vendredi 20 mars 2015

Into the Woods : Promenons-nous dans les bois - Un film de Rob Marshall pour les studios Disney.

Into the Woods : Promenons-nous dans les bois ;
(Into the Woods)
Un film de Rob Marshall pour Disney (sorti le 28 Janvier 2015),
d'après la comédie musicale de Steohen Sondheim et James Lapine.

Avec : Meryl Streep, Johnny Depp, Chris Pine, Emily Blunt, Anna Kendrick...


  Les intrigues de plusieurs contes de fées bien connues se croisent afin d’explorer les désirs, les rêves et les quêtes de tous les personnages. Cendrillon, le Petit Chaperon rouge, Jack et le haricot magique et Raiponce, tous sont réunis dans un récit où interviennent également un boulanger et sa femme qui espèrent fonder une famille, mais à qui une sorcière a jeté un mauvais sort… 

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  Si le mythique Into the woods n'évoque que peu de chose au public français, c'est qu'il s'agit avant tout d'un élément de culture toute américaine. En effet, au départ, il s'agit d'un spectacle musical de Stephen Sondheim et James Lapine, tous les deux inspirés dans les années 1980 pas les écrits psychanalytiques de Bruno Bettelheim sur les contes de fées. Joué sur scène depuis plus de vingt ans, ce musical emblématique de Broadway est donc aujourd'hui transposé sur grand écran dans une atmosphère certes disneyenne mais qui évoque aussi La compagnie des loups d'A.Carter et son adaptation cinématographique.Grand passionné que je suis des contes et de leurs multiples adaptations, j'aime tout particulièrement les histoires originales qui s'amusent à tous les mélanger. Ce film était donc à ne pas manquer ; Alors, verdict?



  Il faut le reconnaître : la méconnaissance du matériau scénique d'origine en France handicape sérieusement la réussite du film dans les salles : les spectateurs qui n'auront pas la curiosité de chercher davantage d'informations ou même d'extraits du spectacle ne trouveront certainement que peu d'intérêt au film. Sans mauvais jeux de mots musical, Into the Woods apparait comme un "film choral" de l'univers des contes de fées, ambiance Broadway à la prime. En effet, l'histoire est réellement cousue de bribes de Cendrillon, le petit chaperon rouge, Raiponce, Jack et le haricot magique, etc... qui se brodent autour d'une nouvelle trame où les protagonistes se croisent et s'entrecroisent autour du thème des désirs de chacun. Cette thématique se veut leitmotive de l'intrigue, rappelé par le thème musical phare "I wish" : Ainsi, voilà chacun lancé dans une quête personnelle propre au conte merveilleux.

  Il est alors nécessaire de bien connaître les contes classiques car ceux-ci ne sont pas racontés dans leur intégralité et prennent part dans cette nouvelle histoire à des moments clefs de leur déroulement respectif. Le scénario fait donc de nombreuses ellipses narratives, supposées connues de tous mais amenant aussi à des interactions décousues caractéristiques d'un Musical mais qui sied beaucoup moins bien à une mise en scène cinématographique.  Aussi, l'ensemble pourra vraiment déstabiliser un public qui n'est pas familier de cette culture toute anglo-saxonne. En revanche, si l'on aborde le film sous l'angle du Musical, il s'agit d'une merveilleuse adaptation, beaucoup moins édulcorée que le laisse penser une production Disney. L'histoire elle-même a de quoi amuser et prend le contrepied du schéma traditionnel du conte : Après le happy end tant attendu, alors que l'on croit l'histoire terminée, hop, voilà qu'un événement perturbateur survient et contraint chaque personnage à oublier sa quête. Tous sont alors amenés à mettre de côtés leur rêves et aspirations personnelles pour fédérer leurs atouts dans un ultime défi. Ce deuxième acte replace ainsi chaque protagoniste sur un pied d'égalité sans notion de "bons" et de "méchants", et revoie l'univers féérique traditionnel d'une dose de cynisme grisante!

  Au-delà de toute sa dimension d'adaptation, le film reste visuellement irréprochable. A la fois somptueuse et pourtant très sobre, l'esthétique est emprunte d'un côté très traditionnel loin d'un style burtonnien ou d'un visuel trop travaillé comme on en voit souvent dans les contes transposés à l'écran de nos jours. Les décors rappellent l'Allemagne rurale des frères Grimm et les branchages de la forêt sont tortueux juste ce qu'il faut pour lui donné un petit accent fantastique. Anecdote amusante : la scène chantée du début, où le petit chaperon rouge traverse les ruelles de maisons à colombage, m'a fortement rappelé la scène du Disney La Belle et la Bête où Belle arpente les rues du marcher en chantant, avec son village européen à l'ancienne. Mention spéciale également à l'intérieur de la Boulangerie, qui ferait presque naître des parfums de céréales et de pâtisseries à nos narine, tant on s'émerveille des nuages de farine flottant au milieu des jolis étals en bois.
  Les costumes, signés Coleen Atwood (couturière attitrée de Burton, mais aussi de Blanche Neige et le Chasseur ou des Orphelins Baudelaire), respirent eux-aussi la mode traditionnelle du XVIIIème siècle rhénan. L'ambiance visuelle générale m'a ainsi fortement évoqué une version un peu plus classieuse de l’esthétique déjà très léchée des Contes de Grimm, série télévisée allemande adaptée des récits de notre enfance et diffusée en France sur NT1.


  Les acteurs sont très convainquant, même Johnny Depp qui nous gratifie d'une courte mais plutôt convaincante apparition en Grand Méchant Loup. Son jeu rappelle fortement le chasseur lycanthrope de La Compagnie des Loups, surtout dans sa chanson qui révèle toute la dimension sexuelle contenue dans la morale réelle du Petit Chaperon Rouge. Le petit Chaperon Rouge, d'ailleurs, merveilleusement bien incarnée par la méconnue Lilla Crowford, excellente en gamine mi peste, mi attendrissante. Anna Kendricks incarne quant à elle une excellente Cendrillon, plus consistante que la blondinette de la mythologie disney : cette beauté brune simple et naturelle au visage volontaire renvoie davantage à l'interprétation impétueuse et merveilleuse de Drew Barrymore dans A tout jamais, une histoire de Cendrillon. Emily Blunt offre elle aussi une prestation toute nouvelle dans sa filmographie, avec le rôle ambigu mais attachant de la femme du Boulanger, plus dirigiste que son tendre époux et prête à mettre de côté toute morale pour arriver à ses fins. Mais de toutes les interprétations de cette production, celle qui tire le plus l'admiration est probablement Meryl Streep en sorcière assoiffée de jeunesse et de beauté : chacune de ses apparitions (ou mêmes retentissantes disparitions), explose d'un charisme théâtrale et grandiloquent en diable! Enfin, parmi les personnages secondaires, petite mention spéciale aux demi-sœurs et à la marâtre de Cendrillon : j'ai a-do-ré ce trio de pimbêche à l'érotisme latent et aux accents vulgaires qui ressemblaient à de réels sosies de lady Gaga!


  En bref : Si la dimension Musical et le cynisme propre à cet immanquable de la culture américaine pourra rebuter le publique français, Into the woods reste une splendide adaptation du spectacle d'origine. Si le film peine cependant à exister autrement qu'en sa qualité d'adaptation d’œuvre scénique, il pourra encore convaincre les plus réticents aux films chantés par la magnificence de ses décors et costume et l'excellent jeu des acteurs!

jeudi 12 mars 2015

Le train des orphelins - Christina Baker Kline

Orphans Train, Harper Collins Publishers, 2013 - Editions France Loisirs, Editions Belfond (trad. de C.Lavaste), 2015.

  Vivian, fillette irlandaise dans l'Amérique des années 20 ; Molly, jeune métisse indienne d'aujourd'hui : deux enfants abandonnées, deux destins qui n'auraient jamais dû se croiser...

  Vivian, neuf ans, irlandaise, se retrouve brutalement orpheline à New York en 1929. Avec des milliers d'autres petits déshérités, elle est envoyée à bord d'un train dans l'Ouest des Etats-Unis. Là-bas, les enfants sont adoptés ou destinés à servir de main d'oeuvre gratuite dans les familles modestes. Commence pour Vivian un terrible voyage...
  De nos jours, Molly, 17 ans, doit faire des travaux d'intérêt général afin d'éviter la maison de correction. Sa mission : aider Vivian, 91 ans, à ranger son grenier. Peu à peu, le passé tumultueux de Vivian resurgit. Et si la vieille dame distinguée et la jeune fille rebelle avaient plus en commun qu'il n'y parait?

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  A peine remis de la bouleversante lecture de La chambre d'Hannah, c'est tout par hasard que mon attention fut retenue par la très belle couverture (encore une superbe photo des ateliers David&Myrtille!) et que le résumé mélangeant encore une fois présent et réminiscences du passé achevait de me convaincre!

 Couvertures des éditions américaine, portugaise et turque.

  L'histoire nous fait découvrir Molly, jeune fille revêche doublement étrangère à ses pairs : d'une part parce que descendante d'une tribu indienne de Natives American, et aussi parce qu'abandonnée petite, elle est depuis lors prise en charge par les services sociaux. Baladée de foyers en familles d'accueil, celle que tout le monde s’attache à voir comme une simple "cas soc'" rebelle et pré-délinquante est en réalité une jeune fille sensible et d'une grande finesse d'esprit. Parce qu'elle rêvait d'avoir un exemplaire de Jane Eyre, son roman préféré, elle en vole une vieille édition dans une bibliothèque mais se fait prendre la main dans le sac. Son statut social fragile met alors sa liberté en péril et la voilà contrainte d'effectuer des travaux d'aide à domicile pour réparer son geste : 50 heures pour aider Vivian, presque centenaire, à ranger les cartons de son grenier. Mais au fil des boites ouvertes et des souvenirs dévoilés, Vivian ouvre son cœur et son passé à l'adolescente. Un passé d'orpheline, tout comme elle : âgée de 10 ans en 1929, alors qu'elle s'appelle encore Niamh, elle est embarquée à bord du Train des orphelins, qui envoie trouver de nouvelles familles aux enfants issus de la pauvreté en parcourant la campagne américaine...


 Couvertures des éditions serbe, anglaise, bulgare et brésilienne.

  Il y a bien longtemps que je n'avais pas lu un roman aussi émouvant et fort que celui-là! A travers ce récit, Christina Baker Kline, déjà bien connue outre-Atlantique, s'attache à accomplir un réel devoir de mémoire. En effet, son roman aborde par le biais de la fiction dramatique une page historique des Etats-Unis encore trop souvent censurée : l'Orphan Train movement. Fondé au XIXeme siècle, ce programme d'aide aux nécessiteux envoyait par wagons les enfants déshérités des grandes villes dans les campagnes américaines pour leur trouver de nouvelles familles, dispositif qui dérivait souvent en proxénétisme ou esclavage dissimulé. Basé sur des témoignages réels et des parcours véridiques, ce roman est le fruit d'un minutieux et passionné travail de recherche que l'auteure partage avec émotion en post-face. Alliant ces investigations à son talent de narratrice, C.Baker Kline parvient à nous faire passer du Maine contemporain à l'Ouest américain des années 30 avec un réalisme saisissant : de la crise de 1929 des grandes villes au décor rural des fermes du Minesotta, j'ai été happé par ce retour saisissant dans le temps.

 Annonces telles qu'affichées dans les gares ou publiées dans la presse, pour prévenir du passage du train des orphelins...

  Et que dire de la force des personnages? Tous les protagonistes croisés au cours du périple d'orpheline de Vivian, même ceux que l'ont croirait les plus insignifiants, occupent finalement une part capitale dans la vie de la fillette et sa construction de femme en devenir, en dépit des épreuves traversées. D'une plume forte, simple et juste, l'auteure vient faire résonner le passer de la vielle femme à celui de cette adolescente rebelle : derrière ces deux personnages que tout semble opposer se cachent en fait deux âmes semblables qui ont connu l'abandon et la solitude, et qui se reconnaissent l'une dans l'autre. Sans jamais tomber dans le sentimentalisme faux ou gratuit, Kristina Baker Kline aborde avec brio le cheminement psychologique de ces héroïnes.
  Je crois n'avoir pas été touché de la sorte depuis Le langage secret des fleurs, qui aborde nombre de thèmes similaires et auquel j'ai beaucoup pensé en lisant ce roman. L'atmosphère en est très proche, de même que la personnalité de Molly, adolescente déchirée mais tenace, n'est pas sans évoquer la Victoria du roman de V.Diffenbaugh.

 Une photo d'un train des orphelins du début du XXeme siècle.

En bref : Mêlant une page capitale mais méconnue de l'Histoire des Etats-Unis à une plume fluide et captivante, ce roman aborde l'abandon et la reconstruction avec émotion et réalisme, à travers deux parcours de femmes qui résonnent l'un à l'autre. Juste lumineux.

Et pour aller plus loin...

mercredi 11 mars 2015

L'expédition H.G.Wells - Polly Shulman

The Wells Bequest, Nancy Paulsen books, 2013 - Éditions Bayard Jeunesse (trad. de K.Suhard-Guié), 2015.

  Alors qu’il travaille dans sa chambre à un exposé sur les robots, Léo voit surgir une sorte de scooter miniature, piloté par une jeune fille dont il tombe aussitôt amoureux... et, sur la place du passager, une minuscule réplique de lui-même ! Obsédé par cette étrange vision, Léo suit les conseils de sa prof de sciences et se rend au Dépôt d’Objets Empruntables de la Ville de New York, extraordinaire bibliothèque n’accueillant que des objets qui ont un jour marqué l’Histoire ou la littérature. Là, il fait la connaissance de Jaya, assistante-magasinière, qui ressemble trait pour trait à la fille de sa vision. Elle lui arrange un rendez-vous avec le directeur de l’établissement, le Dr Rust, qui, impressionné par les talents de réparateur du jeune homme, l’engage. Et bientôt, Léo découvre le Legs Wells : un département du Dépôt où sont entreposés les objets ayant un lien avec la bibliographie de l’un des pères de la science-fiction, l’auteur de L’homme invisible et de La guerre des mondes : Herbert George Wells ! L’auteur, aussi, de La machine à explorer le temps, que Léo ne tarde pas à débusquer. La fameuse machine ne fonctionne pas, mais elle donne une idée au garçon : et si l’engin de sa vision était un modèle réduit, un prototype construit par le personnage du roman ? Dès lors, il s’escrime à remettre la machine en état. Quand il y parvient enfin, il décide d’emmener Jaya à Londres, en 1895, pour rencontrer le personnage du roman ! Hélas, à cause d’un certain Simon, amoureux transi de la jeune fille, ils vont se perdre dans les couloirs du temps...

Jouez avec le temps, si vous l’osez !

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  Après le très sympathique La malédiction Grimm, voici enfin le nouveau roman prenant pour cadre le Dépôt d'objets empruntables de New York, musée-bibliothèque où l'on peut louer -à nos risques et périls- les objets magiques hérités des fictions de la littérature. J'ai été au départ un tantinet surpris et déçu de ne pas retrouver Elizabeth et ses acolytes de la Malédiction Grimm, mais c'est que Polly Shulman met en scène une toute nouvelle génération de protagonistes, dont certains croisés dans le précédent tome alors qu'ils étaient plus jeunes. Léo, le tout nouveau héro, m'a au départ un peu rebuté de par sa personnalité très geek. Puis, finalement, je me suis laissé convaincre par son humeur sympathique et sa ténacité : contrairement à Elizabeth qui avait progressivement côtoyé la magie du  Dépôt après y être embauchée comme magasinière, Léo, lui, force un peu son entrée au sein de l'établissement pour y retrouver la trace de la machine à voyager dans le temps, persuadé qu'elle y est cachée. L'entrée en matière et le schéma narratif sont donc totalement différents, ce qui évite l'écueil de la redite.

 Couvertures de l'édition originale américaine et de l'édition britannique.

  Écueil également évité dans le thème exploité puisque le concept de cette série permet de brasser l'étendue d'un nouveau genre littéraire à chaque tome, et donc de changer totalement d'univers! Après le merveilleux des contes, on passe cette fois aux machines infernales et inventions extraordinaires de la littérature steampunk et des premiers récits de science fiction, soit toute la bibliographie de Jules Vernes et H.G.Wells, voire même M.Twain! Les multiples références livresques s'accompagnent de clins d’œil à la sciences réelles, avec la part importante que prennent également les personnalités d'Edison et Tesla dans l'histoire.

De la machine de Jules Verne à N.Tesla, il n'y a qu'un bond... dans le temps!


  Aussi, l'intrigue particulièrement axée sur les voyages dans le temps nous emmène à la rencontre de ces deux grand scientifiques dans le New York de 1890, pour une aventure en costume d'époque mêlant romance et humour qui n'est pas sans rappeler l'ambiance enthousiasmante de la saga Rouge Rubis! J'ai vraiment beaucoup pensé à cette autre série, tellement l’atmosphère en était proche, notamment avec les multiples péripéties et complications que peuvent provoquer les allers et retours dans le temps. Au départ un peu réticent, je me suis donc laissé convaincre par l'imagination débordante de l'auteure, qui ne semble pas en reste... En effet, la fin nous laisse présager un prochain opus cette fois axé sur les classiques de la littératures horrifique, avec la Collection héritée des œuvres de Lovecraft et E.A.Poe! Personnellement, j'en salive d'avance!

 Le New York industriel de 1890, plus futuriste qu'un roman de science fiction...

En bref: Une suite très différente du premier opus, qui met en scène de tous nouveaux protagonistes dans un tout nouvel univers! Parcourue de références, cette aventure mâtinée d'humour menée tambour battant nous plonge dans l'univers steampunk de Jules Verne et H.G.Wells avec un regard rétrospectif malicieux et une plume des plus enjouées!

Et pour aller plus loin...

dimanche 1 mars 2015

Lily et le dragon d'argent (Lily #2) - Holly Webb.


Lily and the shining dragons (Lily, book 2), Orchards books, 2012 - Éditions Flammarion (trad. de F.Fiore), 2012.


  Quand leur tante les recueille, Lily et Georgie pensent trouver en elle une aide pour contrecarrer le terrible complot de leur mère. Mais, loin de les protéger, elle les envoie dans un institut où les enfants magiciens sont cachés. Serait-ce la fameuse prison où est enfermé leur père ? Et quelles sont ces sculptures de dragons qui semblent vibrer sous les doigts de Lily ? Les deux sœurs vont devoir redoubler d'astuce pour le découvrir. 



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  A peine le premier tome terminé que, étonnamment emballé par cette série dérivée de Rose, je me lançais déjà dans le second! 
  Cette fois, Lily et sa soeur se découvrent une parente qui accepte de les accueillir : Lady Clara, une tante dont elles ignoraient l'existence. Mais cette femme froide et un tantinet hystérique, qui nie sa magie pour se fondre dans le moule imposé par la société, ne tarde pas à dénoncer les pouvoirs de ses nièces aux autorités. Aussi, Lily et Georgy sont elles envoyées à l'Institut Fell, maison de redressement pour enfants magiciens retords, perdu au fin fond du Derbyshire. Là bas, la directrice Mrs Merganster tient l'austère internat d'une main de fer pour faire renier leurs pouvoirs aux enfants : entre cours de jardinage, cuisine et couture pour les faire entrer dans la normalité, elle use aussi de chocolat drogué et ... de sortilèges! Car difficile de faire plier à sa volonté des magiciens sans avoir recours à quelques astuces magiques. Mais l'Institut, ancienne demeure d'une des plus grandes familles de magiciens britanniques, est encore habité dans ses fondations d'une magie archaïque qui ne demande qu'à être réveillée. Lily la sent chaque jour un peu plus et finit pas en découvrir la source : des Dragons! Ceux-ci, endormis également, existent dans les murs du manoir et à l'intérieur des sculptures sous la forme d'esprits flous qui se raniment petit à petit, deviennent de plus en plus réels depuis l'arrivée de Lily. L'un d'eux, le plus imposant, entre en contact avec elle et la guide jusque dans les combles du manoir, où une charmante vieille dame est retenue captive. Qui est-elle? Avec l'aide des dragons, la fillette va tout tenter pour la libérer ainsi que les enfants magiciens.

Artworks de Lisa Evans pour Lily et le dragon d'argent.

  Que d'aventures! Vraiment, voilà une de ces séries qui se bonifient au fil des tomes! Avec ce second opus de Lily, Holly Webb s'éloigne du milieu scénique du premier volume et retourne à ses premières inspirations pour Rose, à savoir les écrits de Frances H.Burnett. En effet, Lily accueillie chez sa tante austère puis envoyée dans un pensionnat, on est décidément pas loin du Jardin Secret ou de La petite Princesse! On pense également au Jane Eyre de C.Brontë dans les relations peu amicales des héroïnes avec leur cousin, puis leur morne quotidien à l'internat qui rappelle le pensionnat de Lowood. Au-delà de ces évocations, Holly Webb créé des personnages délicieusement étranges, à la façon de leur tante Clara : cette femme a tellement honte de son sang de magicienne qu'elle ne réalise même pas utiliser inconsciemment sa magie pour s'envelopper constamment d'un charme donnant l'illusion de la normalité!

L'institut Fell, perdu au fin fond du Derbyshire...

  L'univers fantastique gagne également en qualité, notamment dans la description de la magie elle-même: Holly Webb peinait toujours à décrire la présence de cette force floue et indicible mais ici, elle lui confère une teneur presque palpable. Ainsi, elle la raconte à la façon de fils et de rubans que l'ont pourrait presque tisser pour former un sortilège, et qui s'entrelacent et flottent dans l'espace.

 L'institut Fell, entre couloirs mystérieux et cours de cuisine pour entrer dans la "normalité"...

  Peu à peu, on se régale de voir poindre ça et là de plus en plus de clins d’œil et de références à la saga Rose : l'Institut Fell semble être son manoir de famille, de même que les dragons seraient ceux de ses ancêtres, évoqués dans Rose et le fantôme du miroir. La fin en apothéose et l'identité de la vieille femme distinguée retenue prisonnière de l'institut (que je garderai secrète pour vous laisser le suspense) laissent présager de futurs rebondissements encore plus palpitants pour le troisième tome!

En bref : Un second opus qui bonifie encore un peu plus la qualité de la saga et l'univers créé par Holly Webb! Toujours en évitant les écueils, l'auteure joue avec talent des codes du spin-off tout en multipliant les éléments originaux et en améliorant la teneur de son intrigue. Magique et palpitant, ce deuxième tome donne vraiment envie de poursuivre l'aventure!

Et pour aller plus loin...