samedi 20 septembre 2025

Marie-Anne Collot, sculptrice des Lumières - Pascale Debert.

Liralest - Le Pythagore Éditions, 2025.
 
    Découvrez le destin exceptionnel de Marie-Anne Collot, sculptrice française, élève de Lemoyne, contemporaine de Houdon et de Pigalle, collaboratrice de Falconet, amie de Diderot et seule portraitiste attitrée de Catherine II de Russie. Elle réalise 56 bustes et médaillons connus, entre 1765 et 1783.
    "C'est un phénomène assez rare pour être unique. Elle a fait plusieurs bustes d'hommes et de femmes très ressemblants et surtout pleins de vie et de caractère." Grimm à Catherine II, 1766.
    Formée au dessin, au modelage et à la sculpture par le professeurs de l'Académie royale, la "petite Parisienne", née à l'aube d'un nouveau monde, et placée par son père comme modèle dans les ateliers du Louvre, devient, grâce à une concordance d'évènements et de rencontres, une artiste d'avant-garde copiée par les plus grands statuaires de son temps.
    Mlle Collot (1748-1821), surnommée affectueusement Mlle Victoire par son ami Diderot, connaît une ascension vertigineuse à la cour de Russie où elle détient, à 18 ans seulement, le titre très envié de "portraitiste de Catherine II'". Boudée par l'Académie royale, puis terrorisée par la tourmente révolutionnaire, Marie-Anne Collot, devenue immensément riche, fuit son domicile parisien de l'Isle Saint-Louis pour se réfugier en Lorraine avec sa fille Marie-Lucie.
    Comment imaginer qu'au début du XIXe siècle, Nancéiennes et Nancéiens pouvaient croiser dans les rues de leur ville cette femme élégante et discrète sans savoir qu'elle était la seule sculptrice française du XVIIIe siècle !
 
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    Voilà quelques années déjà que nous n'avons pas parlé de Pascale Debert : l'autrice du génialissime blog Histoires Galantes et de la collection du même nom a consacré plusieurs ouvrages aux figures historiques qui ont marqué le Grand Est (mais pas que) et/ou le siècle des Lumières (mais pas que). Après les secrets des ducs de Lorraine, Émilie du Châtelet, Madame de Graffigny ou encore Chrétienne du Danemark, elle a également rendu hommage à Diderot et aux femmes artistes qui ont traversé les siècles dans l'ombre des hommes. Si nous n'avons pas encore trouvé le temps de présenter ces deux titres, nous avons en revanche récemment acquis et dévoré son petit dernier consacré à une illustre méconnue : Marie-Anne Collot.
 

    Que sait-on au juste de Marie-Anne Collot ? Peu de chose, du moins si l'on cherche la réponse dans les livres d'Histoire. Manuels scolaires et biographes semblent bouder cette artiste, invisibilisée comme tant d'autres femmes de talent à travers les siècles. Rien que de très normal, me direz-vous : on commence à avoir l'habitude. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir laissé une œuvre conséquente, et "Mademoiselle Victoire" (gracieux surnom parmi les nombreux qui lui seront donnés) est par ailleurs restée dans les mémoires de l'Histoire de l'Art russe, où nombre de ses créations attestent de son génie. En Lorraine également, où elle a acheté à la fin de sa vie plusieurs terres et demeures, et où l'on trouve encore certains de ses bustes et quelques-unes de ses archives personnelles.
 
 
    Comment cette petite Française à qui la vie ne promettait pourtant rien d'autre que la misère ou une mort prématurée a-t-elle pu se faire une place auprès des plus grands - en particulier Catherine II, dont elle deviendra la sculptrice attitrée - et asseoir sa légitimité comme statuaire à part entière ? Pour nous le raconter, Pascale Debert, fidèle à son style mi-ludique, mi-érudit, convoque les meilleures astuces afin de restituer le contexte dans lequel a évolué Marie-Anne Collot : à défaut d'éléments précis sur ses jeunes années, l'autrice dresse un tableau du Paris des Lumière et un état des lieux richement documenté de la vie (ou de la survie, si l'on peut dire) des enfants au sein de la capitale. Elle intercale également ses nombreux articles de fac-similés de gazettes parisiennes d'antan où, rassemblant quelques nouvelles véridiques choisies à dessein, elle restitue avec habileté le quotidien artistique ou politique d'alors.
 

    Sur les traces de Marie-Anne Collot, on découvre ou redécouvre d'autres grands noms étroitement liés à son parcours : Diderot, son ami, Lemoyne, son mentor, ou encore Falconnet, son Pygmalion. On apprend qu'au XVIIIe siècle, les peintres exposaient leurs œuvres en pleine rue, ou encore qu'il était possible de se rendre en Russie en un mois si l'on voyageait à bord d'une voiture (tirée par des chevaux, évidemment). On prend conscience de la fragile réputation d'une jeune femme, d'abord modèle, puis aspirante artiste vivant sous le même toit que son professeur. On admire les créations de "Mademoiselle Victoire", stupéfiantes de vie et de réalisme, loin des visages froids et figés de ses confrères sculpteurs. On séjourne avec elle à la cour impériale de Russie, où cette jeune femme tirée du ruisseau touche du doigt les plus grands grâce à son seul talent. Il y a, à n'en pas douter, quelque chose d'éminemment picaresque dans la destinée de cette artiste.
 

 
En bref : Dans cette nouvelle pépite de la collection "Histoires Galantes", Pascale Debert nous raconte la vie et l'œuvre de Marie-Anne Collot, première sculptrice française reconnue comme telle par ses contemporains. Des rues du Paris des Lumières à la cour impériale de Russie en passant par le palais du Louvre, l'autrice nous fait vivre le destin picaresque de cette héroïne étrangement méconnue dans ce style mi-ludique, mi-érudit qu'on adore, marque de fabrique de sa collection. Une figure inspirante à redécouvrir sans tarder.

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