Marion adore inventer des histoires. Alors quand le prof qui dirige
l'atelier d'écriture invite ses participants à dépeindre leur vie, elle
se lance avec enthousiasme dans son autobiographie. Seulement la réalité
est un peu fade et il faut bien en rajouter un peu ! Son nouveau
quotidien tient en haleine ses lecteurs : elle fait de sa mère une
marâtre qui veut se débarrasser d'elle et s'approprie les différentes
mésaventures de ses copines. Des portraits peu flatteurs de son
entourage, mais qu'importe, personne d'autres ne la lira, n'est-ce pas ?
***
Et de 3 ! Après deux opus des Journaux (pas si intimes) de Marion, Faustina Fiore revient cette année avec une nouvelle aventure de Marion Mirabelle, la peste qu'on adore détester. Dotée d'une imagination débordante qui n'a d'égales que sa mauvaise foi et sa capacité à se créer des problèmes, la jeune Marion est déjà célèbre pour un double journal intime et une correspondance l'ayant successivement contrainte à menée des doubles vies pleines de péripéties... et de leçons de vie ! Ce nouveau tome n'allait bien évidemment pas faire exception à la règle...
Marion a enfin décidé de mettre son imagination à contribution : elle rejoint un atelier d'écriture où elle va pouvoir raconter les histoires les plus abracadabrantes sans engendrer les problèmes dont elle est devenue coutumière. Enfin, presque, car ce serait mal la connaître. Alors que tout dans sa vie personnelle semble prendre une mauvaise tournure (sa mère et son beau-père attendent un enfant qu'elle nomme déjà l'Intrus et son père vient de rencontrer une nouvelle compagne), la préadolescente au caractère bien trempé, à la langue bien pendue et à la plume désormais affutée décide de sublimer son quotidien à travers l'écriture. Quitte à en rajouter un peu pour répondre aux consignes données en atelier. Qu'il s'agisse d'imaginer une courte pièce à la façon du théâtre classique, un poème ou un récit d'aventure, Marion transforme son quotidien en histoire romanesque où elle réinvente sa vie : ses parents y sont indignes et elle devient une malheureuse victime, rejetée et incomprise. Alors que ses camarades d'atelier d'écriture, tous pris de compassion pour la pauvre Marion, attendent avec impatience l'issue du terrible mélodrame qu'elle prétend vivre, l'apprentie autrice s'enfonce chaque jour un peu plus dans ses mensonges...
Initialement conçu comme un one-shot, Les journaux (pas si intimes) de Marion avait finalement donné lieu à une première suite, excellente en dépit du défi particulièrement ardu à relever : ce n'était pas tout de raconter une nouvelle histoire de Marion, encore fallait-il parvenir à utiliser les mêmes ressorts (la thématique de la double-vie et des mensonges) sans tomber dans la redite. Avec sa correspondance affabulatoire, Faustina Fiore avait réussi à faire de son deuxième tome une véritable pépite. Mais se renouveler pour un troisième titre, sur le papier, ça commençait à devenir de plus en plus compliqué. A l'évidence, impossible ne rime pas avec Marion Mirabelle.
La thématique de l'atelier d'écriture semble en effet toute trouvée : une activité où l'imagination débridée et fantaisiste de Marion va pouvoir s'exprimer sainement – mais où la question de la double-vie peut de nouveau s'inviter dès lors que la jeune fille se raconte comme l'héroïne de ses propres histoires, versions grossies, exagérées et mélodramatisées de sa propre vie. Tout en suivant la forme imposée par les différentes consignes données en atelier d'écriture, Marion livre d'un texte à l'autre un récit en plusieurs parties, mais qui emprunte donc tantôt à des genres spécifiques (théâtre, poésie...), tantôt à des registres particuliers (policier, science-fiction, thriller...). Le tout a un petit côté "exercice de style" savoureux qui fait de chaque production de Marion un pastiche hilarant. A travers la plume de son héroïne, Faustina Fiore s'amuse à l'évidence follement à en faire des caisses.
Au visuel, on retrouve les dessins de Sess, qui avait déjà prêté son coup de crayon aux deux précédents tomes : une patte cartoonesque qui joue avec la mise en page pour coller à l'histoire. Les désormais traditionnelles pages lignées sur fond rose servent ici d'écrin aux textes de Marion et les onglets colorés pour figurer les textos et les mails sont de retour. Taches d'encre, gribouillis et autres graffitis parsèment toujours les pages du livre, dans ce style pop qui a fait le succès des deux premiers opus.
En bref : Un troisième opus qui parvient à jouer avec les mêmes codes que les deux premiers tomes sans faire dans la redite ! La thématique de l'atelier d'écriture permet à l'autrice et à son personnage de verser dans l'exercice de style, le pastiche n'étant jamais loin. Le résultat, drôle et savoureux, se veut aussi une belle déclaration d'amour à la fiction.

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