vendredi 17 mai 2024

Son espionne royale au service de Sa Majesté (Son espionne royale mène l'enquête #11) - Rhys Bowen.

On Her Majesty's frightfully secret service (Her Royal Spyness #11)
, Berkley, 2017 - Editions Robert Laffont, coll. "La Bête Noire" (trad. de B.Longre), 2023.

    En tant que prétendante au trône d’Angleterre, Georgie ne peut épouser un catholique. Suspendue à la décision du Parlement concernant son mariage, elle s’est réfugiée en Irlande. Pour tromper le temps, elle pense à son amie Belinda qui séjourne en Italie. Bientôt l’occasion de la rejoindre sur les rives du lac Majeur se présente à elle. La reine en personne demande alors à Georgie de profiter de son voyage pour jouer les espionnes. L’Histoire pourrait bien compromettre sa mission : une importante conférence réunissant les diplomates de Grande-Bretagne, de France et d’Italie vient de s’achever pour discuter de la menace nazie… 
 
Une nouvelle mission pour Georgie : enquêter sur la dernière conquête du Prince de Galles !
Entre Downton Abbey et Miss Marple, une série d’enquêtes royales so British !
 
***
 
    Il arrive un moment dans l'année où il faut retrouver Lady Georgiana de Rannoch. Il arrive un moment dans l'année où la pause intellectuelle s'impose, de même que l'heure du Cosy Mystery. Comme vous le savez (ou comme vous l'avez peut-être deviné), s'il y a bien une héroïne que notre cerveau écrasé par la charge mentale aime retrouver régulièrement, c'est elle (à égale mesure avec la tonitruante Agatha Raisin) ! Lorsque nous l'avons laissée l'année dernière, elle venait de résoudre une terrible affaire en Irlande, dans le vaste château de son futur beau-père. C'est cette fois sous un climat plus méditerranéen que nous la retrouvons puis que la plus aristocrate des espionnes se voit envoyée... en Italie !
 

"— Connaissez-vous les martinis ? s'enquit-elle.
Ce n'était pas ce à quoi je m'étais attendue.
— Je crois qu'on les confectionne avec du gin et du vermouth. Mais je bois rarement des cocktails.
La reine secoua la tête.
— Je veux parler de la famille Martini, pas de la boisson. Une vieille famille italienne."

    Après avoir coulé des jours heureux en Irlande, alors que Darcy s'est envolé pour on ne sait quelle destination mystère, Georgie est bien décidée à retrouver sa meilleure amie Belinda. Partie accoucher le plus secrètement possible en Italie, cette dernière convie la jeune lady à venir séjourner auprès d'elle, lui offrant le voyage aller et retour. Alors qu'elle transite brièvement par Londres avant de rejoindre le continent, Georgie se voit convoquée par la reine, qui la missionne d'espionner David, héritier de la couronne toujours en couple avec la perfide Wallis Simpson. L'inquiétude de Sa Majesté ? Que la maîtresse du prince ait divorcé de son troisième époux américain et qu'un mariage interdit soit en train de se préparer en douce. Par chance, Son Altesse Royale et Mrs Simpson vont justement séjourner quelques jours à Stresa, à deux pas de la maison où réside Belinda. L'affaire est donc conclue : Georgie sera invitée à la villa Fiori pour les surveiller de près et obtenir les informations demandées par la reine. Une fois sur place, sans aucune femme de chambre pour l'accompagner (so shocking !), la jeune femme rencontre les différents invités de la villa, dont plusieurs dignitaires allemands. Leur présence aurait-elle un lien avec la grande conférence qui se tient parallèlement à Stresa, visant à lutter contre la montée du nazisme ? Lorsque l'un d'entre eux est retrouvé mort un matin, Georgie est persuadée que ce n'est pas qu'un simple accident...


    Parmi les grand plaisirs de cette série (outre l'époque, l'héroïne et le monde de l'aristocratie britannique), l'un des plus enthousiasmants est le changement de décor régulier. Avec Georgie, nous avons déjà vogué sur la Riviera, assisté à un mariage dans les Carpates, et même pris des vacances à Hollywood. Autant dire qu'on était plutôt amusé de la suivre cette fois-ci jusque dans le Piémont, et plus précisément au bord du Lac Majeur. Une décision de l'autrice loin d'être anecdotique, puisque c'est un événement historique réel qui lui a soufflé l'idée : en 1935 s'est bien tenu, à Stresa, une importante conférence politique visant à contrer l'Allemagne nazie. On comprend très vite qu'au-delà de simplement espionner le couple formé par Wallis et le prince de Galles (une excuse comme une autre, par ailleurs déjà souvent utilisée comme moteur à l'action dans certains des précédents opus), Georgie sera confrontée ici à quelque crime d'ordre politique. Rhys Bowen avait déjà évoqué par le passé la figure d'Hitler, au détour de conversations entre ses personnages, restituant bien l'impression qu'il laissait alors aux Européens extérieurs à l'Allemagne : celle d'un petit bonhomme aussi affreux que ridicule, jugé inoffensif et assez peu crédible en dehors de ses propres frontières. Avec cet opus qui suit l'actualité et le contexte historique des années 30, l'autrice laisse planer quelque chose de l'évolution alors en marche.
 

"Quant à l'oncle Cosimo et à la redoutable vieille mère de Paolo, je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où ils dorment. Même chose pour le prêtre. Ils passent la nuit dans le clocher, suspendus par les orteils, je présume. Ces gens ne te font-ils pas froid dans le dos ?"

    Pour autant, en dépit de ce contexte et d'un meurtre plutôt sanglant, rien de trop sombre ni de trop complexe : on reste bien dans du Cosy Murder ! Bien que se permettant des références à la situation géopolitique des années 30 (on se rappelle que le prince de Galles et Wallis Simpson étaient connus pour être des sympathisants nazis, ce que le roman suggère à maintes occasions), l'intrigue se resserre peu à peu autour de la sphère domestique de la villa Fiori et aussi de ses secrets d'alcôve. Et pour cause, la victime, coureur de jupons notoire, était aussi un maître chanteur particulièrement coriace dès lors qu'il s'agissait de plumer de jeunes (ou moins jeunes) femmes déjà engagées. En la matière, il semblerait que la mère de Georgie, extravagante comédienne qu'on adore retrouver au détour de chaque tome, en ait fait les frais et soit en cela la coupable idéale...
 
Wallis Simpson, le prince de Galles et Hitler.
 
    Le tout se laisse lire avec plaisir, bien qu'il ne s'agisse pas du titre le plus palpitant - c'est le jeu des séries, avec le lot d'inégalités que cela suppose. On regrette notamment le caractère répétitif de certains éléments, qui en deviennent parfois un peu trop prévisibles, mais surtout le temps de mise en place de l'intrigue. On avait remarqué depuis le premier opus que chaque tome nécessitait toujours plusieurs chapitres pour planter le décor et les personnages, ce qu'on avait rapidement accepté comme un code propre à cette série et à l'univers de Rhys Bowen. Mais quand le crime survient bien après la moitié du livre, ne laissant plus qu'un tiers du roman pour résoudre l'affaire, cela semble quelque peu disproportionné (un reproche qu'on avait déjà formulé à l'encontre du tome 8). De plus, si le mobile n'est pas transparent au premier abord, les indices disséminés à l'attention du lecteur laissent très (trop?) rapidement deviner l'identité du coupable.
 

"Max et moi devrions nous rendre discrètement en Suisse. C'est un pays où tout est si ordonné, n'est-ce pas ? Si propre. Et si commode pour y faire fructifier son argent. L'on y meurt d'ennui, mais l'on y est en sécurité."

En bref : Sympathique comme l'est toujours un tome de Son espionne royale, ce onzième titre n'est cependant pas le meilleur de la série. On apprécie de voyager en Italie avec l'héroïne et l'intrigue façon whodunit au croisement du politique et du domestique, mais la construction reste quelque peu inégale et le fin limier qui se cache en chacun des lecteurs aura tôt fait de démasquer le coupable. 
 

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