Le Fantôme de l'Opéra
Le spectacle musical
Un livret de Benoit Solès d'après l'oeuvre de Gaston Leroux
Musique : Marc Demais
Paroles : Pierre-Yves Lebert
Mise en scène : Julien Alluguette
Avec : Maélie Zaffran, Ana Ka, Bastien Jaquemart, Louis Buisset, Catherine Arondel, Victor Marichal, Fabian Richard.
Au théâtre Antoine du 22 octobre 2025 au 11 janvier 2026.
Un opéra hanté, un fantôme masqué, une cantatrice ingénue, un triangle
amoureux… Entre mystère, rires, larmes et suspense, venez découvrir
cette comédie musicale aux chansons enivrantes. Une relecture audacieuse
du Fantôme de l’Opéra, dans un écrin fabuleux.
Inspirée de l’œuvre iconique de Gaston Leroux, cette toute nouvelle
adaptation prend la forme d’une comédie musicale moderne et envoûtante.
Découvrez des chansons originales, un regard neuf, une écriture
captivante et une mise en scène inédite et éblouissante.
***
Il y a bientôt dix ans de cela, on avait réservé à Mogador pour assister à la mise en scène française du très célèbre musical Le Fantôme de l'Opéra d'Andrew Lloyd Webber. Mauvais coup du fantôme ou coup de malchance, les coulisses brulaient à quelques jours de la première et le spectacle se voyait définitivement annulé. Alors quand on a eu vent que le Fantôme pointait le bout de son nez au Théâtre Antoine, on s'est empressé de chercher des informations. Déception, cependant : ce n'était pas de la version d'Andrew Lloyd Webber qu'il s'agissait, mais d'une création française "pensée pour la scène parisienne", ce qui pouvait être tout aussi prometteur qu'inquiétant (les musicals hexagonaux nous ont rarement pleinement satisfait, exception faite d'Oliver Twist).
Trailer du spectacle.
Mais on était cependant curieux : le nom de Benoit Solès, primé pour sa pièce La machine de Turing, avait de quoi allécher. Un grand nom au livret, des premiers teasers à l'atmosphère prometteuse et l'annonce d'une version plus fidèle au roman d'origine ont retenu notre attention, de même que la communication efficace sur les réseaux sociaux. Une publication montrant les visages émerveillés de la troupe découvrant les décors aura achevé de nous convaincre et on réservait nos places pour Halloween, considérant cette sortie comme furieusement de circonstance, et trépignant d'impatience à l'idée d'assister à ce qui s'annonçait comme une excellente surprise.
Verdict ? On aurait mieux fait de rester chez nous. S'il est déjà très risqué de créer un spectacle dont la version anglo-saxonne est aussi iconique sans souffrir de la comparaison, ça l'est encore plus de ne pas y mettre un minimum de moyens, ne serait-ce que pour tenir cette même comparaison. Non, on ne peut décemment pas jouer la carte du spectacle prétendument "pensé pour la scène parisienne" ou "plus fidèle à l'original" pour justifier une mise en scène aussi minimaliste, voire inexistante. Il en est d'ailleurs de même de toute la dimension esthétique, pauvre au point d'en être parfois gênante : des décors aux costumes, le tout ressemble davantage à la kermesse de fin d'année d'un lycée de province qu'à une pièce jouée sur une grande scène parisienne.
Juste avant d'aller nous installer, nous avons pensé "Pourvu qu'ils ne nous fassent pas le coup des escaliers sur roulettes qu'on change de place ou de sens pour figurer un changement de lieu" et "Mais s'il y a une vraie belle chute de lustre, l'honneur sera sauf". On y a cru jusqu'à l'extinction des feux, tant l'atmosphère de la salle était travaillée et prometteuse (musique d'ambiance, image du masque projetée sur la scène et lueurs qui vacillaient par intermittence) et puis le rideau s'est ouvert sur... deux escaliers montés sur roulettes et de vagues décors numériques projetés en fond de scène. Du fade au cheap, il n'y a qu'un pas. On veut bien faire un effort d'imagination, mais deviner à travers ces marches branlantes en bois le grand escalier de l'opéra Garnier... c'est tout de même difficile.
Même en admettant qu'il s'agisse d'un spectacle plus humble et que la production n'a rien à voir avec les créations de Broadway, compter en tout et pour tout sept comédiens sur scène pour figurer tous les personnages d'un opéra censé être bondé et grouiller littéralement de monde, c'est un peu léger. Alors, certes, les acteurs ne sont pas mauvais – ils sont même très bons : Cathy Arondel est parfaite en Madame Giry et Bastien Jacquemart nous a fait frissonner dans le rôle du fantôme, mais les personnages restent le plus souvent très archétypaux. Il faut bien admettre qu'en seulement 1h20 de spectacle, il est difficile de les faire évoluer au-delà de la caricature (c'est notamment le cas pour la Carlotta, le directeur de l'opéra et le personnage du Persan).
Oui, vous avez bien lu : 1h20 de spectacle. Pas une minute de plus, pas une de moins, pas d'entracte. L'intrigue est expédiée en quatrième vitesse, comme s'il fallait avoir quitté les lieux au plus tôt pour le spectacle suivant. D'ailleurs, cet empressement se ressent dans chaque scène, comme une lecture en accéléré : pas de pause, ni dans les gestes ni dans les dialogues, quand bien même cela serait pourtant bénéfique à la tension dramatique. On court, on se dépêche, on pare au plus urgent. Ainsi, l'histoire nous est racontée comme si elle se déroulait en une seule soirée – d'aucuns diront que l'unité de temps et de lieu propre au théâtre a le mérite d'être respectée.
Ah, et la chute du lustre, me direz-vous ? Inexistante. Ou, plutôt, suggérée à grands coups d'effets de lumière. Déception totale. Quitte à avoir des décors projetés en numérique, pourquoi ne pas les utiliser à bon escient pour ce passage parmi les plus iconiques, à défaut d'avoir la technique pour faire mieux ? La mise en scène use et abuse d'ailleurs de ces jeux de projecteur et des fumigènes pour compenser l'absence de décors ou d'astuces plus originales, qui manquent cruellement à ce spectacle.
On n'a même pas pris la peine d'évoquer la musique et les chansons, à notre sens très oubliables, sans véritable unité artistique et aux paroles assez moyennes. Décidément, on ne comprend pas l'engouement que rencontre ce Fantôme de l'Opéra. Sympathique, oui. Familial, certainement. Mais pas à la hauteur de la légende.
En bref : Il n'est pas aisé de succéder à Andrew Lloyd Webber ! Même en revendiquant une création volontairement minimaliste, on ne peut décemment servir un Fantôme de l'Opéra aussi pauvre dans sa réalisation et espérer ne pas souffrir de la comparaison. On ne passe pas forcément un mauvais moment, mais c'est loin, très loin, du spectacle qu'on nous promet.








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