jeudi 12 mars 2015

Le train des orphelins - Christina Baker Kline

Orphans Train, Harper Collins Publishers, 2013 - Editions France Loisirs, Editions Belfond (trad. de C.Lavaste), 2015.

  Vivian, fillette irlandaise dans l'Amérique des années 20 ; Molly, jeune métisse indienne d'aujourd'hui : deux enfants abandonnées, deux destins qui n'auraient jamais dû se croiser...

  Vivian, neuf ans, irlandaise, se retrouve brutalement orpheline à New York en 1929. Avec des milliers d'autres petits déshérités, elle est envoyée à bord d'un train dans l'Ouest des Etats-Unis. Là-bas, les enfants sont adoptés ou destinés à servir de main d'oeuvre gratuite dans les familles modestes. Commence pour Vivian un terrible voyage...
  De nos jours, Molly, 17 ans, doit faire des travaux d'intérêt général afin d'éviter la maison de correction. Sa mission : aider Vivian, 91 ans, à ranger son grenier. Peu à peu, le passé tumultueux de Vivian resurgit. Et si la vieille dame distinguée et la jeune fille rebelle avaient plus en commun qu'il n'y parait?

***

  A peine remis de la bouleversante lecture de La chambre d'Hannah, c'est tout par hasard que mon attention fut retenue par la très belle couverture (encore une superbe photo des ateliers David&Myrtille!) et que le résumé mélangeant encore une fois présent et réminiscences du passé achevait de me convaincre!

 Couvertures des éditions américaine, portugaise et turque.

  L'histoire nous fait découvrir Molly, jeune fille revêche doublement étrangère à ses pairs : d'une part parce que descendante d'une tribu indienne de Natives American, et aussi parce qu'abandonnée petite, elle est depuis lors prise en charge par les services sociaux. Baladée de foyers en familles d'accueil, celle que tout le monde s’attache à voir comme une simple "cas soc'" rebelle et pré-délinquante est en réalité une jeune fille sensible et d'une grande finesse d'esprit. Parce qu'elle rêvait d'avoir un exemplaire de Jane Eyre, son roman préféré, elle en vole une vieille édition dans une bibliothèque mais se fait prendre la main dans le sac. Son statut social fragile met alors sa liberté en péril et la voilà contrainte d'effectuer des travaux d'aide à domicile pour réparer son geste : 50 heures pour aider Vivian, presque centenaire, à ranger les cartons de son grenier. Mais au fil des boites ouvertes et des souvenirs dévoilés, Vivian ouvre son cœur et son passé à l'adolescente. Un passé d'orpheline, tout comme elle : âgée de 10 ans en 1929, alors qu'elle s'appelle encore Niamh, elle est embarquée à bord du Train des orphelins, qui envoie trouver de nouvelles familles aux enfants issus de la pauvreté en parcourant la campagne américaine...


 Couvertures des éditions serbe, anglaise, bulgare et brésilienne.

  Il y a bien longtemps que je n'avais pas lu un roman aussi émouvant et fort que celui-là! A travers ce récit, Christina Baker Kline, déjà bien connue outre-Atlantique, s'attache à accomplir un réel devoir de mémoire. En effet, son roman aborde par le biais de la fiction dramatique une page historique des Etats-Unis encore trop souvent censurée : l'Orphan Train movement. Fondé au XIXeme siècle, ce programme d'aide aux nécessiteux envoyait par wagons les enfants déshérités des grandes villes dans les campagnes américaines pour leur trouver de nouvelles familles, dispositif qui dérivait souvent en proxénétisme ou esclavage dissimulé. Basé sur des témoignages réels et des parcours véridiques, ce roman est le fruit d'un minutieux et passionné travail de recherche que l'auteure partage avec émotion en post-face. Alliant ces investigations à son talent de narratrice, C.Baker Kline parvient à nous faire passer du Maine contemporain à l'Ouest américain des années 30 avec un réalisme saisissant : de la crise de 1929 des grandes villes au décor rural des fermes du Minesotta, j'ai été happé par ce retour saisissant dans le temps.

 Annonces telles qu'affichées dans les gares ou publiées dans la presse, pour prévenir du passage du train des orphelins...

  Et que dire de la force des personnages? Tous les protagonistes croisés au cours du périple d'orpheline de Vivian, même ceux que l'ont croirait les plus insignifiants, occupent finalement une part capitale dans la vie de la fillette et sa construction de femme en devenir, en dépit des épreuves traversées. D'une plume forte, simple et juste, l'auteure vient faire résonner le passer de la vielle femme à celui de cette adolescente rebelle : derrière ces deux personnages que tout semble opposer se cachent en fait deux âmes semblables qui ont connu l'abandon et la solitude, et qui se reconnaissent l'une dans l'autre. Sans jamais tomber dans le sentimentalisme faux ou gratuit, Kristina Baker Kline aborde avec brio le cheminement psychologique de ces héroïnes.
  Je crois n'avoir pas été touché de la sorte depuis Le langage secret des fleurs, qui aborde nombre de thèmes similaires et auquel j'ai beaucoup pensé en lisant ce roman. L'atmosphère en est très proche, de même que la personnalité de Molly, adolescente déchirée mais tenace, n'est pas sans évoquer la Victoria du roman de V.Diffenbaugh.

 Une photo d'un train des orphelins du début du XXeme siècle.

En bref : Mêlant une page capitale mais méconnue de l'Histoire des Etats-Unis à une plume fluide et captivante, ce roman aborde l'abandon et la reconstruction avec émotion et réalisme, à travers deux parcours de femmes qui résonnent l'un à l'autre. Juste lumineux.

Et pour aller plus loin...


A découvrir sur le même thème :


-La bd Le train des orphelins de X.Fourquemain.

-Le cycle pour la jeunesse Le train des orphelins, en deux tomes, de J.L.Nixon.

Dans un genre similaire:
Le langage secret des fleurs, de V.Diffenbaugh.

6 commentaires:

  1. Ficelle for Ever16 mars 2015 à 08:33

    Ca a l'air intéressant. Sort tragique que celui de ces enfants, orphelins ou enfants importés de Grande-Bretagne pour pallier le manque de main-d'oeuvre dans les états de l'Ouest des Etats-Unis et du Canada, puis en Australie et en Nouvelle-Zélande. Livrés à un sort incertain, pour quelques-uns qui ont été adoptés comme des enfants de la famille, combien ont été réduits à l'esclavage et aux abus sexuels? Une situation révoltante qui a perduré très tard au XXème siècle.

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    1. Je n'avais jamais entendu parler de ce fait historique avant de lire le roman, et vraiment, ça m"a incité à faire de nombreuses recherches dans la foulée! Ce livre, en plus d'être très bien écrit, est en même temps un très bel hommage à tous ces orphelins et on sent une auteure vraiment engagée dans son devoir de mémoire.

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  2. Je l'avais repéré ce roman et je suis bien contente de lire ton avis. Il sera bientôt dans ma PAL, c'est certain. Je note ! :)

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    1. J'imagine que tu l'avais vu aussi dans le catalogue France Loisirs? hihi... on flash souvent sur les mêmes, tu as remarqué? =D Je suis persuadé que tu adorerais, en tout cas!

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  3. Oh mais il a l'air super ! Je ne l'ai jamais vu, tiens ! Je le note !

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  4. Très tentant, ton billet. Cette histoire a tout pour me plaire. C'est noté et surligné!

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