Tout récemment, nous avons partagé avec vous notre lecture de La jeune fille à la perle, le très célèbre roman de Tracy Chevalier. Dans ce livre devenu un classique de la littérature contemporaine, elle imagine le personnage de Griet, jeune fille embauchée comme servante dans la maison du célèbre peintre Vermeer. L'intrigue, entre Histoire et éléments de fiction, raconte un enchaînement d'événements qui conduiront la domestique à poser pour l'un des plus beaux tableaux de l'artiste : La jeune fille à la perle.
Parce qu'elle nous entraine dans un univers très visuel, Tracy Chevalier n'est pas avare de détails dans son écriture : les couleurs, les formes, le mobilier, les vêtements... tout y est retranscrit avec la minutie d'une peinture. Y compris certaines précisions sur la nourriture : si les scènes culinaires n'évoquent pas de plats en particulier, on en apprend assez pour cerner les habitudes alimentaires de l'époque. Qu'on traverse le marché à la viande avec Griet ou qu'on serve du vin à table, on parvient à saisir un peu de l'atmosphère gastronomique du Siècle d'Or hollandais. L'un des passages s'attardant le plus sur les victuailles de la maison des Vermeer est celui du banquet donné en l'honneur du dernier né du peintre, occasion à laquelle on sert caviar et boissons à profusion.
"On livra de grandes meules de gouda et d'édam, des artichauts, des oranges, des citrons, du raisin, des prunes, des amandes et des noisettes. Une riche cousine de Maria Thins envoya même un ananas. Je n'en avais jamais vu, mais son aspect rugueux, piquant ne me disait rien qui vaille. De toute façon, je n'y aurais pas eu droit. Pas plus qu'aux autres victuailles, d'ailleurs, à part une petite bouchée par-ci par-là, selon l'humeur de Tanneke. Elle me laissa goûter au caviar, bien que ce fût un luxe, j'avoue que je l'appréciai moins que je voulus l'admettre. Je bus quelques gorgées de vin doux merveilleusement épicé à la cannelle."
T.Chevalier, La jeune fille à la perle (Girl with a pearl earring), Quai Voltaire / La Table Ronde, 2000.
Du vin doux épicé à la cannelle ? Bon sang mais bien sûr, ça ne peut être que de l'hypocras ! L'hypocras, quésaco? Pour le comprendre, il faut remonter à l'Europe médiévale, où le vin est la boisson quotidienne. En effet, l'eau n'y est pas très prisée en raison des risques de contamination, risques moindre avec le vin grâce au processus de vinification. Mais reconnaissons-le : à cette époque, le vin est de piètre qualité. Faiblement alcoolisé (les alcools forts sont réservés à la médecine), nécessitant qu'on y ajoute du sucre et des plantes aromatiques pour le rendre buvable, le vin bénéficie dès le XIème siècle du commerce des épices, rapportées des croisades.
Ces épices, rares et coûteuses, entrent alors dans les habitudes culinaires des maisons les plus aisées et les ajouter au vin devient une véritable mode, dont s'emparent les seigneurs les plus fortunés pour impressionner leurs convives. Le temps aidant, les épices sont ainsi moins utilisées pour masquer le goût du vin qu'en tant que signe extérieur de richesse ; petit à petit, le lien avec la médecine devient aussi plus ténu. En effet, les vertus curatives de ces épices, découvertes dans la continuité de leur apparition en Europe, font qu'on recommande ces vins épicés pour leur pouvoir soignant ou bienfaisante. L'existence de vins parfumés aux épices est attestée dans l'antiquité, si bien que le terme hypocras a longtemps été attribué au médecin grec Hippocrate. Si la boisson a effectivement été baptisée en référence au célèbre savant, le nom n'a été inventé qu'au XIVème siècle. L'hypocras, dont la consommation active perdure enl'Europe jusqu'au XVIIème siècle, disparait progressivement des habitudes alimentaires avant de faire son retour de nos jours dans les grands commerces et chez les petits producteurs.
Une question subsiste : quelle est la composition exacte de l'hypocras ? Fait est qu'il existe des centaines de versions de cette recette, selon les épices disponibles ou les goûts de chacun. Celle que nous vous proposons ci-dessous, simplement composée de cannelle (afin d'être le plus proche possible de celle évoquée dans le roman) est tirée d'un ouvrage original d'apothicaire, ce qui explique qu'on connaisse ici les proportions exacte, ce qui est rarement le cas avec les recettes médiévales.
Ingrédients :
- 1 Litre de vin rouge léger
- 250 g de sucre ou de miel
- 30 g de cannelle moulue
- 2 c-à-s d'eau de rose
A vos tabliers!
- Verser la cannelle moulue dans un petit sachet (style filtre à thé à usage unique).
- Faire tiédir le vin à feu doux, y ajouter le sucre/miel et l'eau de rose et poursuivre la cuisson quelques minutes. Retirer du feu.
- Y faire tremper le sachet de cannelle et le laisser infuser toute la nuit.
- Le lendemain, retirer le sachet et filtrer le vin. Le verser dans un bouteille et le consommer dans les jours qui suivent, ou le verser dans une carafe pour une consommation immédiate.
La jeune fille au verre de vin, Vermeer.
Ces épices, rares et coûteuses, entrent alors dans les habitudes culinaires des maisons les plus aisées et les ajouter au vin devient une véritable mode, dont s'emparent les seigneurs les plus fortunés pour impressionner leurs convives. Le temps aidant, les épices sont ainsi moins utilisées pour masquer le goût du vin qu'en tant que signe extérieur de richesse ; petit à petit, le lien avec la médecine devient aussi plus ténu. En effet, les vertus curatives de ces épices, découvertes dans la continuité de leur apparition en Europe, font qu'on recommande ces vins épicés pour leur pouvoir soignant ou bienfaisante. L'existence de vins parfumés aux épices est attestée dans l'antiquité, si bien que le terme hypocras a longtemps été attribué au médecin grec Hippocrate. Si la boisson a effectivement été baptisée en référence au célèbre savant, le nom n'a été inventé qu'au XIVème siècle. L'hypocras, dont la consommation active perdure enl'Europe jusqu'au XVIIème siècle, disparait progressivement des habitudes alimentaires avant de faire son retour de nos jours dans les grands commerces et chez les petits producteurs.
Une question subsiste : quelle est la composition exacte de l'hypocras ? Fait est qu'il existe des centaines de versions de cette recette, selon les épices disponibles ou les goûts de chacun. Celle que nous vous proposons ci-dessous, simplement composée de cannelle (afin d'être le plus proche possible de celle évoquée dans le roman) est tirée d'un ouvrage original d'apothicaire, ce qui explique qu'on connaisse ici les proportions exacte, ce qui est rarement le cas avec les recettes médiévales.
Ingrédients :
- 1 Litre de vin rouge léger
- 250 g de sucre ou de miel
- 30 g de cannelle moulue
- 2 c-à-s d'eau de rose
A vos tabliers!
- Verser la cannelle moulue dans un petit sachet (style filtre à thé à usage unique).
- Faire tiédir le vin à feu doux, y ajouter le sucre/miel et l'eau de rose et poursuivre la cuisson quelques minutes. Retirer du feu.
- Y faire tremper le sachet de cannelle et le laisser infuser toute la nuit.
- Le lendemain, retirer le sachet et filtrer le vin. Le verser dans un bouteille et le consommer dans les jours qui suivent, ou le verser dans une carafe pour une consommation immédiate.
A la votre!
Grand merci à J.M. Frémont, G. Marot et à La Tour des Villains pour leur accueil et le décor mis à disposition.
j'ai préparé un hypocras l'année dernière pour l'offrir, ma version était très épicée j'y avait mis de la cannelle bien sûr mais aussi du gingembre, de la cardamone, de la muscade... Je testerais cette version à la cannelle avec plaisir. Je me demande combien de temps les bouteilles peuvent se garder. Comme c'est assez particulier, j'arriverais jamais à boire une bouteille en quelques jours. Comme il y a du sucre et des épices je me disais que cela devait pouvoir se conserver longtemps
RépondreSupprimerJ'aurais moi aussi tendance à penser que cela peut se conserver, mais je n'ose pas prendre de risque. Je me dis aussi qu'il n'y a pas autant de sucre que dans une confiture ou un sirop (d'autant que la cuisson n'est pas aussi longue), ce qui explique peut-être que la consommation doit être rapide. Je pense que le mélange risque de cristalliser si on le conserve trop longtemps.
SupprimerJ'ai connaissance de recette comme celle que tu as faite, avec beaucoup d'épices. Tu me donnes fortement envie d'essayer...
Oh encore un billet alléchant et stylé ! j'adore ;-) Très instructif, en plus ! Et je me doutais que Bidib apprécierait cet article épicé ! ^_^
RépondreSupprimerMerci Fondant! J'ai eu la chance de bénéficier d'un décor de choix! Des amis comédiens m'ont laissé occuper leurs locaux pour mes photos et même si on ne s'en rend pas forcément compte, ça a beaucoup apporté à la mise en scène !
SupprimerJ'ai beaucoup aimé ce roman... Même si je bois peu de vin, je testerai cette recette !
RépondreSupprimerJe ne suis pas un grand amoureux du vin rouge, mais à l'occasion des fêtes de Noël par exemple, ça passe plutôt bien !
Supprimer