (140 grammes) en remuant énergiquement pour rendre plus fluide le fromage. Ajouter la farine petit à petit puis le zeste râpé et le jus du citron en continuant de mélanger. Verser le lait de soja à la vanille et le lait 1/2 écrémé, les œufs et le jaune puis remuer en fouettant jusqu'à l'obtention d'une pâte fluide et homogène avant d'ajouter l'arôme de vanille.

-Verser ce mélange sur la croute mise préalablement de côté puis enfourner dans un four préchauffé à 230°C pour 15 minutes, avant de réduire à 125°C. Laisser cuire encore 70 minutes environ puis retirer du four. Laisser le cheesecake refroidir puis le mettre au réfrigérateur minimum 6 heures avant dégustation. Démouler au moment de servir et consommer bien frais!

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Si certains l'aiment nature, on accompagne souvent ce gâteau d'un coulis ou d'autres préparations à base de fruits rouges. Pour ma part, j'ai mangé celui-ci avec un mélange de fruits rouges (fraises, framboises et églantines) au sirop!

Bonne dégustation! ;)

vendredi 18 mai 2012

Les oiseaux noirs - Faustina Fiore

Éditions Casterman, 2012.

Comme tous les habitants du village de Seelenheim, Arno, 12 ans, se terre dans la maison familiale à chaque attaque des oiseaux noirs. Voilà plusieurs générations déjà que ces grands oiseaux effrayants terrorisent périodiquement le village et ceux qui y vivent, devenus fatalistes. Personne ne s’explique l’origine réelle de la malédiction qui frappe Seelenheim, ni la véritable nature de ces terrifiants volatiles, que la rumeur désigne comme des mangeurs d’âmes.
Tout va changer, pourtant, après une attaque au cours de laquelle Arno voit mourir Bern, son cousin et meilleur ami. Accablé par la culpabilité, le garçon prend la route, seul. Son but : trouver le Vieux de la montagne, dans l’espoir fou d’obtenir un moyen de lever la malédiction...

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    Traductrice depuis plusieurs années, Faustina Fiore transpose en langue française des ouvrages jeunesses anglais, italiens et espagnols. Après avoir permis de faire connaître dans l'hexagone de nombreux romans à succès, elle fait publier aujourd'hui son premier livre aux éditions Casterman : Les Oiseaux Noirs. Une aventure dont on s'est délecté d'une seule traite.

    Bien que classé sous le libellé "fantastique", ce roman s'apparente davantage à un conte ; on a d'ailleurs beaucoup pensé à l’œuvre des frères Grimm. S'ils avaient été de notre époque, aucun doute qu'ils auraient pu écrire ce livre! Ainsi, comme dans tout conte qui se respecte, le cadre spatio-temporel de l'action n'est pas clairement défini : la ville où se déroule l'histoire a beau être nommée, on ignore dans quel pays elle se trouve et encore moins à quelle époque, ce qui confère au récit une dimension d'étrangeté fascinante, une toile de fond mystérieuse. Les description et l'atmosphère merveilleusement mises en mots laissent imaginer des décors et une ambiance semblables à ceux du film Le Village, ou parfois même au Sleepy Hollow de Tim Burton. Ces bourgs partagent en effet avec Seelenheim la particularité d'être comme coupés du monde, loin de tout, en plus d'un même sentiment de crise et de peur archaïque que fait naître chez ses habitants une légende surnaturelle.

Seelenheim: un petit côté "Sleepy Hollow"?

    Tout mythe a son histoire et chaque malédiction, une origine ; il en est de même pour ces Oiseaux Noirs. Dans les deux semaines qui suivent un décès survenu à Seelenheim, un malaise s'empare de ses habitants: une appréhension, un pressentiment synonyme du passage à venir des Oiseaux, qui ne tardent pas à arriver en masse pour s'attaquer aux villageois. Dès que les cloches du beffroi retentissent, ils savent qu'il leur faut rassembler leurs familles et courir se barricader dans leurs demeures, voire se terrer dans les caves. Mais il y a toujours un retardataire qui ne s'est pas caché à temps, un villageois qui n'a pas entendu la cloche, ou une porte qui n'était pas assez solide. A chaque passage des oiseaux à Seelenheim, il y a donc au moins un mort. Ce fléau s'abattrait régulièrement sur la petite bourgade depuis qu'un de ses anciens habitants, des décennies plus tôt, aurait passé un pacte magique avec le Vieux de la Montagne, dont certains sont naturellement persuadés qu'il est le Diable en personne.

    Le résumé pourrait laisser imaginer un scénario classique et sans surprise (le jeune garçon part à l'aventure, trouve le Vieux de la Montagne, s'en suit une bataille épique où il gagne le combat, levant ainsi la malédiction du village) mais il n'en est rien. Loin de tomber dans la facilité, l'auteure nous raconte un voyage initiatique où le jeune Arno – et à travers lui, le lecteur – voit ses certitudes vaciller et est amené à remettre ses croyances en question. Ce roman nous offre donc des révélations originales et surprenantes, ainsi qu'une réflexion pertinente sur la philosophie de la vie et la mort.



En bref : Les Oiseaux Noirs est un roman initiatique à l'intrigue à la fois forte et surprenante, porté par une plume fluide et travaillée. A mi chemin entre le conte et le récit philosophique, ce premier roman est profond et enchanteur à la fois.

dimanche 13 mai 2012

Refaire le monde - Julia Glass

The whole world over, Pantheon, 2006 - Editions des Deux Terres, 2009 - Editions J'ai Lu, 2011.

Pâtissière à Greenwich Village, Greenie se consacre tout entière à son jeune fils et à sa passion, la cuisine, tandis que son mari semble plongé dans la mélancolie.
Quant à son ami Walter, il panse ses peines de coeur. De passage à New York, le gouverneur du Nouveau-Mexique, conquis par le gâteau à la noix de coco de Greenie, lui propose de devenir chef cuisinier de sa résidence. Par ambition autant que par désespoir, elle accepte et part vers l'Ouest avec leur fils en abandonnant son mari. Leur vie va être bouleversée par ce départ précipité, qui provoquera une série d'événements échappant à tout contrôle.








La première fois que j'ai vu ce roman en librairie lors de sa sortie en poche, j'ai été (forcément) accroché par sa couverture. Le résumé me laissait envisager une délicieuse lecture gourmande mais l'épaisseur du livre (environ 820 pages tout de même) m'avait alors fait craindre un éventuel ennui et je l'avais reposé sur son présentoir après avoir longuement hésité. Revenant récemment à ce que j'aime appeler les "lectures gourmandes", je me suis souvenu de ce roman, mais uniquement de sa couverture et de son résumé: pas moyen de retrouver le titre, même en faisant des recherches par mots-clefs sur le net! Rageant! Quel ne fut donc pas mon bonheur de tomber par hasard dessus lors de mon escapade au salon du livre de Paris!

Et pourtant, malgré mon enthousiasme, ma joie s'est vite trouvée freinée au bout d'une heure de lecture: j'ai eu énormément de mal à entrer dans l'histoire que je trouvais sur le coup très ennuyeuse et longue, mais alors looooongue... Le roman étant divisé en trois partie, j'envisageais de fractionner ma lecture pour la rendre plus digeste, mais dès le livre refermé, je réalisais que je m'attachais malgré moi aux personnages, aux lieux, et à l'ambiance. C'est là que j'ai commencé petit à petit à entrer dans l'histoire et à me laisser happer par la multiplicité de vies qu'elle met en scène avec, au bout du compte, un réel plaisir.

"On n'a jamais trop de chance, c'est un peu comme la purée..."

Car ce n'est pas seulement l'histoire de Greenie qui nous est racontée ici: c'est avec elle que commence le roman et, certes, peut-être autour d'elle que le livre se construit; mais au fil des pages est également relaté le parcours de ses amis, son conjoint, sa famille, ou encore de tout le petit monde qui gravite autour de ce microcosme. Greenie, donc, est pâtissière à New York, où ses desserts et autres délices ont fait sa renommée, si bien qu'elle en est en fait à tenir une micro-entreprise où elle et ses assistants ne sont pas de trop pour répondre aux multiples commandes qui lui sont passées. On réalise bien vite que derrière la petite vie apparemment agréable qu'elle mène, elle est surtout enfermée dans un quotidien répétitif et sans surprise puisque même sa vie de couple, même si elle est loin d'être désastreuse, ne se limite qu'à un enchaînement de faits et gestes habituels mais sans réelle saveur. C'est là que le gouverneur du Nouveau Mexique, charmé par un de ses desserts, la supplie de l'accompagner à Santa Fe pour devenir sa cuisinière attitrée. Répondant au brusque et jusque là inconscient désir de pimenter sa vie et de partir à l'aventure, Greenie accepte, quittant New York en compagnie de son fils pour ce job "à distance".

"Les gens n'avaient rien à voir avec les recettes de cuisine. Même avec tous les bons ingrédients, à la dose exacte, on n'avait pas la moindre garantie."

Au fil des chapitres, on suit alors sa nouvelle vie au Nouveau Mexique et, parallèlement, le quotidien de son mari resté à New York, les déboires amoureux de son meilleur ami restaurateur Walter, ou encore le parcours étrange de Saga, une jeune femme secrète amenée à les rencontrer au détour des rues de Greenwich Village. Si chacun de ses personnages me plaisait plus ou moins au départ (certains m'agaçaient même, au tout début), on apprend à les connaître et à s'y attacher comme on le ferait avec de "vraies" personnes, tant leurs sentiments, questionnements, craintes et émotions semblent réelles. On réalise alors que tous sont arrivés à un tournant de leur existence et que leurs choix prochains seront décisifs pour la suite des événements... Julia Glass, maniant la plume avec une simplicité toute à la fois déconcertante et superbe, met en images des moments de vie faits de petits riens, mais retranscrits avec une telle intensité qu'on ne peut qu'être touché par leur profond réalisme.

"L'amour épouse bien des contours, exactement comme les rivières."

J'ai trouvé le style presque "british" pour une auteur américaine et je n'ai pu m'empêcher de penser aux Chroniques d'Edimbourg (44 Scotland Street et ses suites) d'Alexander McCall-Smith, même si Refaire le monde est moins dans la comédie et plutôt dans une mélancolie légère et douce-amère (mais sans jamais tomber dans le sentimentalisme). J'ai adoré l'atmosphère de New York, que l'on découvre traversée par les saisons au travers de descriptions pleines de charme et qui me renvoyaient malgré moi aux paysages urbains du film Vous avez un message (^^ plaisir coupable que ce film que je compte parmi mes favoris).

"Un gâteau réussi est comme un mariage réussi: de l'extérieur il a l'air ordinaire, parfois même quelconque, mais il suffit d'en prendre une part et de le goûter pour savoir qu'il n'en est rien. C'est le sublime résultat d'une longue et patiente expérience, une réalisation dont le succès repose sur une profonde compréhension des goûts et des compatibilités, un respect de la mesure, de l'équilibre, de la chimie et de la chaleur, une histoire d'innombrables erreurs surmontées."

En définitif, Refaire le monde est un très beau roman malgré son entrée en matière un peu lente. J'ai refermé ce livre presque à regret et non sans une certaine tristesse à l'idée de quitter ses personnages. Comme je le disais plus haut, tous se sont finalement avérés extrêmement touchants: il sont de ceux qui continuent à accompagner nos pensées quelques temps encore après la lecture, comme des amis chers que l'on quitte après une semaine passée ensemble. Une belle découverte, donc...

"L'important chez une mère, c'est qu'elle vous montre son amour: non seulement qu'elle vous le donne, mais qu'elle vous le montre, qu'elle vous montre comment il est fait. (...) Comme une pièce de musée exposée sous une belle lumière (...), comme un plateau de pâtisseries toutes si parfaites qu'on ne sait laquelle choisir. Mais ce n'est pas grave, car quelle que soit celle que vous choisirez, elle satisfera vos besoins."

Oh, et pour finir sur une note gourmande: les nombreux menus de Greenie sont une vraie torture! Les descriptions de ses plats m'ont fait saliver plus d'une fois et j'ai maintenant une envie folle de Cheesecake* et de Coleslaw! =P


(*) Édit du 20 Mai 2012: c'est fait!... --->Par ici le bon gâteau! =p

samedi 12 mai 2012

Le livre "Rouge Rubis" en cours d'adaptation cinématographique.

 
Il y a quelques temps, j'ai parlé de l'agréable surprise que fut pour moi la lecture de Rouge Rubis, de Kerstin Gier. Ce roman jeunesse allemand dont la couverture induisait un nouveau né de la bit-lit s'avéra finalement être une très sympathique comédie d'aventure fantastique, mêlant inspirations historiques et voyages dans le temps.

J'avais alors évoqué que, suite au grand succès rencontré par ce livre et ses deux suites dans le monde entier, un projet d'adaptation cinématographique avait été lancé. Quelques recherches m'ont permis d'en apprendre plus et de voir les premiers acteurs choisis ainsi que quelques croquis préparatoires aux décors et costumes!
J'avais trouvé intéressant que ce livre rencontre une telle popularité car la littérature jeunesse ou young-adult que l'on croise dans les librairies est le plus souvent anglo-saxonne et je n'avais pas souvenir d'avoir déjà vu de livre allemand dans ce style. C'est pourquoi j'ai eu peur que les droits ne soient rachetés par l'une des nombreuses maisons de production américaines ou du moins internationales, habituées à faire ce genre de film "grand public". Heureusement, c'est bien une société allemande qui se charge d'adapter la trilogie de Kerstin Gier, ce que je trouve beaucoup plus intéressant: le cinéma allemand étant très peu connu et ne bénéficiant que rarement de publicité, cette production lui donnera l'occasion de montrer de quoi il est capable dans le genre fantastique. A titre d'information, le film sera ainsi produit par la Lieblingsfilm GmbH et l'équipe (réalisation et acteurs) est essentiellement allemande, de même que les crédits et financements sont assurés par les sociétés ou associations majoritairement bavaroises!


Le site officiel du film dévoile le visage des quatre jeunes acteurs qui interpréteront les jeunes protagonistes de l'histoire:

De gauche à droite: Jennifer Lotsi (Leslie, meilleure amie de l'héroïne), Maria Ehrich (Gwendolyn), Jannis Niewöhner (Gidéon) et Laura Berlin (Charlotte).

Contrairement à un film adapté d'un Twilight ou autre roman du genre, les chance d'avoir croisé ces acteurs sont plutôt minces voire inexistantes en dehors du sol allemand où ils sont certainement beaucoup plus connus. Il est d'ailleurs amusant de constater que les lecteurs allemands étaient nombreux à envahir la blogosphère de casting imaginaires, spéculations et avis quant à ce film à venir et au choix définitif fait par la production. Personnellement, j'ai déjà vu l'actrice Laura Berlin (Charlotte) dans une très récente version de Blanche-Neige tournée pour la télévision allemande, et qui avait été diffusée en France pendant les fêtes de Noël dernier ; Pour ce qui est des autres, j'avoue effectivement n'en connaître aucun! Petit avis personnel pour le choix des deux acteurs principaux: si je trouve ce grand brun très crédible en Gidéon de Villiers, leur Gwendolyn est à mes yeux un peu...heu...fade ^^' (c'est une rebelle et une râleuse, bon sang! Où est le charisme? Mais ne jugeons pas trop vite et attendons de voir de quoi elle est capable...).

Le tournage a débuté en Février 2012 et la sortie est déjà programmée pour le 14 Mars 2013! Si certaines scènes seront nécessairement filmées en Angleterre (rappelons nous que le livre donne à voir de célèbres monuments et quartiers londoniens), il semble que la majorité du film soit tourné en Allemagne, où l'équipe artistique s'est efforcée de dénicher des décors de style britannique pour y ajouter ensuite des accessoires propres à l'Angleterre. Nombre de villes allemandes où ont été tournées les premières scènes ont ainsi vue apparaître dans leurs rues des cabines téléphoniques rouges, des drapeaux aux couleurs de l'Union Jack, et autres détails typiques de cartes postales! Si cette "tricherie" peut naturellement agacer tout bon anglais ou fan de la culture britannique qui se respecte, rappelons que c'est là une pratique très courante dans le monde du cinéma. D'ailleurs, nombre de films se déroulant dans l'Angleterre Victorienne ont en fait été tournés dans les vieilles villes de l'Europe de l'Est! Voici donc, pour le plaisir, quelques photos de tournage dont certaines donnent à voir une Allemagne joliment "britanisée": 

 
Ne me demandez pas ce qu'est cette immonde créature poilue, je l'ignore totalement, je sais juste qu'elle est dans le film... L'une des gargouilles que peut voir Gwen, peut-être?

Concernant le scénario, il suit bien évidemment l'intrigue du roman Rouge Rubis, premier tome de la trilogie de Kerstin Gier; mais comme pour toute adaptation cinématographique d'une œuvre littéraire, on peut supposer que le scénario offrira son lot de modifications et de libertés. Le site officiel indique à ce sujet que le film comprendra des scènes en plus, absentes de l'intrigue originale, notamment tout un passage consacré au bal de promo du lycée de Gwendolyn ainsi que de nombreux éléments venant enrichir ce personnage! Il y aura donc quelques surprises en perspective!

Allez, en attendant de voir le résultat, voici d'autre jolies images du tournage, ainsi que quelques storyboards fort alléchants qui donnent un aperçu du visuel, de l'atmosphère et des décors souhaités par la production: