mardi 15 décembre 2015

La Mer en Hiver - Susanna Kearsley

The Winter Sea (Slains #1), Allison & Busby, 2008 - Editions Charleston (trad. de M-A de la Rochefoucault), 2015.

  Printemps 1708, une flotte jacobite de soldats français et écossais échoue à faire revenir James Stewart, le roi exilé, sur ses terres d'Écosse afin de réclamer sa couronne.

  De nos jours, Carrie McClelland s'inspire de cet épisode historique dans son nouveau roman. Installée aux abords du château de Slains, au coeur d'un paysage écossais désolé et magnifique, elle crée une héroïne portant le nom d'une de ses ancêtres, Sophia, et commence à écrire.
  Mais elle se rend compte que ses mots acquièrent une vie propre et que les lignes entre fiction et faits historiques se brouillent de plus en plus. Tandis que les souvenirs de Sophia attirent Carrie encore plus au coeur de l'intrigue de 1708, elle découvre une histoire d'amour fascinante, oubliée avec le temps. Après trois cents ans, le secret de Sophia doit être révélé…
Une histoire d'amour puissante et ensorcelante, entre passé et présent !

DANS LA LIGNÉE DE DAPHNE DU MAURIER ET DIANA GABALDON

« Un tour de force du point de vue créatif… Brillant ! »
New York Journal of Books

***

Les ruines du véritable château de Slains, qui sert de décor au roman.

  J'ai flashé sur la couverture VO de ce livre il y a de cela au moins cinq ans, attendant depuis lors qu'il sorte enfin en France. Quelle ne fut donc pas ma joie d'apprendre l'été dernier que la traduction pour l'hexagone était imminente! Après une première édition francophone au Québec sous le titre "Comme la Mer en hiver", The Winter Sea est finalement paru en Octobre dernier chez Charleston. Cet éditeur relativement nouveau issu des éditions Leduc m'a un peu refroidi au départ, je dois bien l'admettre : le public visé est purement féminin et leur fil rouge s'inscrit dans le genre romance classique (lorgnant parfois vers l'historique) façon intrigue Austenienne ou évoquant un univers à la Downton Abbey. Pour autant, je décidai de ne pas me prononcer trop vite puisque entre autres inédits de Pamela L. Travers ( auteure de Mary Popins), Charleston a également publié Le goût des souvenirs, suite de l'excellent L'école des saveurs de R.Bauermeister. Une recherche approfondie a fini d'étouffer mes craintes : leur équipe éditoriale vise avant tout une qualité des textes et la préfère à la quantité, raison pour laquelle pas plus de 12 romans minutieusement choisis ne sortent par an.

 La très belle couverture de l'édition originale, la couverture de l'édition québécoise, et la couverture temporaire initiale de l'édition française.

  C'est donc rassuré que je me lançais sans honte aucune dans ce roman catégorisé "féminin" (en même temps, j'ai déjà relevé le pari de lire des romans de chez Milady il y a quelques années, alors...). Eh bien ma foi, quelle lecture! Je ne m'attendais pas du tout à cela, ou plutôt, disons que je l'espérais sans vraiment y croire. Plus qu'une simple romance, l'auteure nous sert là une fresque historique flamboyante et minutieusement fouillée, dont la seule extravagance est de passer par une fiction au léger relent de fantastique pour se frayer un chemin plus agréable jusqu'à nos bibliothèques. L'histoire commence avec Carrie, une jeune romancière qui part chercher l'inspiration de son futur roman sur la révolte jacobite en Ecosse. Une fois arrivée au château de Slains, près d'Aberdeen, elle se laisse complètement happer par la magie du lieu et se soumet à une obsédante histoire qui semble se raconter toute seule dans sa tête. Croyant créer pour les besoins de son intrigue le personnage de Sophia Patterson, qu'elle imagine vaguement d'après une ancêtre, elle découvre progressivement et après coups que tout son récit s'avère réel. Fouillant les archives et manuels d'Histoire, elle doit se confronter à une étrange réalité : le récit qu'elle croit inventer apparait comme la mémoire héritée de son ancêtre, dont le secret jusque là silencieux doit être révélé.


"A présent, pensais-je, le moment était venu pour l'Art de faire écho à la vie."

  A travers une alternance passé / présent addictive et le phénomène de psychogénéalogie légèrement fantastique, l'auteure raconte une phase passionnante de l'Histoire écossaise : la révolte des partisans du roi Jacques d'Ecosse (alors réfugié en France) contre la monarchie de sa soeur cadette Anne alors sur le trône d'Angleterre. Cette invasion franco-écossaise, très méconnue de ce côté-ci de la Manche, est pourtant une page majeure de l'Histoire de l'Europe et de ses conflits religieux. Plus qu'une source d'inspiration vaguement érudite pour rendre sa romance digne d'intérêt, Susanna Kearsley a vraiment travaillé son sujet et détaille ses recherches dans une post-face réellement passionnante quant aux éléments véridiques et à ses recherches. Entre les lieux réels (dont le château de Slains) et les figures historiques qui y ont vécu (de la comtesse d'Erolle en passant par l'espion jacobite John Moray, ou encore le capitaine de marine Hook), l'auteure nous raconte là une histoire qui surpasse largement la bluette en costume d'époque qu'elle laissait craindre.

" Certains aspects de notre nature, de notre tempérament, proviennent littéralement de nos gènes. Et la mémoire n'est pas plus immatérielle que le tempérament."

Le roi Jacques d'Ecosse (à gauche).
 Des documents sources de l'auteure : les récits de voyage du Capitaine Hooke et une lettre manuscrite de J.Moray (à droite).

  Ce roman dense mais jamais ennuyeux a qui plus est le mérite de mettre en scène des personnages attachants, qu'il s'agisse de ceux du présent ou du passé (alors qu'on trouve généralement une préférence pour l'une ou l'autre époque dans ce type d'intrigue). Elle les fait évoluer dans les décors enneigés d'une Ecosse sauvage et enchanteresse aux portes de l'hiver, un contexte propice aux réminiscences ancestrales et qu'on ne cesse d'imaginer au fil de ses descriptions...

"Etre bien né n'avais jamais protégé personne de la pendaison - cela ne rendait la chute que plus douloureuse."


Le pub St Olaf et les rues de Cruden Bay, cadres véridiques du roman.

 Je ne regrette donc pas cette lecture qui, par bien des côtés, m'a rappelé l'excellent L'écho de ton souvenir, de P.Hartshorne (dans lequel une jeune femme hérite des souvenirs d'une ancêtre de l'époque élisabéthaine, à cheval entre le York d'aujourd'hui et celui de l'ère médiévale), mais sans le suspense qui avait donné tout son piment à ce roman. Cela étant, alors qu'on se rapproche de la fin de La mer en Hiver et que l'ont croit arriver lentement à un dénouement très convenu, l'auteure sort de sa botte un ultime rebondissement, certes romanesque après toute la véracité historique employée, mais qui conclut merveilleusement bien ce roman

"Certains hommes choisissent eux-mêmes la voie du danger."


En bref : Loin de la romance trop facile qui survole un événement historique pour se donner un quelconque intérêt, La mer en hiver est une fresque historique méticuleuse et dense qui utilise merveilleusement bien les ressorts de la fiction pour combler autant le passionné d'Histoire que l'amoureux de roman. Un livre très bien écrit qui instruit son lecteur sans qu'il s'en rende compte, l'immergeant dans une Ecosse sauvage plongée dans un hiver propre au romanesque. Ne manque à cette histoire qu'une pointe de suspense qui lui aurait fait gagner en intensité...


 Et pour aller plus loin...


-Le site de Susanna Kearsley ICI.

- Pour poursuivre dans une veine similaire, je vous propose de découvrir :

  -L'écho de ton souvenir, ICI , dans lequel une jeune femme d'aujourd'hui est assaillie par les souvenirs d'une ancêtre ayant vécu un drame dans le York de l'ère élisabéthaine. On y retrouve le même souffle historique et un travail de recherche similaire, le suspense en plus.
 

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