Éditions Pierre Lafitte, 1910 - Multiples éditions et rééditions françaises depuis, ...dont la version numérique!
Des évènements étranges ont lieu à l'Opéra. Un lustre s'effondre pendant
une représentation, un machiniste est retrouvé pendu. Mais le
personnage dont certains affirment avoir vu le visage déformé ne semble
être qu'un humain ; en effet les directeurs de l'Opéra se voient
réclamer 20 000 francs par mois de la part d'un certain « Fantôme de
l'Opéra » qui exige aussi que la loge numéro 5 lui soit réservée. Mais,
plus bizarre, une jeune chanteuse orpheline nommée Christine Daaé,
recueillie par la femme de son professeur de chant, entend son nom
pendant la nuit et elle dirait même avoir vu et rencontré le fameux
Fantôme de l'Opéra...
Après avoir remis le nez dans les valeurs sûres ressorties de derrière les fagots littéraires avec L'étrange cas du Dr Jekyll et Mr Hyde, je décidai de poursuivre un peu dans les classiques avec cette œuvre de Gaston Leroux, dont on a tous eu vent ne serait-ce qu'une fois dans notre vie. A l'image de la légende de Jekyll et Hyde, je connaissais bien sûr le fantôme de l'Opéra de par sa renommée et le mythe qui s'est construit autour de l'histoire d'origine, qui a donné naissance à un héritage culturel vaste et varié. La curiosité que j'ai toujours plus ou moins eu pour cet ouvrage s'est intensifiée avec ma visite, il y a de cela quelques années, de l'Opéra Garnier, théâtre de l'action. On y trouve en effet la trace du roman de Leroux puisque le cinquième balcon surplombant la scène est indiqué comme la place attitrée du fantôme...
A cela se sont ensuite ajoutées quelques lectures documentaires sur le sujet, ainsi que des reportages révélant les secrets de l'Opéra et évoquant nécessairement le roman... qui trouverait son origine dans des faits historiques! La liseuse numérique de la fnac proposant Le fantôme de l'opéra dans sa librairie de classiques gratuits, je sautai sur l'occasion pour, enfin, découvrir cet immanquable de la littérature populaire française.
Le récit est construit comme une enquête véridique, présentée au lecteur à la façon d'un rapport que G.Leroux aurait rédigé sur la base d'investigations menées à l'Opéra Garnier et destinées à éclaircir les sombres événements dont il aurait été le théâtre quelques cinquante ans plus tôt : la disparition de la cantatrice Christine Daaé et l'affaire du "fantôme de l'Opéra". Au fil des faits qu'il restitue, Leroux glisse ça et là des extraits de journaux intimes, de correspondances ou de rapports de police comme autant de pièces à conviction trouvées au cours de ses recherches.
L'affaire du fantôme date donc de la seconde moitié du XIXème siècle. A cette époque, le tout Paris se précipite à l'opéra pour applaudir la Carlotta, cantatrice vedette. Mais alors que l'établissement change de gérants, les nouveaux directeurs reçoivent soudain des missives de chantage d'un certain "Fantôme de l'Opéra", qui se présente comme seul et unique maître des lieux, raison pour laquelle il impose un loyer astronomique sous peine d'accomplir sa terrible vengeance. Les nouveaux propriétaires se refusent à céder et font l'impasse sur ce qu'ils considèrent être une simple farce. Et pourtant... très vite, la colère du Fantôme s’abat sur l'Opéra: accidents en série, disparitions, morts inexpliquées... Et les menaces du Fantôme qui n'en finissent pas, de même que la liste de ses caprices s’allonge: il souhaite voir dans le rôle titre des représentations la jeune Christine Daaé, cantatrice jusqu'ici cantonnée aux seconds rôles sans envergure. Il se trouve en effet que la jeune femme possède un talentueux potentiel: depuis plusieurs mois, elle reçoit dans sa loge la visite du fantôme, de son vrai nom Eric, mystérieux individu masqué qui lui donne des cours de chant et... la courtise. Comme hypnotisée par ce personnage dont elle ne sait s'il est un être humain ou un esprit, la candide jeune femme le suit jusque dans son repère: un lac souterrain aménagé dans les fondations mêmes de l'Opéra Garnier. Mais le Vicomte de Chagny, ami d'enfance de Christine et profondément amoureux d'elle, se promet de la libérer du joug du fantôme. Aidé du Persan, un vagabond qui connait les passages de l'opéra comme sa poche, il se lance à la recherche de sa bien-aimée dans le dédale souterrain du fantôme, semé d'embuches et de mortels faux-semblants...
Voici donc les grandes lignes de ce mythe qui a traversé les décennies et conquis toujours plus de lecteurs, voire de spectateurs lorsqu'il renaissait sous forme d'adaptations théâtrales ou cinématographiques. Il n'est à n'en pas douter que l'intrigue, pour avoir passionné tant de monde et s'être offerte le luxe de devenir un vraie légende surpassant le simple roman, relève d'une indéniable qualité. Cependant, il faut bien reconnaître que, contexte littéraire et époque obligent, Gaston Leroux ne nous épargne pas des nombreux effets de style caractéristiques du roman-feuilleton: emphase, fioritures syntaxiques et grammaticales, grandiloquences inhérentes au genre sont donc au rendez-vous et peuvent parfois apporter quelques lourdeurs ou redondances. Mais, pour peu qu'on soit dans l'ambiance et enclin à se laisser habiter par cette atmosphère "Belle-Epoque parisienne mystérieuse" pur jus, on parvient à passer outre ces quelques points, voire à les apprécier comme des éléments nécessaires à la qualité de l'histoire et à sa magie.
Car fort est de constater que certains passages sont merveilleusement bien racontés, dans lesquels le lecteur se laisse complètement absorber. Pour ma part, j'ai adoré le chapitre au cours duquel Christine, comme hypnotisée, se rend au cimetière de nuit tandis que Chagny la suit en cachette, apercevant le fantôme qui s'enfuit dans un effet de cape virevoltante. Autre passage particulièrement prenant : la scène du bal masqué, à l'Opéra, auquel le fantôme s'invite sous le masque d'une Mort vêtue d'un sublime costume écarlate. Impossible de ne pas retenir également la dernière partie du roman, lorsque Chagny et le Persan se perdent dans le labyrinthe du fantôme, semé d'illusions d'optique et de pièges de théâtre.
Pour ce qui est des personnages, Chagny m'a particulièrement agacé dans le rôle hyper stéréotypé de l'amoureux transis, soupirant romantique à l'excès et insupportable au possible (me rappelant au passage le chevalier Danceny des Liaisons Dangereuses). Christine, en revanche, est très attachante: innocente et candide, elle est cependant loin de la mièvrerie du vicomte et se présente, pleine d'humanité et d'altruisme, comme la seule personne capable d'aimer le fantôme même si elle le craint tout à la fois. Ce dernier reste cependant LE personnage de l'histoire: Eric, fascinant de complexité et d'ambivalence derrière son masque, est un génie du mal aux multiples talents de prestidigitateur, aussi mortellement dangereux qu'il est plein de panache.
En bref : un récit qui, s'il n'échappe pas aux quelques lourdeurs dues au genre et à l'époque, est néanmoins à découvrir pour son intrigue prenante et l'aura rayonnante qui en a découlé, qui nécessite donc qu'on s'y attarde! Pour aller plus loin avec ce fantôme, il est évidemment intéressant de s'offrir une petite tournée des adaptations cinématographiques et télévisuelles qui en ont été tirées. Des dizaines de films ont été adaptés du roman de Leroux et certains sont déjà en attente dans ma dvdthèque: celle de 1997 de Dario Argento ainsi que la version de 2004 adaptée de la comédie musicale (rendez-vous prochainement pour mon avis ;-) héhé!). A noter qu'une prequelle animée racontant les origines d'Eric serait actuellement en production, intitulée The Trap-door maker - littéralement: Le fabriquant de chausse-trappes (images et sources ici).
Petit plus anecdotique: si vous êtes comme moi curieux de nature, vous serez forcément tenté de chercher sur la base de quels faits prétendus historiques Gaston Leroux s'est inspiré pour ce livre. Pour avoir passé des heures en tête à tête avec google pour éclaircir la question, je peux vous dire que les réponses qu'on trouve sur le net sont assez frustrantes: selon les sources, beaucoup d'informations se contredisent et il est au final difficile de démêler le vrai du faux... mais n'est-ce pas là la caractéristique du mythe avec un grand M: lorsque réalité et ficition s’épousent si bien que la limite entre les deux ne peut plus se distinguer? Quelques certitudes et hypothèses de réponse subsistent cependant : Il n'y a pas de lac souterrain à proprement parler sous l'Opéra, mais bel et bien un dédale de couloir et de pièces complètement immergé sous les eaux, le théâtre ayant été bâti sur une importante réserve aquatique naturelle. La scène mythique de la chute du lustre trouve également sa source dans un événement véridique: vers 1890, un contrepoids ayant lâché, le luminaire est dangereusement descendu de quelques mètres au-dessus du public et a tué un spectateur situé dans l'un des plus hauts balcons. Concernant les personnages, certaines études affirment que Christine Daaé est inspirée de la cantatrice Kristina Nilsson (de nombreux points autobiographiques concorderaient entre le personnage de Leroux et l'artiste)... Mais quant à savoir si elle rencontra un jour le fantôme, le mystère reste entier...
A cela se sont ensuite ajoutées quelques lectures documentaires sur le sujet, ainsi que des reportages révélant les secrets de l'Opéra et évoquant nécessairement le roman... qui trouverait son origine dans des faits historiques! La liseuse numérique de la fnac proposant Le fantôme de l'opéra dans sa librairie de classiques gratuits, je sautai sur l'occasion pour, enfin, découvrir cet immanquable de la littérature populaire française.
Façade de l'Opéra Garnier, le grand escalier, et la loge du fantôme!
Le récit est construit comme une enquête véridique, présentée au lecteur à la façon d'un rapport que G.Leroux aurait rédigé sur la base d'investigations menées à l'Opéra Garnier et destinées à éclaircir les sombres événements dont il aurait été le théâtre quelques cinquante ans plus tôt : la disparition de la cantatrice Christine Daaé et l'affaire du "fantôme de l'Opéra". Au fil des faits qu'il restitue, Leroux glisse ça et là des extraits de journaux intimes, de correspondances ou de rapports de police comme autant de pièces à conviction trouvées au cours de ses recherches.
L'affaire du fantôme date donc de la seconde moitié du XIXème siècle. A cette époque, le tout Paris se précipite à l'opéra pour applaudir la Carlotta, cantatrice vedette. Mais alors que l'établissement change de gérants, les nouveaux directeurs reçoivent soudain des missives de chantage d'un certain "Fantôme de l'Opéra", qui se présente comme seul et unique maître des lieux, raison pour laquelle il impose un loyer astronomique sous peine d'accomplir sa terrible vengeance. Les nouveaux propriétaires se refusent à céder et font l'impasse sur ce qu'ils considèrent être une simple farce. Et pourtant... très vite, la colère du Fantôme s’abat sur l'Opéra: accidents en série, disparitions, morts inexpliquées... Et les menaces du Fantôme qui n'en finissent pas, de même que la liste de ses caprices s’allonge: il souhaite voir dans le rôle titre des représentations la jeune Christine Daaé, cantatrice jusqu'ici cantonnée aux seconds rôles sans envergure. Il se trouve en effet que la jeune femme possède un talentueux potentiel: depuis plusieurs mois, elle reçoit dans sa loge la visite du fantôme, de son vrai nom Eric, mystérieux individu masqué qui lui donne des cours de chant et... la courtise. Comme hypnotisée par ce personnage dont elle ne sait s'il est un être humain ou un esprit, la candide jeune femme le suit jusque dans son repère: un lac souterrain aménagé dans les fondations mêmes de l'Opéra Garnier. Mais le Vicomte de Chagny, ami d'enfance de Christine et profondément amoureux d'elle, se promet de la libérer du joug du fantôme. Aidé du Persan, un vagabond qui connait les passages de l'opéra comme sa poche, il se lance à la recherche de sa bien-aimée dans le dédale souterrain du fantôme, semé d'embuches et de mortels faux-semblants...
Voici donc les grandes lignes de ce mythe qui a traversé les décennies et conquis toujours plus de lecteurs, voire de spectateurs lorsqu'il renaissait sous forme d'adaptations théâtrales ou cinématographiques. Il n'est à n'en pas douter que l'intrigue, pour avoir passionné tant de monde et s'être offerte le luxe de devenir un vraie légende surpassant le simple roman, relève d'une indéniable qualité. Cependant, il faut bien reconnaître que, contexte littéraire et époque obligent, Gaston Leroux ne nous épargne pas des nombreux effets de style caractéristiques du roman-feuilleton: emphase, fioritures syntaxiques et grammaticales, grandiloquences inhérentes au genre sont donc au rendez-vous et peuvent parfois apporter quelques lourdeurs ou redondances. Mais, pour peu qu'on soit dans l'ambiance et enclin à se laisser habiter par cette atmosphère "Belle-Epoque parisienne mystérieuse" pur jus, on parvient à passer outre ces quelques points, voire à les apprécier comme des éléments nécessaires à la qualité de l'histoire et à sa magie.
Le fantôme de l'opéra, par Anne Bachelier pour une édition illustrée du roman.
Car fort est de constater que certains passages sont merveilleusement bien racontés, dans lesquels le lecteur se laisse complètement absorber. Pour ma part, j'ai adoré le chapitre au cours duquel Christine, comme hypnotisée, se rend au cimetière de nuit tandis que Chagny la suit en cachette, apercevant le fantôme qui s'enfuit dans un effet de cape virevoltante. Autre passage particulièrement prenant : la scène du bal masqué, à l'Opéra, auquel le fantôme s'invite sous le masque d'une Mort vêtue d'un sublime costume écarlate. Impossible de ne pas retenir également la dernière partie du roman, lorsque Chagny et le Persan se perdent dans le labyrinthe du fantôme, semé d'illusions d'optique et de pièges de théâtre.
Christine au cimetière (illustration d'Anne Bachelier).
Deux visions du fantôme s'invitant au bal masqué (illustration d'Anne Bachelier et photo d'une représentation théâtrale montée à Lyon en 2010).
Pour ce qui est des personnages, Chagny m'a particulièrement agacé dans le rôle hyper stéréotypé de l'amoureux transis, soupirant romantique à l'excès et insupportable au possible (me rappelant au passage le chevalier Danceny des Liaisons Dangereuses). Christine, en revanche, est très attachante: innocente et candide, elle est cependant loin de la mièvrerie du vicomte et se présente, pleine d'humanité et d'altruisme, comme la seule personne capable d'aimer le fantôme même si elle le craint tout à la fois. Ce dernier reste cependant LE personnage de l'histoire: Eric, fascinant de complexité et d'ambivalence derrière son masque, est un génie du mal aux multiples talents de prestidigitateur, aussi mortellement dangereux qu'il est plein de panache.
En bref : un récit qui, s'il n'échappe pas aux quelques lourdeurs dues au genre et à l'époque, est néanmoins à découvrir pour son intrigue prenante et l'aura rayonnante qui en a découlé, qui nécessite donc qu'on s'y attarde! Pour aller plus loin avec ce fantôme, il est évidemment intéressant de s'offrir une petite tournée des adaptations cinématographiques et télévisuelles qui en ont été tirées. Des dizaines de films ont été adaptés du roman de Leroux et certains sont déjà en attente dans ma dvdthèque: celle de 1997 de Dario Argento ainsi que la version de 2004 adaptée de la comédie musicale (rendez-vous prochainement pour mon avis ;-) héhé!). A noter qu'une prequelle animée racontant les origines d'Eric serait actuellement en production, intitulée The Trap-door maker - littéralement: Le fabriquant de chausse-trappes (images et sources ici).
Le fantôme de l'opéra, version de Dario Argento (1997) et adaptation musicale de Joel Schumacher (2004).
Petit plus anecdotique: si vous êtes comme moi curieux de nature, vous serez forcément tenté de chercher sur la base de quels faits prétendus historiques Gaston Leroux s'est inspiré pour ce livre. Pour avoir passé des heures en tête à tête avec google pour éclaircir la question, je peux vous dire que les réponses qu'on trouve sur le net sont assez frustrantes: selon les sources, beaucoup d'informations se contredisent et il est au final difficile de démêler le vrai du faux... mais n'est-ce pas là la caractéristique du mythe avec un grand M: lorsque réalité et ficition s’épousent si bien que la limite entre les deux ne peut plus se distinguer? Quelques certitudes et hypothèses de réponse subsistent cependant : Il n'y a pas de lac souterrain à proprement parler sous l'Opéra, mais bel et bien un dédale de couloir et de pièces complètement immergé sous les eaux, le théâtre ayant été bâti sur une importante réserve aquatique naturelle. La scène mythique de la chute du lustre trouve également sa source dans un événement véridique: vers 1890, un contrepoids ayant lâché, le luminaire est dangereusement descendu de quelques mètres au-dessus du public et a tué un spectateur situé dans l'un des plus hauts balcons. Concernant les personnages, certaines études affirment que Christine Daaé est inspirée de la cantatrice Kristina Nilsson (de nombreux points autobiographiques concorderaient entre le personnage de Leroux et l'artiste)... Mais quant à savoir si elle rencontra un jour le fantôme, le mystère reste entier...
Coupe de l'Opéra: ses couloirs et ses souterrains...
La cantatrice Christine Nillson, qui aurait inspiré le personnage de Christine Daaé à G.Leroux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire