Rageot Editeurs, 2003 - Editions France Loisirs (collection "graffiti fantastique"), 2005 - Edition Rageot, intégrale de la trilogie, 2010 - Éditions Le livre de poche, 2012.
La vie de Camille,
adolescente surdouée, bascule quand elle pénètre par accident dans
l'univers de Gwendalavir avec son ami Salim. Là, des créatures
menaçantes, les Ts'liches, la reconnaissent sous le nom d'Ewilan et
tentent de la tuer. Originaire de ce monde, elle est l'héritière d'un
don prodigieux, le Dessin, qui peut s'avérer une arme décisive dans la
lutte de son peuple pour reconquérir pouvoir, liberté et dignité.
Epaulée par le maître d'armes de l'empereur et un vieil érudit, Camille
parviendra-t-elle à maîtriser son pouvoir ?
Voilà un roman, premier tome d'une trilogie (elle-même première trilogie d'un cycle en comportant plusieurs), qui a marqué notre adolescence, resté depuis l'un de nos favoris. Nous sortions alors tout juste de la lecture des Chroniques de Narnia, lorsque ce titre a retenu notre attention dans le catalogue France Loisirs. Alors sortie depuis deux ans aux éditions Rageot, la trilogie de La Quête d'Ewilan avait déjà fait sa place dans l'univers de la fantasy, et était reconnue par ses lecteurs autant que par les critiques comme une œuvre de grande qualité, bien au-delà de ce qu'on peut attendre d'un roman jeunesse classique. Pour notre part, nous avons découvert Ewilan, sa quête et son univers, au cours de délicieux instants de lecture à la nuit tombée, chaleureusement pelotonné pendant que la neige tombait dru au-dehors. L'immense plaisir de cette première lecture nous invite, par nostalgie, à y replonger régulièrement.
Mais assez de blabla inutile, parlons donc un peu de l'intrigue : Camille Duciel est une atypique jeune fille de 13 ans : adoptée alors qu'elle était toute petite par une famille très BCBG (mais surtout froide et peu démonstrative question sentiments), l'adolescente surdouée est une libre penseuse et une autodidacte, atteignant toute à la fois une autonomie, une réflexion, une imagination et une maturité rares pour son âge. Pour autant, elle n'en reste pas moins une jeune fille dynamique et spontanée qui aime avant tout passer du temps avec Salim, son ami de toujours, issu d'une famille camerounaise aux antipodes sociaux de la sienne. Alors qu'elle n'a aucun souvenir de ses parents biologiques, le destin rattrape rapidement Camille pour la mettre sur leur trace : manquant de se faire renverser par un camion, elle se trouve comme par magie propulsée dans un monde parallèle peuplé de créatures reptiliennes et autres arachnides gigantesques. Pouvant effectuer des allés et retours entre les deux mondes, elle se découvre parallèlement l'étrange don de rendre réel tout ce qu'elle imagine. Partageant ces deux secrets avec Salim, celui-ci est alors emporté avec elle dans l'aventure et l'accompagne lorsqu'elle bascule de nouveau dans l'Autre-Monde : l'Empire de Gwendalavir. Là-bas, on lui apprend que son pouvoirs s'appelle le Dessin, l'Art de se plonger dans l'Imagination - sorte de dimension de pensée invisible - pour rendre réel, palpable et concret tout ce que l'on désire. Mais Camille n'est pas au bout de ses surprises... Très vite, elle découvre sa véritable identité : elle s'appelle en réalité Ewilan, et se trouve être de la fille des deux plus grands Dessinateurs que l'Autre-Monde ait connu, mais qui ont mystérieusement disparu après avoir été trahis par d'autres Dessinateurs haut-placés. Désormais accompagnée d'un vieux sage, d'un mercenaire et d'un chevalier - sans oublier Salim - Ewilan part en quête de ses racines pour retrouver ses parents et renouer avec ce monde oublié qui est le sien. Mais dans l'ombre de l'Empire, des traitres sévissent encore, sans compter les danger que recèlent la faune et la flore pour le moins atypiques de ce monde parallèle.
Après ce synopsis détaillé, revenons-en à un discours plus critique ; autant l'avouer d'emblée, il sera des plus élogieux. Vous avez certainement pu lire à de nombreuses reprises sur ce blog que plusieurs de nos lectures fantastiques ou fantasy jeunesse avaient, à nos yeux, souffert de la comparaison avec cet ouvrage. Il était donc temps de lui rendre enfin l'hommage qu'il se doit, et de montrer à quel point le chef-d’œuvre de P. Bottero -décédé bien trop vite d'un accident de la route - reste inégalé dans le genre. Laissons pour cela la parole aux professionnels, avec cette critique extraite de Je cherche un livre pour un enfant - Le guide des livres pour les 8-16 ans, de Tony Di Mascio: "Il existe une telle production de romans de fantasy que lorsqu'une série allie à la fois un grand respect du genre, des personnages attachants, un récit entraînant et un réel plaisir de lecture, il faut le saluer comme il se doit. C'est le cas avec la quête menée par la jeune Ewilan. (...) Malgré leur taille imposante, ces romans peuvent être lus par des plus jeunes et par les parents qui voudraient découvrir le genre. P.Bottero, disparu en 2009, était vraiment un magicien de l'écriture."
Tout est ainsi dit en peu de lignes car, si on aime l'imaginaire, la high fantasy n'a jamais remporté notre adhésion ; La quête d'Ewilan est à ce titre la seule exception en la matière. Même avec le recul, il est difficile d'expliquer exactement par quel talent d'auteur P.Bottero parvient ainsi à captiver le lecteur, si ce n'est un éventuel...pouvoir magique.
L'auteur nous sert en effet une intrigue où les grands codes du genre sont respectés et nous offre un monde parallèle fonctionnant comme un Empire, présentant un cadre médiéval avec ses castes bien à lui. Comme souvent dans les romans mettant en scène de jeunes héros, c'est bien sûr la transition vers l'âge adulte et le cheminement de l’adolescence qui sont évoqués en filigrane de l'histoire. Mais sur ces préceptes familiers, l'auteur développe des trésors d'imagination qui, au-delà des habituels monstres fantastiques et schémas maintes fois vus et revus par ses prédécesseurs, confèrent une réelle originalité à son récit. Plutôt que de se limiter à une banale magie pratiquée par de simples sorciers, il invente un pouvoir bien à lui qu'il baptise l'Art du Dessin, capacité qui donne à ses rares possesseurs (les Dessinateurs, évidemment) la possibilité de faire basculer dans la réalité tout ce qu'ils imaginent, par la seule force combinée de leur volonté et créativité. Tout l'univers développé par P. Bottero autour de ce don ajoute une marque de fabrique inédite, audacieuse et fichtrement bien pensée. Si les univers et codes imaginés par les auteurs de Tara Duncan ou Oksa Pollock nous renvoient instantanément à ce qui a été écrit dans telle ou telle saga antérieure, les idées de P.Bottero apportent une réelle fraîcheur et sonnent comme une évidence. Tout s'enchaîne, s’imbrique et se développe avec naturel.
En plus de cet atout majeur, les personnages sont eux aussi particulièrement bien conçus : de par une psychologie subtilement travaillée, ils dégagent ici un profond réalisme. Doit-on cette impression à la profession d'instituteur de l'auteur, et à sa bonne connaissance du jeune public? Les jeunes héros - mais aussi les protagonistes adultes - ont des personnalités fouillées, toutes en relief, et leurs sentiments nous renvoient à nos propres émotions avec une évidence touchante. Loin de tout manichéisme, chaque personnage a sa part d'ombre et ses aspérités, et le lecteur s'y retrouve forcément à un moment ou un autre. L'aspect stylistique, maintenant : bien qu'enseignant, la plume de l'auteur est loin d'être trop scolaire. Fluide et accessible, elle n'en est pas moins poétique. Pierre Bottero manie les mots et la syntaxe avec brio, sans chercher à se donner un genre, tout en faisant passer les émotions avec profondeur.
Voilà un roman, premier tome d'une trilogie (elle-même première trilogie d'un cycle en comportant plusieurs), qui a marqué notre adolescence, resté depuis l'un de nos favoris. Nous sortions alors tout juste de la lecture des Chroniques de Narnia, lorsque ce titre a retenu notre attention dans le catalogue France Loisirs. Alors sortie depuis deux ans aux éditions Rageot, la trilogie de La Quête d'Ewilan avait déjà fait sa place dans l'univers de la fantasy, et était reconnue par ses lecteurs autant que par les critiques comme une œuvre de grande qualité, bien au-delà de ce qu'on peut attendre d'un roman jeunesse classique. Pour notre part, nous avons découvert Ewilan, sa quête et son univers, au cours de délicieux instants de lecture à la nuit tombée, chaleureusement pelotonné pendant que la neige tombait dru au-dehors. L'immense plaisir de cette première lecture nous invite, par nostalgie, à y replonger régulièrement.
Ilustration de J-L.Thouard.
Mais assez de blabla inutile, parlons donc un peu de l'intrigue : Camille Duciel est une atypique jeune fille de 13 ans : adoptée alors qu'elle était toute petite par une famille très BCBG (mais surtout froide et peu démonstrative question sentiments), l'adolescente surdouée est une libre penseuse et une autodidacte, atteignant toute à la fois une autonomie, une réflexion, une imagination et une maturité rares pour son âge. Pour autant, elle n'en reste pas moins une jeune fille dynamique et spontanée qui aime avant tout passer du temps avec Salim, son ami de toujours, issu d'une famille camerounaise aux antipodes sociaux de la sienne. Alors qu'elle n'a aucun souvenir de ses parents biologiques, le destin rattrape rapidement Camille pour la mettre sur leur trace : manquant de se faire renverser par un camion, elle se trouve comme par magie propulsée dans un monde parallèle peuplé de créatures reptiliennes et autres arachnides gigantesques. Pouvant effectuer des allés et retours entre les deux mondes, elle se découvre parallèlement l'étrange don de rendre réel tout ce qu'elle imagine. Partageant ces deux secrets avec Salim, celui-ci est alors emporté avec elle dans l'aventure et l'accompagne lorsqu'elle bascule de nouveau dans l'Autre-Monde : l'Empire de Gwendalavir. Là-bas, on lui apprend que son pouvoirs s'appelle le Dessin, l'Art de se plonger dans l'Imagination - sorte de dimension de pensée invisible - pour rendre réel, palpable et concret tout ce que l'on désire. Mais Camille n'est pas au bout de ses surprises... Très vite, elle découvre sa véritable identité : elle s'appelle en réalité Ewilan, et se trouve être de la fille des deux plus grands Dessinateurs que l'Autre-Monde ait connu, mais qui ont mystérieusement disparu après avoir été trahis par d'autres Dessinateurs haut-placés. Désormais accompagnée d'un vieux sage, d'un mercenaire et d'un chevalier - sans oublier Salim - Ewilan part en quête de ses racines pour retrouver ses parents et renouer avec ce monde oublié qui est le sien. Mais dans l'ombre de l'Empire, des traitres sévissent encore, sans compter les danger que recèlent la faune et la flore pour le moins atypiques de ce monde parallèle.
Carte de Gwendalavir, par J-L.Thouard.
Après ce synopsis détaillé, revenons-en à un discours plus critique ; autant l'avouer d'emblée, il sera des plus élogieux. Vous avez certainement pu lire à de nombreuses reprises sur ce blog que plusieurs de nos lectures fantastiques ou fantasy jeunesse avaient, à nos yeux, souffert de la comparaison avec cet ouvrage. Il était donc temps de lui rendre enfin l'hommage qu'il se doit, et de montrer à quel point le chef-d’œuvre de P. Bottero -décédé bien trop vite d'un accident de la route - reste inégalé dans le genre. Laissons pour cela la parole aux professionnels, avec cette critique extraite de Je cherche un livre pour un enfant - Le guide des livres pour les 8-16 ans, de Tony Di Mascio: "Il existe une telle production de romans de fantasy que lorsqu'une série allie à la fois un grand respect du genre, des personnages attachants, un récit entraînant et un réel plaisir de lecture, il faut le saluer comme il se doit. C'est le cas avec la quête menée par la jeune Ewilan. (...) Malgré leur taille imposante, ces romans peuvent être lus par des plus jeunes et par les parents qui voudraient découvrir le genre. P.Bottero, disparu en 2009, était vraiment un magicien de l'écriture."
Tout est ainsi dit en peu de lignes car, si on aime l'imaginaire, la high fantasy n'a jamais remporté notre adhésion ; La quête d'Ewilan est à ce titre la seule exception en la matière. Même avec le recul, il est difficile d'expliquer exactement par quel talent d'auteur P.Bottero parvient ainsi à captiver le lecteur, si ce n'est un éventuel...pouvoir magique.
Couvertures des éditions françaises : l'originale de chez Rageot, et la réédition récente au Livre de Poche.
L'auteur nous sert en effet une intrigue où les grands codes du genre sont respectés et nous offre un monde parallèle fonctionnant comme un Empire, présentant un cadre médiéval avec ses castes bien à lui. Comme souvent dans les romans mettant en scène de jeunes héros, c'est bien sûr la transition vers l'âge adulte et le cheminement de l’adolescence qui sont évoqués en filigrane de l'histoire. Mais sur ces préceptes familiers, l'auteur développe des trésors d'imagination qui, au-delà des habituels monstres fantastiques et schémas maintes fois vus et revus par ses prédécesseurs, confèrent une réelle originalité à son récit. Plutôt que de se limiter à une banale magie pratiquée par de simples sorciers, il invente un pouvoir bien à lui qu'il baptise l'Art du Dessin, capacité qui donne à ses rares possesseurs (les Dessinateurs, évidemment) la possibilité de faire basculer dans la réalité tout ce qu'ils imaginent, par la seule force combinée de leur volonté et créativité. Tout l'univers développé par P. Bottero autour de ce don ajoute une marque de fabrique inédite, audacieuse et fichtrement bien pensée. Si les univers et codes imaginés par les auteurs de Tara Duncan ou Oksa Pollock nous renvoient instantanément à ce qui a été écrit dans telle ou telle saga antérieure, les idées de P.Bottero apportent une réelle fraîcheur et sonnent comme une évidence. Tout s'enchaîne, s’imbrique et se développe avec naturel.
Les superbes couvertures des éditions allemande, espagnole et italienne.
En plus de cet atout majeur, les personnages sont eux aussi particulièrement bien conçus : de par une psychologie subtilement travaillée, ils dégagent ici un profond réalisme. Doit-on cette impression à la profession d'instituteur de l'auteur, et à sa bonne connaissance du jeune public? Les jeunes héros - mais aussi les protagonistes adultes - ont des personnalités fouillées, toutes en relief, et leurs sentiments nous renvoient à nos propres émotions avec une évidence touchante. Loin de tout manichéisme, chaque personnage a sa part d'ombre et ses aspérités, et le lecteur s'y retrouve forcément à un moment ou un autre. L'aspect stylistique, maintenant : bien qu'enseignant, la plume de l'auteur est loin d'être trop scolaire. Fluide et accessible, elle n'en est pas moins poétique. Pierre Bottero manie les mots et la syntaxe avec brio, sans chercher à se donner un genre, tout en faisant passer les émotions avec profondeur.
Moins réussies mais attestant du succès rencontré à l'étranger tout de même : les couvertures des éditions portugaise et tchèque.
Pour aller plus loin...
- Toute fraîche, sortie cette hiver et bientôt chroniquée, à découvrir d'urgence : l'adaptation en BD:
On a le droit de dire que la couverture est simplement horrible?
RépondreSupprimerHeureusement que tu es passé outre! Moi j'avoue que j'aurais été rebutée par une illustration aussi vilaine.
Oui, on a le droit :-P Le plus étrange est effectivement qu'avec mon amour inconditionnel des belles couvertures, je me sois laissé convaincre. Ou alors j'étais moins tatillon quand j'avais 13 ans? Si je me souviens bien, j'étais même content d'avoir une édition si différente de celle qu'on trouvait dans les librairies ou bibliothèques. Étrange, vraiment ^_^
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