Mixez Agatha Christie, Downton Abbey et Un jour sans fin… voilà le roman le plus divertissant de l’année. Lauréat du prestigieux Costa Award, le premier roman de Stuart Turton
est à la fois un formidable jeu de l'esprit et un régal de lecture.
Ce soir à 11 heures, Evelyn Hardcastle va être assassinée. Qui, dans cette luxueuse demeure anglaise, a intérêt à la tuer ? Aiden Bishop a quelques heures pour trouver l’identité de l’assassin et empêcher le meurtre. Tant qu’il n’est pas parvenu à ses fins, il est condamné à revivre sans cesse la même journée. Celle de la mort d’Evelyn Hardcastle.
Prêt pour un plaisir de lecture comme vous n’en avez pas connu depuis longtemps ? Plongez dans ce labyrinthe des délices. Chaque personnage, chaque recoin obscur de la maison cache un mystère. Chaque page ou presque offre un rebondissement inattendu.
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"Voici le livre le plus divertissant de l'année", nous vante la quatrième de couverture de ce roman récemment paru en poche après une sortie remarquée chez Sonatine l'année dernière. Un résumé intriguant, une illustrations de couverture sublime et des références croisées qui ne peuvent que susciter la curiosité (Agatha Christine, Downton Abbey, et... Un jour sans fin!). Mais qu'est-ce donc que ce roman?
"Éviter les actes déplaisants ne rend pas un homme bon."
L'histoire commence dans une forêt brumeuse au petit matin ; le narrateur, totalement amnésique, s'éveille avec un bras en sang et sur la langue le nom d'une inconnue : Anna. Il ne sait pas pourquoi, il ne sait pas comment, mais il est persuadé que cette femme est en danger et qu'il doit la sauver. Dans l'océan d'inconnu qu'est devenue sa vie depuis qu'il a ouvert les yeux à l'aube, Anna devient sa seule motivation. Moyennant quelques mésaventures étranges, le narrateur finit par découvrir, après plusieurs heures de marche, un gigantesque manoir décrépit : Blackheath House. A l'intérieur, tout le monde semble le connaître : il est le Dr Sebastian Bell et fait partie des amis des propriétaires, tous réunis pour un grand bal costumé qui aura lieu le soir même. Alors qu'il tente vainement de recouvrer la mémoire et de retrouver Anna, le Dr Bell vit une bien étrange journée : les événements bizarres se multiplient, dont l'apparition d'un inconnu vêtu et masqué à la façon d'un médecin de peste de la Renaissance. L'individu semble connaître le Dr Bell et le missionne de découvrir qui tuera, à la fin du bal, l'héritière des Hardcastle! Mi-effrayé, mi-perturbé par les propos de l'inconnu, le Dr Bell préfère rechercher Anna... pour trouver sur sa route un tueur fou et sanguinaire surnommé "le valet de pied", sobriquet dont la seule évocation vient réveiller dans ses souvenirs endormis une peur panique, jusqu'à l'évanouissement. Lorsqu'il se réveille le lendemain matin, ce n'est pas vraiment le lendemain, mais la même journée qui débute à nouveau. Le narrateur, d'ailleurs, n'est plus le Dr Bell : il est devenu un autre des invités de la maisonnée. La vérité de toute cette folie? Le narrateur, quelque soit son nom (il ne s'en souvient pas davantage le lendemain, ni le surlendemain), est condamné à revivre inlasablement la fatidique journée qui coûtera la vie à la jeune Evelyn Hardcastle, mais à chaque fois dans la peau d'un protagoniste différent. Il dispose ainsi de huit jours et de huit identités pour tenter de percer à jour le mystère et découvrir l'assassin de la belle héritière. S'il échoue, ses souvenirs lui seront de nouveau enlevés et la partie redémarrera à zéro. La partie? Oui, car tout cela a bien l'air d'un jeu macabre, dont le médecin de peste semble être le maître ; jeu par ailleurs semé d'embûches puisqu'en plus du mystérieux "valet de pied" lancé à ses trousses, le narrateur devra également composer avec le meurtrier d'Evelyn Hardcastle mais aussi d'autres "participants" qui, comme lui, empruntent les oripeaux des convives de Blackheath pour démasquer les premiers l'assassin dans cette folle course contre le temps...
Les mots susceptibles de définir cette pépites n'existent pas encore : parce que Les sept morts d'Evelyn Harcastle a probablement plusieurs années d'avance sur la littérature actuelle, les terme les plus appropriés pour en vanter l'audacieuse qualité n'ont certainement pas encore été inventés. Si l'on devait se contenter d'un seul mot, ce serait peut-être "Wouah!", qui résume à merveille l'effet de ce livre sur le lecteur.
Jamais totalement roman de fantasy ou de science-fiction, Les sept morts d'Evelyn Hardcastle va pourtant y puiser les éléments qui, dans la forme du livre, donnent à l'intrigue policière de Stuart Turton tout son génie. Car indubitablement, malgré la notion de boucle temporelle qui rythme les 500 pages addictives de ce roman, il reste bel et bien un polar dans son essence. Plutôt que de recouper les éléments de plusieurs protagonistes afin de résoudre un meurtre qui a déjà eu lieu, l'auteur met en scène un personnage principal qui va jouer successivement le rôle de tous ces protagonistes dans le but résoudre un assassinat qui n'est pas encore survenu. Chaque nouvelle journée tient alors autant de la pièce de puzzle que de la poupée russe : les divers éléments s'imbriquent les uns dans les autres et les uns aux autres pour, progressivement, révéler quelque chose de diabolique...
"Rien de tel qu’un masque pour révéler la vraie nature d’une personne."
Stuart Turton, dont c'est ici le premier roman, fait preuve d'une audace nourrie de nombreuses inspirations, entre classique et modernité : impossible, dans ce jeu de rôle doublé d'un whodunit vintage et classieux, de ne pas songer au cluedo (le plan illustré du manoir en début d'ouvrage évoque d'ailleurs furieusement le plateau du célèbre jeu) auquel se mêleraient les règles d'un escape game aux allures de Battle Royale, le tout arrosé de thé bien noir. Le résultat, mené de main de maitre, a quelque chose d'une pièce de théâtre baroque où des mécaniques célestes sont constamment à l’œuvre : chacun, à Blackheath, a son rôle à jouer. Mais comment faire preuve d'improvisation quand le déroulement de la partie vient sans cesse vous rappeler que vous n'êtes qu'une marionnette? Quelle part de libre arbitre lorsque la fin est déjà écrite?
"Peut-être est-ce le costume, mais ce geste semble quelque peu théâtral,
presque répété. J’ai soudain le sentiment de faire partie d’une pièce
dans laquelle tout le monde connaît ses répliques sauf moi."
"Tout homme est dans une cage qu'il a lui même fabriquée."
L'auteur ne choisit jamais la facilité, complexifiant les règles du jeu sans cesse, nous perdant avec le personnage principal et ses personnalités multiples dans les corridors sinueux de Blackheath. Chaque nouveau rôle endossé confronte le narrateur à la personnalité de son "hôte", laquelle l'influence dès lors fortement, risquant parfois de le corrompre totalement. Au fil des boucles qui se répètent, dans la quête de vérité autant que dans le cheminement initiatique du personnage principal (Que fait-il ici? Qui est-il vraiment?), la nature même du héros risque de se diluer tandis que l'auteur distille quelque chose d'unique, d'indescriptible, qui nous tient en haleine jusqu'au dénouement.
"La colère est solide, elle a du poids. On peut la frapper du poing.
Alors que la pitié est un brouillard dans lequel on finit par se perdre."
En bref : Page-turner de génie, Les sept morts d'Evelyn Hardcastle et une véritable pépite, audacieuse et brillante. Tour de force littéraire qui mêle les genres et les codes sans jamais en pâtir (bien au contraire), ce roman est un polar diabolique à la construction labyrinthique et à la galerie de personnages fascinants. Cette lecture sans précédent est un véritable coup de cœur.
Une seule phrase : il me le faut !! :-) Déjà repéré mais ton billet me confirme qu'il doit être génial. Passe un agréable week-end, Pedro !
RépondreSupprimerC'est une de mes meilleures lectures depuis un moment ! Il y a longtemps que je ne mettais pas tout en pause pour lire, que je ne me dépêchait pas de rentrer pour lire, que je n'avais pas lu en mangeant... bref, tu vois quoi ;-) je te le recommande vivement !
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