mercredi 30 avril 2014

La Maison de l'Orchidée - Lucinda Riley


Houthouse Flowers, Penguin Paperbacks, 2010 - City Editions, 2012 - Editions France Loisirs, 2014.

«Un magnifique roman évocateur, déchirant et profond.» - Grazia -
   Dans son enfance, Julia Forrester a passé des moments idylliques dans la serre de Wharton Park. Un immense et magnifique domaine où son grand-père était chargé de prendre soin des orchidées.
   Des années plus tard, Julia est devenue une pianiste de renommée mondiale. Alors qu'elle fait face à une tragédie personnelle, la jeune femme revient sur les traces de son enfance et renoue avec Christopher, l'héritier de Wharton Park.Un journal intime, écrit dans les années 1940 par le grand-père de Julia, est découvert lors de travaux de rénovation. Quels mystères renferment ces pages ? Dans les méandres de l'histoire de deux familles ravagées par la guerre, Julia va découvrir de sombres secrets qui vont bouleverser sa vie.

Un roman étourdissant qui a déjà ému deux millions de lecteurs.

***

  Voilà bien deux ans que ce livre me faisait de l’œil, tout alléché que j'étais par sa couverture! Sortant alors tout juste de ma lecture des Heures lointaines de Kate Morton et recherchant un roman dans la même lignée (comprenez : Une maison mystérieuse, un secret de famille, deux époques en parallèle, et des relents d'esprit gothique), mon attention avait été retenue par La Maison de l'Orchidée. Le visuel m'évoquait fortement celui d'un Kate Morton, ou aussi du tout juste acquis Pressentiments de Katherine Webb, de même que les avis du net qui avaient fait les mêmes constatations mettaient justement en avant une intrigue à l'esprit similaire, visant le même lectorat.
  Je teste donc l'expérience: Si ça parle comme du Kate Morton, si ça marche comme du Kate Morton, bref, si ça ressemble à du Kate Morton... Est-ce aussi bien que du Kate Morton?

Couverture française chez City éditions, et couverture originale de Pressentiments:
comme une petite réminiscence, non?

  Eh bien non. Je l'avoue de suite : j'ai été plutôt déçu par ce livre. Si le personnage principal de Julia parvient à nous toucher, elle et la galerie de protagonistes qui l'entourent s'avèrent vite assez clichés, ce qu'on parvient cependant à oublier grâce à la plongée dans les années 30 et 40, où leurs aïeuls ont par contre plus d'épaisseur. l'histoire passée de la famille se mêle alors à l'Histoire de l'Angleterre et on se laisse non sans déplaisir porter par le tourbillon de soirées mondaines progressivement happé par la Guerre, et le théâtre des sentiments confrontés aux codes sociaux de l'époque. Ces éléments, notamment les relations aristocrates/domestiques, fort bien racontés, nous donnent l'impression agréable d'être devant un épisodes d'Upstairs, Downstairs ou de Downton Abbey.

Couvertures originales anglaises du Jardin des Secrets de K.Morton et de La Maison de l'orchidée ;
pas de doute, le même public est visé...

  Si ce cadre historique et social soigneusement restitué m'a tenu toute la première moitié du livre, j'ai par la suite trouvé que cela manquait de piquant. Espérant un suspense à la Kate Morton (oui, encore elle, mais c'est ce qui m'a motivé à l'achat, je le répète), j'ai attendu que survienne le petit élément mystérieux, le détail étrange et délicieusement intriguant qui viendrait relever la sauce et m'aurait rendu accro jusqu'à la dernière page. En vain. Car si secret de famille il y a, c'est sans ambiance brumeuse et glaçante : l'intrigue s’empâte un peu trop à mon goût dans le romanesque sirupeux façon fiction télévisée de l'été, nous offrant quelques révélations et retournements totalement perchés dans son dernier tiers. Le tout, sans en faire un mauvais roman, s'avère finalement plutôt convenu et plaira surtout aux lectrices de romance.

Couverture de l'édition allemande de La maison de l'Orchidée,
presque miroir de l'édition originale des Brumes de Riverton de K.Morton.

  En bref: Loin d'être un mauvais roman, ce livre n'est cependant pas à recommander à qui cherche un suspens à la Kate Morton ou une intrigue familiale au parfum gothique. La maison de l'orchidée est avant tout une grande saga familiale romantique doublée d'une sympathique fresque historique.

samedi 26 avril 2014

Gourmandise littéraire : Le Kedgeree rêvé de Velvet




  Envie de retrouver le goût d'une lecture via le plaisir des papilles? Comme vous le savez, concocter des recettes issues de mes livres favoris est un de mes passe-temps préférés ; Or, en ce mois d'avril où œufs et poissons tombent fort bien à propos dans une assiette, je vous propose justement un plat les réunissant tous les deux, tout droit sorti du roman Velvet de Mary Hooper.

***

  Souvenez vous : Velvet, jeune adolescente des bas fonds du Londres edwardien, endure chaque jour les conditions de vie difficiles de son travail de blanchisseuse. Approchée par le milieu guindé du spiritisme "de salon", elle s'imagine au service de Madame Savoya, grande medium à la mode. Du haut de sa petite chambre de pension louée à la semaine, Velvet, à la façon d'une Petite Fille aux allumettes qui rêve d'une dinde aux marrons, salive à l'idée d'un kedgeree (également appelé kedegree ou encore kitchiri) au petit-déjeuner...


"Quand Velvet s'éveillait en grelottant au beau milieu de la nuit dans sa misérable petite chambre, elle s'imaginait être la fille de Madame, confortablement installée et en sécurité (...). Bientôt elle se lèverait dans une maison chauffée, aurait de l'eau chaude pour faire sa toilette et trouverait ses vêtements préparés par la femme de chambre, après quoi elle descendrait manger du kedegree pour son petit déjeuner"
Velvet, Mary Hooper, éditions Les grandes personnes, 2012, p.62.



  Plat traditionnel anglo-indien hérité de l'ère coloniale, ce repas ancestral est un incontournable des îles britanniques et particulièrement des breakfast de l'époque victorienne. Pour autant, il est toujours aussi délicieux à notre époque, même si on le préférera un midi ou un soir plutôt qu'au saut du lit!

Une jeune fille en robe edwardienne portant broche fleurie et chandelle...ce ne peut-être que Velvet!
(photo par David&Myrtille)

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Ingrédients (pour 8 personnes): 

800g de haddock fumé
400g de riz basmati
5 œufs cuits durs et découpés en quartiers
2 oignons rouges
3 gousses d'ail
3 cuillères à soupe bombées de garam masala ou de "mélange indien"
1 cuillère à soupe rase de graines de cumin
3 cuillères à café rases de graines de moutarde
1 cuillère à soupe rase de gingembre en poudre
2 cuillères à soupe rases de curcuma
1 bouquet de coriandre (ou de persil plat) hachée ou éfeuillée
6 feuilles de laurier 
6 grains de poivre noir
1 poivron rouge émincé en fines lamelles
huile d'olive
sel, poivre
jus de citron fraîchement pressé pour servir
 
A vos tabliers!

-Versez le riz dans l'eau bouillante et faites cuire selon les indications de l'emballage. Égouttez le et rincez le sous l'eau froide, puis réservez.
-Émincez l'ail et les oignons puis les faire revenir dans un peu d'huile d'olive dans une sauteuse de grande taille ou un wok large. Ajoutez ensuite les lamelles de poivron et laissez fondre le tout.
-Ajoutez le garam masala (ou le mélange d'épices indiennes), le cumin, la moutarde, le gingembre, une pincée de sel et du poivre puis mélangez le tout. Ajoutez la coriandre (ou le persil) et laissez sur feu doux à moyen environ 10mn en mélangeant régulièrement.
-Pendant ce temps, faites pocher le haddock dans une casserole d'eau bouillante avec le laurier et les grains de poivre noir. Une fois l'eau à ébullition, baissez le feu et laissez mijoter le haddock environ 5 mn avant de le retirer et d'enlever la peau et de l'émietter, puis de le réserver.
-Ajoutez le riz dans la sauteuse et mélangez soigneusement pour qu'il s’imprègne du mélange. Faites réchauffer à feu moyen pendant 5mn environ, puis ajoutez le curcuma et mélangez délicatement jusqu'à ce que le riz soit bien coloré. Rectififiez l'assaisonnement puis ajouter les morceaux de poisson avant de remuer une dernière fois le tout.

-Servez chaud, arrosé d'un jus de citron, accompagné des quartiers d’œuf dur cuits au préalable. 

Bon appétit!

mardi 22 avril 2014

Wicked, la véritable histoire de la Méchante Sorcière de l'Ouest - Gregory Maguire

Wicked, the life and time of the Wicked Witch of the West (The Wicked Years #1), William Morrow, 1995 - Éditions Bragelonne, 2011.

  Dans Le Magicien d’Oz, Dorothée triomphe de la Méchante Sorcière de l’Ouest. Mais nous n’avions que cette version de l’histoire…
  Qui est vraiment cette mystérieuse sorcière ? Est-elle donc si méchante ? Comment a-t-elle hérité de cette terrible réputation ?
  Et si c’était elle, la véritable héroïne du monde d’Oz ?
  Ouvrez ce livre et vous découvrirez enfin la merveilleuse et terrible vérité. Quels que soient vos souvenirs de ce chef-d’œuvre qu’est Le Magicien d’Oz, vous serez passionné et touché par le destin incroyable de cette femme au courage exceptionnel.
  Entrez dans un monde fantastique si riche et si vivant que vous ne verrez plus jamais les contes de la même manière…


***

  Lu il y a un an et listé dans ma sélection d'ouvrages sur le thème du Magicien d'Oz, ce roman attend depuis bien trop longtemps que je le chronique. Car plus qu'un "bon" livre, Wicked mérite certainement l'une des plus belles Théières d'Or de ce blog! Attention, attendez vous à une bombe...
  Gregory Maguire, que j'ai déjà encensé en ces pages pour Mirror Mirror (sombre et somptueuse réécriture de Blanche Neige) écrit Wicked en 1995, livre qui le fait connaitre et devient rapidement best-seller. Le pitch du roman : l'Histoire de la Méchante Sorcière de l'Ouest, ennemie jurée de Dorothy et figure maléfique en titre du Magicien d'Oz de L.F.Baum. Plus qu'une simple réécriture du classique racontée du point de vue de ce personnage, plus qu'une préquelle, et plus qu'un exercice de style effectué juste "pour la forme", Wicked est tout cela à la fois et bien plus encore. Destiné à un lectorat adulte, cette biographie -du berceau au cercueil- de la Sorcière de l'Ouest est un ouvrage d'une densité impressionnante et d'une rare qualité.

 
Couvertures de l'édition originale américaine et de deux éditions britanniques.

  Parfois cru, souvent sombre et complexe, Wicked s'approche davantage de la fable philosophique et suscite une telle réflexion sur la nature humaine que le lecteur en sort retourné, voire angoissé. En croisant l'univers féérique imaginé par L.F.Baum et en s'inspirant de l'iconographie légendaire du célèbre film musical de la MGM, Maguire utilise ce roman comme prétexte à de sérieuses et tortueuses interrogations : Comment nait le mal et quel est sa véritable nature, pour peu qu'il existe réellement?
  
 
Couvertures des éditions portugaise et turque.

  On suit donc la sorcière, baptisée Elphaba (jeu de mots phonétique sur les initiales de Lyman Franck Baum : "L.F.Ba."), dès sa naissance au sein d'une modeste famille de fermiers d'Oz. Monstrueux bébé à la peau verte, son anomalie physique semble être la marque d'infamie qu'elle est condamnée à porter pour le péché d'adultère commis par sa mère. La fillette apprend à grandir malgré les moqueries ou craintes que suscite son apparence étrange, se forgeant par là-même un tempérament frontal et décidé, et se plongeant dans la lecture ou l'étude des sciences avec acharnement et passion. Devenue une jeune fille indépendante, Elphaba s'affranchit des codes classiques de ses contemporaines et s'affiche comme une figure féministe, gagnant même sa place dans l'une des plus grandes universités du Pays. Elle y rencontre Galinda (qui deviendra plus tard... Glinda!), jeune noble frivole dont elle se rapproche malgré leurs divergences d'opinion.
  Parallèlement, le pays d'Oz se voit marqué du plus grand événement historique de tous les temps: un étranger qui se dit Magicien est tombé miraculeusement du ciel en montgolfière. Séduits et impressionnés par ses talents de prestidigitateur et son arrivée prodigieuse, les habitants d'Oz voient en lui un messie et en font leur empereur. Installé sur le trône de la Cité d'émeraude, le Magicien se voit conférer les pleins pouvoirs de contrôle et de décision et instaure son nouveau gouvernement. Les habitants d'Oz n'ont pas le choix et doivent se soumettre à sa politique s'il veulent vivre en harmonie : fermer les yeux sur l'esclavage qui se met en place ou faire mine d'ignorer le détournement des richesses.
   Elphaba, qui ne voit en ce souverain qu'un mystificateur, se détourne de sa doctrine et tente tout son possible pour dénoncer ses malversations. Son engagement marque le début de sa perte : en s'opposant ainsi au pouvoir en place, elle se retrouve désignée comme ennemie publique numéro 1 de l'Empire. L’Etat diffuse alors d'elle l'image d'une meurtrière, d'une hérétique, d'une... Sorcière. Ainsi s'écrit la légende.

 
Ephaba : entre la Sorcière telle que pensée par L.F.Baum
 et son inoubliable interprétation verdâtre pour le cinéma.

"Plus nous devenons civilisés, plus nos amusements se font horribles."

  En s'appropriant le mythologie créée par L.F.Baum, Maguire s'attache en fait à rédiger une troublante métaphore des bouleversements politiques, théologiques et sociologiques qu'a pu connaître l'Humanité. Conte philosophique tortueux et dérangeant, Wicked explore de nombreux chemins de réflexion et montre notamment que les notions de Bien et de Mal n'existent pas : l'un et l'autre se trouvent en fait créés entièrement et désignés arbitrairement par les vainqueurs qui écrivent l'Histoire et la refondent au filtre de leur propre idéologie. D'une plume magistrale à tout point de vue, Maguire nous donne aussi à voir l'avènement d'une dictature : comment s'approprier les rennes d'un Etat de façon toute simple sur la base de la manipulation, de l'esbroufe ou de l'artifice. Un jeu de marionnette et d'ombres chinoises à grande échelle, en somme.

"La seule certitude avec la véritable nature du Mal, c'est qu'elle est secrète."

  Adapté sur les planches de Broadway, Wicked est devenu un musical maintenant plus célèbre que le roman, même s'il n'explore pas le sens profond du livre et s'en tient au simple divertissement scénique. Depuis, de multiples projets, tous avortés, envisageaient d'adapter l’œuvre de Maguire ou le show en dessin-animé, film ou série... Le regain d'intérêt pour l'univers d'Oz (notamment le film de Disney) semble avoir remis l'idée au goût du jour. Espérons que le résultat (si résultat il y a) sera à la hauteur du chef-d’œuvre de Maguire!

 
 Wicked, le musical désormais culte.

  En Bref: Véritable tour de force littéraire, Wicked est tout à la fois réécriture, préquelle, hommage et œuvre philosophique. Explorant de multiples horizons et suscitant autant de réflexions sur la nature humaine que sur la politique ou la religion, ce roman brasse de nombreux sujets sans jamais s’essouffler, ni perdre en profondeur. Un peu comme si L.F.Baum avait dévoré Levi Strauss ou Platon au petit-déjeuner... Juste époustouflant.

Elphaba, par l'artiste Mab Grace
(un coup de crayon à la Benjamin Lacombe, non?^^).


Et pour aller plus loin...

lundi 21 avril 2014

Au revoir l'Hiver...



   L'hiver s'en est allé! Après un looong post consacré aux fêtes de Noël, alors que nous avons tout récemment changé de saison, je ne pouvais manquer au traditionnel petit article célébrant la transition!
   Ce n'est qu'après les festivités de fin d'année que l'atmosphère propre à l'Hiver s'est finalement installée dans notre petit Nord-Est français. Si la neige n'était pas réellement de la partie, le givre et le brouillard m'ont offert de superbes paysages à admirer au cours de ballades certes rafraîchissantes mais tout autant revigorantes! De quoi se mettre en jambe chaque nouvelle journée avant le travail ou le chapitre du livre en cours. Ces quelques vues presque "fantomatiques" précédaient donc de quotidiennes plongées dans le tome 2 de La trilogie des Charmettes, ou d'ouvrages de ma sélection sur le thème de La Belle et la Bête...

    Puis il y eu Paris et la rencontre littéraire avec Pamela Hartshorne, moment en dehors du temps en plein coeur historique de la capitale, événement inoubliable auquel je participais avec mon inséparable Barabara/Clochette/Tinkerbell. L'occasion, après ces nombreux mois sans se voir, de partager quelques fugaces mais si précieux instants à siroter des café latte ou moka en admirant le ciel de Paris, humide mais si magnifique...


   Et bien sûr, l'Hiver était aussi la période pour se réfugier en cuisine et passer des heures au-dessus des fourneaux. Dans le registre des plats de saison réconfortants, ce fut l'occasion de quelques inventions culinaires au pif, concoctées avec les fonds de tiroirs, restes et autres trouvailles oubliées du garde-manger : ainsi naquirent le parmentier chèvre-épinard au saumon, ou encore les lasagnes aux feuilles de riz:

 


  Et puis comme l'Hiver commençait à se faire long et que je cherchais à attirer le soleil, au moins dans l'assiette, je remis le couvert avec une autre invention culinaire, mais qui a déjà fait ses preuves depuis les quelques années qu'elle est née et a été adoptée de la maison : Un gratin de polenta aux légumes grillés, pesto et buche de chèvre. Méditerranéenne et estival à souhait, de quoi anticiper l'arrivée des beaux jours!


 Et n'oublions pas le Nouvel An asiatique, fêté et préparé comme il se doit, c'est à dire en cuisinant soi-même un menu japonnais digne de ce nom! Voici donc quelques makis et sushis faits maison (si long à préparer et si rapide à avaler, c'est presque un sacrilège... mais Dieu que c'est bon!)


  Et enfin, même si Noël était passé, il n'y a pas de mal à se faire du bien et à s'offrir quelques bricoles, surtout quand on déniche ENFIN des trésors de penderies qu'on a passé des lunes à chercher en vain. Mes placard accueillent donc des bottines que n'aurait pas renié John Steed et, surtout, ce subliiiiiiiime cirée jaune, un vrai de vrai de vrai de marin! Après Peter Rabbit, appelez-moi Peter & Eliott le Dragon! =D


   Oh, mais le temps de raconter tout ça, et on dirait que le soleil pointe le bout de son nez et mon saule, ses premières feuilles! Bon, d'ici quelques articles de blabla, de popotes, et bien évidemment de bouquins (car on est tout de même là pour ça, hein, quand-même!), on fera un petit point sur le Printemps ;-). Allez, à la Revoyure! =D


samedi 12 avril 2014

La Quête d'Ewilan, tome 1 : "D'un monde à l'autre" - Lylian (scénario) & Laurence Baldetti (dessins) d'après P.Bottero.

Scénario de Lylian d'après l’œuvre de Pierre Bottero ; dessins de Laurence Baldetti ; Couleurs de Loïc Chevallier - Éditions Glénat, 2013.

   L’interprétation en BD du chef-d’œuvre de Pierre Bottero !

  La vie de Camille, adolescente surdouée, bascule quand elle pénètre par accident dans l’univers de Gwendalavir avec son ami Salim. Là, des créatures menaçantes, les Ts’liches, la reconnaissent sous le nom d’Ewilan et tentent de la tuer. Originaire de ce monde, elle est l’héritière d’un don prodigieux, le Dessin, qui peut s’avérer une arme décisive dans la lutte de son peuple pour reconquérir pouvoir, liberté et dignité.
  
  Série vendue à deux millions d’exemplaires et traduite dans une dizaine de langues, La Quête d’Ewilan s’est imposée comme une référence absolue en matière de roman de fantasy pour adolescents, dont voici l’adaptation en BD. En charge du dessin, la talentueuse Laurence Baldetti (Perle Blanche) restitue à merveille le scénario précis de Lylian et illumine cet univers fabuleux de son trait souple et dynamique.

***

  En janvier dernier, j'ai chroniqué le tome 1 du cycle La quête d'Ewilan, chef-d’œuvre de feu Pierre Bottero qui avait enchanté mes jeunes années de lecteur. Classé parmi les Coups de Coeur et Théières d'Or? Ce roman connu et surtout reconnu reste inégalé dans le genre, une merveille d'écriture et d'imagination dont le lectorat francophone continue d'espérer une adaptation cinéma', même si on juge l'ouvrage inadaptable.

  On aurait pu dire la même chose d'un projet de Bande-Dessinée, raison pour laquelle je suis tombé des nues lorsque je me suis retrouvé nez à nez avec cet objet au détour d'une librairie. Il me le fallait, coûte que coûte. Je ne pouvais passer à côté, même si je craignais tout à la fois un carnage, au regard de la complexité d'une telle adaptation. En déballant mes cadeaux de Noël au pied du sapin en décembre dernier, j'eus la joie de me voir offrir ce premier tome de la BD et, débordant de curiosité et d'appréhension. Appréhension bien veine car les pages qui s'ouvraient et se succédaient sous mes yeux ébahies ont vite eu fait de balayer mes doutes.

Ébauches de couverture.

  Si l'on pouvait effectivement craindre le pire quant à la mise en images d'un pouvoir aussi abstrait que celui du "Dessin", l'artiste L.Baldetti, d'une plume vive et inspirée, parvient à l'illustrer et à la représenter avec virtuosité, à renfort de bulles presque aquatiques et de volutes lumineuses qui remportent l'adhésion du lecteur. Même si ce dernier (ce fut mon cas à la lecture) ne se représentait forcément pas l'expression du Dessin ainsi ou selon une manifestation particulière, il laisse la vision de Laurence Baldetti le convaincre et se greffer à sa perception de l'univers textuel de Bottero.


  Au-delà de ce premier défi dans l'adaptation, le style graphique en lui-même est magnifique. Je craignais, face à ce que j'ai pu voir ces dernières années dans le monde de la BD, un dessin majoritairement assisté par ordinateur. Cette nouvelle pratique, si elle est parfois pertinente, manque souvent d'une réelle "patte" dans le résultat final : les traits stéréotypés ne se réclament d'aucun talent particulier et la mise en couleurs, trop homogène et sans nuance, ne satisfait pas nos yeux affamés. J'ai donc été ravi, enchanté, que dis-je, ensorcelé par le coup de crayon de Laurence Beldetti. Son style franc, affirmé et impétueux, ses visages malicieux et expressifs, le tout d'une finesse incroyable et comme animé d'un réel mouvement. Fougueuse et habitée, sa plume révèle une patte personnelle qu'on ne pourra confondre et nous plonge dans un univers qui colle parfaitement à ce que l'ont pouvait imaginer de Gwendalavir. Que ce soit sa végétation étonnante ou son atmosphère à mi-chemin entre inspiration orientale et médiévale, le monde parallèle qui s'ouvre à nous semble coller parfaitement à l'image qu'on s'en fait à la lecture du roman.


  Le scénario, servi par ses sublimes illustrations, rend hommage à l’œuvre originale. En adaptant en fait dans ce premier opus graphique la première partie du tome 1 (Partie intitulée "Ewilan" de Un monde à l'autre), Lylian parvient à se réapproprier la trame et à restituer dans cette mise en bouche prometteuse le plus important de la genèse de la saga. L'histoire se laisse suivre avec fluidité, sans aucun défaut de rythme dans la transformation des mots en bulles et l'enchainement des vignettes. Le seul bémol de ce premier tome est peut-être de ne pas être suivi immédiatement du second, tant on meurt d'envie de poursuivre l'aventure graphique...



En bref: Pari risqué mais pari réussi! Une transposition impeccable grâce à un graphisme magnifique et habité d'une âme véritable qui parvient à restituer toute la magie de l’œuvre initiale. Pierre Bottero n'aurait pu rêvé meilleure adaptation, c'est à n'en pas douter.


Pour aller plus loin...:

mercredi 2 avril 2014

La Belle et la Bête, le roman du film - Vanessa Rubio-Barreau

Éditions Gallimard Jeunesse, 2014.




  Ouvrez les portes merveilleuses du rêve et laissez-vous raconter la plus belle histoire d'amour de tous les temps...
  Le célèbre conte de fées dans une version nouvelle, adaptée du film événement réalisé par Christophe Gans, avec Vincent Cassel, Léa Seydoux et la participation d'André Dussolier.
  En bonus, un cahier illustré avec les photos du film.



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  Depuis toujours intéressé et curieux de l'exercice de style que constitue une novélisation, ce roman adapté du scénario du film de Christophe Gans me permettait de faire d'une pierre plusieurs coups. Tout d'abord, d'évaluer un nouvel exemple de ce genre qui transforme sous forme livresque une œuvre cinématographique, ensuite d'ajouter à ma sélection sur le thème "Belle et la Bête" un nouvel ouvrage, et enfin, ayant acheté et lu ce roman en janvier, de découvrir avant de voir le film (car je ne me tenais plus d'impatience) à quelle sauce Christophe Gans avait revu le conte de Madame L.de Beaumont.

  Qu'en dire? Avant toute chose, il faut signaler que c'est avec avidité que je me suis jeté sur ce livre, tout alléché par son visuel très esthétique, sa mise en page soignée et les photographie preview intérieures. Ajoutons qu'en plus d'être "bon public", je suis aussi "bon lecteur", et qu'il me faut finalement parfois peu d'éléments positifs pour me charmer s'il sont suffisamment pertinents pour retenir mon attention. Mais là, malheureusement, non. Non. Vraiment. Juste bof


  Explications? Si certaines novélisations honorent ce genre et l'élève au-delà de l'exercice de style purement commercial pour sublimer en mots que ce que peut montrer un écran (tel que j’eus le plaisir de le découvrir, par exemple, avec Canards mortels et l'Article de la mort, novélisations de la série Chapeau Melon et bottes de cuir), ce n'est à l'évidence pas le cas de ce livre. Alors que le film, d'une grande opulence visuelle, offrait la possibilité d'en retranscrire un texte tout aussi riche, ne serait-ce qu'en descriptions, la novélisation se contente de raconter très platement le déroulement du scénario. Fade et sans saveur, sans réelle personnalité, la plume ne nous enchante pas et, pire encore si l'on n'a pas encore vu le film comme c'était alors mon cas à la lecture, pourrait même donner une très mauvaise image de ce dernier. Dommage, au regard de la belle réalisation de Christophe Gans, de ne pas avoir fourni un écrit qui en soit digne.

  En bref: Vite lu, vite oublié... pas grand chose à sauver de ce livre, qui avait pourtant tout pour être une très belle version écrite de la pellicule. A posséder pour l'objet ou le plaisir de la collection, c'est tout.

Et pour aller plus loin:

La Voleuse de livres - Marcus Zusak

The Book Thief, Doubleday, 2005 - Traduction de Marie-France Girod, OH! Éditions, 2007 - Éditions Pocket, 2008, 2014.

  Leur heure venue, bien peu sont ceux qui peuvent échapper à la Mort. Et, parmi eux, plus rares encore, ceux qui réussissent à éveiller Sa curiosité. Liesel Meminger y est parvenu. Trois fois cette fillette a croisé la Mort et trois fois la Mort s'est arrêtée. Est-ce son destin d'orpheline dans l'Allemagne nazie qui lui a valu cet intérêt inhabituel ? Ou bien sa force extraordinaire face aux événements ? À moins que ce ne soit son secret... Celui qui l'a aidée à survivre. Celui qui a même inspiré à la Mort ce si joli surnom : la Voleuse de livres...
  Quand la Mort vous raconte une histoire, vous avez tout intérêt à l'écouter...



***


  La fiction a souvent servi de biais pour traiter la Seconde Guerre mondiale et ses horreurs bien connues. Si chaque nouvel écrit sur le sujet constitue toujours un devoir de mémoire des plus honorables, il faut reconnaître qu'on ne compte plus le nombre de productions sur ce thème, au point qu'il est difficile qu'une d'entre elles s'en distingue réellement. Jusqu'ici. 

  Car avec La voleuse de livres, Marcus Zusac révolutionne la façon de raconter la Guerre de 39-45. Si les thèmes abordés sont propres à ce chapitre capital de l'Histoire de l'humanité, la narration est LE point fort de son livre. En effet, le narrateur (ou la narratrice? Peut-on réellement lui qualifier l'un ou l'autre genre?...) du périple de la petite Liesel n'est autre que... La Mort elle-même. La "Grande Faucheuse", si souvent personnifiée au travers de multiples figures, iconographies religieuses ou mystiques et imageries terrifiantes.

Couvertures de diverses éditions originales et de la réédition française de 2014 chez Pocket.

  Les premières lignes suffisent à accrocher le lecteur par leur simple ton, atmosphère ou formulation. Jamais l'on aurait pu imaginer meilleure justesse pour traduire les propos de la Mort elle-même si elle avait pu s'exprimer : le regard et les mots qu'elle pose sur les événements de la guerre, le nazisme ou le génocide, sont troublants de réalisme et de profondeur, nous poussent dans nos retranchements. Ses paroles nous glacent et nous subjuguent, nous hypnotisent, presque. Elles nous amène même à nos poser LA question qui nous est tous venue à l'esprit une fois dans notre existence : La Mort est-elle bonne, ou mauvaise? Si mal acceptée de nous autres mortels par son caractère que nous jugeons injuste, elle nous apparait ici avec davantage de neutralité et nous percevons ainsi mieux son existence comme un état de fait dénué de tout manichéisme. 

 Au rayon des belles couvertures étrangères : les éditions lituanienne, portugaise, et russe.
« Un détail : Vous allez mourir.
En toute bonne foi, j'essaie d'aborder ce sujet avec entrain, même si la plupart des gens ont du mal à me croire, malgré mes protestations. Faites-moi confiance. Je peux vraiment être enjouée. Je peux être aimable. Affable. Agréable. Et nous n'en sommes qu'aux « A ».
Mais ne me demandez pas d'être gentille. La gentillesse n'a rien à voir avec moi. »
(Introduction de la Mort)

  Pour ce qui est de l'intrigue en elle-même (excellente), et de ses personnages, félicitons l'auteur pour l'héroïne qu'il soumet à notre lecture. Liesel explose en gamine débrouillarde au jugement des plus pertinents sur le monde. On dit souvent que les enfants, forts de leur "âge de raison", sont les plus près de la véritable nature des choses de par leur innocence et leur jugement, vierge de toute corruption ou pré-notion. Emprunt de cet esprit, le regard que l'auteur fait porter par Liesel sur les horreurs du nazisme met plus que jamais en lumière l'incohérence des événements d'alors et la folie humaine. La monstruosité des hommes n'aura jamais été plus simplement et justement désignée et racontée qu'au croisement du parcours de cette fillette et de sa narration par la Mort. Un tour de force littéraire sublime, qui a connu de multiples éditions autant à destination des plus jeunes que des adultes, montrant par là son caractère universel et multi-générationnel. Après plusieurs prix venus couronné sa qualité, La voleuse de livre a -enfin!- été adapté au cinéma pour une sortie sur les écran en février dernier.

Bande-annonce du film adapté du roman, sorti en février 2014.

  En bref: une fiction historique poignante à la narration aussi magnifique que troublante. Onirique et philosophique.