Fairest of all ; A tale of the Wicked Queen, Disney Press, 2009.
L'histoire de la princesse Blanche-Neige et de sa cruelle belle-mère est connue de tous. En dépit de toutes les variations et évolutions qu'elle a subies au cours du temps, elle est restée la même : l'histoire d'une reine tellement jalouse de la beauté de sa belle-fille qu'elle cherche à la faire assassiner. Mais un autre conte, moins connu celui-là, explique pourquoi la Reine en est arrivée à pareille cruauté. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui en ont cherché les raisons et ont proposé leurs théories. Pour certains, la Reine a toujours été une femme diabolique et aurait dissimulé sa vraie nature derrière le masque de la beauté, afin de séduire le Roi et accéder au trône ; Pour d'autre, sa jalousie serait née de la ressemblance grandissante de la jeune princesse avec sa mère, la défunte épouse du Roi. Mais de façon générale, tous s'accordent à dire que la Reine était une femme vaine et cruelle, incapable d'aimer qui que ce soit.
Les spéculations sur le pourquoi de sa vanité et de sa jalousie sont trop nombreuses pour être toutes énumérées. Ce livre en propose une version : un conte tragique d'amour et de mort, un conte de souffrance, de magie et de sorcellerie. Le conte de la Méchante Reine.
***
Après Mirror, Mirror de Gregory Maguire et Snow de Tracy Lynn, je poursuis ma sélection de lecture sur le thème de Blanche-Neige avec Fairest of All ; A tale of the Wicked Queen, qui raconte l'histoire du point de vue de la Méchante Reine. Scénariste de bande-dessinées dont la majorité est axée sur des univers inspirés des contes de fées, Serena Valentino signe ici son premier roman en se basant sur l'histoire de Blanche-Neige telle que racontée dans la version réalisée par Walt Disney en 1937. A l'origine, ce sont les représentants actuels de la firme Disney qui ont contacté S. Valentino en 2009 : séduits par ses bande-dessinées, ils lui ont proposé d'écrire pour le compte de leur société un livre axé sur un "méchant" emblématique de Disney. S.Valentino avait à l'époque une préférence pour deux personnages : Maléfique (La Belle au Bois Dormant) et la Méchante Reine, également connue sous le nom de "Queen Grimhilde" (Blanche-Neige). Les éditeurs de chez Disney commandèrent alors à l'auteure un roman axé sur cette dernière, en vue de le publier à l'occasion de la réédition en dvd du Blanche-Neige de 1937. Ainsi naquit Fairest of All.
Queen Grimhilde (source: flickr.com).
Lorsque j'ai entendu parler de ce roman pour la première fois, j'ai eu peur que l'histoire manque d'épaisseur (du fait qu'elle se base sur la version dessin-animé mais aussi que les éditions Disney ont énormément encadré l'écriture de S.Valentino, qui n'était donc pas totalement libre de ses choix scénaristiques) et ne propose une intrigue trop "grand public", trop "jeunesse". Mais étant un grand fan du long-métrage de 1937, je n'ai pas pu résister à la curiosité de le commander pour voir de quoi il retournait! Tout d'abord, le livre en lui-même est une très bel objet : d'environ 250 pages, il présente un format peu courant pour un roman (forme carrée dont les dimensions sont entre le poche et le grand format) et son épaisse couverture cartonnée est revêtue d'une très élégante jaquette représentant le portrait de Sa Diabolique Majesté. Détail des plus alléchants : soulevez la jaquette et vous découvrirez une toute autre couverture... à l'effigie de la sorcière!
Bouh!
C'est donc tout enthousiasmé par l'apparence de cet ouvrage que je me suis plongé dans sa lecture ; J'imaginais que l'histoire allait démarrer au même point de départ que le dessin-animé, mais il n'en est rien : Fairest of All commence bien des années plus tôt, à savoir le jour-même du mariage de la Reine avec le Roi, veuf depuis la naissance de sa fille Blanche-Neige. C'est non sans surprise que j'ai découvert une femme loin du personnage cruel du dessin-animé mais, au contraire, d'une gentillesse et d'une douceur presque naïves. Fille du défunt fabricant de miroirs le plus renommé de la région, la Reine avait rencontré le Roi alors qu'il s'était par hasard arrêté à l'atelier de l’artisan au cours d'une promenade. Envouté par la beauté de la douce et timide jeune femme, il en était tombé éperdument amoureux. C'est pourquoi, lorsque le fabricant de miroirs était décédé, le Roi avait invité sa fille -bien que simple roturière- à rejoindre la cour où il la demanda plus tard en mariage.
L'incipit du roman a donc tout du conte de fées classique, et la souveraine est alors à mille lieues de la reine diabolique que l'on connait, témoignant même à la petite Blanche-Neige un amour sans borne. Mais le vent ne tarde pas à tourner et l'auteure introduit peu à peu des éléments et personnages qui annoncent un destin plus sombre. L'histoire prend son premier tournant lorsque la Reine reçoit, en cadeau de mariage de la part de son époux, le dernier miroir fabriqué par son père avant son décès : LE miroir. En effet, le superbe objet d'art, orné de pierreries et de serpents sculptés, manifeste bientôt d'étranges propriétés surnaturelles.
Parallèlement arrivent à la cour de lointaines cousines du Roi : trois vieilles Sœurs étranges et malveillantes qui ne tardent pas à empoisonner l'atmosphère du château d'histoires de sorcellerie et de contes macabres qui effraient la jeune Blanche-Neige. Au centre de toutes ces tentions, la personnalité de la Reine ne tarde pas à se fissurer et le vernis à craquer, laissant entrevoir une femme instable et fragile : derrière la douce et magnifique fille du plus renommé des artisans du royaume se cache en fait une enfant meurtrie, à jamais brisée par un père en réalité violent et humiliant. Peu à peu, soumise à l'influence néfaste des trois vieilles sœurs et de la figure à la fois effrayante et fascinante qui apparait dans le miroir, la Reine sombre dans une folie où la magie noire et la destruction lui semblent être les déchirantes mais uniques solutions au malêtre qui la ronge...
Bien que l'évolution du personnage manque parfois de subtilité, le récit s'est avéré plus profond que je l'imaginais avant la lecture : l'intrigue imaginée par Serena Valentino propose une explication logique et intéressante à la folie meurtrière de la reine et nous révèle une femme plus fragile que cruelle, avant tout victime d'un père destructeur et d'un manque de confiance en elle. Cette version de l'histoire est captivante à lire car elle donne à voir l'envers du décor des faits relatés dans le dessin-animé, et suppose que ce dernier ne nous donne pas toutes les informations. Ainsi, lorsque l'intrigue de Fairest of All rejoint l'histoire de Blanche-Neige, on retrouve avec plaisir certains moments clef du long-métrage, mais auxquels viennent s'ajouter des scènes inédites montrant le vraie visag de la Reine, marionnette entre les mains des trois vieilles Sœurs.
Ah, les vieilles Sœurs : une trouvaille originale que ces trois là, que l'on croirait sorties d'un film de Tim Burton (Comparées à des poupées de porcelaine cassées et désarticulées, elles sont décrites grandes et maigres, le visage poudré à l'extrême et le centre les lèvres coloré d'un rouge écarlate. Autre particularité : elles complètent chacune les phrases les unes des autres, comme une seule et même entité parlant alternativement avec trois bouches!). Ces trois vieilles démentes qui ne sont pas sans évoquer les sorcières de McBeth ajoutent une touche horrifique bien trouvée au livre et à l'univers du conte. Manipulée du début à la fin, la Reine semble également soumise au jugement porté par le miroir sur ses faits et gestes, mais aussi sur sa beauté ; on apprend d'ailleurs l'origine de sa magie ainsi que la véritable identité du visage qui s'y reflète, une très bonne trouvaille de l'auteure (mais que je me garderai bien de révéler ici pour ne pas gâcher la surprise!).
L'écriture est fluide et très accessible même pour un lecteur français qui est peu habitué à lire en VO: le vocabulaire utilisé reste en effet simple et plutôt transparent (N'hésitez pas ;) !). Cette simplicité n'empêchera pas aux plus littéraires d'apprécier le style de l'auteure, dont la plume est très agréable en plus de savoir manier les ficelles du suspens et retranscrire avec brio l'intensité dramatique. Petit plus: mon côté visuel a été entièrement satisfait par le soin tout particulier que Serena Valentino accordait aux descriptions, riches de détails. Cela m'a permis de me plonger entièrement dans l'histoire et de visualiser les nombreux décors, de me "faire mon film" en imaginant tantôt les photos d'Annie Leibovitz faîtes pour Disney, les tours du château de Neuschwanstein en Bavière (qui a inspirés les illustrateurs du dessin-animé de 1937 pour le palais de la Reine), mais aussi certains lieux des parcs Disneyland, comme le puits aux souhaits ou le cabinet des poisons de la sorcière de l'attraction Snow White scary adventure.
En Bref: Ce roman s'est avéré être une excellente surprise: bien que prenant pour base le dessin-animé Blanche-Neige de Disney, il dépeint la personnalité de la Reine de façon plus profonde et complexe que je m'y attendais, la présentant sous un jour inattendu mais des plus intéressant. A découvrir d'urgence pour les fans du conte original ou du dessin-animé!
Et pour aller plus loin...
-Si vous avez aimé ce livre, vous aimerez sans doute...
- White as Snow, de T.Lee, réécriture de Blanche-Neige qui s'attarde également sur la personnalité de la Méchante Reine et tente d'expliquer l'origine de sa vanité.
-Puisque S.Valentino faillit écrire un roman similaire sur Maléfique, la méchante du dessin-animé La Belle au Bois Dormant, découvrez donc ce qu'en ont fait les studios Disney avec le film Maléfique de R.Stromberg (ICI), et sa novélisation en roman par E.Rudnick (ICI).
- Et allez donc voir...
-Le site officiel de Serena Valentino, pour découvrir ses autres romans et BD.
L'incipit du roman a donc tout du conte de fées classique, et la souveraine est alors à mille lieues de la reine diabolique que l'on connait, témoignant même à la petite Blanche-Neige un amour sans borne. Mais le vent ne tarde pas à tourner et l'auteure introduit peu à peu des éléments et personnages qui annoncent un destin plus sombre. L'histoire prend son premier tournant lorsque la Reine reçoit, en cadeau de mariage de la part de son époux, le dernier miroir fabriqué par son père avant son décès : LE miroir. En effet, le superbe objet d'art, orné de pierreries et de serpents sculptés, manifeste bientôt d'étranges propriétés surnaturelles.
Parallèlement arrivent à la cour de lointaines cousines du Roi : trois vieilles Sœurs étranges et malveillantes qui ne tardent pas à empoisonner l'atmosphère du château d'histoires de sorcellerie et de contes macabres qui effraient la jeune Blanche-Neige. Au centre de toutes ces tentions, la personnalité de la Reine ne tarde pas à se fissurer et le vernis à craquer, laissant entrevoir une femme instable et fragile : derrière la douce et magnifique fille du plus renommé des artisans du royaume se cache en fait une enfant meurtrie, à jamais brisée par un père en réalité violent et humiliant. Peu à peu, soumise à l'influence néfaste des trois vieilles sœurs et de la figure à la fois effrayante et fascinante qui apparait dans le miroir, la Reine sombre dans une folie où la magie noire et la destruction lui semblent être les déchirantes mais uniques solutions au malêtre qui la ronge...
La Méchante Reine (Olivia Wilde) et son miroir magique (Alec Baldwin), vus par Annie Leibovitz pour Disney.
Bien que l'évolution du personnage manque parfois de subtilité, le récit s'est avéré plus profond que je l'imaginais avant la lecture : l'intrigue imaginée par Serena Valentino propose une explication logique et intéressante à la folie meurtrière de la reine et nous révèle une femme plus fragile que cruelle, avant tout victime d'un père destructeur et d'un manque de confiance en elle. Cette version de l'histoire est captivante à lire car elle donne à voir l'envers du décor des faits relatés dans le dessin-animé, et suppose que ce dernier ne nous donne pas toutes les informations. Ainsi, lorsque l'intrigue de Fairest of All rejoint l'histoire de Blanche-Neige, on retrouve avec plaisir certains moments clef du long-métrage, mais auxquels viennent s'ajouter des scènes inédites montrant le vraie visag de la Reine, marionnette entre les mains des trois vieilles Sœurs.
Ah, les vieilles Sœurs : une trouvaille originale que ces trois là, que l'on croirait sorties d'un film de Tim Burton (Comparées à des poupées de porcelaine cassées et désarticulées, elles sont décrites grandes et maigres, le visage poudré à l'extrême et le centre les lèvres coloré d'un rouge écarlate. Autre particularité : elles complètent chacune les phrases les unes des autres, comme une seule et même entité parlant alternativement avec trois bouches!). Ces trois vieilles démentes qui ne sont pas sans évoquer les sorcières de McBeth ajoutent une touche horrifique bien trouvée au livre et à l'univers du conte. Manipulée du début à la fin, la Reine semble également soumise au jugement porté par le miroir sur ses faits et gestes, mais aussi sur sa beauté ; on apprend d'ailleurs l'origine de sa magie ainsi que la véritable identité du visage qui s'y reflète, une très bonne trouvaille de l'auteure (mais que je me garderai bien de révéler ici pour ne pas gâcher la surprise!).
Le château de Neuschwanstein, en Bavière, qui a inspiré les designers de Disney pour le château du dessin-animé Blanche-Neige.
L'écriture est fluide et très accessible même pour un lecteur français qui est peu habitué à lire en VO: le vocabulaire utilisé reste en effet simple et plutôt transparent (N'hésitez pas ;) !). Cette simplicité n'empêchera pas aux plus littéraires d'apprécier le style de l'auteure, dont la plume est très agréable en plus de savoir manier les ficelles du suspens et retranscrire avec brio l'intensité dramatique. Petit plus: mon côté visuel a été entièrement satisfait par le soin tout particulier que Serena Valentino accordait aux descriptions, riches de détails. Cela m'a permis de me plonger entièrement dans l'histoire et de visualiser les nombreux décors, de me "faire mon film" en imaginant tantôt les photos d'Annie Leibovitz faîtes pour Disney, les tours du château de Neuschwanstein en Bavière (qui a inspirés les illustrateurs du dessin-animé de 1937 pour le palais de la Reine), mais aussi certains lieux des parcs Disneyland, comme le puits aux souhaits ou le cabinet des poisons de la sorcière de l'attraction Snow White scary adventure.
Le wishing well de Blanche-Neige, à Disneyworld, et le repère de la sorcière de l'attraction Snow White Scary Adventure, à Disneyland Paris.
En Bref: Ce roman s'est avéré être une excellente surprise: bien que prenant pour base le dessin-animé Blanche-Neige de Disney, il dépeint la personnalité de la Reine de façon plus profonde et complexe que je m'y attendais, la présentant sous un jour inattendu mais des plus intéressant. A découvrir d'urgence pour les fans du conte original ou du dessin-animé!
Et pour aller plus loin...
-Si vous avez aimé ce livre, vous aimerez sans doute...
- White as Snow, de T.Lee, réécriture de Blanche-Neige qui s'attarde également sur la personnalité de la Méchante Reine et tente d'expliquer l'origine de sa vanité.
-Puisque S.Valentino faillit écrire un roman similaire sur Maléfique, la méchante du dessin-animé La Belle au Bois Dormant, découvrez donc ce qu'en ont fait les studios Disney avec le film Maléfique de R.Stromberg (ICI), et sa novélisation en roman par E.Rudnick (ICI).
- Et allez donc voir...
-Le site officiel de Serena Valentino, pour découvrir ses autres romans et BD.
Ca donne vraiment très envie. C'est une superbe idée la double couverture ! J'espère que tous ces merveilleux livres seront, un jour, traduits en français...
RépondreSupprimerLa couverture est très chouette! =p Pour la traduction française, c'est à espérer... j'avais cru que le soudain intérêt du cinéma pour Blanche-Neige cette année amènerait les éditeurs français à se pencher sur ces livres encore inédits en France, mais il semble que ce n'est pas encore le cas pour l'instant =( Dommage, celui-là et "Mirror Mirror" gagneraient vraiment à être connus!
SupprimerJe l'espérais aussi... C'est vraiment dommage.
RépondreSupprimerJ'ai publié mon avis sur un livre qui, je pense, pourrait te plaire : La Maison Sans-Pareil (Neversuch House) de Elliot Skell. Je te le conseille, c'est vraiment très bien.
Bonne journée.
J'avais vu que tu le lisais, j'attendais ton avis avec impatience car il me faisait de l'oeil depuis un moment! Je vais aller voir ce que tu en as pensé tout de suite!
SupprimerDe mon côté, j'ai craqué pour un roman qui m'a l'air très original, illustré avec de nombreuses photographies anciennes pleines d'étrangeté: "Miss Peregrine et les enfants particuliers"! ça m'a l'air excellent! =D